Bruxelles s’attaque aux nouvelles substances psychoactives

L’Union Européenne intensifie la lutte contre les drogues. Lors de la dernière réunion de la commission LIBE – le 14 novembre dernier – , les stupéfiants de nouvelle génération ont fait l’objet de réflexions partagées entre les députés, la Commission et le Conseil. En tant qu’acteur paritaire de la procédure de co-décision, le Parlement doit examiner deux propositions récentes de la commission européenne. Face aux développements rapides du marché de la drogue, notamment par l’introduction de nouvelles substances non réglementées, le Berlaymont essaie de hausser le niveau des contrôles par un cadre commun d’échange des informations et par un rapprochement des législations nationales. Les nouvelles substances psychoactives se propageant de plus en plus dans l’Union, l’activité des institutions est une course contre la montre.

 Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les drogues dans l’UE,déjà  énoncée dans une communication de la Commission en 2011, le Berlaymont vient de proposer deux instruments complémentaires sur les nouvelles substances psychoactives. Le choix de deux dispositifs différents s’explique par les contraintes juridiques découlant du Traité de Lisbonne : ainsi, la directive devant introduire une nouvelle définition du terme « drogues » à des fins pénales repose sur l’art. 83, consacrant la compétence de l’Union de lutter contre le trafic illicite des stupéfiants ; le règlement, en revanche, s’appuie sur la prérogative européenne de gérer le marché unique.

 Au-delà des détails légaux, les deux propositions se lient dans un même paquet législatif qui vise à contrer le trafic des drogues illicites dans l’Union, tout en laissant aux Etats Membres la compétence de régler la consommation individuelle. Au cours des dernières années, ce domaine est devenu l’un des points forts de la stratégie de sécurité intérieure européenne et l’un de ceux qui ont reçu le plus d’attention de la part de Bruxelles.

 Si la consommation des drogues « traditionnelles » – telles que l’ecstasy, la cocaïne ou le cannabis – semble s’être stabilisée (quoi qu’à un niveau élevé), ce sont les nouvelles substances psychoactives qui éveillent les plus grandes préoccupations chez les institutions européennes. Contrairement aux substances déjà réglementées par la Convention des Nations Unies sur les drogues, les nouveaux stupéfiants connaissent une diffusion de plus en plus large, notamment chez les jeunes, souvent par le biais d’Internet. Au cours des dernières années, les Etats Membres ont signalé quelques 300 nouvelles substances, dont la plupart a été enregistrée entre 2009 et 2012.

 A l’instar de ce qui est fait pour les précurseurs de drogues, les institutions européennes s’attaquent à la mise à jour de la législation en vigueur afin de mieux lutter contre la toxicomanie. Dans les propositions en question, l’objectif est double : d’une part, contrecarrer le trafic de drogues illicites, de l’autre assurer la circulation des substances utilisées à des fins licites, surtout dans les secteurs médical et industriel.

 Dans cette perspective, la répartition des tâches entre la directive et le règlement devient plus claire. La première s’attaquerait ainsi au volet pénal de la lutte contre le trafic de drogue, en proposant une définition du terme « drogue » adaptée à la donne actuelle. Le deuxième, en revanche, définirait les critères pour introduire des restrictions dans le marché unique, selon le risque (faible, moyen ou grave) présenté par les substances en question. En d’autres termes, il servirait à opérationnaliser les prévisions légales contenues dans la directive.

Lors de ce débat préliminaire sur les propositions du Berlaymont, la commission LIBE a dégagé un consensus unanime, comme c’est souvent le cas lors des débats concernant le domaine pénal. Les projets de rapport, confiés respectivement à Mme Jimenez-Becerril (PPE) et à M. Protasiewicz (PPE), seront présentés formellement  à la commission LIBE le 9 janvier, la date limite pour le dépôt des amendements ayant été établi pour le 15 janvier.

 Gianluca Cesaro

 

Pour en savoir plus :

–                  Enregistrement du débat en commission LIBE – 14/11/2013 – http://www.europarl.europa.eu/ep-live/fr/committees/video?event=20131114-0900-COMMITTEE-LIBE

 –                  Proposition de directive modifiant la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil du 25 octobre 2004 concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue, en ce qui concerne la définition du terme «drogue» – 17/09/2013 – (EN) –   http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0618_/com_com(2013)0618_en.pdf – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0618_/com_com(2013)0618_fr.pdf

 –                  Proposition de règlement sur les nouvelles substances psychoactives – 17/09/2013 – (EN) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0619_/com_com(2013)0619_en.pdf – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0619_/com_com(2013)0619_fr.pdf

–                  Article d’EU-Logos sur le rapport Proust (précurseurs de drogues) – 29/10/2013 – (FR) – http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/com/com_com(2013)0619_/com_com(2013)0619_en.pdf

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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