Un nouveau président pour les Etats-Unis : George W. Obama (Huffington Post) ? Mais qu’en pense l’Union européenne ?

Au moment où l’UE s’engage dans une négociation âpre pour mettre à jour sa législation sur la protection des données personnelles, elle ne peut rester sans réponse alors qu’elle est liée avec les Etats-Unis par des accords fortement contestés comme le PNR et Swift/TFTP. Suite au scoop retentissant du Washington Post et du Guardian,  chacun est choqué, déçu avec le sentiment d’avoir été trompé. Après le puissant discours de Barack Obama tenu le 23 mai est analysé ici, dans Nea say , on avait pu croire les fantômes du 11 septembre exorcisés. Bien au contraire on assiste au retour du Patriot Act avec tout ce qu’il a comporté. Lles grands principes constitutionnels américains sont bafoués malgré le fait que Obama a souligné le contraire et a indiqué que le Congrès était informé. Aussi  le Huffington Post appelle-t-il désormais le président des Etats-Unis George W. Obama. Mais un article du Washington Post s’interroge : sa situation est-elle  la même que celle de son prédécesseur ? http://www.washingtonpost.com/world/national-security/as-obama-defends-counterterrorism-tactics-he-finds-himself-in-bush-territory/2013/06/07/39bae3f6-cf82-11e2-8845-d970ccb04497_story.html?wpisrc=nl_headlines

Le FBI et l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) ont accès aux serveurs des grands groupes américains d’Internet. La nouvelle est tombée comme la foudre le 6 juin dernier ! Aux États-Unis, cette affaire d’espionnage remet au goût du jour le débat sur la protection des données privées sur Internet. Approchés par un ancien agent du renseignement, le quotidien américain The Washington Post et le journal britannique The Guardian ont pu se procurer un document secret, dont l’authenticité a été vérifiée, révélant avec un grand luxe de détails l’existence d’un programme secret du FBI et de l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA).Dans le cadre de ce programme dit « PRISM », des analystes d’une base militaire située près de Washington se connectent depuis 2007 aux serveurs de Microsoft, Yahoo, Google, Skype et Facebook et d’autres grands groupes américains d’Internet afin d’espionner les activités d’étrangers. Un programme somme toute légal, (mais jusqu’où et cela suffit-il ?) que la source du Washington Post et du Guardian décrit comme « l’un des accès les plus riches  pour la NSA ». L’apport de Prism au renseignement américain est croissant : cette source électronique est désormais citée dans un rapport de renseignement américain sur sept, et rien qu’en 2012 a été utilisée par moins de 1 477 fois dans les briefings quotidiens adressés au président des Etats-Unis. Chaque mois, toutes  Agences  confondues, 2 000 rapports de renseignements s’appuient sur Prism. Depuis le début du programme en 2017, pas moins de 77 000 rapports se sont appuyés sur cette technique d’espionnage et le pire emble à venir : en 2012 les interceptions de communications réalisées sur Skype ont augmenté de 248% !

La loi américaine protège ses citoyens dans un cas d’espionnage sans ordonnance judiciaire mais pas les personnes installées en dehors du territoire américain, et ce depuis que la loi sur la surveillance a été modifiée sous la présidence de George Bush. Est-ce rassurant pour nous, européens , c’est là le nœud du problème? Le  Guardian  a aussi révélé l’existence d’un autre programme de la NSA en vertu duquel les relevés téléphoniques des abonnés de l’opérateur Verizon peuvent être recueillis. Il explique que les agents de la NSA ont accès aux courriers électroniques, aux conversations Skype en direct, aux vidéos, photos, transferts de fichiers, informations sur les réseaux sociaux. Dans un communiqué au Guardian et au Washington Post, Google s’est défendu d’avoir « créé une porte d’entrée cachée pour que l’État   accède à des données privées d’utilisateurs ». Quant à Apple, son porte-parole affirme que la compagnie n’a jamais « entendu parler » de PRISM.

 Le président Obama justifie la mesure malgré l’énorme tollé : après le puissant discours tenu par Barack Obama à l’Université de la Défense nationale à Washington le 23 mai, on aurait pu croire que les fantômes des attentats du 11 septembre 2001 avaient été chassés de l’administration américaine. Le président soulignait qu’une démocratie ne pouvait être en «guerre perpétuelle», montrant que sa vision de la lutte antiterroriste n’avait rien à voir avec celle de son prédécesseur. En l’espace de quarante-huit heures, deux scandales sont venus saper cette impression, prouvant que la hantise du terrorisme sur sol américain continue d’imprégner fortement les méthodes utilisées par l’administration pour sécuriser les Etats-Unis. Ces exemples attestent aussi que le Patriot Act, la loi antiterroriste adoptée au lendemain des attentats du World Trade Center, fait aujourd’hui encore peu cas des libertés individuelles. Le programme de surveillance d’Internet mis en œuvre par la National Security Agency a été lancé en 2007 après le scandale des écoutes téléphoniques menées sans mandat par l’administration de George W. Bush. Baptisé Prism, il est mené à partir de la base ultra-sécurisée de Ford Meade, au Maryland, et a été autorisé par une cour qui agit elle aussi dans le plus grand secret ainsi que par le Congrès.

La nouvelle a choqué les médias qui s’inquiètent de la croissance spectaculaire de l’Etat policier aux Etats-Unis, souvent décrits comme le pays des libertés. Du côté du Capitole, beaucoup, républicains et démocrates, semblent considérer de telles activités de surveillance par la NSA comme le prix à payer pour maintenir la démocratie américaine à l’abri de nouvelles attaques terroristes. Or les sceptiques ou peu convaincus  relèvent que malgré Prism, les frères Tsarnaev, auteurs présumés des attentats de Boston, ont pu agir sans être inquiétés par la NSA. Du côté de l’opinion publique, il n’est pas sûr que l’affaire soit perçue comme un vrai scandale. Selon un récent sondage, 40% des Américains sont d’accord (49% contre) de tolérer des violations de la sphère privée pour maintenir l’Amérique sûre.

Le New York Times, généralement considéré comme un fervent soutien au président démocrate, s’est fendu d’un éditorial assassin, relevant que la Maison-Blanche avait perdu «toute crédibilité» avant d’atténuer le propos en précisant «par rapport à cette question». Selon le quotidien new-yorkais, le scandale de surveillance équivaut à une répudiation de certains principes constitutionnels par l’Etat au détriment des droits de l’individu. Après les listes secrètes de personnes à éliminer au moyen de drones, après l’affaire AP et Fox News( relevés téléphoniques de journalistes), la promesse du président de faire de son administration la plus transparente de l’histoire a vécu. Quant à la notion de liberté individuelle (en opposition à l’Etat, au fisc, etc.), qui sous-tend la démocratie américaine, elle aura rarement été aussi malmenée. Pour le bien sécuritaire du pays ? Cela reste à démontrer.  Or Barack Obama avait pourtant reconnu qu’il fallait trouver un équilibre entre la sphère privée et la nécessité de protéger l’Amérique contre ceux qui lui veulent du mal. Mais la Maison-Blanche a non seulement repris les pratiques de l’administration de George W. Bush, il les a étendues pour répondre notamment au développement exponentiel des réseaux sociaux.

Que retenir de tout cela et  qu’en pense l’Union européenne ?

Les preuves sont là, la surveillance est officiellement confirmée: les deux quotidiens ont mis à notre disposition un quasi Manuel. On nous a expliqué que la que la plupart des communications mondiales transitent par les Etats-Unis et les communications ciblées ont de fortes chances de passer par les Etats-Unis, même si elles n’y résident pas. Rien n’y échappe : téléphones, mail, vides, tchat , Skype… Espère-t-on nous rassurer en disant que seul le reste du monde est visé, les citoyens américains et les résidents aux Etats-Unis sont épargnés , mais dans quelle mesure? Ces écoutes sont-elles réellement une surprise ? Un dispositif massif a été mis en place et tout cela dans l’opacité la plus totale : ni le budget, ni le nombre d’employés ne sont connus avec précision. C’est la poursuite de pratiques de son prédécesseur qui furent dénoncées avec férocité. Un mal nécessaire ? Obama vient-il  de nous rassurer ? « ces modestes empiètements sur la vie privée en valent la peine ». Une indignation sans précédent depuis les mandats de George W. Bush. Un élu démocrate a tenté de tirer la sonnette d’alarme depuis plusieurs années, aujourd’hui il constate : le gouvernement interprète secrètement les pouvoirs de surveillance que lui donne le Patriot Act adopté en 20II, ces méthodes d’interprétation choqueraient le public s’il était informé. Ce même élu démocrate réclame que l’interprétation secrète de la section 125 du Patriot Act soit communiquée aux américains. Obama avait appelé pendant sa première campagne à rejeter « la fausse alternative » entre sécurité et liberté semble, aujourd’hui, avoir tranché différemment : « vous ne pouvez pas avoir 100% de sécurité et aussi 100% des respects de la vie privée et zéro inconvénient. Nous avons des choix à faire en tant que société ». On attendait plus d’un ancien rédacteur en chef de la « Harvard Law Review », plus de sagesse et moins de contradictions. Une fois de plus est soulignée l’inquiétante ambiguïté du numérique.

 L’annonce de toutes ces turpitude a coïncidé avec la réunion les 6 et 7 juin des ministres de la Justice et des Affaires intérieures de l’Union européenne. Aucune réaction de substances connue à ce jour (9 juin). Cecilia Malmström, en charge des affaires intérieures, a déclaré : « Nous avons besoin de plus d’informations et nous allons contacter nos homologues ». Des rencontres sont programmés avec les ministres américains Janet Napolitano (sécurité intérieure) et Eric Holder (Justice) qu’ils rencontrent régulièrement. Besoin de plus d’informations ? ce n’est pas l’avis de la parlementaire européenne Sophie In’t Veld qui a été de toutes les batailles de ces dernières années : « nous savons depuis longtemps que les Etats-Unis se procurent systématiquement nos données et considèrent que leurs lois peuvent s’appliquer à l’Europe ». Elle juge inacceptable l’impossibilité de vérifier l’usage qui  est fait des données personnelles et ce principe d’une surveillance généralisée de la population « n’a pas sa place dans une démocratie et il est temps que la Commission réagisse ». Au vu des débats au sein du Parlement européen au cours de ces dernières années, les derniers à être surpris sont les députés européens et par voie de conséquences, les lecteurs de Nea say (cf. infra « pour en savoir plus » les dossiers de Nea say sur PNR et Swift) Ce genre d’abus du Patriot Act doit cesser écrit le Guardian  du 9 juin. Notons au passage que le Washington Post est encore au premier plan dans les révélations comme il le fut il y a plusieurs années lorsqu’il révéla les « extraordinary renditions  , les prisons et vols secrets de la CIA ainsi que les interrogatoires pratiqués sous la torture. Tout n’est pas possible et comme le rapporte le Washington Post  nombreux sont les officiels  et les serveurs de données pour qui l’accès peut être légal, mais l’accès n’est pas sans limite.

A ce stade la seule question qui se pose est de savoir à quel rythme et dans quelle proportion l’Europe saura riposter et reprendre un contrôle minimal des mémoires et flux électroniques utilisés en Europe. N’est-il pas trop tard ? Ne doit-on pas considérer comme inquiétant que l’Union européenne ait émis le souhait que d’ici 2020, « 50% des services publics de l’Union puissent tourner sur une infrastructure cloud qui se trouve exclusivement sous contrôle juridictionnel européen ». Seulement 50% et en 2020, est-on droit de s’interroger.Jusqu’à aujourd’hui l’UE a échoué malgré, il faut le reconnaître, une grande vigilance du Parlement européen qui, il y a plusieurs années, avait déjà créé une commission d’enquête sur les révélations de l’Affaire Echelon. Une enquête sans issue : paranoïa, pure fiction avait-on dit alors. Aujourd’hui la réalité a dépassé la fiction. Une démocratie ne pouvait être en « guerre perpétuelle » avait proclamé Obama voulant montrer que sa vision de la lutte antiterroriste n’avait rien à voir avec celle de son prédécesseur or non seulement il a repris ces pratiques mais il les a étendues.

Pour en savoir plus :

      -. Dossier PNR et Swift de Nea say : PNR http://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=PNR&Submit=%3E   Swift/Tftphttp://www.eu-logos.org/eu-logos-nea-recherche.php?q=swift&Submit=%3E

      -. ACLU, secrecy surrounding patriot acts spying  http://www.aclu.org/blog/national-security/doj-tells-court-its-reconsidering-secrecy-surrounding-patriot-acts-spying

      -.United Nations Human Rights Report http://www.aclu.org/blog/national-security-technology-and-liberty/un-human-rights-report-foreshadows-recent-surveillance

      -. Guardian this abuse of the Patriot Act must end http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/jun/09/abuse-patriot-act-must-end

      -. Washington Post http://webmail.emp.skynet.be/page.html?action=viewmessage&message_id=63902&thisfolder=INBOX

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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