La proposition de directive sur les travailleurs saisonniers s’offre de beaux jours en commission LIBE

Le 14 novembre dernier, le rapport de la proposition de directive défendue par Claude Moraes (S&D)concernant la directive des travailleurs saisonniers a été largement adoptée : 33 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions. L’occasion est donc idéale de rappeler les grands aspects de ce texte, première législation à propos de cette catégorie de migrants légaux.

 L’Union européenne ne cesse d’être attaquée pour son approche trop sécuritaire de l’immigration : pourtant, dès le programme de La Haye de 2004, l’ambition a clairement été de développer une approche globale qui mette également l’accent sur l’immigration légale. Réussite ou non,, mais la directive marque bien une grande avancée dans la protection et la promotion de l’immigration légale. Evidemment, l’Union européenne avait tout intérêt à protéger les travailleurs saisonniers des pays tiers au vu du constat suivant : « il devrait être de plus en plus difficile de couvrir ces besoins en recourant à des travailleurs ressortissants des Etats membres, principalement en raison du peu d’attrait que les emplois saisonniers présentent pour eux ».

 Comment l’Union européenne définit-elle un travailleur saisonnier ? Il s’agit « d’un ressortissant de pays tiers qui conserve son domicile légal dans un pays tiers mais séjourne temporairement sur le territoire d’un Etat membre aux fins d’un emploi dans un secteur dont l’activité est soumise au rythme des saisons, sur la base d’un ou plusieurs contrats de travail à durée déterminée, conclu(s) directement entre le ressortissant de pays tiers et l’employeur établi dans un Etat membre » (article 3 de la directive). Indiquons de plus que « les Etats de l’Union seront libres de définir le travail saisonnier au-delà de son lien traditionnel avec les activités agricoles et touristiques, telles que la cueillette des fruits ». Selon la Commission européenne, les travailleurs saisonniers seraient pas moins de 100 000 chaque année à franchir le territoire de l’Union européenne.

 Parmi les nombreuses mesures développées, il est prévu notamment un accès effectif et efficace des travailleurs saisonniers aux informations qui les concernent : ils doivent,entre autres, être pleinement informés des documents requis pour obtenir l’autorisation de séjour. Ceux-ci peuvent séjourner pendant une période allant de 5 à 9 mois par an, le tout en ayant pu entre temps avoir décidé de prolonger leur contrat (tout en respectant la période maximum définie) ou changé d’employeur.

Il est possible de demander un « permis de travail plurisaisonnier » : dans ce cas, l’Etat membre délivre un permis de travail saisonnier pour maximum trois saisons. Dans tous les cas, si un ressortissant d’un Etat tiers a déjà une fois lancé une procédure pour être travailleur saisonnier, celle-ci sera simplifiée s’il décide d’y avoir recours une ou plusieurs autres fois les années suivantes. L’Etat membre dispose de 30 jours pour rendre sa décision à l’issue de la procédure. Il est possible pour les Etats membres de faire la demande de preuves que le travailleur saisonnier disposera d’un logement fourni par l’employeur. De même, un des grands acquis de ce texte est qu’il prône l’égalité de traitement avec les ressortissants de l’Union européenne : « les travailleurs saisonniers bénéficieront des mêmes droits que les ressortissants de l’UE en matière d’âge minimum pour travailler, de rémunération, de licenciement, concernant les heures de travail, le droit aux vacances ou encore les soins de santé et les exigences de sécurité. Ils auront également le droit d’adhérer à un syndicat et d’avoir accès à la sécurité sociale, aux pensions, à la formation, aux conseils relatifs au travail saisonnier offerts par les bureaux de l’emploi et aux autres services publics à l’exception du logement public ».

La Confédération européenne des syndicats (CES) se réjouit de l’accord trouvé : « la législation européenne reste fragmentée et ignore souvent la dimension sociale de la politique de migration mais ce compromis montre que l’Europe peut en faire davantage pour que la migration soit une opportunité pour les gens » a affirmé Luca Videntini, secrétaire confédéral de la CES.

 Le vote en séance plénière du Parlement européen aura lieu en janvier prochain et les Etats, si adoption il y a, auront deux ans et demi pour appliquer ces nouvelles règles. Ce texte est primordial : il montre la prise de conscience par l’Union européenne du fait qu’elle est et restera une terre d’immigration. Elle montre également que si elle prend parfois peur de l’immigration, elle est aussi capable de la promouvoir et d’en protéger les parties prenantes. L’adoption en commission LIBE de ce texte est une première claque mise aux refrains populistes d’extrême-droite, espérons que la plénière de 2014 confirmera ce nouveau cours donné à la politique migratoire.

 

Louise Ringuet

 Pour en savoir plus :

      -. ETUC – « De nouveaux droits en matière d’emploi saisonnier reconnus aux migrants dans l’UE – la CES félicite les eurodéputés pour leur contribution à l’accord » – 8 novembre 2011 : http://www.etuc.org/a/11721

 Europarl – « Travailleurs saisonniers : l’accord PE-Conseil adopté en commission des libertés civiles » – 14 novembre 2013 : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20131111IPR24356/html/Travailleurs-saisonniers-l’accord-PE-Conseil-adopté-en-commission-parlementaire

Europarl – « Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi saisonnier » – 13 juillet 2010 :   http://www.europarl.europa.eu/registre/docs_autres_institutions/commission_europeenne/com/2010/0379/COM_COM(2010)0379_FR.pdf

 Europarl – Fiche de procédure http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2010/0210(COD)#tab-0

 EU-Logos – « Directive « travailleurs saisonniers » : toujours pas d’accord entre le Parlement et le Conseil – Nea Say n°135 : http://www.eu-logos.org/html2pdf_v4.03/examples/nea__pdf.php?idr=4&idnl=2862&nea=135&lang=fra&idnllst=1

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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