Google condamné ! Et sur le droit à l’oubli…. Ce n’est pas la première fois

Google doit respecter le droit à l’oubli depuis mai 2014 et l’arrêt de la Cour de justice européenne. Le moteur de recherche a été sommé par le tribunal de grande instance de Paris fin décembre de respecter le droit à l’oubli d’une internaute. Cette dernière souhaitait déréférencer un article faisant référence à une condamnation ancienne.

Ce n’est pas la première fois, déjà le 16 septembre 2014, en France, Google a été condamné pour avoir ignoré le droit à l’oubli. Cette fois, le tribunal de grande instance de Paris a enjoint le moteur de recherche à retirer un lien de ses résultats de recherche. Le jugement a été rendu en décembre 2014. La plaignante accusait Google d’afficher un article relatant sa condamnation pour escroquerie, qui datait de 2006. D’après elle, la présence de ce lien dans les résultats de recherche liés à son nom nuisait à sa recherche d’emploi. Lors d’une première tentative de retrait, elle a utilisé le nouveau formulaire de droit à l’oubli de Google. Peine perdue: en septembre 2014, sa demande a été rejetée, le moteur de recherche jugeant l’article d’intérêt public.

L’internaute a alors porté cette affaire devant la justice et a eu gain de cause le mois dernier. Le tribunal de grande instance de Paris a estimé que la plaignante était en droit de réclamer le déréférencement de cet article de presse. Il a notamment retenu pour argument l’ancienneté de l’affaire: il s’est écoulé près de 8 ans entre la publication de l’article et le dépôt de la plainte. La juge a également précisé que cette condamnation pour escroquerie ne figurait pas sur le bulletin n°3 du casier judiciaire de la plaignante, un document auquel ont accès les potentiels employeurs, et n’avait donc pas sa place dans les résultats de recherche de Google.

Le principe de droit à l’oubli a été consacré par la Cour de justice de l’Union européenne en mai 2014. Selon cette décision, les internautes peuvent demander la suppression de liens vers des pages Internet comportant des données personnelles «inadéquates, non pertinentes ou excessives» dans les résultats de recherche associée à leur nom. Cet arrêt est cité dans la décision prise à l’encontre de l’internaute française en question. Néanmoins, Google a aussi le droit de refuser une demande de droit à l’oubli, s’il juge la demande infondée. En France, il a refusé la suppression de 52% des liens soumis via son formulaire. Un internaute débouté peut dès lors de tourner vers la justice ou la CNIL afin qu’elles jugent à leur tour du bien-fondé de sa requête.

Ce n’est pas à proprement parler la première fois que la justice française corrige le verdict de Google. «Une décision de septembre 2014 a été présentée, à tort, comme étant la première condamnation pour droit à l’oubli en France», précise Romain Darrière, avocat de la plaignante, au Figaro. D’après lui, il s’agit d’une «mauvaise interprétation». L’affaire portait sur une demande de déréférencement de propos diffamatoires, donc contraires à la loi. Google a déjà été condamné à plusieurs reprises au retrait de contenus illégaux. En 2013, la justice lui avait par exemple ordonné de retirer de ses résultats de recherche français neuf clichés érotiques mettant en scène Max Mosley, ancien patron de la Fédération internationale de l’automobile. «Au contraire, dans son ordonnance du 19 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a bien rappelé que l’article litigieux n’était pas illicite en soi», explique Romain Darrière dans un article publié à ce sujet début janvier. «C’est l’indexation de l’article qui est devenue illicite du fait du temps écoulé depuis sa publication.»

Difficile à dire quelles conséquences pourraient avoir cette affaire sur l’application du droit à l’oubli en France. «Elle pourrait faire jurisprudence», estime Romain Darrière, en précisant la notion de temps dans la définition du droit à l’oubli. Google réfléchit encore à la manière d’appliquer cette mesure. Fin 2014, le groupe américain a constitué un comité d’experts afin d’échanger sur le sujet et de recueillir les avis des citoyens. Il doit rendre ses conclusions dans les prochains mois.

L’internaute avait constaté qu’une recherche sur Google avec son nom et son prénom renvoyait comme premier résultat vers un article du Parisien évoquant sa condamnation pour escroquerie à une peine de trois ans de prison, dont trois mois ferme, qui datait de 2006.

Craignant les conséquences de cette information sur sa recherche d’emploi, elle avait adressé une demande à Google pour que le moteur de recherche retire ces résultats de recherche.

Dans une ordonnance rendue le 19 décembre dernier, le tribunal de grande instance de Paris a finalement ordonné au géant américain de retirer sous dix jours ces liens dans ses résultats de recherche.

La justice a retenu deux arguments principaux. Le fait, d’une part, que huit années s’étaient écoulées depuis la publication des articles et que, d’autre part, d’éventuels employeurs n’ont normalement pas accès à ce type d’information, de plus comme déjà indiqué, la condamnation pour escroquerie n’étant pas inscrite dans le bulletin no 3 du casier judiciaire. Ces deux éléments justifiaient, selon le tribunal, la suppression partielle des articles des résultats de recherche. Il n’a cependant pas accordé à la plaignante les dédommagements qu’elle réclamait.

Cette suppression ne s’applique que sur les résultats qui s’affichent lorsque sont recherchés le nom de l’internaute qui en fait la demande. Ce n’est pas la première fois que la justice française mentionne l’arrêt européen dans une décision condamnant le moteur de recherche. Dans ce cas précis, en revanche, la justice a donné raison à la plaignante en s’appuyant précisément sur les critères retenus par la CJUE dans son arrêt de mai, ce qui est une première. Depuis la reconnaissance du droit à l’oubli par la CJUE, la France avec 50 000 cas est en tête des pays européens au niveau du nombre de demandes de retrait de liens, mais la firme Google a décliné pour l’instant un peu plus de la moitié d’entre elles (52 %) dans l’Hexagone.

Pour en savoir plus :

     -. Dossier Google de Nea say de Eulogos http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3393&nea=153&lang=fra&arch=0&term=0

     -. Analyse de 01 Net http://www.01net.com/editorial/641664/droit-a-loubli-google-condamne-pour-la-premier-fois-a-dereferencer-un-lien/  

     -. Analyse du Journal du net http://www.journaldunet.com/solutions/expert/59659/affaire-marie-france-m—google—sur-le-dereferencement–le-droit-a-l-oubli-et-les-donnees-personnelles.shtml

     -. Analyse de legalis.net http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4425

     -. Analyse de l’ordonnance en référé du précédent arrêt du 24 novembre 2014 http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4424

     -. Journal le Monde : « à Pari, Google face au casse-tête du  droit à l’oubli » http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/09/26/a-paris-google-face-au-casse-tete-du-droit-a-l-oubli_4495307_4408996.html

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Cette publication a un commentaire

  1. Gaël

    La décision de la justice est appréciable étant donné que la condamnation de la plaignante (qui a été à l’origine de l’article référencé par Google) n’est pas mentionnée sur le bulletin n°3 de son casier judiciaire …

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