Discriminations fondées sur l’âge.

Elles sont interdites par les traités et plus particulièrement par la Charte européenne des droits fondamentaux. Les discriminations liées aux seniors sont en hausse sur le marché de l’emploi : pour une nouvelle gestion de la diversité et de la synergie des âges. Changeons notre regard social

 Si l’âge est une base de discrimination moins injuste que le genre et l’origine ethnique, « moins injuste » n’équivaut pas à dire« anodin ». Si la majorité des citoyens estimaient que la discrimination sur cette base était rare, cette tendance s’est à présent inversée.  Il est correct de dire qu’en quelques années, la mise en équivalence des critères  a progressé : l’âge s’imposant tel un motif de discrimination parmi tant d’autres. L’espérance de vie ne cesse de progresser, et avec elle les discriminations  pour cause de grand âge. Ainsi, quand il s’agit de regarder le vieillissement, les couleurs du prisme sont davantage teintées de gris que de couleurs resplendissantes. L’âge n’est plus considéré comme un critère de distinction neutre, justifié et sans effet discriminatoire. La discrimination sur l’âge est désormais un phénomène reconnu et quantifié.

 A ce jour, il est possible de faire une double lecture de l’émergence de la lutte contre la discrimination basée  sur l’âge : d’un côté, l’on pourrait  juger qu’un tel mouvement trouve son principe dans un raisonnement d’ordre économique qui amène à penser que les seniors sans travail coûtent cher, qu’ils n’aident pas au financement des retraites et plus encore qu’ils constituent un gâchis à l’heure où il importe de mobiliser toutes les ressources disponibles  (les femmes, les handicapés, les seniors) dans la compétition économique internationale. Certains seniors débordant encore de vitalité au-delà des 75 ans pourraient fort bien devenir une prochaine cible marketing de choix.

 Dans une autre optique, ce combat contre l’âgisme se soucie pareillement de faire reculer les injustices fondées sur l’âge et d’étendre la question à d’autres domaines que l’emploi et à d’autres catégories que celle des actifs. L’année 2012 a reconnu le fait que l’UE  se trouve dans un processus de vieillissement significatif de sa population et voudrait y apporter une réponse adéquate. A cet égard, l’UE  s’est donc fixer pour objectifs à long-terme : d’encourager le vieillissement actif ; d’agir davantage pour tirer parti du potentiel des personnes à la fin de la cinquantaine ou plus âgées (groupe qui connaît une croissance rapide) et enfin de préserver les solidarités intergénérationnelles.

 Selon la définition du Conseil et du Parlement, le vieillissement actif impliquerait de « créer de meilleures possibilités et conditions de travail afin de permettre aux travailleurs âgés de tenir leur rôle sur le marché du travail et de lutter contre l’exclusion sociale en renforçant la participation active à la société et en encourageant le vieillissement sain ». Aussi, le Conseil de l’Europe a mis en place plusieurs instances et programmes pour lutter contre la discrimination en Europe. La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), créée déjà en 1993, publie régulièrement des enquêtes sur le phénomène du racisme et de l’intolérance dans les États membres. Elle organise aussi des tables rondes avec des représentants de la société civile et adopte des recommandations de politique générale adressées aux gouvernements.

De même que L’Agence pour les droits fondamentaux, organe indépendant de l’Union européenne (bien connue des lecteurs de Nea say) établie depuis 2007, met à la disposition des États membres son expérience pour la mise en œuvre de textes législatifs sur les questions concernant les droits fondamentaux. De son côté la Commission, attire davantage l’attention sur les personnes âgées dans « l’Europe 2020 » (stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive). Une stratégie qui se donne pour ambition d’atteindre un taux d’emploi de 75% des femmes et des hommes entre 20 et 64 ans, avec la nécessité d’une implication toujours plus grande des personnes âgées. Cela vient confirmer un engagement politique considérable envers la promotion des droits et l’inclusion sociale de nos aînés. 

 L’introduction  en droit européen du principe de non –discrimination (Directive 2000/78) correspond aux objectifs poursuivis par l’Europe dans le cadre d’une stratégie européenne pour l’emploi et aussi à la promotion du vieillissement actif. Une directive à double facettes qui permet à la fois d’être un outil juridique pour enrayer la discrimination à l’embauche dont sont victimes les travailleurs âgés mais elle prend également en considération le facteur particulier qu’est l’âge dans le cadre des politiques sociales en matière d’emploi.  Elle impose donc aux Etats de mettre en place une législation nationale qui puisse interdire la discrimination directe et indirecte ainsi que le harcèlement et les rétorsions au motif de l’âge.

Aussi l’engagement de l’Europe en faveur du vieillissement actif, repose sur nombreuses valeurs fondamentales, telles que définies dans les Traités. Le Traité de Lisbonne de 2009 confirme à ce propos que l’Union se fonde sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’Etat de droit ainsi que du respect des droits de l’homme.

La Charte des droits fondamentaux est une manifestation encore plus éloquente  et explicite de ces valeurs, elle a un caractère juridiquement contraignant pour le fonctionnement des institutions de l’UE, s’appliquant de même aux Etats membres lors de la mise en œuvre de la législation européenne.  L’on peut voir ainsi inscrit dans cette Charte, au chapitre sur l’égalité, deux articles témoignant clairement de liens avec le vieillissement actif dans des domaines tels que l’égalité entre les sexes, la sécurité sociale, la santé et l’éducation.

En contraste avec la dynamique de l’emploi des seniors, qui n’a fait qu’usage rhétorique et sans lendemains de la notion de discrimination sur l’âge, un second mouvement lui a assuré une certaine pérennité au travers de la traduction dans la législation nationale de lois communautaires antidiscriminatoires.

 Ainsi, si les principaux domaines de vieillissement actif  restent sous une responsabilité première des Etats –Membres, il existe néanmoins de nombreux domaines-clés dans lesquels la législation  de l’UE contribue à la stratégie globale en la matière. Notons d’ailleurs qu’une proportion importante du budget de l’Union se consacre pleinement au soutien des efforts des Etats-Membres visant à créer des emplois (soit promouvoir le développement) et à garantir une certaine cohésion sociale, économique et territoriale dans l’ensemble de l’Union. Le « vieillissement actif » jouit donc d’une bonne visibilité dans les projets et programmes de financement de l’Union et ce notamment grâce au Fonds social européen disposant d’un budget de 75  milliards d’euros dédiés à la promotion de l’emploi et de compétences nouvelles. Le FSE a déjà fait ses preuves en ayant financé certaines initiatives pour former ainsi que reconvertir les travailleurs âgés et lutter contre certains types de discrimination en fonction de l’âge sur le marché de l’emploi. Il a en outre, créé des réseaux transnationaux favorisant l’échange de bonnes idées et des politiques élaborées.

 Cependant le rapport d’août 2013 de Sahiba Gafarova (Groupe démocrate européen) portant sur « la lutte contre la discrimination des seniors sur le marché professionnel «  a clairement résumé que la discrimination liée à l’âge s’était fortement répandue en Europe et cela sans doute aussi à cause du contexte actuel de crise économique et de vieillissement de la population. Ce rapport a clairement souligné d’ailleurs que concernant l’emploi, la discrimination des seniors se manifeste par des différences de traitement non justifiées dans l’accès à l’embauche et à la formation continue.

 Sur base d’un tel rapport, l’Assemblée parlementaire invite les Etats-Membres du Conseil de l’Europe à : « assurer que la législation nationale  inclue l’âge en tant que  critère  de non-discrimination et tiennent compte de la discrimination multiple ; faciliter la réintégration sur le marché du travail ; développer l’accès à des formations continues pour les seniors en situation d’emploi ou de chômage, soutenir des campagnes d’information visant à faire évoluer les mentalités vis-à-vis du vieillissement, encourager les programmes de « mentorat « facilitant le dialogue entre générations… ».

 La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable salue et soutient le rapport établi par Madame Sahiba Gafarova au nom de la commission sur l’égalité et la non-discrimination. D’ailleurs toutes questions  ayant trait aux seniors en tant que groupe vulnérable de la société sont régulièrement traitées par la commission des questions sociales. Encore que la commission a estimé qu’il était important que ce rapport donne des définitions claires aux notions de « seniors » et « travailleurs/travailleuses ». On vit encore  trop souvent avec cette idée que la société ne s’adapte plus à l’individu mais au contraire , que l’individu doit s’adapter à elle en mettant de côté ses singularités pour se conformer aux cadres imposés.  Le groupe, le « tous » efface l’individu, le « soi » unique et un travailleur aux cheveux gris est dès lors forcément sur la pente déclinante de la productivité. Les stéréotypes (on connaît leur pouvoir réducteur) viennent travestir la réalité nous empêchant de voir au –delà de l’âge, l’immense variété d’individus existants.

 « La peur de l’âge n’est pas née dans une feuille de chou. Elle est née de tout ce qui, dans notre société, définit la vieillesse comme un déclin ». Il n’existe pas d’âge charnière systématique et applicable à tous à partir duquel les capacités commencent à décroîtrent ; les capacités en fin de carrière varient d’un individu à un autre.

 Considérant que la discrimination liée à l’âge va de pair avec l’image négative du vieillissement dans nos sociétés, il est plus que temps de changer les mentalités en vue d’éliminer les stéréotypes et de construire une image plus positive et réaliste de tout âge de la vie. Lorsque le regard laisse entrevoir l’unicité, la singularité de l’autre, il est alors libérateur.

Retenons que vieillir, c’est vivre différemment mais pas moins. A l’Europe donc de transformer le défi du vieillissement en opportunités ! Ainsi pour remédier à la situation, il faut commencer par comprendre que l’âgisme n’est pas un problème de personnes âgées mais bien plus un problème de société et une responsabilité collective. Comme disait un certain Erasme : «  Il serait bien plus sage de nous assister mutuellement par des services réciproques, de sorte que, qui vivrait, n’envierait pas celui qui le précède mais l’applaudirait, et qui serait en avant, tendrait la main à celui qui s’efforce de le suivre ».

 Géraldine Magalhães

 

 

Pour en savoir plus :

 

      -. Assemblée parlementaire- Doc 13292« Lutter contre la discrimination des seniors dans le domaine de l’emploi », 23/08/2013 ; http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=20028&Language=fr

      -. Assemblée parlementaire-Doc 13308, « La lutte contre la discrimination des Seniors sur le marché du travail »,  24/09 /2013 ; http://assembly.coe.int/ASP/Doc/Xre ViewPDF.asp?FileID=20079&Language=FR

       -. Equinet- European Network of equality bodies- “Combattre l’âgisme et la discrimination fondée sur l’âge », 2012, http://www.equineteurope.org/IMG//pdf/age_perspective_merged_-_equinet_fr.pdf

      -. Eu-Logos- Nea Say-« Discrimination à l’embauche : on est vieux de plus en plus jeune », 2006, http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=310&nea=23&lang=fra&lst=0

       -. Dossier d’actualité- « Le vieillissement actif et l’environnement au travail : quelle législation européenne pour une meilleure santé des seniors ? », janvier 2013 ; http://www.reif-org.eu/wp-content/uploads/2013/12/DA-Vieillissement-actif-et-environnement-de-travail_Janvier2013.pdf

       -. Guide de l’Union  européenne : « Seniors actifs pour l’Europe », novembre 2012, http://www.age-platform.eu/images/stories/EN/seniors_actifs_pour_leurope-_guide_de_lue.pdf

       -. La Croix- « Dominique Baudis : les discriminations liées à l’âge sont en régulière augmentation », 30/09/2013 ; http://www.la-croix.com/Actualite/France/Dominique-Baudis-Les-discriminations-liees-a-l-age-sont-en-reguliere-augmentation

       -. Alda- J. Baldacchino « Hausse des recours  contre les discriminations liées à l’âge », http://www.association-alda.org/index.php?option=com_content&view=article&id=1212:hausse-des-recours-contre-les-discrim

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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