L’interdiction des crucifix dans les écoles européennes divise les députés européens.

Les eurodéputés ont reporté, lors de leur dernière session plénière de l’année à Strasbourg, le vote d’une résolution, qui devait condamner la décision de la Cour européenne des droits de l’homme interdisant la présence de crucifix dans les écoles.


À l’initiative d’élus italiens de Forza Italia et de la Ligue du Nord, une résolution, motivée par la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 3 novembre dernier ( cf. NEA SAY)condamnant la présence de crucifix dans les écoles publiques italiennes, devait être soumise  aux votes des eurodéputés. Mais les élus européens ont reporté sine die le vote de la résolution controversée, 283 se prononçant en faveur du report alors que 259 ont voté contre. Il appartiendra à la conférence des présidents, qui fixe l’ordre du jour du Parlement européen, d’inscrire de nouveau ou non le vote de la résolution à la prochaine session plénière, en janvier.

Juridiquement sans portée contraignante, la résolution ne condamnait pas explicitement la décision de la Cour de Strasbourg sur les crucifix. Mais elle attaquait indirectement, au nom du respect du principe de la subsidiarité qui implique que de telles décisions ne soient pas prononcées à l’échelon européen. Dans ce texte, le Parlement européen exigeait le respect de ce principe. Et demandait « la reconnaissance, par l’ensemble des institutions européennes et des organisations internationales, (…) de la liberté des États membres d’afficher des symboles religieux dans les lieux publics lorsque ces symboles appartiennent à la tradition et constituent l’identité de leur peuple ainsi qu’un aspect unificateur d’une communauté nationale ».

Le texte, signé notamment par le très catholique Mario Mauro, proche de Silvio Berlusconi, ajoute aussi que l’UE et les institutions internationales « ne peuvent pas protéger les droits en refusant les valeurs qui les ont créés ». Les élus UMP, bien qu’ils appartiennent au même groupe politique (PPE, Parti populaire européen) que les élus du parti de Silvio Berlusconi, étaient gênés par ce vocabulaire en plein débat, dans l’Hexagone, sur l’« identité nationale ». La délégation française du PPE comptait s’abstenir, voire hésitait à voter contre au nom de la conception française de la laïcité. « Ce report arrange plusieurs élus de notre groupe ». Cette conclusion est susceptible de satisfaire une grosse majorité en lui évitant de se prononcer sur le fond. Mais chez les centristes libéraux comme chez les sociaux-démocrates, l’opportunité de soutenir ou non le texte divisait. « Ce report arrange plusieurs élus de notre groupe », confie une source proche du groupe centriste auquel appartient le MoDem, irrité en particulier par l’évocation de « symboles religieux » rattachés à « l’identité » d’un peuple.

Pour les socialistes français, le fait même de se prononcer sur une décision de justice incitait à voter contre une telle résolution. « Nous n’avons pas à juger ou commenter une décision de la Cour européenne des droits de l’homme », a expliqué Catherine Trautmann. Avant la séance Martin Schulz, président du groupe socialiste S&D, a pris la parole pour réclamer le report jusqu’à la prochaine plénière et se donner ainsi la possibilité de vérifier la recevabilité d’une résolution, sur laquelle beaucoup de députés se demandaient s’il était vraiment utile de se prononcer, dénonçant ainsi pour certains l’absence d’une mention du principe de séparation entre l’Eglise et l’Etat. Pour Martin Schulz, « le débat qui a cours en Italie est un débat italien et pas européen » . Il reprenait ainsi (et sans doute involontairement) les arguments de ceux qui ne voulaient pas d’un débat en plénière sur la liberté de la Presse en Italie (et accessoirement en Europe), faisant remarquer en écho à  la déclaration du président de la République italienne, Napolitano, que le Parlement européen n’est pas une instance d’appel pour les débats parlementaires nationaux. Mais la gauche italienne dans ce cas d’espèce, le crucifix dans les écoles italiennes, n’ a pas suivi l’appel de son président et comptait voter pour la résolution.

Enfin n’oublions pas  qu’avec le traité de Lisbonne en vigueur, l’Union européenne adhèrera  à la Convention européenne des droits de l’homme que défend la Cour de Strasbourg.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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