Les ambitions politiques de José Manuel Barroso pour les cinq ans à venir

Dans ses « Orientations politiques pour la prochaine Commission » qu’il a transmises le 3 septembre aux groups politiques du parlement qu’il rencontre Barroso développe dans moins de 50 pages les priorités qu’il avait déjà énumérées dans sa lettre au Conseil européen du 17 juin dernier.


Il est clair que notre matière habituelle (espace de liberté, sécurité et justice) y reçoit une place limitée. La priorité : la sortie de la crise économique et la lutte contre le chômage, ainsi que le changement climatique. Le contraire aurait surpris tout le monde. Propositions trop générales ont fait remarquer certains, des lacunes aussi, mais cela relève de la nature de l’exercice, les détails viendront plus tard au moment où le collège des commissaires aura été désigné après l’audition de chacun d’entre eux.

« C’est un exercice de rhétorique habile » ont commenté d’autres. C’est probable, mais pour autant nous ne devons pas perdre de vue la force de certaines affirmations. « Nous vivons des temps sans précédent (…) pas seulement une crise financière (…) une crise des valeurs de nos sociétés (…) pour l’Europe, l’heure de vérité a sonné (…) allons-nous laisser l’initiative à d’autres et accepter qu’ils orientent le cours des chose ? (…) l’Europe doit faire de la reconnaissance de l’interdépendance mondiale le point de départ de sa propre déclaration d’interdépendance (…)elle dispose de la masse critique nécessaire (..) c’est tout naturellement qu’elle se pose en champion de la gouvernance mondiale ». A l’évidence il veut redonner du goût à l’Europe, faire renaître un nouvel enthousiasme, une nouvelle fierté comme il l’a redit par ailleurs, par exemple lors de la Conférence Jean Monnet où était célébré le vingtième anniversaire de l’Action Jean Monnet qui rassemble les réseaux universitaires.

Une portion congrue pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice, certes ! Mais observons que tout est déjà sur la table avec le pacte pour l’immigration et l’asile ou les propositions pour le futur programme de Stockholm. Les redites dans un espace limité n’en prenne que plus d’importance et c’est tout naturellement que prend plus de relief ce qui est dit sur  les droits fondamentaux et les droits de l’homme ou l’immigration. A défaut d’originalité (comment cela aurait-il été possible ?) constatons leur présence, ils n’ont pas été oubliés à la différence de tant d’autres thèmes. L’ampleur des menus décourage habituellement les appétits les plus robustes et les catalogues interminables découragent les lecteurs de bonne volonté. Dans ce raccourci voulu par l’auteur, observons qu’a été retenue l’intégration des immigrés. La mentionner c’est dire qu’elle est la priorité des priorités en la matière (comme aussi vient de le faire remarquer dans son bilan le ministre français de l’immigration, Eric Besson dont Nea say traite dans le présent numéro). L’opinion publique doit apprendre, face aux problèmes et à leur nombre, à les hiérarchiser. Il est donc très significatif que soit retenue la bonne intégration des immigrés, si elle était en bonne voie de réalisation ce serait alors tout un pan de problèmes qui tomberaient quasiment d’eux-mêmes. Ne laissons pas notre volonté se disperser dans des problèmes spectaculaires aux yeux de l’opinion mais secondaires après examen.

Que dit José Manuel Barroso ?

« Il convient d’assurer aux immigrés légaux un niveau de droit uniforme dans l’ensemble de l’UE. Nous allons intensifier nos efforts en matière d’intégration des immigrés, en préservant leur droit, mais aussi en soulignant la responsabilité qui leur incombe de s’intégrer dans les sociétés dans lesquelles ils cherchent à entre. L’éducation et la formation sont des moyens puissants d’intégrer les nouveaux venus dans les sociétés européennes, créant une situation dans laquelle, tous, immigrés comme pays européens de destination, sont gagnants, et les programmes communautaires doivent ouvrir la voie à des systèmes proactif favorisant l’intégration ».

Tout a été dit à ce sujet et la Conférence de Vichy organisée l’an dernier par la présidence française a largement clôturé le débat, il reste à se mettre au travail avec ardeur sans se laisser distraire par tout élément de l’actualité qui surgirait de façon inopportune que les médias ou le monde associatif « survaloriseraient ».

Parmi ces débats inopportuns, incontestablement, le débat sur le port de la burqua qui est un piège comme l’a fait remarque Yazid Sabeg ( commissaire français à la diversité et à l’égalité des chances)au journal la Croix.  Pourquoi parce qu’il va différer et perturber sur le vrai débat et les vrais enjeux qui sont d’abord économiques et sociaux outre le fait qu’il ne concerne qu’un tout petit nombre de femmes. « L’égalité ne se fractionne pas entre l’égalité homme/femme, qui est fondamentale, et le reste. Elle est globale ou elle n’est pas. L’urgence consiste à s’attaquer vraiment à la relégation territoriale, à l’inégalité d’accès à l’éducation, à l’emploi ou au logement la crise s’aggrave dans les quartiers, et les tensions sociales sont à leur maximum. Il n’y a plus de travail, plus de logement, le système éducatif ne remplit plus son rôle…Occupons nous de ces vrais sujets. Au lieu de cela, la polémique sur la burqa va rouvrir des frustrations, des antagonismes, des racismes alors qu’il faut au contraire rassembler les français ». Le problème n’est pas d’ordre religieux et Yazid Sabeg fait le même constat que l’on pourrait faire partout en Europe : ce sont des politiciens populistes qui à la veille d’élections allument le feu et l’entretiennent.

Bien entendu la Commission ne peut, seule, faire avancer les chose, il faut « un partenariat pour le progrès » et dans cette Europe, désormais acteur global, le Parlement européen a toute sa place. Mais cela resterait largement sans effet si l’on ne faisait pas avancer au même pas l’Europe des citoyens.

La portée du projet européen ne peut se limiter au « marché », à l’économique, au financier, aux nouvelles technologies, à la recherche etc, la crise elle-même n’aura qu’un temps. La portée du projet vaste et concerne aussi ses citoyens. Rien n’est possible sans eux. L’UE offre à ses citoyens des droits, une protection et des possibilités bien au-delà de l’habituel. Le projet européen doit permettre de les rapprocher, de tirer partie de la diversité culturelle de l’Europe pour faire de l’Europe un axe de communication essentiel, de référence. . Le principe de la libre circulation et le principe d’égalité de traitement des citoyens de l’UE doivent se traduire concrètement dans la vie quotidienne de chacun. L’autonomie accrue et la promotion des femmes sont deux domaines parmi d’autres dans lesquels l’UE doit encore agir.

La citoyenneté européenne est et sera  plus que jamais à l’ordre du jour !

Il s’agit donc de promouvoir des droits et assurer une protection réelle, lever les obstacles que les citoyens rencontrent, renforcer le dialogue et l’information, nous dit José Manuel Barroso.

« au fil des années, l’UE a donné de nombreux droits nouveaux à ses citoyens (…) des bénéfices très concrets  de l’appartenance à l’UE, même si l’application effective de ces nouveaux droits reste une entreprise difficile. Nous pouvons faire davantage pour promouvoir les droits des personnes et faciliter l’accès à ces droits. La défense de ces droits doit s’accompagner de la protection des personnes. Une stratégie de l’Union en matière de sécurité intérieure est nécessaire afin de mieux protéger la vie et l’intégrité des citoyens européens : nous devons nous assurer que la criminalité organisée et le terrorisme ne profiteront pas de l’ouverture des frontières. Nous devons faire preuve de solidarité en utilisant des instruments tels que Frontex destinés à garantir un contrôle efficace de la légalité des entrées aux frontières de l’UE. L’Europe protège bien sûr aussi les citoyens européens par son rôle dans  la prévention des crises et des catastrophes et la réaction à de tels évènements (…) l’action de l’UE peut apporter une valeur ajoutée à celle des Etats membres par des mesures de solidarité concrète. Une des priorités immédiates de la prochaine Commission sera d’évaluer de manière approfondie la valeur ajoutée qu’apporte l’UE dans la gestion des crises et d’agir en conséquence. Les citoyens de l’UE sont encore confronté à de nombreux obstacles lorsqu’ils tentent de se procurer des biens et services au-delà de leurs frontières nationales (la commission rédigera un rapport complet sur les obstacles et proposera des solutions pour les éliminer au mieux ». Bref c’est le rapport Lamassoure qu’il convient de mettre en œuvre.

Cela signifie aussi relever le défi démographique, se préoccuper du vieillissement qui est aussi l’expression d’une réussite. « La jeunesse en mouvement » en est le symétrique quand le dialogue et l’information en est le couronnement. Les institutions doivent rendre compte de leur action régulièrement et faire preuve de transparence. Les citoyens ont le droit d’avoir accès aux informations.

« La Commission redoublera d’efforts por être réellement présente et communiquer sur le terréin dans les Etats membres et les régions, en partenariat avec le parlement européen, pour être à l’écoute des cotoyens et en prise directe avec leurs questions et leurs préoccupations. J’étudierai également les moyens de renforcer le dialogue entre la Commission et les médias. Mais il convient d’être lucide : ce fossé ne se comblera pas sans partenariat étroit avec les autorités nationales et régionales. Nous devons sortir du piège dans lequel nous attirent les responsables politiques toujours prompts à s’attribuer le mérite des succès obtenus par l’Europe et à rendre « Bruxelles » ou « Strasbourg » responsables de ce qui leur déplaît. Nous devons instaurer un dialogue témoignant d’une maturité accrue avec nos citoyens à propos des décisions qui ont une incidence sur leur vie quotidienne ».

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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