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Guantanamo : pas de solution pour Obama ?

Un cruel dilemme ! Le Congrès américain, à majorité républicaine, a renouvelé le 9 novembre dernier l’interdiction de transférer aux Etats-Unis des détenus de la prison de Guantanamo, sur l’île de Cuba, afin d’empêcher le président Barack Obama de fermer le centre de détention militaire. Le Sénat a voté par 91 voix contre 3 en faveur de la grande loi sur la défense 2016, dans laquelle est réinscrite l’interdiction faite au Pentagone d’utiliser des fonds pour transférer sur le sol américain des détenus de la prison, jusqu’au 31 décembre 2016. La Chambre des représentants l’avait adoptée la semaine dernière par 370 contre 58.

Une première version de la loi avait été adoptée en octobre mais Barack Obama y avait opposé son veto, à cause d’un différend sur l’enveloppe budgétaire, et également à cause des restrictions sur Guantanamo. Mais cette fois, la Maison Blanche a confirmé mardi que Barack Obama promulguerait la loi, le Congrès disposant de la majorité de deux tiers nécessaire pour surmonter un veto.

Les transfèrements aux Etats-Unis ont été interdits par le Congrès en 2011, empêchant de fait le président américain de tenir sa promesse de fermer la prison militaire créée en 2002 et dans laquelle 112 prisonniers de la « guerre contre le terrorisme » de l’après 11-Septembre se trouvent encore.

Mais l’exécutif prépare ouvertement un plan pour transférer aux Etats-Unis les 59 détenus considérés comme les plus dangereux (les 53 autres étant classés comme transférables à l’étranger). Plusieurs prisons pour les accueillir sont à l’étude, en Caroline du Sud, dans le Kansas et le Colorado. Le Pentagone doit rendre public très prochainement un rapport à ce sujet.

Une telle décision se ferait en défiance totale du Congrès, et les républicains majoritaires dénoncent depuis plusieurs semaines un acte qui serait illégal. » S’il persiste, ce serait de façon flagrante anticonstitutionnel, bafouant les lois votées par le Congrès », a déclaré le républicain Michael McCaul, président de la commission de la Sécurité intérieure de la Chambre des représentants.

« Le Sénat a adopté de nombreuses fois depuis des années cette interdiction, soutenue par des membres des deux partis », a rappelé Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine du Sénat.

Les élus des Etats où est envisagée la future prison pour enfermer les détenus de Guantanamo sont particulièrement furieux, disant craindre que le lieu devienne une cible d’attaques. Le quasi-consensus de mardi sur la loi de défense s’explique aussi par le fait que la loi autorise l’ensemble des activités de la défense pour l’année budgétaire 2016, soit 620 milliards de dollars jusqu’au 30 septembre 2016, un texte monumental qui définit tout, des programmes d’armement à une aide militaire à l’UKRAINE.

Et maintenant ?

Le Sénat vient de refuser sèchement la fermeture du centre de détention. L’OSCE exhorte toutefois l’Amérique à se conformer au droit, à montrer l’exemple en fermant une prison symbole des abus de la guerre contre le terrorisme

Barack Obama va-t-il devoir commettre un acte de défiance sans précédent du Congrès pour fermer la prison de Guantanamo? Ces prochains jours, le Pentagone va présenter et soumettre au Congrès un plan pour transférer près de la moitié des 112 détenus de la base américaine de Cuba aux Etats-Unis et transférer l’autre moitié, blanchie de toute accusation, dans leur pays ou dans un Etat tiers. Mardi, le Congrès a cependant déjà donné une idée de la manière dont le plan sera reçu. Le Sénat a renouvellé par 91 voix contre 3 l’interdiction déjà votée en 2011 de transférer tout détenu de Guantanamo aux Etats-Unis. La Chambre des représentants en a fait de même une semaine plus tôt, peu après que la Maison-Blanche eut opposé son veto à une loi similaire.

Le refus net du Sénat de fermer Guantanamo intervient le jour même où le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) publie un rapport de 280 pages exhortant les Etats-Unis à clore le centre de détention . Son directeur Michael Georg Link encourage le président Barack Obama dans ses efforts tout en déclarant: «Personne ne doit être soumis à la détention à durée illimitée sans procès. Comptant parmi les plus vieilles démocraties de l’OSCE, les Etats-Unis devraient montrer l’exemple en précisant clairement que tout citoyen a droit à un procès équitable. Les détenus doivent être soit inculpés, soit libérés.». En effet il n’y a pas de choix dans un Etat de droit démocratique : un détenu est libéré ou jugé .

Un sujet explosif en période pré-électorale. Les Etats-Unis sont entrés en période pré-électorale peu propice à des accords bipartisans au Congrès. Nombre de républicains affirment déjà haut et fort que Guantanamo doit rester , voire même accueillir de nouveaux présumés terroristes. De tous les sujets explosifs, il est le plus explosif ! Le sujet est explosif. L’administration démocrate va néanmoins tenter le tout pour le tout. Des émissaires du Pentagone ont passé l’été à évaluer des centres de détention potentiels au Colorado, en Caroline du Sud et au Kansas pour accueillir des détenus. Le plan du Pentagone nécessite toutefois l’approbation très improbable du Congrès sous contrôle républicain. Or le président démocrate l’a répété dans plusieurs discours. La Vice-présidente de la Commission du renseignement du Sénat, la démocrate Dianne Feinstein très active (cf. article dans Nea Say) renforce le message: «Ce n’est pas un hasard si l’Etat islamique […] habille ses victimes dans les mêmes combinaisons orange que celles utilisées à Guantanamo avant de procéder à leurs atroces décapitations.» L’aspect financier est aussi important. Garder un détenu à Guantanamo coûte trois millions par année. Aux Etats-Unis, c’est trente fois moins cher. Experte du dossier Guantanamo chez Human Rights Watch, Letta Tayler met néanmoins en garde: «Le transfèrement de détenus de Guantanamo dans des prisons de haute sécurité aux Etats-Unis ne résout pas le problème si ceux-ci n’ont toujours pas droit à un procès équitable en conformité avec les Conventions de Genève. Des conditions de détention difficiles aux Etats-Unis pourraient par ailleurs aggraver leur santé psychique déjà affectée par des années de détention.»

L’arme ultime du décret présidentiel. Pour Barack Obama qui a fait de la fermeture de Guantanamo l’une de ses promesses de campagne, le temps presse et les difficultés s’accumulent. Si son plan est rejeté par le Congrès, il est apparemment prêt à utiliser l’équivalent de l’arme nucléaire, le décret présidentiel. Ses juristes planchent sur les arguments, notamment sécuritaires, devant permettre au président un tel acte de défiance du Congrès. Dans une telle hypothèse, les républicains promettent de lui déclarer la guerre. Face à l’incapacité du Congrès de s’entendre sur une réforme globale de l’immigration, la Maison-Blanche avait déjà agi par décret présidentiel. Mais celui-ci vient d’être jugé inconstitutionnel par une cour d’appel.

Un échec programmé ? La lettre du 1er septembre dernier de Human Rights Watch à Obama dans laquelle il présente son plan pour fermer n’y changera rien.

Henri-Pierre Legros

Pour en savoir plus

-. Articles du journal le Temps http://www.letemps.ch/monde/2015/11/10/chemin-croix-obama-fermer-prison-guantanamo

–. Articles publiés dans Eulogos Nea Say sur Guantanamo http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3675&nea=162&lang=fra&arch=0&term=0

-. Osce/Odhir : Report on the Human Rights Situation of Detainees at Guantanamo http://www.osce.org/odihr/198721?download=true34675324#« 

-. Human rights watch lettre à Obama pour fermer Guantanamo : https://www.hrw.org/news/2015/09/01/letter-obama-regarding-plan-close-guantanamo-bay-detention-facility

-. Human Rights Watch : News released https://www.hrw.org/topic/terrorism-counterterrorism/guantanamo

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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