Programme « Europe pour les citoyens » : Parlement évincé, budget amenuisé. Quand l’UE devrait tirer des leçons de ses propres textes.

Les élections européennes approchant, le citoyen européen doit être l’objet de toutes les attentions. Perdu dans la spirale infernale de la crise, dans l’incompréhension de l’UE, et nourri par les réponses simples (ou simplistes) de l’extrême droite, le citoyen lambda retient son souffle. Alors que l’année 2013 consacrait le citoyen sous la bannière de « l’enjeu, c’est l’Europe, il s’agit de vous », il apparaissait fort à propos de la clore en établissant le nouveau programme « L’Europe pour les citoyens » pour la période 2014-2020. Passé l’enthousiasme de la symbolique, il ne reste de cela que les ruines d’une Europe qu’on pensait démocratique : le Parlement européen n’a eu sur ce texte que le pouvoir de l’approbation, tandis qu’il ne nous reste que la désolation.

 Revenons d’abord sur l’acte en lui-même avant de s’attarder sur les débats du 18 novembre dernier en plénière à Strasbourg. Deux objectifs peuvent être tirés du texte : d’abord, la sensibilisation aux valeurs, à l’histoire, à la mémoire de l’Union. Ensuite, il s’agit d’encourager la participation démocratique et civique des citoyens de l’Union. Parmi les actions mises en avant dans le programme :

      -. des réunions de citoyens, jumelages, réseaux de villes jumelées

      -. un soutien à des organismes et points de contacts

       -. des évaluations par les pairs, des réunions d’experts, séminaires, conférences, commémorations, remises de prix

 Ce programme inclut l’ensemble des organisations structurées autour de la citoyenneté et de l’intégration européenne : autorités locales et régionales, comités de jumelage, organismes de recherche, société civile, organisations culturelles, de jeunesse, d’enseignement et de recherche.

 Le budget alloué est de 185 millions d’euros pour l’ensemble de la période 2014-2020.

 Signalons, à propos du dialogue citoyen, la visite le 14 novembre dernier de Viviane Reding à Marseille, pour le 37ème dialogue citoyen. Ces dialogues sont présentés comme cruciaux pour une Europe à la croisée des chemins : tremblante face à la crise économique, elle doit choisir quel déguisement revêtir, Etats-Unis d’Europe ou Fédération d’Etats Nations. La parole est donc donnée au citoyen au vu des élections européennes de 2014 dont on craint l’ampleur de la punition citoyenne pour les souffrances de la crise endurées.

 Lors de la plénière, le rapporteur du dossier, Takkula (ADLE) a rappelé son expérience dans le domaine : il était déjà rapporteur pour le rapport précédent. Pour lui, l’objectif est simple : rapprocher les citoyens de la construction européenne au travers d’une compréhension accrue de ses apports, notamment concernant les enjeux liés à la citoyenneté. Ainsi, il s’agit bien du seul programme visant la promotion de l’Union européenne. Au vu de certains sondages aux sombres prémonitions quant aux résultats de l’extrême droite, ce programme tombe à pic. Ainsi, le champ des associations est très large tout comme le nombre de projets sur le terrain et d’initiatives. Cependant, si le rapporteur ne doute pas de l’importance cruciale d’un tel programme, deux aspects viennent largement nuancer ce constat : d’abord, il regrette que le budget alloué soit si faible et surtout, ai été revu à la baisse. Difficile selon lui de garantir avec ce budget que les objectifs soient remplis. D’autre part, il déplore le manque d’entente entre les institutions européennes : ainsi, le Parlement européen n’était guère en accord avec la Commission sur la base juridique du texte. Finalement, le Conseil s’étant rallié à la Commission, c’est l’article 352 qui a été choisi comme base juridique et non l’article 167 : celui-ci prévoit une simple approbation du Parlement européen, à son grand regret.

 La Commission européenne a préféré de son côté insister sur les éléments fédérateurs du texte : pour elle, des solutions créatives ont été trouvées pour que les citoyens puissent aider à façonner la politique de l’Union européenne. De ce fait, une société civile active et pleinement consciente du fonctionnement de l’Union européenne pourra se constituer, et ce, de générations en générations. La Commission salue l’esprit de compromis et de flexibilité qui a dominé l’ensemble des discussions. Nous verrons que cet esprit de compromis n’est pas sans peser très largement sur certains députés.

 Ainsi, l’ensemble des députés insistera sur une baisse du budget alloué à ce programme jugée incompréhensible. Pour Verheyen (PPE) il est honteux de clore l’Année européenne des citoyens sur une réduction des crédits pour le programme de 23%.

 De même, le Parlement sort humilié de la base juridique retenue. Pour Häfner (Verts/ALE), il est aberrant que dans un programme pour les citoyens, la seule représentation des citoyens au sein de l’Union européenne n’ai pas son mot à dire. De même, la Commission de la culture reste persuadée que la procédure de codécision est applicable et non l’approbation selon Fisas (PPE). Le Parlement européen a été presque pris en otage dans les discussions relatives à ce programme : ainsi, le contenu a une importance si cruciale que toute prolongation des décisions est dangereuse au vu des élections prochaines. Du coup, il a dû se ranger presque fatalement à la base juridique défendue par le Conseil et la Commission. Pour Obermayr (NI), il est triste de voir que la Commission essaye d’étendre de plus en plus ses compétences, introduisant de ce fait d’autant plus de bureaucratie là où il devrait y avoir des préoccupations de citoyenneté.

La GUE est quant à elle choquée par le volet portant sur la « mémoire ». Pour eux, des amalgames dangereux sont réalisés entre nazisme, fascisme et stalinisme. Pour Vergiat, cela relève du « mépris pour des milliers de communistes ». Elle conclura que « ce n’est pas aux politiques d’écrire l’Histoire ».

 En conclusion, le projet de règlement du Conseil a rencontré l’approbation du Parlement européen. L’urgence du fond, la peur que l’extrême droite nous fasse toucher les bas fonds, a primé. Cependant, la manière de procéder a de quoi faire frissonner : le Parlement, représentant les intérêts des citoyens a été écarté sur une décision qui concernait justement ceux qui l’ont élu. De plus, le budget alloué est à la mesure de l’intérêt de l’Union européenne pour ses citoyens : variable.

 Louise Ringuet

  

Pour en savoir plus :

        -. Rapport sur la proposition de règlement du Conseil établissant pour la période 2014-2020 le programme « l’Europe pour les citoyens » : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A7-2012-0424&language=FR

       -. TFUE : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2010:083:0047:0200:fr:PDF  

      -. Europarl – Document de base législatif : http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do?id=1322832&t=e&l=fr

      -. Europarl – Fiche de procédure : http://www.europarl.europa.eu/oeil/popups/ficheprocedure.do?lang=fr&reference=2011/0436

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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