Statistiques ethniques : le Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations (Comedd) vient de remettre son rapport à Yazid Sabeg le commissaire à la Diversité et à l’Egalité.

Un rapport prudent qui apaisera une querelle vive, excessive diront certains dont Nea say a déjà entretenu ses lecteurs. Le rapport prend ses distances avec « le ressenti d’appartenance », concept cher au commanditaire. Statistiques ethniques : le Comité pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations (Comedd) vient de remettre son rapport à Yazid Sabeg le commissaire à la Diversité et à l’Egalité. Le débat a connu une ampleur inédite par rapport aux autres Etats membres où il fut beaucoup plus mesuré. Le Parlement européen s’en est fait l’écho, mais sans plus par absence d’une dynamique interne réelle, le parlement européen fonctionnant plus comme instance d’appel d’un débat national.


Seules les données liées à l’état civil paraîtront dans les statistiques publiques. C’est la conclusion du rapport. La polémique sur les statistiques ethniques devrait toucher à sa fin. La question a été tranchée, semble-t-il, par le comité d’experts chargé de remettre un rapport sur ce sujet ultrasensible. Il en ressort que les critères ethno-raciaux doivent être écartés des grandes statistiques publiques. Mais les chercheurs peuvent les utiliser, sous contrôle, dans des enquêtes ciblées.

Le rapport, rédigé par ce comité de 27 personnalités qui n’ont pu dégager de consensus sur certains points, préconise de s’en tenir à l’utilisation de données issues de l’état civil, comme le pays de naissance ou la nationalité, pour les statistiques publiques courantes, telles que les grandes enquêtes de l’Insee et le recensement, selon François Héran, le président du Comedd. Pour le recensement, il propose d’introduire des données d’état civil sur deux générations, c’est à dire le pays ou département de naissance et la nationalité de l’intéressé et de ses parents. Le Comedd suggère aussi que les entreprises puissent réaliser des enquêtes sur la diversité avec des méthodes comparables aux études sur la parité hommes/femmes, en se cantonnant à l’usage de données issues de l’état civil, selon son président.

Pour autant, il n’écarte pas totalement le recours à des critères ethno-raciaux, comme c’est déjà le cas pour des enquêtes ciblées réalisées par des chercheurs, mais avec un « contrôle accru » de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), ajoute François Héran. « Le pouvoir d’appréciation de la Cnil reste fondamental. Le rôle de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations) doit être renforcé », estime-t-il. Des représentants de la Halde et de la Cnil figurent dans le groupe d’experts.

Entrons un peu plus en avant dans l’analyse du rapport assez consensuel en y apportant quelques nuances. Ce qui domine clairement : nul besoin d’une loi. La France dispose des outils statistiques nécessaires pour mieux appréhender l’ampleur et les mécanismes des discriminations. Elle peut développer ce qu’on appelle communément des « statistiques ethniques », à condition d’en faire un usage « raisonné » et « différencié selon les circonstances et les finalités ». C’est avant tout l’expression d’une volonté de sortir de plusieurs mois de polémiques inextricables dont Nea say s’est efforcé de témoigner.  Le rapport lui-même (268 pages) est loin d’apporter une compréhension aisée. Si l’on peut résumer la polémique en deux mots disons : d’un côté et depuis le début des années 2000, les défenseurs de la République « une et indivisible » refusent l’idée que l’on puisse distinguer les Français en fonction de leurs origines ethniques. Ils s’opposent à ceux qui estiment que seule une telle distinction permettra de lutter efficacement contre les discriminations.

Le comité a mis à plat chacune des méthodes existantes qui permettent de décrire les origines des personnes. Le panel est large: enquêtes s’appuyant sur le pays de naissance et la nationalité des individus comme les grandes enquêtes de l’Insee, études reposant sur le « ressenti d’appartenance », testings utilisant patronymes ou prénoms selon leur consonance ethnique…

« Contrairement à une idée répandue, relève François Héran, président du Comedd et ancien directeur de l’Institut national des études démographiques (INED), la loi ne pose pas un interdit absolu de traiter statistiquement des données sensibles, y compris ethniques et raciales. Mais elle l’autorise à titre dérogatoire et sous strictes conditions. »De fait, si la loi Informatique et liberté de 1978 énonce une interdiction de principe sur le traitement statistique des données sensibles, elle permet d’y déroger, sous contrôle de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et à condition de respecter certains critères (consentement individuel, anonymat, intérêt général…).

Ces dérogations ont permis le développement depuis quinze ans d’ un nombre croissant d’enquêtes spécifiques de la statistique publique. Ce cadre a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 novembre 2007, détaillée dans son commentaire publié dans ses Cahiers. S’il a déclaré inconstitutionnel « la définition a priori d’un référentiel ethno-racial » sur le modèle américain ou britannique, le Conseil ne s’oppose pas au traitement de données « subjectives » comme celles fondées sur le « ressenti d’appartenance ». Selon le Comedd, il est donc possible de produire, à droit constant, des statistiques faisant référence aux origines.  » L’alternative n’est pas entre tout permettre ou tout interdire » souligne le Comedd. « Le problème majeur en France n’est pas de légitimer le principe de telles données, insiste le rapport. Le véritable défi est de rendre ce principe effectif. »Le comité insiste toutefois sur le fait que la mesure des discriminations doit se faire en lien avec les inégalités sociales. Le comité propose plusieurs mesures pour favoriser le développement contrôlé de telles études.

Mais il convient de garantir la mise en place d’un « cadre sécurisé » de traitement des données sur l’origine. Le recensement et les grandes enquêtes de la statistique publique (enquête Emploi, Famille…) constituent le socle de base de ce cadre sécurisé. Le Comedd propose d’enrichir le recensement par le recueil d’informations sur la nationalité et le pays de naissance non seulement des individus (ce qui est déjà le cas) mais également de leurs parents, questions déjà présentes dans les grandes enquêtes de la statistique publique. Il s’agit de disposer de données représentatives sur la trajectoire sociale des enfants d’immigrés et ce à l’échelle des bassins d’emploi. Les études sur les mécanismes des discriminations ethno-raciales (sondages spécialisés, testings patronymiques, observations expérimentales in situ, enquêtes sur le ressenti d’appartenance…) relèvent, elles ,des  » compléments d’enquête « , soumises au contrôle de la CNIL. Les données sur la perception des appartenances et des discriminations ethno-raciales, ne doivent pas, pour le Comedd, figurer dans la statistique courante. Elles doivent être réservées à des enquêtes spécialisées de recherche ou d’évaluation munies de solides garanties (consentement, anonymat strict).

Mais cela ne suffit pas il convient aussi de créer un dispositif d’observation des discriminations dans l’emploi. Le Comedd propose donc a création d’un outil spécifique aux entreprises et aux collectivités. Sur le modèle du « rapport de situation comparé » mis en œuvre par la loi sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, il préconise que soit défini un questionnaire « normalisé », qui serait rempli par les salariés des entreprises, administrations et collectivités d’au moins 250 salariés, « avec une garantie totale d’anonymat ».

Ces questionnaires s’intéresseraient au recrutement, promotions, type de contrat, formation, rémunération… et donneraient pour chacune de ces situations, la distribution du personnel par origine. Ces questionnaires se fonderaient là encore sur la nationalité et le pays de naissance des individus et de leurs parents. Ils seraient inscrits au bilan social des entreprises et discutés avec les partenaires sociaux.

C’est pourquoi le rapport propose la création  au sein de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et l’égalité (Halde) d’un Observatoire des discriminations. Cet observatoire produirait tous les ans un rapport sur l’état des lieux des discriminations en s’appuyant sur l’ensemble des données recueillies par la statistique publique, les entreprises ou dans le cadre des enquêtes spécifiques. Il piloterait également le dispositif de veille statistique instauré dans les entreprises en harmonisant les questionnaires et en confrontant les résultats aux données locales de l’Insee. Pour Yazid Sabeg, le rapport du Comedd constitue une « avancée indéniable ». Le commissaire à la diversité, qui veut développer les enquêtes sur le « ressenti d’appartenance » de façon plus large, attend également l’avis du Conseil d’Etat sur le sujet. Le rapport du Comedd sera, lui, soumis à la concertation des partenaires sociaux et des institutions concernées.

Texte intégral du rapport de 268 pages http://www.scribd.com/doc/26484593/Inegalites-et-discriminations-COMEDD-2010

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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