Partenariat pour la mobilité UE-Tunisie : l’entrée en fonction du nouveau gendarme de l’UE devra attendre !

Souvenons-nous, le Maroc se refusait en 2011 le rôle de « gendarme de l’Europe », selon l’expression utilisée par Saad Dine El Otmani, alors ministre des Affaires étrangères de la coopération. Pourtant, le 7 juin 2013, un partenariat pour la mobilité était signé, événement fondamental lorsque l’on sait à quel point le Maroc a toujours été récalcitrant a jouer le rôle que l’Union européenne lui avait attribué. Evénement d’autant plus fondamental qu’il s’agissait alors du premier pays de la Méditerranée à signer un tel Partenariat, promesse d’une ouverture vers nombre d’autres Etats tout aussi stratégiques en ce qui concerne l’immigration. Alors que la Tunisie devait emprunter le même chemin, le 5 décembre dernier, sous la pression de différentes organisations, la Tunisie a dû ranger son costume de gendarme , du moins, pour le moment.

 Le 3 décembre dernier, cinq organisations tunisiennes (UGTT, LTDH, ATFD, FTDES, CAIT) et quatre organisations internationales (REMDH, AEDH, FIDH, Migreurop) s’alliaient dans un communiqué au titre évocateur : « partenariat pour la mobilité UE-Tunisie : la politique d’externalisation des frontières masquée ».

 Ainsi, ce n’est pas nouveau, l’Union européenne ne cesse d’être accusée de faire prédominer, en ce qui concerne ses relations avec les pays tiers relatives à l’immigration une approche sécuritaire. Pourtant, l’approche globale a été créée pour pallier à ces critiques au travers de ses trois piliers :

       -. la lutte contre l’immigration illégale

       -. la promotion de l’immigration légale

       -. la transformation des migrants en vecteurs de développement

 Cette approche, couvrant des aspects très variés, les partenariats pour la mobilité, accords juridiquement non contraignants, ont alors été instaurés.

 Le partenariat pour la mobilité avec la Tunisie, sixième accord de ce type aurait dû être signé le 5 décembre dernier, après des négociations commencées en 2011. Mais c’était sans compter sur la pression exercée par nombre d’organisations, demandant le report de la signature au nom de plusieurs raisons. Parmi elles, le fait que la société civile n’ait été en aucun cas associée au processus de négociation. Ensuite, le fait que la situation des migrants et des réfugiés en Tunisie laisse trop à désirer pour un tel accord. Ainsi, nombre d’individus ne disposent d’aucun accès au séjour, travail, droits sociaux. De même, aucune législation relative à l’asile n’est en vigueur et ce, malgré la présence du HCR sur le territoire, incapable à lui-seul de combler un tel manque. N’oublions pas que l’entrée irrégulière sur le territoire tunisien est criminalisée (malgré le fait que la Tunisie soit partie prenante au PIDCP), la réadmission comprise dans le partenariat avec l’UE, posant à ce titre de graves problèmes quant aux droits de l’homme. Enfin, si le Partenariat pour la Mobilité est présenté comme un outil équilibré, les efforts demandés à la Tunisie apparaissent proportionnellement bien plus élevés que les bénéfices que la Tunisie pourrait en retirer : une facilitation de visas pour les plus qualifiés.

 C’est ainsi que François Crépeau, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrants a demandé à ce que l’UE puisse « aller au-delà des questions de sécurité et de son discours de contrôle des frontières et de développer le partenariat sur les migrations et la mobilité, actuellement en négociation avec la Tunisie, en se concentrant davantage sur le respect, la protection et la promotion des droits de l’Homme des migrants ».

 Alors que le Maroc s’était à l’époque refusé le costume de gendarme de l’Europe, Kacem Afaia, syndicaliste de l’UGTT en reprend la symbolique quand il affirme : « il est hors de question que la Tunisie continue à approuver et à cautionner ce système, nous refusons que la Tunisie joue le rôle de garde-côte de l’Europe ! ».

 Pour autant, la signature n’est que reportée, sûrement dans l’attente d’un contexte plus propice et moins contestataire. La question essentielle est la suivante : la Tunisie retirera-t-elle des avantages substantiels de ce Partenariat ? Inversement, l’Union européenne saura-t-elle faire primer les droits de l’Homme et les bienfaits supposés du co-développement sur les enjeux stratégiques d’un contrôle aux frontières approfondi de la part de la Tunisie ?

 

Louise Ringuet

 

Pour en savoir plus :

 FIDH – « Partenariat pour la mobilité UE-Tunisie : la politique d’externalisation des frontières masquée » – 3 décembre 2013 : http://www.fidh.org/fr/maghreb-moyen-orient/tunisie/14336-partenariat-pour-la-mobilite-ue-tunisie-la-politique-d-externalisation-des

 FSM – « Partenariats pour la mobilité UE-Tunisie : Mobilité réduite et sans droits » – 5 décembre 2012 :  http://www.fsm2013.org/fr/node/1613

 L’Economiste maghrébin – « Nous refusons que la Tunisie joue le rôle de garde-côtes de l’Europe » :  http://www.leconomistemaghrebin.com/2013/04/13/nous-refusons-que-la-tunisie-joue-le-role-du-garde-cotes-de-leurope/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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