Présentation du rapport (2013) de l’OCDE sur les migrations internationales à la Commission Européenne : quelles perspectives pour les migrants ?

Les commissaires Malmström et Andor ont commenté le rapport de l’OCDE publié le 13 juin sur les perspectives des migrations internationales. S’ils ont salué le travail entrepris et les données qu’il offre, ils ont également fait part de leurs préoccupations quant aux conclusions dudit rapport sur la situation professionnelle des migrants en Europe. Préoccupations que l’on retrouve en grande partie dans le rapport que la Commission a elle-même publié le 17 juin sur l’évolution de la situation en matière d’asile et d’immigration au sein de l’Union.

 Il est vrai que le constat posé par l’OCDE n’a rien de très optimiste sur la situation professionnelle des migrants dans les Etats européens. En effet, dans le rapport de 2013 sur les perspectives des migrations internationales, présenté à Bruxelles le 13 juin, l’OCDE note qu’en 2012, environ un immigré sur deux au chômage en Europe l’était depuis plus de 1 an alors que, dans le même temps, ils sont toujours plus nombreux à venir tenter leur chance : +2% d’immigration vers les pays de l’OCDE en 2011 et +15% au sein de l’UE. Des données d’Eurostat montrent aussi que le taux de chômage des migrants est d’environ 21% en 2012 contre 10% pour les nationaux des Etats membres.

Or, comme le pointe le rapport, les migrants participent grandement aux économies européennes et peuvent ainsi leur apporter des bénéfices substantiels au PIB des Etats grâce à un « impact fiscal positif ». Ce que l’OCDE désigne ici, c’est la somme des impôts payés moins les prestations sociales reçues. Le résultat donne un « impact fiscal » qui peut être positif ou négatif.

Malheureusement, faute de politiques inclusives ambitieuses dans certains Etats, il s’avère que, l’impact fiscal des migrants est quelques fois plus négatif que positif. Ainsi, selon les données fournies par l’OCDE, l’impact fiscal des migrants en Allemagne, si l’on compte les pensions de retraite, est de -1,13% sur le PIB alors qu’au Royaume Uni, il est de +0,46% sur le PIB. Il y a donc clairement des disparités dans l’inclusion des migrants entre les Etats.

Ainsi, le rapport de l’OCDE demande aux Etats européens d’adapter leurs législations concernant les migrations afin de faciliter l’immigration économique et son impact positif. Ceci est d’autant plus nécessaire qu’elle s’avère essentielle pour faire face au déclin démographique que connaissent bon nombre de ces Etats mais aussi pour stimuler leurs économies.

Pour cela, il faut dans le même temps s’attaquer aux problèmes de discrimination et promouvoir les politiques inclusives pour que les migrants aient un accès plus aisé à l’emploi, condition sine qua non pour que les Etats bénéficient de leur arrivée (impact fiscal positif). Concrètement, l’OCDE considère que cela passe par plus d’accompagnement des migrants (cours de langue, formation professionnelle, etc…), et particulièrement les plus vulnérables. Dans le cas contraire, l’immigration risque d’avoir plus d’impacts négatifs que positifs.

Mme Malmström, Commissaire Européenne aux affaires intérieures, et M. Andor, Commissaire Européen chargé de l’emploi et des affaires sociales, étaient tous les deux présents lors de la présentation de ce rapport et ont pu réagir.

Mme Malmström a pris note des éléments du rapport et a tenu a rappelé l’importance de l’immigration pour l’Europe. Elle en a appelé à une politique migratoire plus axée sur la demande et non plus sur l’offre, afin de garantir la prospérité pour l’économie de l’Union.

M. Andor, de son côté, a principalement rappelé les bénéfices que l’on pouvait tirer de l’immigration dans chaque Etat. Selon lui, à la lumière de ce rapport, il est clair que les migrants ne pèsent pas plus sur les systèmes sociaux que les nationaux. Pour autant, des discriminations importantes demeurent : les systèmes nationaux sont insuffisamment inclusifs.

Notons tout de même que, ce constat, la Commission l’avait déjà fait en février de cette année dans le cadre du paquet « Investissements sociaux » qu’elle a adoptés. En effet, elle demandait déjà aux Etats de revoir leurs politiques sociales afin de le rendre plus inclusives vis-à-vis de ses citoyens les plus faibles, ce qui inclut également les migrants qu’ils accueillent. Une telle réorientation implique des politiques plus ciblées, accompagnées de véritables stratégies d’inclusion.

Pour accomplir ces objectifs, la Commission rappelait que des fonds existaient pour soutenir leurs efforts, notamment dans le Fonds Social Européen.

Ainsi, la Commission Européenne semble prendre le problème pointé par l’OCDE au sérieux. Son 4ème rapport annuel sur l’asile et l’immigration (2012) le démontre plus encore.

En effet, elle appuie ici le rôle majeur que joue la migration pour la croissance. Elle est nécessaire, rappelle-t-elle, pour faire face au déclin démographique qui amènera, in fine, à créer un déficit d’offre de main d’œuvre pour les postes qualifiés. La réforme en cours concernant l’octroi de visas aux chercheurs et étudiants doit répondre à ces nouveaux défis.

Néanmoins, si l’ouverture est une nécessité, la Commission souligne qu’un certain nombre des garanties doivent être posées. La lutte contre la traite des êtres humains doit être une priorité de tous les instants et doit être renforcée. De même, l’Europe doit être en mesure de faire respecter les droits fondamentaux des migrants. Cela passe notamment par la capacité à offrir une protection aux réfugiés qui soit effective. Le nouveau paquet Asile tente d’y répondre.

Dans le même temps, le rapport considère qu’il faut aussi être en mesure d’avoir des frontières sures qui permettent une gestion optimale des flux migratoires. La mise en œuvre d’Eurosur (Système européen de surveillance des frontières) au plus vite doit favoriser l’accomplissement de cet objectif.

Tout reste à faire donc pour mettre en œuvre une politique migratoire ambitieuse. Nous l’avions déjà abordé dans divers articles : les Etats européens doivent revoir la façon dont ils envisagent leurs politiques migratoires s’ils veulent affrontés les défis économiques et politiques du XXIème siècle. Les Etats Unis commencent à changer leurs positions, pourquoi pas les européens ?

 

Jérôme Gerbaud

 

 En savoir plus :

 –          Article de présentation du rapport de l’OCDE sur les migrations internationales, publié le 13 juin 2013

(EN) http://www.oecd.org/migration/migrationpickingupbutrisingunemploymenthurtingimmigrants.htm

(FR) http://www.oecd.org/fr/migrations/les-fluxmigratoires-reprennent-mais-lesimmigres-patissent-delamonteeduchomage.htm

 –            Rapport de l’OCDE : « Perspectives des migrations internationales 2013 », publié le 13 juin 2013

(EN) http://www.oecd.org/els/mig/imo2013.htm

(FR) http://www.oecd.org/fr/els/mig/pmi2013.htm

–            Communiqué de presse de la Commission du 13 juin 2013 :  « Employment : Commissioners Malmström and Andor welcome the new OECD report on international migration trends »

(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-549_en.htm

 –            Communiqué de presse de la Commission du 20 février 2013 : « Investissements sociaux : la Commission encourage les Etats membres à mettre l’accent sur la croissance et la cohésion sociale »

(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-125_en.htm

(FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-125_fr.htm

 –            Communiqué de presse de la Commission du 17 juin 2013 : « Migrations : un rapport de la Commission préconise des politiques tournées vers l’avenir ».

(EN) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-552_en.htm

(FR) http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-552_fr.htm

 –            Communication de la Commission : 4ème rapport annuel sur l’immigration et l’asile (2012)

(FR) http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/immigration/general/docs/4th_annual_report_on_immigration_and_asylum_fr.pdf

(EN) http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/immigration/general/docs/4th_annual_report_on_immigration_and_asylum_en.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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