ECRE, réseau paneuropéen consacré aux émigrés et réfugiés et demandeurs d’asile a présenté son deuxième rapport annuel.

ECRE, réseau paneuropéen consacré aux émigrés et réfugiés et demandeurs d’asile, a tenu une conférence, le 9 septembre dernier pour présenter son deuxième rapport annuel 2013/2014 (AIDA): » Mind the Gap: An NGO Perspective on Challenges Challenges to Accessing Protection in the Common European Asylum System ». Il s’agit d’une analyse comparée des systèmes d’asile des 15 EM. Il dénonce les limites du ‘Common’ European Asylum System et les violations graves des droits fondamentaux. L’Union saura-t-elle faire preuve d’imagination pour faire évoluer l’approche actuelle ?

 Contexte.

 Lors des discussions européennes sur le future de l’Espace de Liberté Sécurité et Justice, les institutions de l’Union, et les acteurs consultés, ont lancé un message fort et partagé par tous: le moment est venu de mettre en œuvre les instruments politiques et normatifs en vigueur. Les Conclusions du Conseil Européen du juin 2014 le confirment : la priorité est d’ « assurer la transposition cohérente, la mise en œuvre effective et la consolidation des instruments juridiques et des mesures existants ». En particulier, le CEAS (Common European Asylum System) est considéré comme une des meilleures réalisations au cours de l’année 2013, comme le constate la Commission européenne dans son Vème rapport sur l’immigration et l’asile. Désormais , il est temps que toutes ces mesures deviennent effectives.

 En conséquence, la dimension concrète de la politique d’asile et l’impact réel sur la vie des individus concernés, deviennent extrêmement importants. Les décisions prises à Bruxelles doivent se rapprocher des défis et des nécessités rencontrés sur base nationale où les gouvernements locaux interviennent dans la pratique avec le soutien des nombreuses ONG. Elles offrent un point de contact direct avec la situation sur le terrain, c’est pourquoi leur voix a acquis une crédibilité croissante auprès des institutions de l’UE.

Le rapport ECRE-AIDA 2013-2014

Afin d’accroître leur pouvoir d’influence auprès des institutions européennes, the European Council of Refugees and Exiles a créé un réseau qui ressemble 82 ONG d’Europe, engagées dans la protection et la promotion des droits des réfugiés, demandeurs d’asile et des personnes déplacées. Leur mission principale est de surveiller la mise en œuvre des politiques européennes d’asile, dans le plein respect des droits fondamentaux ; en particulier ECRE en collaboration avec ses membres, dénonce leurs violations, tout en proposant des solutions plus efficaces et durables.

 En vue de réaliser cet objectif, ECRE a créé la base des données Asylum Information DAtabase (AIDA), qui permet un échange d’informations et un échange des pratiques entre les acteurs concernés, notamment sur l’application des procédures d’asile, les conditions d’accueil et de détention. Le 9 septembre dernier, ECRE a lancé son deuxième rapport AIDA ‘Mind the Gap’ 2013-2014 qui offre une analyse comparée des systèmes nationales d’asile de 15 pays d’Europe (Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Germany, France, Grèce, Hongrie, Ireland, Italie, Malta, Pays Bas, Pologne, Suède et Royaume Uni).

 Tout d’abord, il présente la situation actuelle et les défis majeurs, sur la base des statistiques alarmantes sur le nombre des migrants, les demandes de protection internationale introduites, les délais de réponse ainsi que les conditions d’accueil qui devraient être garanties sur la base des engagements de états.

 Selon les données Eurostat, reprises par le rapport, en 2013 le nombre des demandeurs d’asile dans l’Union Européenne était de 435,385 personnes. Il a été enregistrée une augmentation constante, 30% par rapport à l’année précédente; toutefois il représente un chiffre minimale, si on le compare avec celui des réfugiés qui sont accueillis dans les pays tiers (86% de la population des bénéficiaires de protection internationale). Le déséquilibre est présent aussi au sein de l’Union même, où cinq états (Allemagne, France, Suède, Royaume-Uni et Italie) reçoivent 70% des demandes. La plupart de ces dernier sont d’origine Syrienne à cause du conflit qui perdure dans le pays : la prévisibilité du phénomène requiert une solution systématique et durable.

 Pour faire face à ces défis, au fil des années, l’Union Européenne a développé une politique commune en matière d’asile. En particulier, elle a finalement mis en place le Common European Asylum System : le système qui « offrira un meilleur accès à la procédure d’asile pour ceux qui recherchent une protection, des décisions sur les demandes d’asile plus équitables, plus rapides et de meilleure qualité, et des conditions dignes et décentes tant pour ceux qui demandent l’asile que pour ceux auxquels est accordée une protection internationale dans l’UE ».

 Par contre, ECRE, dans la deuxième section du rapport AIDA, s’interroge sur l’effectivité du système ‘commun’ d’asile et présente de manière critique les choix politiques et opérationnelles de l’Union.

 La décevante réponse européenne

La tragédie de Lampedusa en octobre 2013, (ledrame de la mi-septembre n’était pas encore connu) comme souligné par Kris Pollet, Senior Legal et Policy Officer ECRE, a mis à l’épreuve la capacité de réaction de l’Union Européenne, notamment sur le plan opérationnel. Cependant, dénonce Pollet reprenant le contenu du rapport, la Task Force pour la Méditerranée , qui a été lancé en réponse immédiate, présente l’ensemble des mesures et instruments déjà en vigueur, comme le système Dublin III, très critiqué pour ses inefficacités. De plus, les éléments plus innovants ont été fixées de manière très générale : en particulier, le rôle de l’agence EASO, ou encore, la prévision concernant les voies d’immigration légale alternatives.

 La Commission a privilégié la coopération avec les pays tiers et l’action de l’agence FRONTEX. A ce propos ECRE soulève de nombreuses critiques contre l’externalisation de l’examen des demandes d’asile et la sécurisation des frontières extérieures, qui ne seraient pas cohérentes par rapport à une approche respectueuse des droits fondamentaux, centrée sur les individus.

 Malgré ces critiques, le rapport AIDA, reconnaît les progrès accomplis par l’Union Européenne dans la dernière année. Un parmi les plus importants est l’accélération du processus d’approbation des règles   pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre des opérations Frontex (Règlement UE 656/2014) qui consacre plus d’attention au respect des droits fondamentaux. Notamment l’art. 4, lié au respect du principe de non-refoulement, spécifie les comportements à suivre avant un débarquement éventuel dans un pays tiers, avec une considération particulaire des individus plus vulnérables, comme les mineurs non accompagnés, les femmes enceintes ou avec des enfants en bas âge.

On a fait remarquer que la mission Frontex TRITON, qui sera lancé dans les prochains mois, laisse ouvert le dilemme sur le sauvetage des vies en mer. Cela ne semble pas être la priorité, au contraire de Mare Nostrum qui est intervenu dans la même zone maritime. Le rapport, toutefois, rappelle que l’action de sauvetage en mer intervient après que les migrants, et parmi eux, ceux qui ont droit à la protection internationale, aient pris le risque du trajet dangereux vers l’Europe. Pour cette raison, il propose le renforcement et la multiplication des voie d’accès légales à l’Union (comme les programmes de réinstallation (resettlement) ou le mécanisme d’entrée protégée).

 Un autre point critique, soulevé par le rapport ECRE, porte sur les dysfonctionnements du système d’asile Dublin III qui règle l’attribution de la responsabilité de l’examen des demandes reçues, entre les états membres. Pour ECRE, il y a une dichotomie entre accès au territoire et accès à la protection elle-même : le demandeur d’asile est lié au territoire de premier accès. Par contre, la reconnaissance mutuelle du statut du réfugié serait plus favorable aux intérêts des individus : une fois délivré dans un des états membres, le bénéficiaire serait libre de choisir le pays où s’installer.

Cependant, le rapport constate le contenu décevant des lignes directrices du Conseil de fin Juin 2014 et des derniers documents publiés par la Commission : l’Union et ses membres démontrent la complète absence d’une volonté politique réelle qui vise à réaliser les solutions suggérées.

…et les états ?

Encore plus insatisfaisant est le cadre qui résulte des analyses approfondies sur les 15 états concernés par le rapport (Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Germany, France, Grèce, Hongrie, Ireland, Italie, Malta, Pays Bas, Pologne, Suède et Royaume Uni). En effet, les Directives européennes, Accueil (Directive 2013/33/EU), Qualification (Directive 2011/95/EU) et Procédures (Directive 2003/32/EU), ainsi que la Directive ‘Retour’ (Directive 2008/115/EC) qui, même si elle rentre dans la lutte contre l’immigration irrégulière, a un impact sur les demandeurs d’asile, fournissent des normes minimales qui ne sont pas toujours correctement transposées par les Etats. La marge de manœuvre qui leur est réservée, est parfois assez large, d’où des garanties procédurales, des conditions d’accueil et d’intégration, divergent de pays à pays.

Plus précisément : les procédures d’examen de la demande, administratives ou judiciaires, la présence d’un traducteur, le temps d’attente d’une réponse ; la disponibilité des places dans les centres d’accueil et les conditions de détention ; la qualité de l’assistance judiciaire, le droit à un recours effectif, dans le cas d’un rejet de la demande, sont mieux garanties dans certains pays (Suède, Allemagne) par rapport à d’autres, notamment ceux qui ont subi les coups les plus fort de la crise économique actuelle (Bulgarie, Grèce).

Les dispositions européennes, en outre, permettent aux états membres de renvoyer le demandeur d’asile vers un pays ‘sûr’, selon une liste prévue par la loi nationale (Directive 2003/32/EU art. 36-39). Comme le dénonce ECRE dans son rapport, il est évident que le concept du pays ‘sûr’ se prête à des interprétations subjectives par les états membres.

Des conséquences encore plus graves résultent du traitement des individus plus vulnérables, notamment les mineurs, qui souvent sont soumis aux mêmes traitements que les adultes.

Le rapport consacre Une large partie du rapport est consacrée aux effets négatifs des pratiques divergentes, qui peuvent entraîner de graves violations des droits fondamentaux à l’égard des individus (et en premier lieu le droit d’asile à l’art. 18 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE), sans qu’il y ait des garanties suffisantes, ni un système efficace de sanction. (pour une vision plus approfondie je vous invite à lire le rapport :voir « pour en savoir plus »).

Recommandations

En conclusion, le rapport démontre que les systèmes d’asile sont très différents entre les Etats membres de l’UE, ce qui remet en cause le caractère ‘Commun’ du CEAS. De plus, il dénonce les graves violations des Droits Fondamentaux des migrants demandeurs d’asile. A la lumière de ce cadre très critique, malgré certaines exceptions, la politique d’asile de l’Union a échoué sur plusieurs aspects. Cependant, compte tenu des Conclusions du Juin 2014 et des réponses opérationnelles sur le terrain, l’UE n’a pas été capable de relancer une stratégie plus effective, cohérente et adéquate aux besoins des individus, notamment une stratégie centrée sur le respect des droits fondamentaux, comme demandent ECRE et ses partenaires.

 Pour appuyer l’ensemble de ces considérations, lors de la conférence, Iliana Savova, Directrice du Bulgarian Helsinki Committee, a témoigné de la situation en Bulgarie, où, en réponse à la demande de soutiens européens face aux pressions migratoires aux frontières turques, l’Union a envoyé une opération Frontex, dont le but principale est le contrôle des frontières. C’est seulement dans un deuxième temps, que l’Union a envoyé une mission EASO chargée de la formation et du soutien financier : deux mécanismes qui n’ont pas d’impact direct et immédiat sur la situation d’urgence des individus. De plus, a dénoncé Savova, les fonds ont été investis dans la construction d’un mur qui a bloqué physiquement les entrées, construction à laquelle l’UE n’est pas favorable et a refusé de donner des fonds..

 Malgré l’approche sécuritaire qui semble être privilégiée, Christopher Hein, représentant du Conseil Italien pour les Réfugiés, a voulu démontrer la compatibilité possible avec des objectifs humanitaires. Lors de la conférence ECRE, a souligné la nature militaire de La mission Mare Nostrum, chargé du sauvetage des vies en mer. L’opération italienne a été capable de relancer l’importance du débat politique sur les droits fondamentaux, ce qui pourra avoir une influence sur les prochaines actions de Frontex.

 De surcroît, l’Union Européenne doit tenir compte de la diversité des s différents éléments afin de développer une stratégie plus adéquate et, donc, efficace. En effet, comme démontre le cas chypriote, présenté par Corina Drousiotou du Future Worlds Centre, les exigences du contexte actuel et des éléments historico-politiques spécifiques du pays ne peuvent être négligés.

 Enfin, le rapport AIDA, élément repris lors de la conférence, dénonce le gap entre la valeur déclaratoire des intentions générales et les pratiques réelles des Etats membres de l’Union Européenne. En conséquence, si l’Union veut tenir sa parole et développer une approche véritablement orientée vers le respect des droits fondamentaux, elle devra prendre en compte le résultat de ce rapport : le point de départ des évolutions stratégiques futures résident dans la prise en compte des différents contextes et des situations des Etats membres, ainsi que des limites de la politique d’asile européenne en vigueur.

 

(Elena Sbarai)

 

Pour en savoir plus :

  • Eurostat Statistiques 46/2014 – 24 March 2014 (EN) epp.eurostat.ec.europa.eu             Aida Report 2013-2014 (EN) www.asylumineurope.org

 Commission Européenne 5ème Rapport annuel sur l’immigration et l’asile (2013) EN http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/immigration/general/docs/5th_annual_report_on_immigration_and_asylum_en.pdf FR http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/e-library/documents/policies/immigration/general/docs/5th_annual_report_on_immigration_and_asylum_fr.pdf

Site de ECRE http://www.ecre.org/

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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