Des prisonniers de Guantanamo en Allemagne ? On en parle à nouveau

Berlin réfléchit actuellement à une éventuelle arrivée de détenus de Guantanamo sur son sol. Mais certains députés issus de la CDU d’Angela Merkel et de sa branche locale bavaroise (CSU) s’y opposent. L’Allemagne va- t-elle accueillir des détenus de Guantanamo, la prison américaine de Cuba? Le débat est lancé depuis longtemps, il vient d’être relancé depuis que l’hebdomadaire Der Spiegel a révélé le 27 mars qu’une délégation allemande s’était rendue, la semaine dernière à Cuba, pour rencontrer des occupants de la geôle militaire, pour la plupart soupçonnés de terrorisme. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a ensuite confirmé cette information: le gouvernement souhaite participer à la fermeture de Guantanamo et donc faire venir des captifs en Allemagne.

Angela Merkel, favorable de longue date à cette fermeture, avait souligné, lors d’un voyage à Washington en 2009 que son pays n’échapperait pas à ses responsabilités. Pourtant, le gouvernement avait refusé, la même année, l’arrivée de deux prisonniers ouïgours issus de la prison militaire. A l’époque, la grande coalition (CDU-SPD) s’était même divisée (Cf. Nea say). L’ancien ministre de l’Intérieur (CDU) qui détient en ce moment ministre  des Finances, Wolfgang Schäuble, était contre. Son partenaire social-démocrate, ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, était plutôt favorable. L’arrivée de détenus ouïgours était donnée pour acquise, mais finalement ne s’est pas faite La « Fédération allemande des personnels de prison » (BSBD) estime, lundi 29 mars, que l’Etat d’Outre-Rhin n’est pas prêt à accueillir des « délinquants étrangers et terroristes » sur son sol. Selon la BSBD, ces captifs « islamistes » ne pourraient pas s’intégrer dans « les sociétés occidentales ». Un nouvel épisode, sans conclusions concrètes ? Difficile à imaginer qu’un tel refus persiste quand  déjà dix Etats européens, dont la France, l’Espagne et la Suisse ont accueilli des ex-prisonniers. Certains conservateurs de la CDU protestent aussi. Le président CDU de la Commission des Affaires intérieures du Bundestag, Wolfgang Bosbach y voit des « problèmes de sécurité ». Il ne semble pas totalement opposé mais reste prudent: « Si nous devions accueillir des prisonniers pour des raisons humanitaires, nous devrions examiner au cas par cas » le dossier de chaque détenu. La porte-parole sur les droits de l’homme et de l’aide humanitaire du groupe parlementaire CDU-CSU (la branche bavaroise des conservateurs), Erika Steinbach propose, elle, que les prisonniers soient envoyés… « sur le territoire américain ». Le ministre bavarois (CSU) de l’Intérieur, Joachim Herrmann se montre également hostile à l’arrivée de ces prisonniers. D’autres, en revanche, donnent leur accord mais sous certaines conditions, tel l’eurodéputé et ex-président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, Elmar Brok. Le député libéral de la FDP, partenaire de l’actuelle coalition allemande de centre-droit, Christian Ahrendt ne s’oppose pas non plus à ce que l’Allemagne accueille des « non-coupables, enfermés à Guantanamo ».

Les discussions entre le  ministère allemand de l’Intérieur et le gouvernement des Etats-Unis durent depuis des mois, comme l’a déjà rapporté Nea Say. Selon der Spiegel, il s’agirait d’un Palestinien de 30 ans, membre d’un groupe islamiste radical, un Jordanien, âgé de 35 ans et un Syrien de 34 ans – les deux derniers auraient séjourné en Afghanistan en 2001. Comme l’a rappelé le porte-parole du gouvernement, Christoph Steegmans, Berlin veut s’assurer que ces prisonniers ne peuvent ni rester sur le territoire américain ni revenir dans leur pays d’origine. D’où l’envoi de la délégation allemande, composée de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, des membres de l’Office fédéral de police criminelle et de l’Office de protection des réfugiés, censées établir un diagnostic des risques.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Laisser un commentaire