Boat people en Méditerranée, Frontex/Triton : finalement la Commission européenne prête main forte à l’Italie pour faire face à la pression migratoire qui s’exerce sur Lampedusa. Mais rien n’est réglé sur le fond

A nouveau beaucoup de déclarations, quelques annonces et l’attente du Conseil des Ministres des Affaires intérieures du 12 mars. La Commission européenne a annoncé un renforcement de l’assistance qu’elle apporte à l’Italie. Premièrement, l’opération conjointe Triton coordonnée par Frontex sera prolongée au moins jusqu’à la fin de l’année 2015. Deuxièmement, la Commission européenne a accordé à l’Italie une aide financière d’urgence de 13,7 millions d’euros au titre du fonds «Asile, migration et intégration» (AMIF).

La Commission européenne se tient également prête à réagir rapidement dans l’éventualité où l’Italie demanderait une augmentation des ressources de l’opération conjointe Triton. Pour aider les États membres à se préparer à un possible maintien d’une pression migratoire élevée compte tenu de l’instabilité qui règne actuellement dans certains pays méditerranéens voisins, la Commission renforce également la surveillance qu’elle exerce sur la mise en œuvre des recommandations de la task-force pour la Méditerranée et elle rendra compte des progrès accomplis lors de la réunion du Conseil «Affaires intérieures» du mois de mars. Ces mesures viennent s’ajouter à l’enveloppe totale de plus de 500 millions d’euros accordée pour la période 2014-2020 à l’Italie pour l’aider à faire face aux pressions migratoires.

Quelques déclarations

-. M. Frans Timmermans, premier vice-président, a déclaré: «Tant qu’il y aura des guerres et des tragédies dans les pays voisins de l’Europe, des personnes continueront de risquer leur vie pour tenter de rejoindre ses rives. C’est un problème complexe pour lequel il n’existe pas de solution simple, et pas de solution nationale. La solution ne peut être qu’européenne. Nous travaillons d’arrache-pied pour mettre au point une approche globale dans le cadre d’un nouveau programme européen sur les migrations, qui sera présenté cette année. Dans l’intervalle, nous avons entendu l’appel de l’Italie et nous y répondons du mieux possible; nous sommes prêts à réagir de manière constructive si l’Italie juge nécessaire d’augmenter les ressources de l’opération Triton.»

-. Mme Federica Mogherini, haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, a déclaré: «Tandis que nous nous efforçons de remédier à la situation dramatique qui règne en Lybie, nous avons décidé de renforcer notre partenariat avec les pays tiers situés le long des principales routes migratoires dans le cadre de notre coopération sur les processus de Khartoum et de Rabat. Cela devrait permettre d’aider à démanteler les réseaux criminels de trafiquants d’êtres humains et de passeurs et de protéger au maximum ceux qui en ont besoin, en commençant par les régions voisines des crises. Nos efforts en faveur de la réinstallation se sont améliorés et, conjugués aux travaux du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et de l’Organisation internationale pour les migrations, ils devraient permettre de stabiliser les communautés de réfugiés dans les pays tiers.»

-. Dimitris Avramopoulos, commissaire pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté, a déclaré: «Nous sommes confrontés aujourd’hui à une dure réalité: l’Europe doit mieux gérer les migrations, dans tous leurs aspects. Il s’agit avant tout d’un impératif humanitaire. Non, nous ne pouvons nous substituer à l’Italie dans la gestion de ses frontières extérieures mais nous pouvons lui prêter main forte. C’est pourquoi nous prolongerons l’opération Triton et nous en augmenterons les ressources, si c’est ce dont l’Italie a besoin. Cependant, ce n’est pas une Europe-forteresse que nous construisons. Nos efforts en faveur de la réinstallation se sont améliorés et nous nous employons à présent à proposer un nombre crédible de lieux de réinstallation, sur une base volontaire, pour offrir d’autres voies d’entrée légales aux migrants en quête de protection. Notre message aujourd’hui est très simple: l’Italie n’est pas seule, l’Europe est à ses côtés.»

   -. 1 A court terme : gérer les frontières extérieures: renforcer l’opération conjointe Triton

La Commission a annoncé que l’opération conjointe Triton, qui ne devait initialement durer que quelques mois, sera prolongée au moins jusqu’à la fin de l’année 2015 par Frontex.

 

Triton est une opération conjointe coordonnée par Frontex, qui a été demandée par les autorités italiennes et qui a été lancée le 1er novembre 2014 en Méditerranée centrale pour venir en aide à l’Italie. Depuis, quelque 19.500 personnes ont été sauvées et près de 6.000 de ces sauvetages peuvent être directement attribués au déploiement de l’opération conjointe Triton. Le budget mensuel de l’opération est estimé être compris entre 1,5 à 2,9 millions d’euros. 21 États membres participent à l’opération conjointe Triton en apportant des ressources humaines (65 agents invités au total) et techniques (12 équipements techniques: deux aéronefs à voilure fixe, un hélicoptère, deux navires de patrouille de haute mer, six navires de patrouille côtière, un bateau de patrouille côtière; cinq équipes de debriefing/screening).

Frontex a seulement une fonction d’appui et ne peut fournir une aide aux États membres qu’à leur demande. À ce jour, toutes les demandes d’aide de l’Italie ont été entièrement satisfaites. La Commission européenne a confirmé qu’elle était disposée à examiner de façon constructive toute demande d’augmentation de l’aide que soumettrait l’Italie.

Le budget opérationnel indicatif initial alloué pour la poursuite de l’opération conjointe Triton jusqu’à la fin de l’année 2015 est estimé à 18 250 000 euros. Pour la gestion de ses frontières, l’Italie reçoit déjà plus de 150 millions d’euros au titre du Fonds pour la sécurité intérieure pour les frontières.

13,7 millions d’euros d’aide financière d’urgence pour les demandeurs d’asile et les réfugiésDans un premier temps, la Commission a débloqué aujourd’hui pour l’Italie une aide financière d’urgence de 13,7 millions d’euros provenant du Fonds «Asile, migration et intégration» (AMIF) pour aider le pays à faire face au fort afflux de demandeurs d’asile et à améliorer la situation sur le terrain. Les autorités italiennes ont demandé une aide d’urgence supplémentaire compte tenu de la forte augmentation du nombre de mineurs non accompagnés arrivant dans le pays (en hausse de 278 % par rapport à 2013), en mettant l’accent sur l’accueil de ces mineurs et l’assistance dont ils ont besoin. Un montant de l’ordre de 11,95 millions d’euros va à présent être accordé. En outre, une aide de 1,715 million d’euros sera apportée en faveur de la poursuite du projet «Praesidium» mis en œuvre par les autorités italiennes en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l’Organisation internationale pour les migrations, Save the Children Italie et la Croix-Rouge italienne. «Praesidium» se concentre sur les procédures relatives à la première arrivée des migrants, essentiellement en Sicile, y compris l’accueil initial, les examens médicaux, l’information juridique et le soutien particulier accordé aux demandeurs d’asile vulnérables et aux mineurs non accompagnés, ainsi que le contrôle des conditions d’accueil dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, qui sont fortement mis à l’épreuve par l’afflux massif de migrants.

La fourniture d’une aide d’urgence au titre du Fonds «Asile, migration et intégration» (AMIF) s’inscrit dans le cadre de l’effort général que déploie la Commission pour mettre en œuvre le principe de solidarité à travers des mesures concrètes et efficaces visant à répondre aux besoins urgents et spécifiques des États membres confrontés à une forte pression en matière de migration et d’asile. Dans cette optique, pour 2014 et 2015, la Commission a prévu une enveloppe totale de 50 millions d’euros, qui sera distribuée par l’intermédiaire de l’AMIF. L’aide financière d’urgence de la Commission vient s’ajouter aux fonds de l’AMIF dont bénéficient les États membres pour la mise en œuvre de leurs programmes nationaux pour la période 2014-2020, qui correspondent dans le cas de l’Italie à un montant de base de 310,36 millions d’euros.

-.2 S’attaquer aux causes profondes des migrations

Après les événements tragiques du 3 octobre 2013 au cours desquels 366 migrants ont perdu la vie au large de Lampedusa, la Commission européenne a créé la task force pour la Méditerranée (cf. les articles de Nea Say) qui est chargée d’identifier des mesures opérationnelles concrètes à court ou moyen terme pour mieux mobiliser les efforts de l’UE. Dans sa communication sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée, approuvée par le Conseil européen en décembre 2013, la Commission a présenté plusieurs volets d’action: 1) renforcement de la coopération avec les pays tiers afin d’éviter que des migrants n’entreprennent des voyages périlleux à destination de l’UE; 2) protection régionale, réinstallation et possibilités d’immigration légale en Europe 3) lutte contre le trafic de migrants, la traite des êtres humains et la criminalité organisée; 4) renforcement de la surveillance des frontières; 5) assistance et solidarité envers les États membres confrontés à des pressions migratoires.

À la suite des conclusions du Conseil «Prendre des mesures en vue de mieux gérer les flux migratoires» adoptées le 10 octobre 2014, la Commission a présenté un rapport sur la task force pour la Méditerranée lors de la réunion du Conseil «Affaires intérieures» en décembre 2014 et elle rendra compte des progrès accomplis lors de la prochaine réunion du Conseil «Affaires intérieures» le 12 mars 2015.

Aide financière

Mais la Commission ne se borne pas à réagir aux situations d’urgence. Sur la période 2007-2013, l’Italie a reçu de la part de l’UE une enveloppe de base de 478.7 millions d’euros au titre des quatre anciens fonds dans le domaine de la migration (Fonds européen pour les réfugiés, Fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers, Fonds européen pour le retour et Fonds pour les frontières extérieures).En outre, des enveloppes supplémentaires ont été allouées pour la période 2014-2020: plus de 310 millions d’euros au titre du Fonds «Asile, migration et intégration» et plus de 212 millions d’euros au titre du Fonds pour la sécurité intérieure. L’Italie est ainsi le plus grand bénéficiaire de financements de l’UE pour la migration.

Assistance technique

 

Une aide concrète est également fournie par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO). L’EASO joue un rôle clé consistant à canaliser la solidarité des États membres vers les pays soumis à de fortes pressions.L’EASO met en œuvre des programmes de soutien en Italie (ainsi qu’en Grèce et en Bulgarie). Plusieurs États membres se sont engagés à déployer des experts et d’autres personnes qualifiées au sein des équipes d’appui en matière d’asile.

Coopération avec les pays tiers

Cette aide complète les initiatives de l’UE visant à remédier aux problèmes de migration et d’asile en coopérant avec les pays tiers. L’Union européenne poursuit activement sa collaboration avec les pays tiers d’origine et de transit ainsi que son étroite coopération avec la communauté internationale pour résoudre les problèmes de migration et d’asile, notamment en s’attaquant aux causes profondes des migrations irrégulières et forcées. Les dialogues régionaux (le processus de Rabat sur la migration et le développement, le partenariat UE-Afrique sur la migration, la mobilité et l’emploi et le dialogue UE-ACP sur la migration) visent à favoriser la coopération et l’échange des meilleures pratiques entre les pays d’origine, de transit et de destination, dans tous les domaines de la gestion des migrations. Les partenariats pour la mobilité avec le Maroc, la Tunisie et la Jordanie, ainsi que le processus de Khartoum avec les pays d’Afrique orientale améliorent également les possibilités de coopération.

 

Pour en savoir plus

     -. Foire aux questions Opération conjointe Triton http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-14-609_en.htm

     -. Questions et réponses: Trafic de clandestins en Europe et la réponse de l’UE http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-4453_fr.htm (en)

     -. Articles de Nea say sur la Task force Méditerranée http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3429&nea=154&lang=fra&arch=0&term=0

     -. Articles de Nea say sur Triton http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3429&nea=154&lang=fra&arch=0&term=0

     -. Chiara Teofili :Triton, Frontex a Italia, troppi interventi fuori area http://www.euractiv.it/it/news/sociale/10459-triton-frontex-a-italia-troppi-interventi-fuori-area.html

 

 

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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