Haine : les crimes qui lui sont liés trop nombreux et pas combattus selon l’Agence européenne des droits fondamentaux

Le premier constat fait par l’Agence est l’insuffisance de volonté politique pour contrer les préjugés à l’encontre de certains groupes et l’insuffisance des sanctions contre les auteurs de ces crimes. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdit la discrimination, obligeant ainsi les États membres de l’Union européenne (UE) à lutter contre les crimes motivés par le racisme, la xénophobie, l’intolérance religieuse, le handicap, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Une plus grande volonté politique de la part des décideurs des États membres de l’UE est nécessaire pour contrer les préjugés répandus contre certains groupes et pour compenser les dommages qu’ils causent aux victimes, aux autres membres d’un même groupe et à la société dans son ensemble. Trop de personnes dans l’UE sont la cible de mauvais traitement simplement en raison de leurs origines, leurs croyances, leurs choix de vie ou leur apparence physique .

Dans ce cadre, la FRA a publié deux rapports sur les crimes de haine. Ils fournissent une analyse comparative du cadre juridique existant, des expériences individuelles de crimes à motivation discriminatoire et de l’état de la collecte statistique officielle dans les 27 États membres de l’UE.

      -. Le rapport intitulé « Mettre en évidence les crimes de haine dans l’Union européenne » : reconnaître les droits des victimes souligne les aspects des droits fondamentaux relatifs aux crimes de haine, propose une analyse comparative des mécanismes officiels de collecte des données et examine la manière dont l’étendue de la collecte officielle de données pourrait être élargie.

      -.  Le second rapport « EU-MIDIS : Données en bref »,

6e rapport : Les minorités en tant que victimes de la criminalité rend compte de l’analyse des expériences de victimisation vécues par les répondants pour cinq types de crimes, allant du cambriolage au harcèlement grave.

Malgré les efforts fournis par les États membres de l’UE pour lutter contre la discrimination et l’intolérance, y compris contre les crimes de haine, il y a des indications que la situation ne s’améliore pas. Au cours des dernières années, on constate au contraire des violations continues et répétées des droits fondamentaux des personnes vivant dans l’UE, sous la forme d’agressions verbales et/ou physiques et même de meurtres motivés par des préjugés.

L’Enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination (EU-MIDIS), qui, en 2008, a sondé 23 500 personnes issues de minorités ethniques ou de l’immigration, a constaté que plus d’un répondant sur quatre provenant des groupes suivants considérait avoir été victime d’un crime « à caractère raciste » contre la personne (agression, menace ou harcèlement grave) lors des 12 mois précédant l’enquête : les Roms en République tchèque ; les Somaliens en Finlande ; les Somaliens au Danemark ; les Africains à Malte ; les Roms en Grèce ; les Roms en Pologne ; les Africains de la zone subsaharienne en Irlande.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé dans un certain nombre d’affaires que les pays se doivent de préciser clairement la motivation qui sous-tend les crimes racistes ou les crimes commis en raison de la croyance religieuse de la victime. Ignorer la motivation discriminatoire d’un crime correspond à une violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH insiste sur les motivations discriminatoires des crimes de haine parce qu’un délinquant qui prend pour victime une personne sur la base de ce qu’elle est ou semble être, envoie un message particulièrement humiliant : à savoir, que la victime n’est pas un individu avec une personnalité, des capacités et une expérience qui lui sont propres, mais simplement un membre sans visage au sein d’un groupe à caractéristique unique. Le délinquant sous-entend donc que les droits des personnes appartenant à ce groupe peuvent, ou même doivent, être ignorés, ce qui est une violation évidente des principes fondamentaux de démocratie et d’égalité de l’UE.

Les résultats des recherches montrent que les victimes et les témoins de crimes de haine sont réticents à les signaler, que ce soit aux services de police, au système pénal, aux organisations non gouvernementales ou aux groupes de soutien aux victimes.

Par conséquent, de nombreux crimes ne sont pas signalés, restent impunis et, de ce fait, sont invisibles. Dans ces cas, il se peut que les droits des victimes ne soient pas entièrement respectés ou protégés, ce qui signifie que les États membres de l’UE ne s’acquittent pas de leurs obligations envers les victimes.

Recommandations de l’Agence européenne des droits fondamentaux

Afin de lutter contre les crimes de haine et de remédier aux violations des droits fondamentaux qui y sont liées, l’UE et ses États membres devraient augmenter  la visibilité de ces crimes et amener les auteurs à répondre de leurs actes.

On remarque des différences notables entre les 27 États membres quant aux données sur les motivations discriminatoires qu’ils recensent et qu’ils publient. Ces différences indiquent que, bien souvent, les mécanismes officiels de collecte de données sur les crimes de haine dans l’UE ne permettent souvent pas de refléter la situation réelle sur le terrain.

Le rapport de l’Agence suggère de mettre en évidence les crimes de haine dans l’Union européenne : le seul fait de  reconnaître les droits des victimes le rapport  montre que seuls huit États membres consignent les données sur les crimes motivés par l’orientation sexuelle (supposée) de la victime, alors que seuls quatre pays collectent ou publient des données sur les crimes commis envers les personnes roms.

L’UE et ses États membres devraient adopter une législation obligeant les États membres à collecter et publier des statistiques relatives aux crimes de haine. Au strict minimum, elles devraient comprendre des données sur le nombre d’incidents signalés par le public et enregistrés par les autorités, ainsi que le nombre de condamnations de délinquants, les motifs pour lesquels ces délits ont été jugés discriminatoires et la sanction administrée.

Les services de police et les systèmes juridiques pénaux devraient être attentifs à tout élément indiquant une motivation discriminatoire. Les législateurs devraient envisager des sanctions renforcées pour les crimes de haine afin d’insister sur la gravité de ces délits. Les juridictions statuant sur ces affaires devraient juger les délits à caractère discriminatoire en public, afin de sensibiliser la population aux crimes de haine et d’indiquer clairement que ces délits mènent à des condamnations plus sévères.

Quand le droit national le permet, les États membres de l’UE devraient ventiler les données collectées sur le crime de haine par sexe, âge et autres variables, afin de permettre une meilleure compréhension des modèles de victimisation et de délinquance. Les mécanismes officiels de collecte des données relatives aux crimes de haine devraient être complétés par des enquêtes sur la victimisation, dans le but d’éclairer certains aspects tels que la nature et l’étendue des crimes non signalés, les expériences que les victimes ont faites des services de police, les motifs de non-signalement et la connaissance des droits parmi les victimes de crimes de haine.

De manière générale, la majorité des États membres de l’UE auraient besoin d’élargir l’étendue de leur collecte officielle de données sur les crimes de haine, afin d’accroître la visibilité des crimes de haine dans de l’UE ;de donner aux victimes de crimes de haine l’opportunité d’exiger réparation de la part des auteurs

Pour en savoir plus :

      -. Making hate crime visible in the European Union http://fra.europa.eu/en/publication/2012/making-hate-crime-visible-european-union-acknowledging-victims-rights

      -.EU-MIDIS Data in Focus Report: Minorities as Victims of Crime http://fra.europa.eu/en/publication/2012/eu-midis-data-focus-report-6-minorities-victims-crime

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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