Les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne aurait dû, lundi 31 janvier à Bruxelles, arrêter des « propositions concrètes » pour protéger les libertés religieuses dans le monde. Le sujet est délicat en Europe. Personne n’en doute mais cela ne justifie pas l’insignifiance d’un report. Si la notion de liberté religieuse fait partie depuis longtemps de la diplomatie américaine, c’est moins vrai pour l’Europe. Mais on aurait pu espérer que le contexte avait changé, notamment avec la situation préoccupante des minorités chrétiennes en Orient. Après les attentats meurtriers d’Irak et d’Égypte, en fin d’année, la ministre française des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, avec ses homologues italien, polonais et hongrois, avait demandé dans une lettre des « propositions concrètes » pour mieux protéger les libertés religieuses dans le monde.
« Notre vive préoccupation ne se limite pas au sort des seuls chrétiens d’Orient, précisait la lettre des quatre ministres. Nous avons à l’esprit nos responsabilités pour protéger toutes les victimes de menaces ou de persécutions en raison de leurs appartenances confessionnelles. » En effet, les musulmans eux-mêmes sont victimes de cette violence, notamment du fait des tensions entre chiites et sunnites, comme en Irak.
Le sujet avait été inscrit à l’agenda de la réunion du 31 janvier de tous les chefs de la diplomatie de l’UE, et il revenait naturellement à la haute représentante aux affaires extérieures de l’UE, Catherine Ashton, de faire des propositions, avec le souci de ne pas donner l’impression que « l’Europe chrétienne » vole au secours des seuls chrétiens du monde arabe. Pour la communauté chrétienne, c’était déjà un début de soulagement. L’UE allait donc s’apprêter à parler d’une seule voix. En soi, c’était déjà une première, sur ce sujet. On pouvait raisonnablement l’espérer, mais malheureusement, rien de concret ou d’engageant n’allait, clairement ou concrètement, sortir de la réunion. Certes on aurait pu une nouvelle fois regretter profondément le nombre croissant d’actes d’intolérance religieuse et de discrimination, illustrés par de récents actes de violence et de terrorisme visant des lieux de cultes et de pèlerinage. Certes on aurait pu à la limite envisager, sans pour autant prévoir impérativement, de faire un rapport sur des propositions futures mais concrètes pour renforcer l’action de l’UE à cet égard. Non même pas ….on en reparlera plus tard
Après l’attente, la déception, après l’émotion, la prudence diplomatique. L’objectif était de veiller à ne pas faire de distinction, soit entre les pays, soit entre les religions, mais de marquer de la part du Conseil des ministres la volonté de lancer un appel à la tolérance et d’engager tout le monde dans un effort commun pour défendre les libertés religieuses . Soit ! mais encore… Peut-on s’estimer soulagé parce qu’enfin l’Union européenne semble s’engager sur le chemin qu’elle aurait dû prendre depuis longtemps et il aura fallu attendre des attentats pour cela ? Non même pas…on en reparlera plus tard.
Les moyens d’action de l’UE sont limités ! Certes oui, mais l’UE signe des accords bilatéraux de coopération avec des pays tiers, des accords commerciaux et il y en a un certain nombre en préparation, dont avec l’Irak. La sécurité des chrétiens devrait en faire partie. Ce sont autant d’occasions pour faire pression ? Non même pas on en reparlera plus tard.
La COMECE qui représente la communauté européenne des évêques auprès des Institutions à Bruxelles est pleinement justifiée à réagir comme elle vient de le faire dans son communiqué.
« La COMECE regrette que les 27 Ministres des affaires étrangères de l’UE ne soient pas parvenus à s’accorder hier sur une déclaration commune condamnant la persécution religieuse. Cet atermoiement diplomatique est d’autant plus incompréhensible que des vies innocentes sont fauchées dans d’épouvantables attaques visant la communauté chrétienne et d’autres minorités à travers le monde.
L’accord a échoué en raison d’un désaccord entre Ministres sur l’inclusion d’une référence spécifique aux chrétiens comme victimes de la persécution religieuse. La COMECE s’étonne de cette controverse, étant donné que l’opinion publique européenne a été largement sensibilisée à la situation spécifique des chrétiens au Moyen Orient, suite aux attaques récentes contre des églises en Irak et en Egypte. »
La COMECE comme l’a signalé en son temps Nea say de EULOGOS que « par ailleurs, le Parlement européen (le 20 janvier) puis le Conseil de l’Europe (le 27 janvier) ont déjà ouvert la voie à une condamnation spécifique de la persécution des chrétiens, en adoptant chacun des résolutions condamnant explicitement la violence contre les chrétiens.
Les récentes attaques contre les chrétiens ne sont d’ailleurs pas des cas isolés. Ces dernières années, les statistiques sur la liberté religieuse confirment qu’une majorité d’actes de violence religieuse sont perpétrés contre des chrétiens. Cette situation est devenue particulièrement alarmante au Moyen Orient, notamment en Irak où la persécution pourrait entrainer la disparition totale des communautés chrétiennes dans les prochains mois. L’engagement de l’UE à défendre les droits fondamentaux, dont la liberté religieuse, est clairement stipulé dans le Traité UE et la Charte des Droits fondamentaux ; elle a été réaffirmée dans maintes déclarations. C’est pourquoi nous attendons maintenant de l’Union européenne qu’elle prenne des mesures concrètes afin de traduire ces principes en une action politique claire. »
L’Europe a donc échoué à parler d’une seule voix sur les libertés religieuses. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ne se sont finalement pas entendus sur un projet de déclaration commune prônant la protection des libertés religieuses dans le monde Des explications, une fois de plus difficile à comprendre et donc à admettre.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’accord ? En débat : l’absence de référence explicite aux récentes attaques contre les chrétiens d’Orient.
Le projet de déclaration, préparé par la haute représentante aux Affaires étrangères de l’UE, Catherine Ashton, avait pourtant obtenu le feu vert des vingt-sept ambassadeurs européens juste avant la réunion des ministres. Mais l’Italie, très active sur ce dossier, a jugé le compromis sur la table beaucoup « trop général ». « J’ai senti que l’Europe ne serait pas crédible en présentant un texte consacré à la violence contre les minorités religieuses sans citer une seule fois le mot chrétien », a déclaré le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini, dénonçant une « laïcité exacerbée ». Avec le soutien de la France et de la Pologne (autres initiateurs), notamment, il a essayé d’amender le texte pour y ajouter une référence explicite aux récentes attaques contre les communautés chrétiennes d’Orient. En vain. De tels ajouts ont été jugés inacceptables par le Royaume-Uni et certains pays nordiques, la Suède en particulier, inquiets de faire de ce débat un « choc des civilisations ». L’argument tout à fait recevable dans l’absolu est -il convaincant dans ce cas particulier et dans ce contexte bien précis ? Ne voulait-on pas mentionner aussi les attaques contre la communauté chiite de Kerbala ? Pourquoi pas !
Que va faire l’UE ? Comme d’habitude , rien dans l’immédiat, mais certainement beaucoup de choses bien réfléchies…mais plus tard. Face aux divisions, les Vingt-Sept ont décidé de renvoyer le texte à leurs ambassadeurs représentants permanents auprès de l’UE. « Nous sommes tous d’accord sur le fait que la liberté de pratiquer une religion fait partie de nos préoccupations sur les droits de l’homme et qu’il y a de vrais problèmes dans plusieurs parties du monde », a souligné devant la presse Catherine Ashton. Elle a réaffirmé que l’Europe souhaite définir une « approche solide » pour les protéger. « Un certain nombre de pays nous ont demandé d’examiner la situation de ces communautés et de leur offrir notre soutien », a-t-elle reconnu, citant les communautés chrétiennes. Elle est restée prudente, mais ouverte à la discussion. « Nous avons décidé de réfléchir comment, dans le cadre général des droits de l’homme, nous pouvions nous assurer de la défense des libertés religieuses, tout en étant sûrs de reconnaître les communautés, quelle que soit leur religion, qui risquent de subir des violences et des actes de discriminations dans différentes parties du monde », a-t-elle déclaré. Le dossier suivra son cours, une déclaration sera préparée.
Outre les Britanniques, l’Espagne, l’Allemagne ou encore le Portugal étaient prêts à approuver le projet initial. Celui-ci « condamnait fermement » la « violence récente et les actes de terrorisme visant des lieux de culte et de pèlerinage », mais ne mentionnait donc nommément aucune communauté spécifique. D’où le refus italien, soudainement plus pape que le pape, et surtout soucieux de redorer le blason d’un gouvernement fortement discrédité dans l’opinion publique italienne et plus encore soucieux de retrouver un peu de considération auprès du Vatican qui vient de le rappeler sévèrement à l’ordre en l’invitant fermement à se comporter de façon plus morale.
Ce nouvel épisode justifie totalement les conclusions du rapport annuel de Human Rights Watch (cf. autre information) sur les droits de l’homme dans le monde où il reproche aux européens leur trop « grande complaisance « à l’égard des dictateurs. Un rapport écrit, faut-il le rappeler, avants les « évènements » de Tunisie, d’Egypte et d’ailleurs.