Référendum Suisse : la Suisse va-t-elle bientôt expulser les étrangers criminels ? La réponse est OUI ! C’est l’angoisse a conclu le journal suisse le Temps, car ce vote annonce d’autres périls

Dimanche, les suisses se sont prononcés à près de 53% sur un texte qui réclame le renvoi des étrangers ayant commis des délits graves. Juste un an après s’être prononcé en faveur  de  l’interdiction de la construction  des minarets. Certes le peuple a toujours raison lorsqu’il vote, mais il nous avertit d’autres périls. En toute hypothèse le dossier n’est pas clos.

 La campagne a d’abord été une confrontation des affiches :   « Ivan S., violeur et bientôt suisse ? » À travers la Suisse, ce slogan de l’UDC barre les affiches représentant un personnage barbu à l’air patibulaire. L’Union démocratique du Centre de Christoph Blocher récidive. Fort de son succès en 2009 concernant l’interdiction des minarets, ce parti – le plus à droite de l’échiquier politique – réclame que les étrangers condamnés pour meurtre, viol, brigandage, traite d’êtres humains, trafic de drogue, mais aussi ceux qui « ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale » soient privés de leur titre de séjour et de tous leurs droits de séjourner dans la Confédération.

Contre-projet est tout aussi sévère…..Afin d’éviter un nouveau triomphe pour l’UDC – la principale formation politique du pays, avec près de 30 % d’intentions de vote -, les autres partis au parlement ont lancé un contre-projet qui va dans le même sens, mais qui se veut « ferme, mais juste ! » (« Hart aber fair ! »). Démocrates-chrétiens, libéraux-radicaux et socialistes estiment que l’initiative lancée par l’extrême droite n’est pas compatible avec l’accord sur la libre circulation signé avec l’Union européenne. Comment réagiront en effet Paris et Berlin si Berne expulse un Français ou un Allemand coupable d’avoir vendu du haschich ou qui n’aurait pas payé une pension alimentaire ? La commissaire aux affaires intérieures avait d’ailleurs, sur ce point, mis en garde les autorités politiques et les forces politiques. Mais qu’en est-il des fraudeurs du fisc qui viennent s’abriter en Suisse interroge de député européen Cohn-Bendit ?

Mais bien que l’initiative du parlement soit plus policée que celle de l’UDC, elle reste très sévère. Les étrangers auteurs d’assassinat, viol, brigandage, mais aussi d’une « infraction passible d’une peine de privation de liberté d’un an au moins » seront reconduits à la frontière. Côté campagne sur le terrain, les jeunes socialistes mettent en scène « Christoph B., fasciste et déjà suisse ! » Christoph B. contre Ivan S. Le match a longtemps était serré, mais finalement des socialistes a perdu.  L’affiche de l’Union démocratique du centre (UDC), monntrant un visage barbu à la mine patibulaire, avec pour slogan « Ivan S., violeur et bientôt suisse ? » a touché sa cible. Une majorité de Suisses (52,9 %) ont approuvé dimanche l’initiative réclamant l’expulsion systématique de tous les étrangers condamnés pour meurtre, viol, brigandage, traite d’êtres humains, trafic de drogue. Mais aussi pour ceux qui « ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l’aide sociale ». Voilà ce que l’UDC prévoit d’inscrire dans la Constitution. Le couperet tombera même sur un étranger né en Suisse, qui y a toujours vécu et qui ne connaît ni le pays ni la langue de ses ancêtres. L’expulsion sera automatique et ne fera pas l’objet d’une appréciation au cas par cas. Seul contre toutes les autres organisations politiques, le parti du leader populiste Christoph Blocher, un homme d’affaires milliardaire, a donc enregistré sa sixième victoire en sept ans. Fin 2009, les Suisses approuvaient à 57 % la construction de nouveaux minarets. Avant cela, l’UDC s’était opposée à la naturalisation facilitée de la deuxième génération d’étrangers et avait fait approuver l’internement à vie des délinquants dangereux. Il a balayé le contre-projet.

Une fois encore, ce vote a provoqué la coupure en deux du pays, les Alémaniques se montrant très favorables à l’initiative de l’UDC (à l’exception de Bâle-Ville) tandis que les francophones la rejetaient (à l’exception du canton du Valais). Persuadés que l’UDC, principal parti de la Confédération avec près de 30 % des suffrages, allait une nouvelle fois gagner cette élection, les autres formations politiques, les socialistes, libéraux-radicaux et démocrates-chrétiens, ne se sont guère engagées, à l’exception de quelques initiatives locales. Concrètement, que ce vote va-t-il changer ? En 2009, le nombre d’expulsions était compris entre 650 et 700 personnes. L’initiative de l’UDC devrait multiplier ce chiffre par cinq.

Les réactions : protestations d’Amnesty International, attente à la Commission européenne, « business as usual » pour le Conseil fédéral également.

Le vote a été immédiatement qualifié de « journée noire pour les droits humains en Suisse » par Amnesty International. « Des dispositions violant les droits humains n’ont rien à faire dans notre Constitution. Les initiants ont une nouvelle fois abusé du droit d’initiative dans le but d’augmenter leur capital politique par des propos xénophobes », indique l’ONG dans un communiqué. Les Verts se sont quant à eux déclaré « consternés de devoir constater une nouvelle violation du principe d’égalité devant la loi inscrit dans la Constitution fédérale ».

Le Conseil fédéral (gouvernement) a indiqué pour sa part à Berne que la « majorité des votants ont clairement exprimé que la criminalité des étrangers est pour eux un problème sérieux » et « exécutera le mandat qui lui a été confié ». Néanmoins, la ministre de la justice Simonetta Sommaruga a tenu à rappeler que les étrangers « fournissent une contribution essentielle à la vie économique, sociale et culturelle du pays ».

La Commission européenne a fait dire par son Porte Parole qu’elle étudierait, le moment venu, les mesures de mise en œuvre, mais qu’elle faisait confiance au Conseil fédéral pour que la Suisse respecte ses engagements internationaux. Pour être complet rappelons que Le second sujet de la votation de dimanche, une initiative du PS « pour des impôts équitables » dans un pays considéré comme un havre fiscal, a été pour sa part plus largement rejeté avec 58,5 % des voix. Cette initiative était réclamée par le Parti socialiste pour mettre un terme à la concurrence fiscale entre cantons cherchant à attirer les grosses fortunes.

Les conclusions que l’on peut tirer sont celles que tire l’éditorialiste du journal suisse le Temps : pour lui, c’est l’angoisse !

«  Une majorité du peuple suisse, une large majorité des cantons a donc choisi de voter en faveur de l’initiative qui veut renvoyer de manière systématique les criminels étrangers. Une année après la votation sur l’interdiction des minarets, l’UDC impose son dogme souverainiste, au mépris des règles de droit universelles. Sa victoire nous engage dans une voie malsaine, celle qui consiste à discriminer et à punir sans recours l’étranger. Le contre-projet qui voulait nous protéger de l’arbitraire échoue, lamentablement, considéré par beaucoup comme une mauvaise copie et torpillé par l’absolutisme du camp rose-vert.

Certes, le peuple a toujours raison lorsqu’il a voté, mais très vite on comprendra que l’initiative de l’UDC est inapplicable en l’état et ouvre d’innombrables querelles juridiques auxquelles tout Etat démocratique doit se soumettre. Le dossier n’est donc pas clos. Une majorité de citoyens exprime par ce vote un second désaveu de l’ordre juridique qui est inquiétant pour une démocratie dont l’essence même est de lutter contre les abus de tous ordres. Manifestement, les partis du centre, le Conseil fédéral et le parlement sont de plus en plus impuissants à contrer le discours d’un grand parti qui exploite les peurs légitimes qui s’exercent à l’égard des phénomènes migratoires. Les arguments rationnels, par nature complexes, sont laminés par la brutalité avec laquelle le populisme assomme la raison. Même le durcissement du droit et les pratiques plus restrictives dans certains cantons ne suffisent plus à endiguer la colère que l’on devine.

La population, en particulier celle qui se sent faible et troublée par les questions identitaires, veut être rassurée par des actes concrets. Dimanche, une majorité populaire a imposé son principe de fermeté, mais si impraticable et contraire au droit qu’il devra être amendé. Pour l’UDC, l’essentiel est sans doute acquis. Pour les grands partis respectueux des institutions, cette nouvelle défaite est lourde de sens car elle révèle que les citoyens ignorent les limites posées dans l’exercice des droits civiques. Avec une légèreté si naïve qu’elle en devient angoissante et nous avertit d’autres périls. »

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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