Pour une justice paisible, sans laxisme et sans bellicisme. Le recours à l’ethnopsychologie est une voie à recommander.

Le journal « la Croix » a mené une enquête qui mérite d’être connue et à donné la parole à des professionnels (présidente de la cour d’assise de Paris, juges pour enfants et psychiatres). En effet la justice recourt davantage à l’ethnopsychologie : les magistrats amenés à juger des personnes d’origine étrangère s’appuient de plus en plus sur des expertises ethnocliniques afin de mieux comprendre la personnalité des prévenus. Plus nombreux sont les jeunes magistrats à avoir été formés à cette discipline, toute nouvelle pour eux. L’impact des cultures et traditions est mieux mesuré.

Il est des affaires limpides, tant les mobiles semblent évidents. D’autres, en revanche, « résistent » à Martine de Maximy, présidente de la cour d’assises à Paris. « Dans certains dossiers impliquant des étrangers, nous ne réussissons pas à comprendre les ressorts de l’affaire sans avoir clairement à l’esprit ses représentations culturelles. » Dans ce cas, la juge réclame un supplément d’enquête, afin qu’une analyse ethnoclinique puisse compléter l’expertise psychologique. Martine de Maximy l’a encore fait récemment pour un meurtre intrafamilial impliquant un Français venant du Cambodge. « Les raisons de son passage à l’acte restaient floues, ses proches se muraient dans le silence… Je pressentais que quelque chose avait échappé au magistrat instructeur », se souvient-elle. « Grâce au regard d’un anthropologue sur ce dossier, nous avons pu déceler une violence antérieure jamais verbalisée, ce qui nous a permis de mieux appréhender le profil de l’accusé. Le tribunal a pu mettre des mots sur ce qui s’était passé. Or, c’est souvent cela, avant tout, qu’attendent les victimes. »

À l’Association nationale des psychiatres experts judiciaires, on se dit plutôt favorable à ce nouveau genre d’analyse. L’un de ses membres, l’expert psychiatre Daniel Zagury, ne dit rien d’autre. «Lorsque je me trouve face à des accusés d’origine étrangère, mes examens présentent parfois de vraies limites. Par exemple, selon nos canons occidentaux, l’absence d’émotivité peut être considérée comme un signe de perversion. Or, dans certaines cultures, la placidité est, précisément, une valeur cardinale ! »

C’est l’occasion pour eux de mieux connaître les modes de fonctionnement de certaines sociétés traditionnelles (imbrication du sacré et du profane, structures familiales, modes de résolution des conflits, schémas culturels,  etc.). Jusqu’à présent, l’ethnopsychologie n’avait cours que dans un seul domaine : celui de la justice des mineurs. Depuis une quinzaine d’années, en effet, les juges des enfants – dont la mission n’est pas seulement de sanctionner mais aussi de prononcer les mesures éducatives – voient d’un bon œil ce genre d’examens cliniques.

« Mieux comprendre ne veut pas dire moins punir » . Ne va-t-on pas courir le risque de trop de mansuétude ? « Les peines prononcées aujourd’hui ne sont pas plus indulgentes qu’hier, assure Martine de Maximy. Mieux comprendre ne veut pas dire moins punir. » À ce constat, la juge en ajoute un autre : « Mieux comprendre permet aussi au condamné de comprendre le sens de son acte et, espérons-le, de ne pas récidiver. »

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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