Coopération policière : le rapport Aguilar demande une coordination simplifiée et transparente

Les criminels collaborent-ils plus que les polices ? D’après les rapports de la commission CRIM et d’Europol (SOCTA 2013) la criminalité transfrontalière est en hausse. Par contre, les autorités répressives des Etats Membres peinent toujours à dégager une pleine coopération. Face à ce paradoxe dangereux, les députés européens ont plaidé pour une rationalisation de la coopération policière au sein de l’Union et pour sa mise en conformité à l’acquis de Lisbonne. En d’autres termes, les forces de l’ordre ne collaborent pas assez, et quand ils le font, les mécanismes sont peu transparents. En soutien à ces recommandations, le président de la commission LIBE Fernando Lopez Aguilar (S&D) a présenté  un projet de résolution à Strasbourg le 9 octobre dernier. 

Une coopération plus solide, a déclaré M. Aguilar, passe d’abord par une implémentation plus rigoureuse de la décision Prüm. Adopté par le Conseil en 2008, la décision Prüm vise à renforcer la coopération transfrontalière en matière répressive en fournissant un cadre commun pour l’échange automatisé d’informations entre les autorités policières des Etats Membres. Les données pouvant faire l’objet d’un transfert entre les autorités policières sont les données ADN et les empreintes digitales, ainsi que celles relatives à l’immatriculation des véhicules. Les origines  de Prüm datent de 2005, quand sept Etats (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Pays Bas) avaient signé en premier ce qui était alors un simple traité international. Grâce à l’initiative de Berlin et à l’intérêt de nombre d’Etats Membres, l’accord a été ensuite intégré dans le droit communautaire.

 Pourtant, quatre ans après la date limite prévue pour sa transposition en droit interne, la décision n’est toujours pas implémentée par la plupart des Etats Membres. A ce jour, le dénoncent-ils Mme Macovei (PPE) et M. Van de Camp (ALDE), seul 11 des 28 Etats Membres peuvent utiliser ce cadre commun d’échange, ce qui affaiblit de facto la réussite des enquêtes transfrontalières. En plus, le cadre juridique étant celui du Traité de Nice (2001), les dispositions de Prüm ne collent pas avec les soucis de démocratie évoqués dans le texte de Lisbonne. Tout en reconnaissant son importance pour la lutte contre la criminalité organisée transnationale, M. Aguilar et les autres députés ont demandé pour cet instrument le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, ainsi qu’une transparence majeure dans les échanges effectués en son sein. Surtout, les parlementaires ont revendiqué un contrôle démocratique des activités transnationales menées par les autorités répressives des Etats Membres.

 Le champ de la coopération policière est en outre très fragmenté, les instruments à disposition étant multiples et soumis à de différents régimes. Prüm, Eurodac, SIS, VIS… la pulvérisation des bases de données et des cadres d’entraide, a M. Diaz De Mera (PPE), entravé le fonctionnement efficace et transparent de l’activité policière. Pour contrer cette tendance à la fragmentation, certains (M. Scurria, PPE) ont invité la Commission à regrouper tous ces échanges au sein d’un format unique. En faveur d’une telle rationalisation, le rapport Aguilar pense à Europol en tant que canal unique ou du moins privilégié pour l’échange d’informations. Une proposition dont la Commissaire aux Affaires Intérieures, Cecilia Malmstrom, s’est félicité avec les députés.

 Dans la ligne des opinions parlementaires, Mme Malmström a écarté la création de nouvelles agences ou bases de données pour la coopération policière. Au contraire, pour ce qui est de la décision Prüm, la Commissaire suédoise a rejeté la possibilité de trouver une nouvelle base juridique pour cet accord, dans le cadre du Traité de Lisbonne. Cette modification, a-t-elle affirmé, entraînerait des retards intenables pour sa mise en œuvre, alors qu’on peine toujours à implémenter le cadre existant. Pas question donc de transformer l’ancienne décision du Conseil en un instrument propre du cadre post-Lisbonne. Du moins pour l’instant, le Parlement demeure donc toujours en marge de la coopération en matière répressive. Un cas où semble renoncer au processus de Lisbonisation. On peut à cet égard être surpris par la timidité des réactions des parlementaire comme si par avance les députés acceptaient par avance à faire « la part du feu ». La résolution souligne cependant très clairement que la décision Prûm a été adoptée dans le cadre de l’ancien troisième pilier et que sa mise en œuvre pèche par manque de surveillance et de contrôle démocratique en bonne et due forme par le Parlement européen. La résolution demande donc à la Commission « de formuler sans attendre des propositions visant à intégrer dans le cadre juridique du traité de Lisbonne les instruments de coopération policière transfrontalière policière adoptés dans le cadre de l’ancien troisième pilier, tels que la décision de Prüm et l’initiative suédoise ».La résolution invite les Etats membres à mettre en œuvre correctement et intégralement la décision Prüm.

 En ce qui consiste le système d’échange d’information la résolution rappelle l’exigence de protection des données, telle que prévue par l’avis du Contrôleur européen des données (CEPD) en utilisant comme base la proposition de règlement du  Parlement européen et du Conseil relatif à Europol et abrogeant la décision 2009/371/Jai.

 Gianluca Cesaro

 

 Pour en savoir plus :

 

–                  Enregistrement du débat en plénière – 09/10/2013 – http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/plenary/video?debate=1381350767990

 –                  Proposition de résolution sur le renforcement de la coopération transfrontalière en matière pénale – 01/10/2013 – (EN) – http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+MOTION+B7-2013-0433+0+DOC+PDF+V0//EN (FR) – http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+MOTION+B7-2013-0433+0+DOC+PDF+V0//FR

 -Résolution sur le renforcement de la coopération transfrontalière en matière répressive dans l’Union : mise en œuvre de la  «  décision Prüm » et du modèle européen d’échange d’information (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0419+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR

 (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2013-0419+0+DOC+XML+V0//EN

 –                  Synthèse de la décision Prüm – (EN) – http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/police_customs_cooperation/jl0005_en.htm – (FR) – http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/police_customs_cooperation/jl0005_fr.htm

 –                  Rapport SOCTA 2013 – (EN) – https://www.europol.europa.eu/sites/default/files/publications/socta2013.pdf

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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