Le Parlement européen s’empare du dossier ROM. Avant le débat en plénière du 7 septembre, un « tour de chauffe » à la commission LIBE (Commission des libertés civiles et affaires intérieures) réunie le 2 septembre dans un climat sans tensions inutiles.

Les députés étaient principalement impatients, notamment  de savoir quand la Commission allait rendre son « verdict » et impatients d’en découdre. Mais avec qui ? la Commission a été préservée  de toute attaque excessive suite à l’exposé introductif de sa représentante, Françoise Le Bail. La complexité a été présentée avec clarté : ce n’est pas essentiellement un problème de libre circulation, mais de bonne intégration des Roms et d’une bonne  mobilisation des fonds européens  qui sont importants. Au bout du compte, y-a-t-il infraction et la procédure sera-t-elle engagée contre la France, telle est la question un peu réductrice qui occupait l’esprit de bon nombre de députés. Un débat vif (Vingt interventions en vingt-cinq minutes), concis allant à l’essentiel.

 La légalité des mesures prises par le gouvernement français reste à établir tant sur le plan de la législation en matière de libre circulation et de séjour qu’au regard de la Charte des droits fondamentaux, ont indiqué la Commission européenne ainsi que de nombreux députés de la commission des libertés civiles.

« Quand la Commission sera-t-elle en mesure de dire si oui ou non, ces actions sont en conformité avec la loi européenne ? », s’est interrogé le maltais Simon Busuttil (PPE). « A la lumière de l’entièreté des faits », lui a répondu Françoise Le Bail, directrice générale en charge de la Justice à la Commission européenne. Les services de la Commission examinent actuellement les éléments transmis par le gouvernement français. A une réunion au niveau politique avec les ministres français, vont se succéder de nombreuses réunions technique afin de rassembler toutes les informations nécessaires permettant  d’évaluer la situation. La conformité des renvois sera examinée à la lumière de la législation en matière de libre circulation (la directive 2004/38) mais aussi par rapport à la Charte européenne des droits fondamentaux, qui consacre le principe de non-discrimination et qui a depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne un caractère contraignant, a indiqué la représentante de la Commission européenne. La Commission a bien souligné l’importance de ne pas perdre de vue ce deuxième volet du problème. Les entretiens avec la France se poursuivent donc et le dialogue évolue dans le bon sens. Françoise Le bail a rappelé la communication de la Commission de cette année  (avril) ainsi  que le sommet de Cordoue qui lui a succédé, une communication qui reprenait largement la résolution du Parlement européen . Les objectifs qui se dégagent sont ambitieux et ce sont ceux de la bonne intégration des Roms où qu’ils se trouvent. Les perspectives financières 2007-2013 ont réservé 10 milliards pour les Roms, il convient de vérifier si ces sommes sont dépensés et correctement dépensés ;

« Il s’agit d’un problème européen car les traités ont été violés », a estimé Rita Borsellino (PSE, IT). « Des citoyens ont été discriminés en raison de leur ethnie ». Elle a également mis en garde contre le danger d’un « effet de contagion » de telles mesures à d’autres pays. Elle s’est interrogée sur les fonds, leur volume et leur utilisation.

Jan Mulder (ADLE, NL) a de son côté exprimé des doutes sur le fait que les procédures des reconduites à la frontière aient été menées de manière individuelle comme le stipule le droit européen. « Pour autant que je sache, les cours françaises ont déjà la réponse », a-t-il déclaré. Des arrêtés de reconduite à la frontière ont en effet été annulée (cf. autre information dans Nea Say). Quels sont les résultats suite aux sommes dépensées, s’est-il préoccupé.

 « Quand on fixe des contingents chiffrés d’expulsions, n’est-ce pas contraire à la loi? », s’est interrogée Cornelia Ernst (GUE/NGL, DE). Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL, FR) a pour sa part dénoncé « des procédures policières expéditives » et « des expulsions collectives », et a invité la Commission à consulter la société civile dans son évaluation du dossier.

« Le Parlement a exhorté à plusieurs reprises à mettre en place une stratégie globale pour l’intégration des Roms », a rappelé Kinga Göncz (PSE, HU).  La France a été trop loin et la Commission ne doit pas oublier qu’elle est la gardienne des traités.  La Commission a été peu réactive et lente, ce n’est plus de mise, a-t-elle constaté. « Cette triste et déplorable affaire interroge profondément les libertés constitutives de l’Europe et de son projet » a déclaré Hélène Flautre (Verts/ALE, FR). Elle a souhaité tirer les leçons de ces événements afin « d’aboutir à une intégration sans pareille des Roms », et a invité la Commission à dépasser son rôle actuel, que Françoise le Bail avait qualifié d »honest broker ». Elle constate par ailleurs une mobilisation sans pareille de l’Europe tout comme Kinga Göncz venait de le faire.

L’argent européen pour les Roms est-il bien dépensé par les Etats-membres ? La représentante de la Commission a par ailleurs jugé « important de s’assurer que les 10 milliards d’euros » du Fonds social européen pour l’inclusion des Roms « soient réellement dépensés au bénéfice de cette communauté » par les Etats membres où celle-ci est numériquement importante. Elle a signalé que la responsabilité des dépenses relève principalement des Etats membres.

« Certains collègues réagissent de manière un peu exagérée », a déclaré Phillip Claeys (NI, BE). « Il faut voir aussi ce que l’opinion publique pense ». Sur le plan de la légalité, « il y a eu des expulsions sur la base d’un traitement individuel des dossiers; le gouvernement français a agi en toute légalité et en a parfaitement le droit ». Il fut rejoint dans cette appréciation très minoritaire par son collègue Van der Stoop : aux Pays-Bas, un tiers des Roms ont un casier judiciaire, les Roms s’excluent eux-mêmes et laissez la France tranquille, s’est-il exclamé.

Intégrer les Rom, oui bien sûr, ont fait remarquer certains députés (Mme Romero notamment) mais avant il faut les comprendre et prendre en considération une situation paradoxale où ils sont d’abord perçus comme des immigrés et non comme des citoyens européens, ce qu’ils sont. Pour d’autres intervenants le problème essentiel est cette vague de racisme qui semble déferler sur l’Europe.

En conclusion, la représentante de la Commission a confirmé que la Commission entendait bien jouer pleinement son rôle de gardienne des traités, que Mme Reding saisira l’occasion du prochain débat en plénière pour faire connaître la position et les conclusions de la Commission. Celle-ci  va continuer et amplifier le support qu’elle apporte aux Etats qui en ont besoin, la gestion financière étant une gestion partagée, a-t-elle tenu à rappeler.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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