La famille « ça existe » ! elle a des droits rappelle la Cour européenne des droits de l’homme dans un jugement portant sur le droit familial.

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, le 10 juillet,dans trois affaires relatives au regroupement familial, critiquant le manque de célérité et de souplesse de l’administration.La durée, la complexité et le caractère aléatoire des procédures imposées aux trois requérants, un Rwandais et un Congolais bénéficiant du droit d’asile, ainsi qu’une Camerounaise mariée à un Français, ont violé leur droit au respect de leur vie privée et familiale, conclut la juridiction du Conseil de l’Europe.

 Elle alloue à chacun 5.000 euros au titre du dommage moral.

« L’unité de la famille est un droit essentiel du réfugié et le regroupement familial est un élément fondamental pour permettre à des personnes qui ont fui des persécutions de reprendre une vie normale », estiment les juges de Strasbourg à propos des deux réfugiés.

 Dans chacun des cas, les résidents étrangers se sont heurtés à de multiples difficultés pour faire reconnaître l’état civil de leurs enfants et le droit de ceux-ci à résider à leurs côtés en France.

 Des délais de trois ans et demi à cinq ans ont été nécessaires pour que les requérants soient fixés sur leur sort et que deux d’entre eux obtiennent, in fine, satisfaction.

 La Cour « admet que les autorités nationales se trouvent devant une tâche délicate lorsqu’elles doivent évaluer l’authenticité d’actes d’état civil en raison des difficultés résultant parfois du dysfonctionnement des services de l’état civil de certains pays d’origine ».

Les demandes de regroupement familial doivent néanmoins, de par leur nature, être examinées « rapidement, attentivement et avec une diligence particulière », conclut-elle.

 Ce jugement en forme d’avis intervient alors que des élus UMP, voire certains socialistes comme Manuel Valls quand il était ministre de l’Intérieur, souhaitent une révision dans un sens plus restrictif des règles du regroupement familial que le Front national veut pour sa part supprimer.

 « Dans ses arrêts de chambre, non définitifs, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :

Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour dit en particulier que la procédure d’examen des demandes de regroupement familial doit comporter un certain nombre de qualités, eu égard au statut de réfugié des requérants d’une part, et à l’intérêt supérieur des enfants d’autre part, afin que soit garanti le respect de leurs intérêts protégés par l’article 8 de la Convention (exigences procédurales).

Principaux faits pour la Cour de Justice

 

A partir du moment où la décision avait été prise de leur accorder le statut de réfugié et de l’existence du principe du regroupement familial, il était capital que leurs demandes de visas soient examinées « rapidement, attentivement et avec une diligence particulière. »

L’État défendeur avait pour ce faire l’obligation de mettre en oeuvre une procédure prenant en compte les évènements ayant perturbé et désorganisé leurs vies familiales et conduit à leur reconnaître le statut de réfugié. La Cour fait donc porter son examen sur la qualité de la procédure.

La Cour rappelle que «  l’unité de la famille est un droit essentiel du réfugié et que le regroupement familial est un élément fondamental pour permettre à des personnes qui ont fui des persécutions de reprendre une vie normale. La nécessité pour les réfugiés de bénéficier d’une procédure de regroupement familial plus favorable que celle réservée aux autres étrangers fait l’objet d’un consensus à l’échelle internationale et européenne. Par ailleurs, la Cour doit tenir compte des standards qui émanent des instruments internationaux en la matière et avoir à l’esprit les recommandations des Organisations non-gouvernementales spécialisées en droit des étrangers. En particulier, s’agissant des moyens de preuve, les autorités nationales sont incitées à prendre en considération « d’autres preuves » de l’existence des liens familiaux si le réfugié n’est pas en mesure de fournir des pièces justificatives officielles. »

La Cour a rappelé qu’il aura fallu respectivement presque trois ans et demi et cinq ans pour que les plaignants soient fixés sur leur sort malgré leurs nombreuses démarches qui attestaient qu’ils n’avaient pas renoncé à leur statut ou à vivre avec leurs enfants. La France avait aussi l’obligation de mettre en oeuvre une procédure prenant en compte l’intérêt supérieur des enfants. De plus il a fallu quatre ans pour que les autorités ne remettent plus en cause le lien de filiation entre les parents et les enfants etc

« Dans les trois affaires, les autorités nationales n’ayant pas dûment tenu compte de la situation spécifique des requérants, la Cour conclut que la procédure de regroupement familial n’a pas présenté les garanties de souplesse, de célérité et d’effectivité requises pour faire respecter leur droit au respect de leur vie familiale. Pour cette raison, l’État n’a pas ménagé de juste équilibre entre l’intérêt des requérants d’une part, et son intérêt à contrôler l’immigration d’autre part, en violation de l’article 8. »

Henri-Pierre Legros

Pour en savoir plus :

   -. Texte des arrêts (FR) (EN)

     -. Communication de la Commission du 3 avril 2014 concernant les lignes directrices de la directive 2003/86 sur le regroupement familial (FR)

      -. Livre vert de la Commission européenne sur le regroupement familial (FR)  (EN)

      -. Dossier de Nea say sur le regroupement familial (FR)

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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