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La CEDH valide l’interdiction du voile à l’hôpital. Le principe de laïcité à la française conforté, le droit des Etats à gérer le fait religieux reconnu.

Porter un voile à l’hôpital risque de créer une discrimination : il faut l’enlever. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) valide une décision de la justice française

Refuser d’ôter son voile quand on est employé par un hôpital peut porter atteinte à l’égalité de traitement des malades, a estimé jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme en validant une décision de la justice française.

 

La CEDH avait été saisie par une Française dont le CDD comme assistante sociale au sein du Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, en banlieue parisienne, n’avait pas été renouvelé au motif qu’elle refusait de retirer son voile malgré les plaintes de certains patients.

 

La Cour a estimé, à l’unanimité, que cette décision, confirmée par les tribunaux administratifs français, ne violait pas l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, selon lequel toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

La CEDH a noté qu’il y avait bien eu ingérence dans la droit de cette femme à manifester sa religion mais que cette ingérence « poursuivait le but légitime qu’est la protection des droits et libertés d’autrui ».

Les magistrats ont en effet considéré que « l’Etat qui emploie la requérante au sein d’un hôpital public peut juger nécessaire qu’elle ne fasse pas état de ses croyances religieuses dans l’exercice de ses fonctions pour garantir l’égalité de traitement des malades ».

D’après la Cour, la France avait donc le droit d’imposer l’obligation de neutralité des agents publics.

Elle souligne que le fait qu’une juridiction nationale ait accordé plus d’importance au principe de laïcité-neutralité qu’à l’intérêt de la requérante « de ne pas limiter l’expression de ses croyances religieuses » ne pose pas de problème au regard de la Convention.

Que retenir d’essentiel ?

« La Cour constate que le port du voile a été considéré par les autorités comme une manifestation ostentatoire de la religion incompatible avec l’obligation de neutralité des agents publics dans l’exercice de leur fonction . » Bien plus, cette exigence de neutralité découle du principe de laïcité « au sens de l’article 1er de la Constitution française » Ce principe de laïcité protège ainsi « les patients de l’hôpital de tout risque d’influence ou de partialité au nom de leur droit à leur propre liberté de conscience ». Et surtout insiste la Cour, elle ne viole pas le droit à la liberté de religion qui est ainsi réaffirmé, si besoin en était ! La Cour « estime que les autorités nationales n’ont pas outrepassé leur marge d’appréciation en constatant l’absence de conciliation possible entre les convictions religieuses de la plaignante et l’obligation de s’abstenir de les manifester ». La position de la CEDH n’est pas surprenante et reste conformes aux positions prises antérieurement lorsqu’elle avait été saisie sur les signes religieux dans les écoles publiques (cf. infra « Pour en savoir plus »)

Surtout l’arrêt de la Cour doit être vu, souligne le grand spécialiste de la Jurisprudence de la CEDH », Nicolas Hervieu, comme « une volonté de la CEDH de respecter la laïcité à la française. Une même situation intervenue dans un autre Etat membre aurait pu déboucher sur un arrêt différent car la Cour admet des positions diamétralement opposées dans la manière de gérer le fait religieux dans les Etats et par les Etats. Elle tend à reconnaître un droit à la liberté de manifester ses convictions religieuses. En 2013, les juges européens avaient condamné le Royaume-Uni «qui avait admis que la compagnie British Airways interdise le port d’une petite croix alors que la CEDH « jugeait que c’était une violation excessive de droit de manifester ses convictions religieuses sur son lieu de travail ». De la même manière en 2011 la CEDH avait toléré les crucifix dans les salles de classes en Italie après les avoir fait retirer et cela après une intense campagne dans l’opinion publique qui très majoritairement avait réclamé leur rétablissement. La CEDH soulignait par ailleurs que la présence de ces crucifix correspondait à une tradition bien établie. (cf. « Pour en savoir plus » les différents articles publiés par Nea say sur l’affaire des crucifix dans les salles de classe en Italie). De même que la présence des crucifix dans les salles de classe semble impensable en France, de même le principe de laïcité à la française ne saurait s’imposer dans toute sa rigueur partout en Europe, notamment où la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’existe pas et où un statut existe comme par exemple l’Eglise anglicane au Royaume-Uni ou l’Eglise luthérienne eu Danemark.

C’est le fruit de l’histoire et des moeurs, manifestement la CEDH n’est pas pour les guerres de religions : tolérance et souplesse semblent gouverner la jurisprudence de la Cour.

 

Pour en savoir plus :

 

-. Texte du Jugement (EN) http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-158878#{« itemid »:[« 001-158878« ]} (FR) http://hudoc.echr.coe.int/eng#{« itemid »:[« 001-158878« ]}

 -. Fact sheets du Conseil de l’Europe sur les symboles et vêtements religieux http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Religious_Symbols_ENG.pdf

 -. Fact sheets liberté de religion du Conseil de l’Europe http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Freedom_religion_ENG.pdf

 -. Dossier de Nea say sur l’interdiction puis l’autorisation du crucifix dans les écoles en Italie http://www.eu-logos.org//eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3675&nea=162&lang=fra&arch=0&term=0

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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