Le 20 mars 2013, le Réseau européen contre le racisme a publié un rapport qui décrit la réalité raciste de la société européenne en mettant en lumière les conditions de vie des musulmans et leur intégration.
Le Réseau européen contre le racisme (ENAR) a publié en mars 2013 un rapport de 2011-2012 basé sur 26 rapports alternatifs nationaux, qui identifient les communautés vulnérables au racisme et présentent une vue d’ensemble des manifestations du racisme dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation, de la santé, de l’accès aux biens et aux services, de la justice pénale et des médias, ainsi que les développements juridiques et politiques. Publié avec le soutien du Programme communautaire pour l’emploi et la solidarité (PROGRESS 2007 – 2013) de l’Union européenne, de l’Open Society Foundations et de la Fondation ENAR, ce rapport contient non seulement des données officielles, mais aussi des analyses et des expériences des personnes confrontées au racisme et aux discriminations. Le but de l’ENAR est de connecter les ONG antiracistes aux niveaux local et national et de les rapprocher des institutions européennes en se faisant le porte-voix des préoccupations des minorités ethniques et religieuses dans les débats politiques européens et nationaux.
Dans le rapport, intitulé « Le racisme en Europe », l’ENAR souligne également qu’à la suite de la crise économique, qui a entraîné des coupes dans les indemnités et les allocations sociales, les communautés vulnérables comme les Roms, les personnes d’ascendance africaine et les Juifs ont souffert encore plus des attitudes racistes, parce qu’ils ont été accusés de voler les possibilités d’emploi, de travailler pour un salaire au rabais, et de bénéficier des services sociaux.
Ce rapport alternatif démontre que la discrimination raciale et religieuse continue de nuire à la vie de nombreuses minorités ethniques et religieuses dans l’ensemble de l’Europe et dans divers domaines, et il consacre une partie à l’expérience des communautés musulmanes. En effet, il s’agit de la première étude paneuropéenne sur l’islamophobie qui décrit la crainte, les préjugés et la haine irrationnels envers l’Islam, les musulmans ou la culture islamique, répandue dans beaucoup de pays européens. Cette étude souligne également que les préjugés croissants dont sont victimes les musulmans sont souvent plus profonds que ceux dont sont victimes d’autres groupes minoritaires religieux ou ethniques.
Dans le contexte de la crise économique, beaucoup de partis nationalistes se sont renforcés, en prenant plus que quelques nuances néonazies dans certains pays, où les violences racistes et anti-islamistes se sont manifestées largement. En juillet 2012, en effet, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a signalé que certains partis politiques dans certains pays continuaient à utiliser une rhétorique antimusulmane à des fins électoralistes.
En ce qui concerne les communautés musulmanes en particulier, le rapport de l’ENAR met en lumière le fait qu’elles ne forment pas un groupe homogène en Europe, mais qu’elles varient selon l’origine ethnique et nationale ainsi que selon la classe sociale et l’histoire de leurs migrations. En plus, on a remarqué que l’intégration est plus facile dans les pays où l’on se préoccupe des traditions culturelles et religieuses des musulmans ; au contraire, l’intégration semble impossible dans les autres pays où l’on ne reconnaît pas de telles traditions culturelles et religieuses, et où l’on suppose que les musulmans vont plutôt adopter la culture locale.
Par exemple, l’Espagne, la Finlande, l’Allemagne et l’Italie ont une communauté musulmane hétérogène, ou encore en Lituanie, il existe sept communautés musulmanes. Un nombre important de musulmans au Royaume-Uni sont d’origine bangladaise et pakistanaise et connaissent une plus grande pauvreté pécuniaire, alors qu’en Slovaquie, la plupart des musulmans sont soit des professionnels en cols blancs restés dans le pays après avoir terminé leurs études universitaires à l’époque communiste, soit des migrants économiques qui occupent des postes importants dans des entreprises.
Selon les informations relevées par le rapport de l’ENAR, il y a souvent davantage de préjugés contre les musulmans qu’envers les membres d’autres confessions ou groupes ethniques minoritaires, et les musulmans continuent de faire l’objet de discriminations dans le domaine de l’emploi (en Bulgarie, par exemple, 35 à 40 % des musulmans sont au chômage), du logement, de la santé et de l’éducation.
L’islamophobie est promue par les partis politiques d’extrême droite tout autant que par les partis traditionnels en vue d’accroître leur popularité de manière générale. Dans quelques cas, comme celui du parti bulgare ATAKA (qui incite systématiquement au racisme, à la discrimination et à la violence au motif de la religion), les partis politiques ont été auteurs d’actions violentes, comme le jet d’œufs et de pierres contre une mosquée, blessant cinq fidèles.
En réalité, les législations aussi présentent des formes de discrimination qui concernent plusieurs domaines. Un exemple est la résistance à la construction de mosquées : en Autriche, des limitations de hauteur des bâtiments sont en vigueur ; en Islande, on fait le lien entre les mosquées et le terrorisme. Selon le rapport sur la liberté religieuse internationale en 2011, beaucoup de mosquées (en Grèce notamment, mais en France surtout) ont été la cible d’incendies criminels par des assaillants inconnus.
Toutefois, 85 % des actes islamophobes ciblent les femmes, qui sont doublement discriminées, de par leur religion et leur genre. De plus, dans ce cas aussi, une autre forme de discrimination se manifeste sur le plan de la loi et c’est l’interdiction du voile intégral en public qui a été adoptée en France pour les femmes et les filles musulmanes. Cette interdiction a soulevé un débat en Espagne aussi, même si le port du voile intégral n’y est pas très courant. Aux Pays-Bas, certains employeurs ont interdit le voile sur le lieu de travail, soutenant que cette interdiction se justifiait dans le cadre des lois relatives à l’égalité et aux droits de l’homme.
Le rapport de l’ENAR présente aussi des recommandations à l’intention des institutions européennes ou des gouvernements européens. Selon l’ENAR, les premières doivent d’abord reconnaître l’antitsiganisme, l’afrophobie et l’islamophobie comme étant des formes spécifiques de racisme, dérivant de l’histoire européenne d’abus colonial. Il faut donc lutter contre toutes les formes de racisme en promouvant la révision de la décision-cadre du Conseil sur le racisme et la xénophobie pour introduire une définition précise des types d’activités et d’attitudes racistes et xénophobes, ainsi que des sanctions sévères contre les personnalités publiques prenant part à des activités et ayant des attitudes racistes et xénophobes. Les seconds devraient adopter une législation relative aux crimes de haine efficace qui garantisse des peines plus lourdes pour les crimes à motivation raciste et appliquer une tolérance zéro par rapport à une terminologie susceptible d’inciter à la violence, au racisme, et aux autres formes de discrimination. Enfin, selon l’ENAR, il est d’une importance fondamentale que les États promeuvent l’inclusion en révisant aussi les dispositifs législatifs et politiques empêchant la ségrégation dans l’éducation.
Giovanna De Maio
Pour en savoir plus:
– Réseau européen contre le racisme:
(FR) http://www.enar-eu.org/Page_Generale.asp?DocID=15294&la=1&langue=FR
(EN) http://www.enar-eu.org/Page_Generale.asp?DocID=15294&langue=EN
– Rapport alternatif d’ENAR 2011-2012