Une véritable (1) Union économique et monétaire renforcée et approfondie, une Union politique enfin une réalité : en peu de mots, essayons d’y voir clair avant le sommet de décembre.

L’observateur averti (ne parlons pas du simple citoyen) en perd la tête, attrape le tournis face aux multiples prises de positions de personnalités éminentes et aux multiples propositions des responsables politiques actuellement aux commandes. Une intensité sans précédent. Une fois de plus ayons recours à Jacques Delors pour tenter de comprendre : ses talents pédagogiques faisaient assez largement l’unanimité au temps de sa gloire à défaut de pouvoir rallier le plus grand nombre. Le 30 novembre dernier il prend position et ce clairement : sa prise de position intervient quinze jours avant un sommet européen qui sera consacré aux projets de réforme de l’Union européenne.

La prise de position de Jacques Delors : elle intervient au lendemain de la présentation par la Commission européenne de ses propres propositions, le 28 novembre ; elles alimenteront le débat du Conseil européen des 13 et 14 décembre prochain et embrassent le court terme (6 à 18 mois)et le long terme (au-delà de 5 ans). Pour Jacques Delors la zone euro doit être le centre de gravité de l’intégration européenne et parallèlement , il importe plus que jamais de faire progresser le débat sur « l’union politique » relancé par la crise que connaissent actuellement les pays européens.

L’ancien président de la Commission européenne apporte cette contribution une semaine après la réunion du Comité européen d’orientation de Notre Europe – Institut Jacques Delors,  un organisme qu’il a fondé et dans lequel il reste très actif. Le texte, signé également par Antonio Vitorino, actuel président de Notre Europe – Institut Jacques Delors,  et par le Comité européen d’orientation, propose trois idées clés :

1. L’union politique est aujourd’hui une réalité partielle et une perspective indispensable de l’Union européenne (UE) ;

2. On ne peut progresser dans cette direction qu’en combinant efficacité et légitimité via le recours à la « différenciation », concept désignation la possibilité que les États membres progressent à des vitesses différentes au sein de l’Union ;

3. La zone euro doit être et sera le centre de gravité de l’intégration européenne.

Ils concluent que c’est en combinant la double perspective – zone euro et UE – que les pays européens pourront le mieux approfondir leurs actions dans tous les domaines d’intérêt commun, et ainsi approfondir « l’union politique européenne ».

« Le projet détaillé de la Commission » : beaucoup trop ont souligné les divergences entre la France et l’Allemagne : elles portent plus sur la méthode et le rythme, mais les deux pays s’accordent sur l’essentiel, les finalités profondes. En effet une pratique de l’Europe à plusieurs vitesses n’est praticable (et a été pratiquée dès l’entrée en vigueur du traité de Rome) que si tous son d’accord sur les finalités le terme du voyage que chacun atteindra à son rythme en fonction de ses moyens et de la prise de conscience de ses citoyens. Le concept d’une Europe à plusieurs vitesses diffère fondamentalement  de celui d’une Europe à la carte, véritable négation du principe lui aussi fondamental de solidarité outre le fait qu’une telle Europe serait impossible à gérer.

Cette contribution de la Commission intervient alors que le débat va s’intensifier sur l’idée d’« union politique ». En juin 2012, les chefs d’État et de gouvernement avaient reconnu la nécessité d’accélérer la réflexion sur ce sujet. Mais la question des changements de traité reste sensible au sein de l’UE après les difficiles tractations et les référendums négatifs dans plusieurs pays avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009. Et la France et l’Allemagne, notamment, sont loin d’avoir une approche totalement identique du sujet.

La chancelière allemande Angela Merkel avait résumé son propos lors d’une interview télévisée diffusée le 7 juin : « Nous n’avons pas seulement besoin d’une union monétaire, mais aussi de ce qu’on appelle une union fiscale, c’est-à-dire plus de politique budgétaire en commun » , avait-elle affirmé.  « Et nous avons surtout besoin d’une union politique, c’est-à-dire nous devons à l’avenir, pas à pas transférer des compétences à l’Europe, donner des pouvoirs de contrôle à l’Europe ». Le mouvement doit être engagé dès 2013 avait-elle signalé.

La réponse de François Hollande : François Hollande lui a répondu le 17 octobre dans une interview à six journaux européens : « L’union politique, c’est l’étape qui suivra l’union budgétaire, l’union bancaire, l’union sociale. Elle viendra donner un cadre démocratique à ce que nous aurons réussi de l’intégration solidaire ». Et ce ne sera pas avant les élections européennes de 2014, a-t-il précisé.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a en tout cas présenté en juin un rapport auquel avaient été associés trois autres présidents : José Manuel Barroso (Commission), Mario Draghi (Banque centrale européenne) et Jean-Claude Juncker (Eurogroupe), rejoints ultérieurement par un cinquième, Martin Schulz (Parlement). Une des principales idées est la création à terme d’un « budget central  » de la zone euro, avec une émission limitée de dette commune et en parallèle un contrôle accru sur les budgets nationaux. Il doit présenter une nouvelle version de son rapport lors du sommet européen des 13 et 14 décembre prochain.

Vers plus de convergence : dans sa contribution au débat,dans sa contribution au débat la Commission européenne veut approfondir l’union économique et monétaire (UEM) via la création d’un budget de la zone euro qui passerait par des changements de traité. « Tout ce qu’on peut faire à traité constant, nous essaierons de le faire, mais on prépare les bases pour approfondir l’UEM si nécessaire par un nouveau traité », a souligné José Manuel Barroso. À court terme, dans les 18 mois, la Commission demande l’adoption rapide du mécanisme unique de supervision bancaire et d’un mécanisme unique pour procéder à la restructuration ou mise en faillite des banques en difficulté. Elle prévoit aussi la création d’un « instrument de convergence et de compétitivité »  pour soutenir la mise en œuvre des réformes structurelles dans les États membres. Un mécanisme complexe et révolutionnaire sur lequel les velléités devraient s’échouer.

Elle souhaite en outre une unification de la représentation extérieure de la zone euro dans les organisations économiques et financières et les enceintes internationales. José Manuel Barroso a évoqué la perspective d’un « siège unique »  de la zone euro au Fonds monétaire international (FMI).

Une autonomie renforcée : à moyen terme, entre 18 mois et 5 ans, Bruxelles propose de bâtir une « capacité budgétaire »  pour la zone euro, « autonome » , s’appuyant sur des « ressources propres »  et pouvant « en dernier ressort recourir à l’emprunt » . Elle prévoit aussi la création d’un « fond d’amortissement de la dette ». Ces deux dispositifs nécessiteraient des changements de traité.

À plus long terme, c’est-à-dire au-delà de cinq ans, la Commission envisage une « union budgétaire et économique complète »  fondée sur « un partage de souveraineté adéquat et dotée d’un budget central »  avec « l’émission commune de dette ». Cela demandera  un « changement fondamental des traités », souligne la Commission.

Tout nouvel approfondissement de l’UEM devrait avoir lieu dans les limites des traités et l’action intergouvernementale doit rester exceptionnelle et temporaire. Dans le cas d’une réforme conférant plus de pouvoirs nationaux au niveau européen, des mesures devraient être envisagées pour assurer un renforcement de la responsabilité du contrôle démocratique.

Outre les principes directeurs déjà indiqués, le processus d’intégration de la zone euro doit pouvoir être plus rapide et plus poussé que celui de l’UE au sens large, sans compromettre l’intégrité des politiques menées à vingt-sept, notamment la marché unique. Autrement dit, le cas échéant, les autres Etats membres doivent pouvoir prendre part aux mesures adoptées par la zone euro. En effet, même si les traités prévoient qu’un certain nombre de règles ne s’appliquent qu’aux Etats membres de la zone euro, la configuration actuelle de celle-ci n’est que provisoire, puisque tous les Etats membres, à l’exception du Danemark et du Royaume-Uni, ont vocation à devenir, en vertu des traités, des membres à part entière de l’UEM. Dans sa conférence de presse le président Barroso a souligné avec force  que l’euro n’était pas la monnaie de quelques ou plusieurs Etats, mais était bel et bien la monnaie de l’Union européenne. Répondant à une journaliste polonaise chagrinée  de voir son pays marginalisé ou discriminé, le président Barroso l’a assuré que le premier ministre polonais travaillait tous les jours avec ardeur pour que la Pologne rejoigne la zone euro le plus tôt possible et dans les meilleures conditions ;

Voilà l’essentiel d’un texte qui comprend 56 pages, une feuille de route véritable pour surmonter la crise de confiance qui frappe les citoyens européens, leur économie et jusqu’à leurs moyens de subsistance.

(1)    Genuine dans le texte de la Commission

      -. La zone euro creuset de l’Union politique Tribune de Jacques Delors, Antonio Vitorino et le Comité directeur de Notre Europe-Institut Jacques Delors http://www.notre-europe.eu/011-14631-La-zone-euro-creuset-de-l-Union-politique.html

      -. Un projet détaillé pour une union économique et monétaire véritable et approfondie : lancer un débat européen. Communiqué de Presse (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1272_fr.htm  (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-12-1272_en.htm

      -. Aide Mémoire de la Commission européenne, questions les plus fréquemment posées (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-909_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-909_en.htm

      -.Presse Conférence de José Manuel Barroso du 28 novembre « blueprint for a deep and genuine Economic and Monetary Union (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-12-880_en.htm

      -. Communication de la Commission : projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Lancer un débat européen (FR) http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/archives/2012/11/pdf/blueprint_fr.pdf  (EN) http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/president/news/archives/2012/11/pdf/blueprint_en.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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