Liberté de la presse : l’indépendance et le pluralisme de la presse en Europe toujours menacée. Des institutions européennes trop velléitaires.

Il est grand temps que l’Europe se bouge. Par à coups la Commission (Viviane Reding, Neelie Kroes) ou le Parlement européen (pour régler ses comptes avec Berlusconi) ont des sursauts vertueux, puis tout retombe dans l’immobilisme. Qu’a-t-on fait depuis le rapport du groupe à haut niveau présidé par Vita Vike-Freiberga ? Quels sont les résultats du Centre de Recherche et d’expérimentation de Florence de la Commission ? Le sort de ses recommandations ? La situation ne s’améliore pas , mais se dégrade dans certains pays. La nouvelle taxe hongroise sur les médias représente une nouvelle menace contraire aux règles et aux valeurs européennes, si souvent proclamées. Quelles sont les exigences vis-à-vis des nouveaux candidats ou des pays de la Politique européenne de voisinage (PEV) ?

«La liberté de la presse est menacée en Hongrie », a déclaré Neelie Kroes sur son blog le 28 juillet. La Commissaire européenne en charge du numérique dénonçait plus particulièrement une taxe hongroise sur les médias qui menace directement la chaîne RTL Klub, filiale du groupe européen de médias, RTL Group, basé au Luxembourg. Déjà dans un passé récent Klub s’est trouve dans le collimateur de Viktor Orban et à plusieurs reprises (cf. articles de Nea Say.), un Viktor Orban qui n’en est pas à son coup d’essai.

 

«Il s’agit de le chasser RTL LUB de Hongrie. Le gouvernement hongrois ne veut pas d’un radiodiffuseur dont le propriétaire est étranger en Hongrie et il utilise une taxe injuste pour balayer les garanties démocratiques et faire disparaître une menace pour son pouvoir», écrit Neelie Kroes.

Une réponse jugée tardive par Reporters sans Frontière (RSF), qui a rappelé que la loi de taxation sur les revenus publicitaires a été amendée le 4 juillet dernier. « L’idée est d’intervenir pendant le processus législatif pas une fois que la loi est passée », a déclaré Antoine Héry, responsable du classement pour la liberté de la presse à RSF. (Reporters sans Frontières)

 

Depuis l’arrivée de Viktor Orbán au pouvoir en 2010, un ensemble de réformes politiques a amorcé une régression démocratique, nous le savons tous. Ainsi, le gouvernement Orbán a créé la même année un organe de régulation de la presse dont les membres sont nommés par le gouvernement permettant de renforcer le contrôle institutionnel des médias et de contrôler l’opinion publique hongroise. Cette nouvelle taxe oblige les médias à reverser à l’État 40 % de leurs revenus publicitaires lorsque celles-ci dépassent 65 millions d’euros. Mais en réalité seul le groupe luxembourgeois RTL, présent en Hongrie grâce à sa filiale RTL Klub, serait pénalisé dès août 2014. Le groupe RTL se dit déterminé à poursuivre toutes les options pour protéger son actif contre cette taxe. « Nous sommes capables de gérer le conflit et de nous défendre — ainsi que les autres médias indépendants. Nous n’avons pas l’intention de renoncer à notre activité de diffusion en Hongrie », a affirmé Oliver Fahlbusch, responsable de la communication pour RTL Group.

 

Orban a bénéficié de l’inertie européenne et de la complicité passive de beaucoup de pays car beaucoup devraient être appelés, eux aussi, à balayer devant leur porte. Certes il ya de très bons élèves (Finlande, Pays-Bas,Norvège),trente pays de la zone font partie des cinquante premiers États au sein desquels la liberté de la presse est la mieux respectée, mais près de la moitié des États membres de l’UE sont descendus dans le classement mondial RSF. Tous les pays européens ne sont pas des exemples en matière de liberté de la presse. Malgré des garde-fous législatifs, la Bulgarie perd treize places (100e position), la Grèce en perd quinze (99e position), la Hongrie descend de huit places (64e position), tout comme l’Italie (49e position), la position de la Bulgarie n’est guère glorieuse. Les atteintes à la liberté de la presse sont souvent « le fait de pouvoirs politiques tentés de contrôler les médias pour maîtriser l’opinion publique et orienter les votes. Les intérêts privés tentent aussi de plus en plus à maîtriser l’information. Les atteintes se font aussi par le biais des réseaux sociaux avec des pressions sur les journalistes ou les blogueurs . Ils peuvent aussi subir des agressions lors de manifestations. Le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias propose l’existence de médias libres et pluralistes soit une condition à l’adhésion à l’Union européenne ou encore une harmonisation des législations nationales des États membres. Par ailleurs, depuis septembre 2013 une initiative citoyenne européenne est en ligne pour récolter un million de signatures provenant d’au moins sept États membres de l’UE(cf. le dossier des ICE de Nea say). Cette ICE est coordonnée par Alternatives Européennes, et l’Alliance Internationale de Journalistes. Son objectif est de présenter des propositions de base pour une directive européenne pour réformer les médias afin de garantir le pluralisme et la liberté d’information à travers l’Europe. (cf. Nea say). Même en France, depuis le départ de Nicolas Sarkozy longtemps montré du doigt on constate une absence de progrès et la loi annoncée sur la protection des sources n’a pas enregistré la moindre avancée malgré les promesses « de campagne » de François Hollande.

 

On comprend la réaction vive de Neelie Kroes : « le gouvernement hongrois ne fait pas uniquement que tolérer des menaces directes supplémentaires à l’encontre du pluralisme des médias, il les encourage assurément ». a-t-elle vigoureusement dénoncé dans une tribune publiée sur son blog et dans le quotidien hongrois de centre gauche Nepszzabadsag. Elle s’était déjà élevée en 2010 contre la législation sur le contrôle des médias passée par le Fidesz. Certaines atténuations avaient été obtenues après une longue partie de bras de fer. De guerre lasse la Commission s’était résignée.

 

La nouvelle taxe hongroise n’est rien d’autre qu’une mainmise du gouvernement sur les medias et la presse. Elle s’inscrit dans toutes une série de mesures, adoptées sans débat, ni consultation du Parlement , aussi pour Neelie Kroes « la conclusion est évidente. RTL est une rare chaîne en Hongrie qui fait autre chose que simplement promouvoir la ligne politique du parti Fidesz (…) le gouvernement ne veut pas en Hongrie d’un radiodiffuseur neutre, aux mains d’un propriétaire étranger ; il se sert d’une taxe injuste pour faire disparaitre les garde-fous démocratiques et faire disparaître une menace pour son pouvoir » nous explique Neelie Kroes.

 

En conclusion elle rappelle qu’une couverture médiatique objective est la fonction principale de médias libres et pluralistes. Elle en appelle donc l’Europe à « balayer devant sa porte pour assurer la liberté et le libéralisme de la presse. Plusieurs propositions ont été mises sur la table et tout particulièrement le rapport du groupe à haut niveau présidé par Vaira Vike-Fraberga, intitulé « Des médias libres et pluralistes pour renforcer la démocratie européenne ». Le patron de la filiale hongroise de RTL a annoncé que RTL envisageait de contester la Taxe devant la Cour européenne de justice.

Henri-Pierre Legros

 

Pour en savoir plus

     -. Article de Neelie Kroes Media freedom remains under threat in Hungary http://ec.europa.eu/commission_2010-2014/kroes/en/blog/media-freedom-remains-under-threat-hungary

     -. Rapport du groupe à haut niveau Vike-Freiberga: a free and pluralism media to sustain European democracy http://ec.europa.eu/information_society/media_taskforce/doc/pluralism/hlg/hlg_final_report.pdf

     -. Articles de Nea say sur le rapport de Vike-Freiberga et la crise entre la Commission et la Hongie de Orban de 2010 http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2276&nea=129&lang=fra&lst=0  http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2365&nea=117&lang=fra&lst=0

http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=2704&nea=130&lang=fra&lst=0

     -. Dossier de Nea say sur la liberté de la presse et le pluralisme des médias http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3222&nea=148&lang=fra&arch=0&term=0http://www.google.be/url?sa=t&rct=j

     -. Programme de travail 2014 du Centre européen pour la liberté de la presse et des médias http://www.google.be/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=1&ved=0CB4QFjAA&url=http%3A%2F%2Fec.europa.eu%2Finformation_society%2Fnewsroom%2Fcf%2Fdae%2Fdocument.cfm%3Fdoc_id%3D6303&ei=heTbU7bfDqjY7AaDwIGYBA&usg=AFQjCNH_QD2nu2MMnJPZ0W9L-VxEczdinQ

 

 

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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