Acta et les Etats-Unis, le couple infernal : une nouvelle affaire Swift ? Le contrôleur européen des données veut en savoir plus.

Le Parlement européen se montre de plus en plus insistant. La Commission européenne sur la réserve s’en tient au strict minimum pour l’instant et élude toute question.

Manifestement les Etats-Unis veulent mettre en avant le principe de « la riposte graduée » pour toute l’Europe, sans pour autant s’engager pour leur propre compte. Le superviseur européen à la protection des données personnelles interpelle la Commission dans le cadre des négociations sur l’Acta, se déclarant hostile aux dispositifs de surveillance généralisée et de riposte graduée voulue par l’industrie américaine dont certain lobby se sont montrés actifs tant au niveau européen que français lors des discussions sur la loi Hadopi.


Un remake des affaires Swift/Pnr, mais aussi pour le Parlement européen un remake de l’affaire Hadopi avec la même origine, française,  même si a-priori cela peut sembler assez éloigné de la problématique « Acta », c’est en effet  la « Loi Loppsi » sur la sécurité intérieure qui est aussi en cause. La Loi Loppsi loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dont le projet a été voté en première lecture à l’Assemblé nationale française le 1§ février dernier. Une loi fourre-tout qui va des couvre-feux pour mineurs aux vidéo surveillance … et qui touche aussi à Internet puisque l’article 4 de la Loppsi peut désormais obliger les fournisseurs d’accès à Internet à bloquer des sites  sur décision de l’autorité judiciaire, l’installation de logiciels espion sur les ordinateurs des suspects. Certes l’intervention du juge évitera la censure du Conseil constitutionnel français et des aventures  devant le Parlement européen, mais tout cela fait un paysage bien encombré au niveau international avec des possibilités de réactions en chaîne difficile à maîtriser.

Dans ces dossiers inextricablement imbriqués, la force clarifiante de la      Commission européenne n’est pas encore intervenue à ce jour malgré l’interpellation du contrôleur européen des données et malgré  aussi celle du Parlement européen qui se fait chaque jour plus insistante face à des rumeurs qui enflent : manque de transparence dans les négociations, voire secret. La Commission s’est bornée à publier sous la responsabilité de sa Direction générale du Commerce des fact sheet http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2009/january/tradoc_142040.pdf

et des historiques signalant qu’elle ne manquera pas de tenir informé le parlement européen par l’intermédiaire de sa commission du commerce international (INTA) mais comme nous venons de le voir les aspects commerciaux ne sont pas les seuls concernés.

Face à cette discrétion de la Commission des voix se sont élevées au sein du Parlement européen pour demander plus d’informations sur le déroulement des négociations multilatérales sur l’accord commercial international anti-contrefaçon, dit ACTA.N’ayant pas obtenu de réponses adéquates de la Commission européenne à leurs questions écrites de janvier et février dernier,(FR)  http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+WQ+E-2010-0147+0+DOC+XML+V0//FR

(EN) http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/02/25/AR2010022505936.html

le libéral allemand, Alexander Alvaro, les socialiste Françoise Castex (française) et Stavros Lambrinidis (grec) ainsi que la Tchèque Zuzana Roithova (PPE) ces parlementaires ont décidé de soumettre à la signature des autres députés européens, entre le 8 mars et le 17 juin, une déclaration écrite pour débat avec la Commission, déclaration qui dénonce l’opacité des négociations sur l’Acta et avertit des objections possibles du Parlement européen au contenu de l’accord. Clairement ils ont indiqué que le parlement européen n’apposera pas son accord à tout projet d’accord qui viendrait être conclu : veut-on un nouveau Swift ? font remarquer certains députés.

Suite au 7ème round sur l’Acta fin janvier au Mexique (cf. Press Statement de la Commission http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2010/february/tradoc_145774.pdf

, les députés, initiateurs de la déclaration écrite, veulent obtenir que le Parlement européen soit dûment informé des négociations , rappelant au passage que le dernier mot leur revient en vertu des nouveaux pouvoirs conférés par le traité de Lisbonne. S’il vise les activités de contrefaçon et de piratage qui nuisent aux intérêts commerciaux et non directement les activités des citoyens ordinaires, l’ACTA préoccupent les défenseurs des libertés et en particulier des internautes en ce qu’il ne respecte pas le droit à la vie privée ou les droits de la défense des personnes mises en cause. C’est la thèse défendue par des associations comme Electronic Frontier Association aux Etats-Unis ou la Qudrature du Net en France qui s’est illustrée  dans son combat contre la loi Hadopi première mouture, comme elles le Parlement  exige depuis plusieurs mois davantage de transparence et lors de son audition devant le Parlement le commissaire désigné au commerce, Karel de Gucht, a été sommé de s’expliquer et de prendre des engagements. Comme dans la loi Hadopi et comme l’a fait remarquer le contrôleur à la protection des données, c’est une nouvelle fois le principe dit de « la riposte graduée » qui est visée qui obligera une surveillance à grande échelle des utilisateurs d’Internet et imposera l’obligation aux fournisseurs de service Internet d’adopter ce principe de connexion en trois temps ;. Au Parlement européen on redoute donc que l’Acta porte atteinte aux droits fondamentaux et on estime que si la lutte contre la contrefaçon est parfaitement légitime elle ne doit pas introduire des éléments qui n’ont rien à voir avec le piratage sur Internet, délit qui n’est pas encore défini ni en droit européen, ni en droit international et par conséquent  un tel accord ne peut criminaliser un délit non encore qualifié tant pour les utilisateurs que pour les fournisseurs d’accès. Une surveillance systématique et à une telle échelle n’est pas légitime d’autant plus que l’accès à Internet est devenu un droit fondamental et l’interdire est une sanction disproportionnée.

Aux termes de la déclaration écrite des quatre députés, ceux-ci considèrent que l’Acta « ne doit pas indirectement imposer une harmonisation du droit communautaire sur les droits d’auteur, les brevets et les marques commerciales et que le principe de subsidiarité doit être respecté. Le parlement exhorte donc la Commission européenne à « immédiatement rendre publics tous les documents relatifs aux négociations (…) l’accord proposé ne doit pas porter atteinte au droit à un procès équitable, ni affaiblir les droits fondamentaux, tels que la liberté d’expression et le droit à la vie privée ». Le parlement est aussi d’avis que l’évaluation des risques économiques et des risques pour l’innovation doit être prise en compte avant l’introduction de sanctions criminelles, quand des mesures civiles sont déjà en place. A cet égard, dans une interview donné au journal Libération du 26 février dernier,  Giuseppe de Martino directeur juridique de Dailymotion et président de l’Asic (Association des services internet communautaires regroupant AOL, Google, Yahoo ….) souligne qu’il y a déjà un arsenal législatif important sur Internet. En outre le Parlement européen considère que les fournisseurs de services Internet ne doivent pas être rendus responsables des données qu’ils transmettent ou qu’ils hébergent dans une mesure qui impliquerait une surveillance préalable ou le filtrage de ces données. Enfin il souligne que toute mesure visant à renforcer l’inspection transfrontalière et les saisies des biens ne doit pas mettre en danger l’accès à des médicaments légaux, sûrs et à des prix accessibles.  Bref c’est toute une panoplie d’arguments que les députés européens mettent en avant.

What is ACTA about ? fact sheet de la Commission européenne http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2009/january/tradoc_142039.pdf

Acta : summary of key elements under discussions http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2009/november/tradoc_145271.pdf

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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