L’Europe libéralise l’entrée de son espace : vers une Europe sans visa ? C’est vite dit

Pour l’instant, l’Europe poursuit ce qu’elle avait fait pour la Serbie et la Macédoine et ouvre un peu plus grand ses portes aux Balkans, mais la mesure est désormais réversible. Les vingt-huit pays de l’espace Schengen ont décidé de supprimer d’ici à Noël l’obligation du visa d’entrée pour les citoyens de Bosnie et d’Albanie, en ajoutant une restriction inédite: l’exemption pourra être suspendue à tout moment dans une «situation d’urgence caractérisée», comme le déferlement de voyageurs indésirables.

La décision européenne, prise lundi 8 novembre à l’unanimité, fait la part  entre les avocats de l’intégration promise à la totalité des Balkans ( notamment le Parlement européen) et ceux qui, en pleine crise économique, s’inquiètent d’abord d’un afflux incontrôlé de migrants qui souvent ne comprennent pas la valeur relative d’une entrée sans visa qui n’est pas un droit de séjour ou un permis de travailler. Les partisans de la dispense du visa font valoir qu’il faut exorciser les drames du passé précisément en favorisant les échanges culturels et sportifs et plus particulièrement pour les jeunes, les voyages, les affaires, les séjours de courte durée. La France, fraichement sortie d’un épisode difficile avec les Roms de Roumanie et de Bulgarie, n’a donné son feu vert qu’à la condition que les visas puissent être rétablis sans préavis. Éric Besson a trouvé des alliés résolus en ses collègues allemand et néerlandais. «Nous continuons de croire à la libéralisation, assurait  le ministre français de l’Immigration. Mais nous avons connu des expériences intenables avec les Balkans. Les principes ne doivent plus être détournés. Cela impose un suivi rigoureux et la possibilité d’un retour temporaire» au régime précédent.

Lorsque l’UE a levé l’obligation du visa pour la Serbie et la Macédoine l’an dernier, l’Allemagne et d’autres pays de l’UE ont eu la mauvaise surprise d’un déferlement de ressortissants des deux ex-républiques yougoslaves réclamant l’asile politique. Il s’agissait pour l’essentiel de Roms et de représentants des minorités albanophones. Pour y remédier, le dispositif adopté au Conseil des ministres du 8 novembre autorise Bruxelles à proposer «des mesures provisoires», y compris la suspension rapide de la libéralisation» des visas.

La mesure  consentie  à Sarajevo et à Tirana ne s’applique qu’aux titulaires de passeports biométriques, il faut le souligner. La menace du retour au visa, elle, vise tous les pays qui aspirent à l’UE. La Bosnie et l’Albanie, bien sûr, mais aussi ceux qui jouissent déjà de l’exemption tels la Serbie, la Macédoine et le Monténégro. Ou encore ceux qui pourraient en bénéficier un jour, comme l’Ukraine ou la Moldavie. Avec l’assouplissement décidé  pour la Bosnie, c’est toute l’ex-Yougoslavie qui sera bientôt dans la zone sans visa. Une notable exception: le Kosovo. L’ancienne dépendance de la Serbie reste un cas à part, puisque cinq pays de l’UE n’ont pas reconnu son indépendance (Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie). C’est certes une avancée que certains sont prompts à qualifier « d’historique » : les populations l’an passée ont saluée avec ferveur et enthousiasme la suppression du visa  et on peut prédire qu’il en sera de même cette année tant elles imaginent un peu naïvement malgré les explications données par les autorités (ce fut une des conditions pour lever l’obligation de visa) que cette suppression du visa équivaut à « une entrée dans l’Union européenne » , vœux ardents des candidats ou aspirants candidats.

Tout retour en arrière serait provisoire et ne serait décidé qu’«en dernier ressort», assurait-on du côté de la Commission européenne, chargée de faire fonctionner le nouveau régime. La décision prise à Bruxelles ne marque pas un raidissement, une hésitation qui est allée crescendo et qui n’existait pas aussi fortement l’an passé. Le prochain test sera la décision d’élargir ou non l’espace sans frontière de Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie, encore qu’il est difficile de mettre les deux choses sur le même plan. En tout cas que ce soit avec les Etats-Unis ou le Canada, sans parler d’autres pays, on peut qu’une guerre sournoise et rampante des visas est ouverte.

La Commission européenne a salué la décision du Conseil http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/10/548&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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