Conférence de Copenhague : un fiasco complet ? un désastre ? Certainement pas… Et pourtant….

Editorial

Si l’on s’en remet aux commentaires quasi unanimes de la presse, c’est bien ainsi qu’il faudrait considérer les choses. Or on est loin du compte et pourquoi ce décalage ? C’est le fruit de la culture médiatique du moment : cuisine du fast food, de l’instantané, immédiatement soluble, vite préparé, vite mangé, vite oublié.
Il est vrai, il faut bien admettre que le point fort de l’Europe n’est pas de créer l’évènement médiatique, positif, avec ses émotions et ses engouements et de piloter sa propagation dans les grands médias planétaires. Le président Barroso a reconnu au lendemain de Copenhague que l’Europe avait mal communiqué ou n’avait tout simplement pas communiqué, préférant ses conclaves internes, à affronter caméra et micros. Elle n’a pas encore complètement pris conscience (ou tirer toutes les conséquences) de son importance aux yeux des autres : son absence ou sa discrétion sont immédiatement remarquées, commentées, ses faits et gestes analysés plus que l’Europe ne le fait pour elle-même. Tout cela est bien évidemment orienté et se dérobe à la volonté des européens, car l’Europe dérange, elle déplace les lignes et perturbe les conforts habituels. Dans son comportement l’Europe conserve une attitude trop irénique qui ne correspond pas à l’état actuel de la société internationale.

Un dernier exemple : l’absence sur place, à Haïti, de Catherine Ashton, « ministre » des affaires étrangères de l’UE. La presse en a fait les gorges chaudes, un journaliste connu et talentueux en a fait « la une » de son blog et avec fierté, joie même. Ce que le journaliste n’a pas dit c’est que les commentateurs du blog, toujours vifs dans la réplique, ont critiqué infiniment plus la présence de Hillary Clinton (arrêt pendant plusieurs heures de tout atterrissage ou décollage des avions seule conséquence concrète de cette présence à leurs yeux) qu’ils n’ont critiqué l’absence de Catherine Ashton à laquelle ils restaient indifférents. Bien plus, qui à mis la main au porte-monnaie ? Une fois de plus, l’Europe. Dans l’indifférence totale ou l’ignorance, le 25 janvier au soir, Euronews faisait le bilan des engagements annoncés par les différents donateurs : Etats-Unis 83 millions, Union européenne 420 millions ! Personne n’a commenté et encore moins ceux qui ont glosé sur l’absence de Catherine Ashton.

Le fiasco n’est pas au rendez-vous et la foi européenne n’est pas ébranlée, sa foi  dans les vertus pour les générations futures des investissements massifs dans les énergies vertes, l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables etc. N’en doutons pas l’UE saura apporter la preuve qu’en investissant dans ces domaines, on ne perd pas, mais on gagne. La région qui s’attaquera le plus efficacement au changement climatique en récoltera des bénéfices économiques et stratégiques. Il y va aussi de l’indépendance de l’Europe à l’égard des combustibles fossiles et de la sécurité en matière d’approvisionnement. Dés que chacun en prendra conscience beaucoup de choses se débloqueront naturellement.

L’Europe doit se montrer déterminée à mettre en œuvre l’accord de Copenhague, qui est immédiatement opérationnel on le perd trop souvent de vue. Elle se doit de prendre la tête d’une politique ambitieuse, mener à bon port les négociations climatiques dans le cadre des Nations Unies qu’il ne faut pas abandonner sur le bord de la route, même si le format et le style de leurs conférences sont trop souvent déroutants pour l’Union européenne. Enfin promouvoir l’intégration des préoccupations climatiques dans toutes les politiques de l’Union et mettre en œuvre le « paquet Energie-Climat » selon le calendrier imparti. Rien ne vaut plus que la vertu de l’exemple donné,  aucune préoccupation ou tentation tactiques ne la surpasse.

Toutefois il faut bien convenir que la stratégie de l’UE doit être ajustée pour qu’elle parle spontanément et en toute circonstance (sans longs conciliabules préalables) d’une seule voix. C’est la condition incontournable, si l’Europe veut mieux être entendue sur la scène internationale. C’est  la cause principale de la marginalisation relative de l’UE dans les moments cruciaux.

L’Europe doit donner une suite rapide à l’accord de Copenhague. A cet égard la réunion à Séville, le 15 janvier,  des ministres de l’Energie et de l’Environnement est encourageante. La feuille de route reste inchangée. L’EU semble bien décidée à encourager le plus grand nombre possible de pays à souscrire à l’accord de Copenhague, à les obliger à mettre rapidement sur la table leurs propres objectifs. Bien que le contenu de l’accord obtenu se situe bien en deçà des attentes initialement formulées par l’UE et bien que l’accord ne soit pas encore formellement adopté, cet accord demeure le document clé, la base de travail sur laquelle devrait s’établir les futures discussions. Un rôle actif attend l’UE pour le renforcement de cet accord, ce qui implique un haut niveau de sensibilisation, y compris au niveau bilatéral, mais dans la concertation préalable des européens entre eux. Une réunion des « amis de l’accord » comme le souhaite la Commission est souhaitable. D’ici fin 2010 un engagement contraignant sous l’égide des Nations Unies doit être obtenu et pour cela un effort diplomatique infiniment plus proactif, d’une grande ampleur, doit être mené par les européens, sans se limiter à un ou deux joueurs car cela se fait inéluctablement au détriment des autres, de tous les autres. L’urgence est là.

Ce n’est pas une mauvaise tactique, et consciente de devoir rétablir sa crédibilité sur la scène internationale, que  l’UE considère qu’elle aurait tout intérêt à revoir et renforcer son engagement : elle s’est déjà déclarée prête à intensifier ses efforts à rehausser son objectif jusqu’à 30%. Qu’elle persiste et mette fin à ses désaccords internes. Ainsi éclateraient les alliances momentanées et souvent contre-nature. Appuyer les financements à usage rapide lui procurerait des alliés durables. Il est essentiel pour l’UE que les prochaines étapes des négociations prévues à Bonn en mai-juin, se fondent sur l’accord de Copenhague. Le plan stratégique pour les technologies énergétiques, la sécurité et durabilité des approvisionnements sont tout aussi déterminants.


Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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