Google et la presse belge enterrent-ils pour de vrai la hache de guerre ?

Google va verser une indemnisation importante, qui représente, selon un éditeur, un montant situé « entre 2 % et 3 % du chiffre d’affaires » de la presse belge francophone, soit autour de 5 millions d’euros. La presse peut faire plier Google. Les journaux belges viennent d’en apporter la preuve. Un accord secret a été signé, mercredi 12 décembre, entre les éditeurs francophones de quotidiens (les groupes Rossel, La Libre Belgique, L’Avenir), la Société de droits d’auteur des journalistes (SAJ) et Google.  Le différent avec la Commission européenne n’est pas encore réglé

 Le géant de l’Internet américain va verser une indemnisation importante, qui représente, selon un éditeur, un montant situé « entre 2 % et 3 % du chiffre d’affaires » de la presse belge francophone, soit autour de 5 millions d’euros. Les journalistes devraient toucher une part de ce pactole à travers la SAJ.L’accord solde le contentieux qui oppose Google et la presse belge francophone depuis six ans (cf.Nea say). En 2006, la Copiepresse, l’association qui défend les intérêts de la presse francophone, a attaqué Google en justice pour violation du droit d’auteur, au sujet de la reprise des articles par l’agrégateur d’informations Google Actualités. En première instance, la firme américaine a été condamnée à retirer les articles incriminés, ainsi qu’à une astreinte de 25 000 euros par jour de retard.Une première négociation a eu lieu en 2007. Mais le montant de l’indemnité proposée par l’entreprise américaine a été jugé « dérisoire » par les éditeurs. Le jugement condamnant Google a été confirmé par la cour d’appel de Bruxelles en mai 2011. De son côté, le moteur de recherche a cessé de référencer la presse belge francophone sur son agrégateur d’informations.

 Une tentative vers un compromis global ?

 Google  a finalement renoncé à se pourvoir en cassation et a préféré négocier de nouveau avec les éditeurs. L’accord  porte sur un compromis global, qui inclut les astreintes imposées par la justice et une indemnisation pour usage illicite des contenus de la presse. « L’accord ne prévoit pas le paiement de redevances aux éditeurs et aux auteurs belges pour l’inclusion de leurs contenus dans nos services », précise Google. Le groupe américain ne souhaite pas que ce compromis fasse boule-de-neige dans le reste de l’Europe.

 Les signataires se sont engagés à ne pas communiquer sur le montant de la transaction.

Pour l’avenir, les éditeurs belges et Google ont conclu une série d’accords qui prévoient le développement d’un partenariat commercial. En particulier, le moteur de recherche se serait engagé à référencer également les articles payants de la presse belge francophone, ce qui permettra à cette dernière de mieux monétiser ses contenus.
 
Malgré cet accord, les éditeurs et les auteurs conservent des points de vue juridiques différents et ont saisi l’occasion de mettre fin à ces procédures en laissant de côté ces désaccords. Google prendra en charge les frais juridiques et travaillera avec les éditeurs sur des partenariats. Un accord est toujours un accord sur des arrières pensées…
 
Les éditeurs souhaitent maintenant effectuer un effet de levier sur ces publics, et construire de nouveaux modèles économiques afin d’optimiser la monétisation de ces sites en ce qui concerne le marché de la publicité et des lecteurs. Les parties ont aussi convenu d’utiliser leurs médias respectifs pour promouvoir les services offerts par chacun d’eux. Par exemple, par l’optimisation des campagnes AdWords afin d’attirer les lecteurs sur les sites d’informations et de la publicité pour les services de Google dans les médias des éditeurs. En plus de ce partenariat, la fin des procédures permettra aux éditeurs de réintégrer Google News s’ils se désirent.
 
Satisfait, Francois Le Hodey, représentant des éditeurs, ne manque pas de souligner qu’en « 2006, les éditeurs francophones belges n’avaient pas de personne de contact chez Google en Belgique et n’avaient pas une vision claire des intentions de Google sur ces marchés lors du lancement de Google News. Aujourd’hui, surtout depuis l’arrivée d’une nouvelle direction Google en Belgique, une relation plus constructive a été construite avec ces éditeurs, ouvrant la porte à de nouvelles synergies ». Frans Wauters, porte-parole des sociétés d’auteurs, va dans le même sens. pour lui, « les sociétés d’auteurs soutiennent également les initiatives des éditeurs pour développer de nouveaux modèles économiques numériques dans l’intérêt de leurs membres. » « Nous sommes très heureux de pouvoir mettre de côté les divergences du passé », a déclaré de son côté Thierry Geerts, country director de Google Belgique. « En partenariat avec l’industrie de l’édition, nous pourrons aller plus loin et c’est avec impatience que nous attendons la mise en oeuvre de nouveaux produits qui généreront des revenus et aideront le secteur de la presse à prospérer sur Internet ».
 Qu’en pensent la Commission européenne et le gouvernement français qui sont engagés dans un contentieux sévère avec Google? La Commission vient de faire le point (18 décembre 2012) par la voix du commissaire en charge de la politique de la concurrence, Joaquin Almunia : depuis novembre 2010 une procédure d’abus de position dominante est à l’instruction, sur la base des premières propositions de Google les discussions ont démarré en juillet dernier. La Commission attend pour janvier prochain des engagements officiels de la part de Google.

 

Pour en savoir plus :

       -. Statement by Vice President Almunia on the Google investigation du 18 décembre 2012(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-12-967_en.htm

       -. Communiqué de presse: antitrust, la Commission enquête sur des allégations d’infraction aux règles antitrust par Google (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-10-1624_fr.htm

(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-10-1624_en.htm

        -. Statement by vice President Almunia on the Google investigation du 21 mai 2012 (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-12-372_en.htm

       -. Dossier Google de Nea say http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=Google&Submit=%3E

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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