Attentats en Europe : qui est à l’origine ? En Europe, les actes terroristes islamistes sont rares nous rappelle Europol. Quelles sont les formes de criminalités dominantes en Europe ? Des leçons pour l’UE ?

Depuis 2006, ils représentent seulement 0,4% des actes de terrorisme très loin derrière les actions des groupes séparatistes.   Quelques heures après le massacre d’Oslo alors que  l’incertitude était encore totale sur les raisons de ces attaques et leurs origines, deux pistes ont immédiatement été privilégiées par les médias: l’extrême-droite, un peu, mais surtout l’origine islamique. Le nombre de victimes ou l’attentat à la voiture piégée pouvaient rappeler effectivement le 11 mars 2004 à Madrid ou le 7 juillet 2005 à Londres. Le fait qu’ils aient été érigés depuis dix ans comme l’ennemi par excellence joue évidemment.  La piste islamique s’est effondrée rapidement et si l’on regarde depuis cinq ans, statistiquement, les actes terroristes islamiques sont de fait plutôt rares.

L’Agence de coopération policière de l’Union européenne, Europol, ( Nea Say a déjà rendu compte de son rapport)classifie ainsi chaque année les attentats (réussis, déjoués ou échoués) des années précédente en fonction du groupe les commettant: islamiste donc mais aussi séparatiste, extrême-gauche, droite, et divers. Si l’on fait la somme des chiffres de ces cinq dernières années, ce sont les séparatistes qui ont été le plus souvent impliqués dans des entreprises d’attentats, très loin devant les autres. Sur 2056, ils en ont commis 1750, soit 85%. En comparaison les actes d’islamistes ou de l’extrême droite sont négligeables, avec respectivement 9 et 6, soit 0,4 et 0,3%.

Dans son rapport pour l’année 2010 publiée au printemps 2011, Europol note que les actes des séparatistes sont en augmentation en France et au Royaume-Uni et en baisse en Espagne. Les attaques de l’extrême gauche sont, elles, en augmentation dans les pays du sud, notamment, sans surprise, la Grèce. Europol note la «montée de l’utilisation de la violence» pour ces groupes.

Au contraire, pour l’année 2010, Europol remarquait que les «Etats membres n’ont pas été confrontés à des actes de terrorisme majeurs» de la part de l’extrême-droite. Toutefois, elle s’inquiète de leur activisme sur les réseaux sociaux et de leur capacité de propagande qui pourrait faire prendre à ces groupes de l’importance dans les prochaines années et menacer les Etats membres.

Pour les actes islamistes, Europol estime qu’ils doivent être remis dans un contexte mondial. En 2010, «un nombre relativement élevé de personnes» (89) ont été arrêtées, «pas seulement parce qu’elles préparaient des attaques, mais aussi pour des actions de propagande ou de recrutement», parfois en lien avec des filières d’immigration clandestine. L’embrigadement est une crainte pour Europol qui s’inquiète des jeunes qui quittent l’U.E. pour aller au jihad.

Lors des cinq dernières années, nous apprend le tableau de Europol, on voit  que la part des personnes arrêtées supposées liées à des actes terroristes islamistes est bien plus importante que le nombre d’attaques. Avec 758 personnes interpellées, les islamistes arrivent toutefois toujours derrière les séparatistes (1848). On retrouve ensuite l’extrême-gauche (232), puis l’extrême-droite (81). Pour la France spécifiquement, que ce soit pour les attaques ou les arrestations, ce sont sensiblement les mêmes rapports de force.

Les terroristes n’ont pas tout à fait encore dit leur dernier mot en Europe. Le patron d’Europol, l’organisme européen de police,  Rob Wainwright, estime que les organisations criminelles se sont adaptées à l‘ère du temps, et ont de plus en plus recours à internet pour mener à bien leurs opérations. La menace est donc toujours bien présente. Nous ne devons surtout pas sous-estimer la menace terroriste. Nous avons pu constater des changements dans la méthodologie, il en va de même pour le terrorisme de type djihadiste qui était de mise il y a dix ans, lors des terribles attentats aux États-Unis. Hormis Madrid et Londres, aucune attaque majeure ne s’est produite ces dernières années en Europe. Mais ce n’est pas une raison pour sous-estimer la menace. Car ce qui explique en grande partie cela est l’excellent travail mené par la police et les services de sécurité en Europe, qui ont empêché les terroristes de mener à bien à ces attaques. Grâce aux services de renseignement, nous savons que les groupes djihadistes restent actifs. Mais ils se trouvent en ce moment en pleine phase de changement : ils sont de plus en plus disloqués, opèrent de manière plus lâche, il n’y a plus de grand réseau de commandement, notamment en Asie. Nous sommes donc confrontés à une menace plus fragmentée, ce qui rend cela plus dangereux, une menace qui opère désormais sur ​​internet. Les individus se sont radicalisés, très souvent par le biais de la propagande sur la toile, ils agissent comme des loups isolés pour réaliser ces attaques, ce qui rend par conséquent la tâche de la police très difficile, et je pense que la menace que nous traversons aujourd’hui en Europe est considérable, et nous devons donc y faire face avec plus de force et de manière plus concertée.

Qu’en est-il des menaces de type informatique comme  Stuxnet,  ce virus informatique basé sur un code sophistiqué et considéré comme une arme cybernétique, en raison de sa capacité à rechercher et détruire des cibles particulières. Pour Rob Wainwright, il s’agit d’un danger particulier auquel nous devons faire face, « un environnement en constante et rapide évolution dans lequel apparaissent de nouveaux codewares malveillants et dangereux, qui sont développées à un rythme très rapide sur internet, très souvent utilisés par des groupes bien organisés pour générer littéralement des milliards de dollars via la toile, et qui prennent des millions de citoyens en Europe pour cible. Je pense que nous faisons face à une menace potentielle, au travers de laquelle ces outils sont désormais utilisés par des terroristes pour mener des attaques contre des installations gouvernementales, comme certaines infrastructures nationales délicates, par exemple. Nous devons être très attentifs à cela et faire en sorte que les gouvernements, et l’ensemble du système judiciaire en Europe, soient équipés pour y répondre de la manière la plus appropriée. Ici, à Europol, nous sommes en train de développer un programme ambitieux et des dynamiques nouvelles au sein du quartier général, pour en faire la pièce maîtresse en matière de lutte contre la cybercriminalité en Europe. Et puis nous nous réjouissons aussi de la création prochaine d’un nouveau centre européen de la cybercriminalité, qui je l’espère, sera basé dans nos nouveaux et impressionnants locaux. »

En matière de lutte anti-cybercriminalité, poursuit le directeur de Europol, « nous disposons d’un programme ambitieux pour développer notre travail, tout particulièrement dans le domaine de la cybercriminalité. Ce travail implique non seulement les secteurs traditionnels en relation étroite avec la police, mais aussi avec les universités, avec le secteur privé, et en collaboration avec l’industrie. J’ai participé à de nombreuses réunions ces derniers mois avec des dirigeants de sociétés de sécurité informatique, en particulier dans la Silicon Valley aux États-Unis. Nous avons pu évoquer les différentes possibilités qui sont les nôtres de former un nouveau programme commun, une plateforme communautaire d’activité, de coopération, de partage d’informations, de développements de nouveaux outils médico-légaux dans l’industrie, un secteur dans lequel les plus importantes réalisations ont été mises en oeuvre, et puis également en matière d’application de la loi. Nous devons très certainement poursuivre nos efforts, réfléchir à des manières différentes et plus efficaces de développer des outils adaptés et c’est ce que j’entends réaliser au sein d’Europol dans les années à venir. »

Les drogues tuent entre 25.000 et 50.000 personnes chaque année en Europe. Est-ce qu’Europol envisage une réponse semblable à celle des Etats-Unis qui mènent une véritable guerre contre les drogues ? Rob Wainwright  répond : « Pour moi, il ne s’agit pas de guerre contre les drogues, je trouve cette formulation inappropriée. Je pense que très souvent la réponse pour vaincre les problèmes de criminalité au sein de la société est de trouver par exemple un juste équilibre entre la confidentialité des données et la sécurité des données, une agence comme la notre doit pouvoir recueillir un certain nombre de données, mais de manière raisonnable, trouver un juste équilibre entre les intérêts de la justice et de la sécurité en tant que tout, et je pense donc que l’expression de “guerre contre les drogues” donne une impression erronée en ce sens. Mais il est vrai que nous sommes toujours confrontés à un très important problème de consommation de drogues en Europe. Une grande partie est le fruit d’organisations criminelles organisées qui inondent l’Europe de produit dangereux en provenance des 4 coins de la planète, et de façon toujours différente. Une part importante de la cocaïne saisie en Europe par exemple, transite par la mer Adriatique, à travers les Balkans, même à travers les Etats baltes, alors qu’elle provient d’Amérique latine. Les routes pour faire transiter l’héroïne sont plus nombreuses, de nouvelles drogues de synthèse très dangereuses fabriquées en Europe font leur apparition, tout cela cause un préjudice considérable pour la société. La drogue est l’activité traditionnelle du crime organisé. Nous nous heurtons en ce moment à de très nombreuses menaces, mais la lutte contre la drogue demeure une partie très importante de notre travail.

En matière d’abus sexuels à l’égard des enfants et de travail forcé des enfants, il s’agit d’un des points les plus sombres de la criminalité en Europe sur lesquels Europol travaille : « Nous avons ici l’occasion d’utiliser nos capacités de renseignement uniques au monde, les experts dont nous disposons, dont certains sont les meilleurs en Europe. Notre capacité de fonctionnement nous permet d’apporter un soutien de taille sur le terrain pour des opérations réelles, dans des cas vraiment significatifs. Cette année, nous avons démantelé l’un des plus importants réseaux d’abus sexuels d’enfants de la planète. Cela nous a permis d’identifier plus de 700 agresseurs sexuels à travers l’Europe, et grâce à notre capacité d’analyse, au travail de notre équipe technique capable de déchiffrer des codes de sécurité au cours de cette opération, nous sommes en mesure d’identifier un grand nombre de suspects, ce qui nous a conduit d’ailleurs au démantèlement de ce groupe et en particulier au sauvetage de 230 enfants à travers l’Europe et même au-delà. C’est un travail réel, un travail réellement significatif, et quand je réalise que de telles choses se produisent, je suis fier des efforts produits par nos experts, fier de constater que nous sommes en mesure d’oeuvrer à de réels changements dans la société, parce que dans ce domaine en particulier, notre force de frappe face aux criminels que nous traquons doit être décisive. »

Les réactions de l’UE : conformément aux demandes de la présidence polonaise se sont réunis, en présence des autorités norvégiennes, les deux groupes de travail  du Conseil : Terrorism working Group, et le Coter (Comité sur le terrorisme). Ont été évoqués les thèmes qui ont déjà fait l’objet de propositions fin 2010 (cf. Nea say) : renforcer et améliorer le partage des informations entre les polices travailler sur les facteurs déclencheurs de comportements et actes radicaux, notamment psychologiques, avancer sur les dossiers législatifs pendants comme l’encadrement des engrais chimiques et autres précurseurs des explosifs qui ont fait l’objet d’une proposition fin 2010. A été  mis en place le système d’alerte rapide de l’UE(EU first Response Netword) instrument inauguré pour la première fois depuis sa création en 2007. En septembre prochain, la Commission lancera également son réseau de sensibilisation à la radicalisation qui doit mettre en relation tous les acteurs civils impliqués sur le terrain (écoles, services sociaux….) et permettre de déceler la montée de comportements extrêmes. Lors de la réunion les experts se sont concentrés sur le phénomène des « loups solitaires », ces individus auto-radicalisés et sans attache évidente avec des organisations terroristes un phénomène pour lequel la plus grande attention a été recommandée. La Présidence polonaise et les services du coordinateur de la lutte anti-terroriste, Gilles de Kerchove, ont nuancé certaines critiques portées à l’encontre de Europol quant à une possible sous-évaluation de la menace terroriste en provenance de l’extrême droite. Ils estiment qu’il convient de maintenir la même vigilance sur toutes les autres sources de terrorisme. En effet rien n’indique que les autres types de menace disparaissent comme le démontrent la rapport annuel de Europol et l’interview de Robert Wainwright (cf. supra).

Pour être complet, citons les déclarations fracassantes mais habituelles de deux députés européens : Jean-Marie Le Pen et Mario Borghezio. Jean-Marie Le Pen a fustigé la naïveté du gouvernement norvégien, bien plus grave que les ates commis. Pour Mario Borghezio, interrogé par Radio 24, « les idées de Anders Breivik sont bonnes et même dans certains cas excellentes » évoquant le texte de 1500pages écrites par l’auteur des attentats d’OSLO . Il a ajouté le soutenir dans son opposition à l’Islam et son accusation explicite selon laquelle l’Europe a baissé les bras au lieu de combattre l’islamisation .

 

 

      -. Intervention du directeur de Europol devant le Parlement européen le 19 avril 2011 http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2076&nea=106&lang=fra&lst=0

      -. Oussama ben Laden est mort ! Qu’en penser en Europe ? (Nea say) http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2076&nea=106&lang=fra&lst=0

      -. Europol : terrorism situation and trend report (avril 2011)

https://www.europol.europa.eu/sites/default/files/publications/te-sat2011.pdf

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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