La Grèce est à nouveau dans le collimateur des européens mais pour les immigrés illégaux : en juin prochain : elle sera sous examen pour évaluer sa politique migratoire, qu’il s’agisse de la prise en charge des demandeurs d’asile, ou du sort à réserver aux clandestins. Sa situation est bien connue mais il faut admettre que sans un effort de la part d’Ankara,la Grècea peu de chances de s’en sortir. Un accord de réadmission conclu avec Bruxelles amène les autorités turques à réadmettre sur leur territoire les migrants illégaux entrés dans l’UE viala Turquie. Maisle problème est qu’Ankara ne fera pas d’effort sans concession de la part des Européens : les migrants seront récupérés seulement si les gouvernements lèvent la barrière des visas toujours en vigueur pour les citoyens turcs. Les réticences sont fortes dans l’UE (Allemagne et Chypre notamment).
Comme l’a indiqué Nea say dans son numéro 119, la réunion des ministres européens de l’Intérieur, le 8 mars, avait abouti à des conclusions faibles, où les ministres se sont contentés de rappeler « la nécessité d’améliorer la coopération avec les pays tiers d’origine et de transit, notamment en ce qui concerne les politiques en matière de retour.La Turquieest en l’espèce l’un des principaux pays concernés », avaient-ils déclaré. On peut imaginer que ces mêmes débats vont une fois de plus animer la réunion des ministres de l’intérieur prévue à Luxembourg les 26 et 27 avril prochain.
En apparence pas découragée, Cécilia Malmström a déclaré le 2 avril lors de sa rencontre avec Michalis Chrisochoidis, Ministre grec de la protection des citoyens, que l’on devrait être en mesure de lancer très rapidement un dialogue sur les facilités de visas. Alors que les ministres de l’intérieur le 8 mars n’avaient pu avancer d’un moindre pas sur cette question, certains Etats membres refusant d’ouvrir le dialogue sur les visas, qualifiant comme l’a fait la future présidence chypriote de chantage les demandes dela Turquie. Leministre a renouvelé ses promesses de faire des efforts contre l’immigration illégale, prévenant les pays tiers que tous les migrants arrivés en Grèce et qui ne demanderaient pas la protection internationale, seraient automatiquement renvoyés dans leur pays d’origine, souhaitant ainsi adresser un « signal » (dont on peut douter de l’efficacité) aux trafiquants comme aux candidats tentés de venir en Grèce. Après les promesses ont succédé comme à l’habitude les plaintes : les migrants illégaux constituent une menace à la cohésion sociale et aussi un véritable défi sanitaire. Concernant les passages d’illégaux au niveau de la zone du fleuve Evros, principal point de passage, le ministre a précisé que la construction de la fameuse barrière en barbelés destinée à empêcher les migrants de pénétrer sur le territoire grec allait commencer dans les tous prochains jours. Il s’agit d’une construction que les autorités européennes ont condamnée à plusieurs reprises et pour laquelle il n’y aura pas d’intervention des fonds européens.
La Turquien’est pas la seule a faire du chantage : elle fait valoir qu’afin d’éviter d’être exclue de l’espace Schengen de libre circulation, les autorités grecques ont décidé d’accélérer la construction de centres d’asile à l’allure de prisons. Les demandeurs d’asile ne devraient pas être traités comme des prisonniers, mais selon Athènes,la Franceet l’Espagne ne se sont pas gênées pour construire des installations similaires. Michalis Chrisochoidis, le ministre grec de la protection civile, a expliqué le 26 mars dernier quela Grècerisquait de se faire expulser de l’espace Schengen si elle ne parvenait pas à gérer son immigration illégale d’ici le mois de juin lorsqu’une équipe d’évaluation de l’UE se rendra sur place. C’est oublier, notamment, que les tribunaux de plusieurs autres Etats membres de l’Union etla Coureuropéenne des droits de l’homme ont statué quela Grècene respectait pas les normes minimales sur le traitement des demandeurs d’asile. Par conséquent, les immigrés clandestins qui arrivent dans ces pays ne peuvent pas être renvoyés en Grèce, leur point d’entrée, comme ce devrait être le cas conformément au droit européen de Dublin II. Tout le monde a bien sûr en tête le discours de Nicolas Sarkozy sur Schengen, sa gouvernance et l’expulsion des pays qui ne savent pas faire face à leurs responsabilités, mais il y a un écart important entre des imprécations proférées pendant une campagne électorale, la réalité du terrain et un accord, à l’unanimité à réaliser entre 27 pays. Pour respecter les faits, rappelons qu’entre les 2/3 et les ¾ des illégaux et sans papiers sont entrés légalement sur le territoire de l’UE, seule la prolongation de leur séjour étant illégale.
Cependant, les autorités grecques ont annoncé le 27 mars qu’elles prévoyaient de créer des centres fermés pour accueillir les immigrés clandestins dans dix régions. Le gouvernement de l’Attique, la péninsule où se situe Athènes, a déjà approuvé la création de trois centres fermés. Dans les prochains mois, les maires de l’Attique devront déterminer où seront situés exactement ces centres de détention, a rapporté la presse grecque. Giannis Sgouros, le gouverneur de l’Attique, a déclaré qu’il s’agissait d’un mal nécessaire en raison de la menace de l’expulsion de Schengen qui aurait des conséquences désastreuses pour le pays. La région dispose d’une semaine pour donner son accord à la création de centres fermés pour les immigrés clandestins et pour proposer différents sites à cette fin. Dans une déclaration écrite, M. Chrisochoidis a salué ce projet et s’est dit optimiste quant au fait que cet exemple sera suivi par les autres régions sur la partie continentale du pays. Dans la mesure où ce projet reste en suspend pour les neuf autres régions, les forces de police et le ministère de la défense nationale sont en train d’établir une liste de sites disponibles. Il a été dit que cette liste serait finalisée au plus tard dans les tout prochains jours. Le ministère de la défense a déjà soumis des propositions quant à l’utilisation de certaines de ses installations.
Certains problèmes ont cependant émergé. Par exemple, il a été envisagé d’utiliser un camp militaire abandonné à Amfilochia, mais il s’est par la suite avéré que ce site appartenait à la municipalité. Le parti Nouvelle démocratie de centre-droit, en tête des sondages en amont des élections anticipées du 6 mai prochain, soutient la création de ces centres de détention. « Nous sommes confrontés à un problème national », a déclaré Fotini Pipili, un membre du parlement, à la chaîne télévisée SKAI. En revanche, le parti LAOS d’extrême droite a insisté sur le fait que le pays devrait davantage avoir recours au renvoi des immigrés clandestins dans leur pays d’origine, au lieu de les héberger. Le Pasok est plus réservé mais garde le silence, les prochaines élections toutes proches
Les médias grecs ont beaucoup parlé des centres fermés des autres pays de l’UE. Un centre dans le nord-ouest de Paris et un autre près de Lille ont été cités comme des « exemples typiques ». Ils sont bien connus des lecteurs de Nea say mais aussi des parlementaires européens de la commission des libertés civiles de la justice et des affaires intérieures qui en ont visité un certain nombre en Europe. Des centres similaires existent à Tenerife, la plus grande île des Canaries, et à Valence, la troisième ville la plus peuplée d’Espagne.La Grècepourra toujours faire valoir les recommandations des autorités européennes (juges compris) qui ont condamné la façon de faire et intimé de mettre fin à ces pratiques.