Commerce des armes : des ONG rappellent l’urgence d’un traité sur le commerce des armes . Que fait l’Europe ? Le comité préparatoire se réunira du 19 au 23 mars.

Le traité, c’est maintenant ! Présenté pour la première fois, en 2006, par la délégation du Royaume-Uni, le projet de résolution « Vers un Traité sur le commerce des armes : établissement de normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes classiques » a été appuyé par 145 pays tandis que les Etats-Unis et le Zimbabwe s’y opposaient et que 18 s’abstenaient. Ce traité devrait interdire les transferts d’armes qui alimentent les conflits, la pauvreté et les atteintes graves aux droits humains. Amnesty International, le CCFD-Terre solidaire et Oxfam plaident pour que le Traité international sur le commerce des armes classiques soit adopté cette année à l’ONU. Les grands pays occidentaux y sont favorables, mais pourraient se satisfaire d’un texte au rabais.

 « Le commerce des bananes est mieux régulé que le commerce des armes classiques. »  Le constat de Zobel  Behalal, porte-parole du CCFD-Terre solidaire, est amer. Alors qu’il existe des conventions internationales sur les armes chimiques, nucléaires, biologiques, etc., les armes conventionnelles ne sont régulées qu’au niveau régional, voire national. Ces armes sont pourtant responsables de la plupart des 300 000 victimes de conflits armés chaque année dans le monde, du Darfour à la Syrie, en passant par la République démocratique du Congo. La répression systématique des soulèvements populaires par les régimes dictatoriaux lors des révolutions de l’année écoulée dans le monde arabe expose de façon criante le problème de la circulation incontrôlée des armes. Ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup et il est connu de tous.

L’année 2012 pourrait marquer un tournant : du 2 au 27 juillet, une centaine d’États se réuniront au siège de l’ONU, à New York, pour conclure le premier traité international sur le commerce des armes classiques (TCA). Cela fait bientôt dix ans que les négociations ont commencé, sous l’impulsion des grandes ONG internationales. Le 9 février dernier, à Paris, Amnesty International, le CCFD-Terre solidaire et Oxfam rappelaient leur objectif : faire interdire le transfert d’armes quand il y a un risque qu’elles soient utilisées contre les civils, comme c’est le cas en Syrie. « Aujourd’hui, quand la Russie vend des armes à Damas, qui peut dire qu’il n’existe pas de risque réel pour la population syrienne ? »  s’indigne Nicolas Vercken, d’Oxfam France.

 

Le commerce des armes un frein au développement : le business des armes peut aussi constituer un frein au développement d’un pays. Au Tchad, en 2008, le gouvernement a investi 7,1 % de son produit intérieur brut dans les dépenses militaires et l’achat d’armes  . « C’est deux fois plus que le budget de la santé, alors que le pays est incapable d’acheter des rétroviraux en nombre suffisant pour lutter contre le sida »,  dénonce Zobel  Behalal. La France, quatrième exportateur mondial et soutien  au régime d’Idriss Déby, est l’un de ses tout premiers fournisseurs de matériel militaire. Tout se jouera dans les prochains mois. Les principaux vendeurs d’armes, y compris les États-Unis, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, ont approuvé la nécessité d’un accord global. Les militants des droits de l’homme espèrent que les négociations déboucheront sur un traité « efficace ».  Pour cela, « les États doivent être en mesure de contrôler toutes les armes qui sortent de leur territoire, même si la transaction se fait entre des acteurs privés »,  estime Nicolas Vercken.

 

Autre condition, les interdictions devraient concerner « toutes les armes » , des munitions aux armes légères et de petit calibre, en passant par les chars et les hélicoptères? Et déjà, les premières craintes apparaissent. Les États-Unis, qui ont rejoint le processus de l’ONU en 2009, tentent d’imposer leurs vues : ils souhaitent exclure les munitions du champ d’application du traité. Pour Aymeric Elluin, d’Amnesty International, pas question de céder : « Nous ne marchanderons pas le contenu du traité au profit des grandes puissances exportatrices d’armes. Et si elles décident de s’en exclure, cela mettra d’autant plus en lumière leurs agissements. »  En France, l’enjeu à court terme est d’introduire le débat dans la campagne pour la présidentielle de 2012, qui aura lieu à peine deux mois avant le grand rendez-vous new-yorkais. « Jusque-là,  souligne Zobel  Behalal, on note une volonté manifeste de ne rien faire de la part des députés lors de la dernière législature. »   Mais le véritable enjeu se place au niveau européen.

Que fait l’Europe ?

Comme à l’habitude elle est bien intentionnée, mais timorée et ne concrétise pas ses intentions. Les progrès par rapport à la décision du Conseil d’il y a presque deux ans n’ont pas encore provoqué les réactions espérées. Cette décision n’est pas très mobilisatrice, elle n’est pas connue les ONG signataires ne s’y réfèrent pas. Contribuer aux travaux préparatoires et organiser des séminaires internationaux est- ce une ambition à la hauteur de l’UE ?

      -.Décision du Conseil

Cette décision présente le projet élaboré par l’Union européenne (UE) afin d’améliorer la réglementation du commerce des armes. Ce projet doit aboutir à un meilleur contrôle de l’importation, de l’exportation et du transfert d’armes classiques au niveau mondial. Le projet poursuit deux objectifs:

•contribuer aux travaux préparatoires visant à élaborer un traité sur le commerce des armes au sein des Nations unies;

•améliorer les systèmes de contrôle du commerce des armes entre les pays membres des Nations unies.

Le projet présenté par le Conseil consiste en l’organisation de séminaires internationaux. Ces séminaires regrouperont des représentants politiques et des experts dans le domaine du commerce des armes. Ils déboucheront sur des échanges de points de vue et des propositions concrètes.  Séminaires internationaux : ils seront organisés dans différentes régions du monde. Ils se dérouleront sur plusieurs jours et rassembleront plusieurs types de participants:

•des représentants diplomatiques, militaires et du domaine de la défense des pays participants;

•des représentants des Nations unies;

•des représentants d’organisations internationales et d’organisations non-gouvernementales;

•des membres du personnel technique et répressif spécialisés dans le commerce des armes (autorités de contrôle aux frontières; experts nationaux et internationaux; représentants de l’industrie).

L’organisation des séminaires sera confiée à l’Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement (Unidir). L’Unidir exécutera cependant sa mission sous la responsabilité du haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la sécurité commune. De plus, le haut représentant rendra régulièrement compte au Conseil de la mise en œuvre de la présente décision. En outre, le budget destiné à la mise œuvre de cette décision s’élève à 1 520 000 euros.

Les séminaires auront pour objectif de préparer l’élaboration d’un traité sur le commerce des armes au niveau international. Ce traité est en cours d’élaboration au sein des Nations unies. Il aura un effet juridique contraignant pour les pays signataires. Il établira notamment des normes internationales pour l’importation, l’exportation et le transfert d’armes.

 

Les séminaires organisés par l’UE auront alors pour objectif de faire avancer les négociations entre les pays souhaitant participer au traité. Ces séminaires permettront notamment de faire un état de la situation internationale en matière de commerce d’armes. Ils auront pour objectif de promouvoir la participation du plus grand nombre possible de pays membres des Nations unies. Les séminaires permettront également de formuler des propositions concrètes sur le contenu du futur traité sur le commerce des armes. Les séminaires organisés par l’UE devront poursuivre un second objectif: contribuer à la mise en place de systèmes de contrôle efficace et cohérent entre les pays participants. Les séminaires devraient ainsi:

•aider à l’établissement et à l’application d’un régime d’octroi de licences pour le commerce des armes;

•améliorer le contrôle aux frontières et la surveillance des transferts d’armes;

•améliorer la transparence du commerce des armes grâce à la mise en place d’un registre des Nations unies sur les transferts d’armes conventionnelles;

•contribuer aux efforts nationaux visant à assurer le marquage et le traçage des armes légères et de petits calibres.

      -. Parlement européen

Bien entendu, le Parlement européen n’est pas resté inattentif et a débattu, mais qu’en reste-il ? On ne perçoit pas une action résolue, ciblée et forte….il constate

Il constate que l’industrie de la défense est un secteur important dans l’économie de certains Etats européens. L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Espagne font partie des plus grands exportateurs d’armes au monde. Peut-on cependant vendre n’importe quelles armes à n’importe quel pays ? Des députés européens suggèrent de renforcer les mécanismes de consultation en Europe pour éviter les abus. Un sujet particulièrement sensible, constate-t-il pour le regretter. C’est bien faible.

La défense est un sujet particulièrement délicat entre les Etats membres tant il touche au cœur de la souveraineté nationale. La décision de vendre des armes à des pays tiers appartient aux gouvernements nationaux et à eux seuls. Néanmoins, des mécanismes de consultation sont prévus au niveau européen. C’est ce qui ressort du débat du  8 septembre  2010 en séance plénière, en présence de la présidence belge du Conseil de l’Union européenne, représentant les Etats membres. Certains députés européens ont souligné l’importance de l’industrie militaire. D’autres ont demandé que la consultation entre les Etats soit renforcée au nom de la « solidarité » inscrite dans le traité de Lisbonne.  En effet des mécanismes de consultation datent de 2008. En 2008, les Etats européens ont adopté un certain nombre de critères qui doivent être respectés pour les ventes d’armes dans les pays tiers : respect des engagements internationaux, respect des droits de l’homme, préservation de la paix et de la stabilité régionale… Si une vente d’armes risque de porter atteinte à l’un de ces critères, le gouvernement doit l’interdire. Rappelle le Parlement européen. Par ailleurs, les Etats échangent régulièrement entre eux sur les autorisations et refus de vente d’armes qu’ils octroient. Si un pays autorise une vente d’arme dans un pays alors que ce même genre de vente avait été interdit par un autre pays dans les trois années précédentes, il doit s’en expliquer. C’est ce genre de mécanismes que certains députés européens souhaitent voir renforcé.

Très bien mais pas un mot sur un future traité international seul susceptible d’apporter une solution durable, globale et cohérente, vérifiable aussi.

A cela s’ajoute un autre problème, celui du trafic des biens à double usage pour lequel une législation existe et sur lequel le Parlement s’est penché. En juin dernier la Commission a adopté un livre vert

 

 

      -.Texte intégral du communiqué commun http://ccfd-terresolidaire.org/ewb_pages/d/doc_2753.php?PHPSESSID=d44e4dd4249d0de7bb3006eb27192c9f

      -.Texte de la décision du Conseil de l’UE du 16 juin 2010 concernant les activités de l’UE en faveur du traité sur le commerce des armes(FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:152:0014:01:FR:HTML

      -. Position commune du Conseil  du 8 décembre 2008 la définition des règles régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:335:0099:0103:FR:PDF

      -. Règlement sur le trafic de biens à double usage (EN) http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2009/june/tradoc_143390.pdf (FR) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:134:0001:0269:fr:PDF

      -. Résolution du parlement européen sur la proposition de Règlement sur les exportations de biens et technologies à double usage (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0125+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR

(EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2011-0125+0+DOC+XML+V0//EN

      -. Livre vert de la Commission sur le trafic des biens à double usage (EN) http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2011/june/tradoc_148020.pdf

)EN) http://www.consilium.europa.eu/eeas/foreign-policy/non-proliferation,-disarmament-and-export-control-/security-related-export-controls-ii?lang=en

      -.  (EN) http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2010:152:0014:01:EN:HTML

      -.Résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le commerce des armes http://www.un.org/fr/disarmament/instruments/armstrade.shtml

      -. Informations générales de l’UNODA (United Nations Office for Disarmament Affairs) (EN) http://www.un.org/disarmament/convarms/ArmsTradeTreaty/?lang=en

      -. Portail de l’UNODA http://www.un.org/disarmament/

      -.  Protocol against the Illicit Manufacturing of and trafficking in Fire          arms, their Parts and Components and                 mnmunition, supplemented the Unites Nations Convention against Transnational Organised Crime (UNFP) http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XVIII-12-c&chapter=18&lang=en

      -. Aide Mémoire de la Commission européenne concernant la proposition d’adopter l’article 0 du protocole des Nations Unies sur les armes à feu (EN) http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/10/225&type=HTML

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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