Editorial du n° 108 de Nea Say: « Vivre ensemble : liberté et diversité dans l’Europe du XIXe siècle »…crise de leadership.

Dans le passé rarement nous avons  été confrontés à un manifeste au titre  aussi entrainant, aussi mobilisateur. Sans restriction aucune. Un véritable hymne à la fraternité dans la diversité. Malgré cela, un sentiment de découragement s’empare de nous face à l’actualité, cette écume des jours sans cesse renouvelée. Comme c’est difficile de vivre ensemble. Ces derniers jours n’ont pas été avares d’exemples.

Le Groupe d’éminentes personnalités rassemblées par le Conseil de l’Europe ont fait œuvre de salubrité universelle. Nea say présente dans ses détails l’analyse de la situation et ses  conclusions : la menace, les risques, les acteurs du changement et les recommandations d’actions. Huit risques (intolérance croissante, soutien accru apporté aux partis xénophobes et populistes, discrimination, population de migrants potentiellement sans droits, sociétés parallèles, perte des libertés démocratiques, conflits entre la liberté de religions et liberté d’expression). Les principes (17) : ils  doivent guider nos pas , ils sont à garder à l’esprit et à portée de la main. Enfin des propositions toutes très recommandables.

Le lecteur de Nea Say  peut prendre connaissance de tout cela (1) comme il a pu lire combien il était difficile de vivre ensemble, combien, pour ne reprendre qu’un exemple, il est difficile aux africains et aux européens de vivre ensemble dans la liberté malgré un demi siècle de pratiques, de tentatives, d’échecs et de nouvelles tentatives. Il y a quelques jours l’Assemblé parlementaire eurafricaine  ACP/EU a été le témoin de manifestations préoccupantes, sérieusement préoccupantes. Le déroulement de cet incident est raconté dans tous ses détails dans l’article de  Nea Say consacré à la journée internationale de la lutte contre l’homophobie: le co-président de l’Assemblée, Louis Michel  répondant  à une intervention suspecte est intervenu avec éclat pour souligner  la non discrimination des minorités était un principe sacré, universel, touchant toutes les minorités et parmi celles-ci les homosexuels. Le respect des droits de l’homme est un principe universel qui ne supporte aucune exception, y compris au nom de certaines réalités culturelles. L’intervention de Louis Michel a été interrompue par des interventions bruyantes et désapprobatrices, a-t-on rapporté. Le rituel fort ancien et généralement  amical des assemblées parlementaires ACP/EU n’a pas su résister à cette « difficulté du vivre ensemble ». Cela a été vécu  de façon très concrète.

Par cet incident nous percevons les limites du travail mené par le groupe des sages présidé par Joschka Fischer. La limite est d’abord celle du champ d’investigation. Comment pouvait-on prétendre construire un vivre ensemble paisible, tolérant, en limitant le champ de l’observation et de l’action à la seule Europe et cela à partir du moment où comme le fait remarquer d’entrée de jeu le rapport, une partie importante de la population vivant parmi nous  n’est pas d’origine européenne. La diversité est là, et elle est là pour durer, n’a cessé de marteler  le rapport. Pour l’Europe, c’est sa destinée. Dés lors, cette recherche du vivre ensemble ne peut être conduite à l’intérieur de nos frontières seules. Le Conseil de l’Europe vient de ratifier à Istanbul la Convention relative à la violence faite aux femmes aux formes si diverses puisque sont inclus les mariages forcés, les crimes d’honneur, les mutilations génitales etc…. Comment imaginer un seul instant sa mise en application effective, si n’y étaient pas associés au niveau mondial tous les acteurs du vivre ensemble et du changement déjà clairement identifiés par le rapport: éducateurs, médias, employeurs et syndicats, sociétés civiles, cultes et groupes religieux, célébrités et « modèles », villes et cités, Etats membres, institutions européennes et organisation internationales.

De tous les constats, remèdes, propositions, recommandations et suggestions du rapport, tous nombreux et tous judicieux, s’il l’on ne devait n’en retenir qu’un seul ce serait celui de « la crise de leadership ». « Enfin si l’Europe réagit par la défensive et le conformisme aux défis du XXIe siècle, y compris s’agissant de sa propre diversité, cela doit être dû en partie au fait qu’il semble y avoir peu de leaders, que ce soit au niveau national , des institutions européennes, dan le domaine politique ou religieux, du cercle des leaders d’opinions ou d’autres secteurs de la société civile, à même d’inspirer confiance en formulant une vision claire de la destinée de l’Europe et une stratégie convaincante pour y parvenir. Ce manque de leadership est peut-être en partie un symptôme de la crise, mais il ne peut qu’y contribuer, et explique sans aucun doute en partie l’attraction des partis populistes et xénophobes qui font campagne à l’aide de slogans faussement simplistes. Trop souvent les dirigeants des grands partis politiques, lorsqu’ils ont été choisis pour des postes élevés sachant que leurs opposants et les médias n’attendent qu’un faux mouvement pour frapper, semblent croire que leur seul espoir de conserver leurs  fonctions est de suivre l’opinion publique, plutôt que d’en prendre la tête. »

(1)Vivre ensemble : conjuguer diversité et liberté dans l’Europe du XXIe siècle. Rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil de l’Europe http://www.eu-logos.org/protection/tbl_newsletter_edit.php?editid1=2099

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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