A nouveau GOOGLE ! La CNIL ne lâche rien en matière de droit à l’oubli. La Commission européenne semble marquer le pas en matière d’abus de position dominante.

L’enjeu est clair sur le comment appliquer le « droit à l’oubli’ :jusqu’où une décision prise sur un territoire donné peut avoir des effets sur un service qui, lui, est mondial ? La question se pose alors qu’en France la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a rendu publique vendredi 12 juin une mise en demeure visant GOOGLE. Il a quinze jours pour appliquer à l’ensemble de son moteur de recherche, et pas seulement aux extensions européennes, le droit au « déréférencement », principe consacré il y a juste un an un an par la Cour de Justice européenne. Dans cette bataille, la CNIL ne risque-t-elle pas de rester isolée ?

 Un rappel historique (cf. « Pour en savoir plus » Depuis un an, Google peut et « doit » procéder au déréférencement de résultats de recherche lorsque des Européens en font la demande, notamment si les liens mènent vers des pages comportant des informations personnelles inexactes, qui peuvent leur porter atteinte. La société américaine se conforme à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui, en mai 2014, a consacré le droit à l’oubli. Google, qui a reçu plus de 250.000 demandes de droit à l’oubli en Europe l’an dernier, se réserve le droit de refuser certaines, si les conditions légales ne sont pas remplies. En France, il a ainsi maintenu un peu plus de la moitié (52%) des liens. La personne concernée peut alors se tourner vers la justice, ou vers l’autorité de contrôle de protection des données.

 C’est une procédure qui peut mener à des sanctions : en France, le tribunal de grande instance de Paris a condamné pour la première fois Google en décembre à retirer un lien en vertu du droit à l’oubli (cf. Nea say). La Cnil, de son côté, a été saisie «de plusieurs centaines de demandes de particuliers s’étant vu refuser le déréférencement de liens Internet». Google, après réexamen, en a retiré une partie. Le problème soulevé par la Cnil vient du périmètre du retrait. Lorsqu’il est saisi par l’autorité française, le moteur de recherche n‘applique le droit à l’oubli que sur la version française de Google, google.fr. Or, la Cnil «considère, conformément à l’arrêt de la CJUE que le déréférencement, pour être effectif, doit concerner toutes les extensions», c’est-à-dire aussi bien google.fr que google.com ou google.co.uk .La Cnil laisse donc deux semaines à Google pour supprimer les liens concernés sur toutes les extensions de son moteur. «Aucune suite ne sera donnée à cette procédure si la société se conforme à la loi dans le délai imparti», écrit l’autorité indépendante. Mais si Google ne réagit pas, la Cnil pourra engager une procédure menant à une sanction de la société, comme il l’a déjà fait dans d’autres affaires.

 A la suite des examens des réclamations (Cf. infra « Pour en savoir plus », « j’ai testé mon droit à l’oubli ») la CNIL a demandé à la société Google de procéder au déréférencement de plusieurs résultats. Elle a expressément demandé que le déréférencement soit réalisé sur l’ensemble du moteur de recherches, quelle que soit « l’extension » de celui-ci (.fr ; .uk ; .com ; etc.). Si la société a fait droit à certaines des demandes, elle n’a octroyé le déréférencement que sur des recherches effectuées sur l’une des extensions géographiques européennes du moteur de recherche. Il ne s’applique pas, par exemple, sur des recherches effectuées à partir de « google.com » ou d’extensions non européennes. La CNIL considère, conformément à l’arrêt de la CJUE que le déréférencement, pour être effectif, doit concerner toutes les extensions et que le service proposé via le moteur de recherche « Google search » correspond à un traitement unique.

Dans ces conditions, la Présidente de la CNIL demande qu’il soit procédé, dans un délai de 15 jours, au déréférencement des demandes favorablement accueillies sur l’ensemble du traitement et donc sur toutes les extensions du moteur de recherche. Au regard de la nécessité d’appeler l’attention des exploitants de moteurs de recherche, des internautes et des éditeurs de contenus sur l’étendue et la portée des droits d’opposition et d’effacement des données, dont il faut assurer la pleine effectivité, cette mise en demeure est rendue publique.

La CNIL rappelle que cette mise en demeure n’est pas une sanction. En effet, aucune suite ne sera donnée à cette procédure si la société se conforme à la loi dans le délai imparti. Dans ce cas, la clôture de la procédure fera également l’objet d’une publicité.

Si Google Inc. ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai imparti, la Présidente pourra désigner un rapporteur qui, le cas échéant, pourra établir un rapport proposant à la formation restreinte de la CNIL, chargée de sanctionner les manquements à la loi « informatique et libertés », de prononcer une sanction à l’égard de la société.

Tout le monde est suspendu dans l’attente des résultats de cette démarche : quels seront les représailles ou simplement la menace de représailles ? Quel est le poids de l’argument que ce droit à l’oubli est une grave atteinte au droit à l’information ? Quel est le poids de l’argument : les honnêtes gens n’ont rien à cacher ! C’est vrai, mais c’est oublier un peu vite que les puissances étatiques, les puissances économiques, politiques et médiatiques , eux, ne sont pas tous et toujours honnêtes et qu’ils ne nourrissent pas en permanence des sentiments et pensées honnêtes à l’égard des honnêtes gens .

 

Pour en savoir plus :

-. Décision de la Présidente n°2015-047 mise en demeure publique de la société GOOGLE INC. http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/deliberations/Bureau/D2015-047_MED_GOOGLE_INC.pdf

 -. Délibération 2015-170 du bureau pour publicité de la mise en demeure de la société GOOGLE INC. http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/deliberations/Bureau/D2015-170_bureau_publicite_MED_GOOGLE_INC.pdf

 -. J’ai testé mon droit à l’oubli http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2014/09/25/32001-20140925ARTFIG00004-j-ai-teste-mon-droit-a-l-oubli-sur-google.php

 -. Dossier des articles de Nea say sur Google http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3539&nea=157&lang=fra&arch=0&term=0

 -. Dossier des articles de Nea say sur le droit à l’oubli http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3539&nea=157&lang=fra&arch=0&term=0

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Laisser un commentaire