Dossier Documentaire Thématique « THEMA »: La Politique Européenne de Voisinage (III)

Analyse réalisée à l’occasion de la Conférence Annuelle 2016 de l’IEE-Saint-Louis « L’UE et ses voisinages : entre intérêts et valeurs »

Par Amélie Ancelle et Giulia Bonacquisti*

Les auteurs

Amélie Ancelle est diplômée de l’Institut d’Études Européennes de l’Université Libre de Bruxelles depuis juin 2015. Elle a obtenu un Master 2 en Études européennes et une maîtrise en Relations Interculturelles et Coopération Internationale. C’est son passage à Confrontations Europe qui lui a permis de s’intéresser plus en profondeur aux questions de la Politique européenne de voisinage. Elle collabore depuis novembre 2015 avec EU-Logos.

Giulia Bonacquisti est diplômée de l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université Libre de Bruxelles et de l’UniversitàdegliStudi Roma Tre. Elle collabore avec Trans European Policy Studies Association (TEPSA), EU-Logos, EU-28 Watch, AffarInternazionali (revue en ligne de l’IstitutoAffariInternazionali de Rome), le Centre d’Excellence AltieroSpinelli de l’Université Roma Tre et le groupe de réflexion « Voisinages » de l’Université Saint-Louis. Elle s’occupe de politique étrangère européenne, Politique Européenne de Voisinage et relations UE-Russie.

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Executive Summary

Mise en place depuis 2003, la Politique Européenne de Voisinage (PEV) vise à encourager et développer des relations plus étroites avec les pays voisins de l’Union européenne (UE).
Cette politique peut être considérée comme une « fille » de l’élargissement. En effet, l’élargissement massif de l’UE survenu entre 2004 et 2007, qui mit l’Union face à toute une série de nouveaux voisins, rendit claire la nécessité pour l’UE de garantir, aussi pour sa propre sauvegarde, la stabilité et la sécurité de son voisinage. Dès lors, cette politique naquit de la nécessité de poursuivre les mêmes objectifs que la politique d’élargissement (à savoir sécuriser et stabiliser l’espace aux frontières de l’Union) sans pourtant s’engager à donner une perspective d’adhésion aux pays concernés. C’est pour cette raison que les racines profondes de la Politique Européenne de Voisinage doivent être recherchées dans les années qui précédèrent cet élargissement « big bang » et dans les réflexions des spécialistes et des leaders politiques autour des effets attendus et supposés de cet élargissement.
Parmi ces réflexions, revêtent une importance particulière deux lettres adressées à la Présidence tournante espagnole de l’Union Européenne par le Ministre des Affaires Etrangère du Royaume-Uni Jack Straw et par les Ministres suédois des Affaires Etrangères et du Commerce Anna Lindh et Leif Pagrotsky, le mémorandum « Wider Europe » du Haute Représentant pour la PESC Javier Solana et du Commissaire pour les relations extérieures Chris Patten, et deux discours tenus par le Président de la Commission de l’époque, Romano Prodi (2002).
La proposition pour une Politique Européenne de Voisinage fut présentée le 11 mars 2003 par la Commission Européenne dans sa communication « Europe Élargie – Voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud » et ensuite adopté formellement par le Conseil Européen de Thessalonique du 19-20 juin 2003. En 2004, les objectifs et le contenu de la Politique Européenne de Voisinage furent précisés avec la publication par la Commission Européenne d’un Document d’Orientation (12 mai). Pendant cette période, la position de la Russie dans cette politique européennese transformade celle d’un des destinataires de la PEV à celle d’un observateur extérieur et parfois méfiant des initiatives de l’UE dans le voisinage partagé, jusqu’à devenir une position d’opposition ouverte avec le lancement du Partenariat Oriental par l’UE même (2008-09).
En 2015, on assiste non seulement à un échec du pouvoir transformatif de l’Union Européenne, mais aussi à l’émergence d’un nombre de pouvoirs structurels concurrents dans son propre voisinage. Des évènements extérieurs majeurs (le « Printemps arabe », l’émergence de Daesh dans le voisinage du Sud, l’intervention russe dans la crise ukrainienne, en général la diversification croissante du voisinage) et d’importantes limites intrinsèques de la Politique Européenne de Voisinage (surévaluation du pouvoir transformatif de l’UE, absence de prise en compte des voisins des voisins, ambiguïté de fond concernant la relation avec l’élargissement) ont poussé la Commission à annoncer une réforme fondamentale de la PEV, qui est actuellement en cours.
Pendant les derniers mois, des questions clés ont marqué le débat au sein de la communauté des experts, concernant notamment :

  • Le maintien ou non d’un cadre unitaire pour la politique de voisinage ;
  • L’étendue géographique de la nouvelle politique ;
  • Sa relation avec la politique d’élargissement et la question de savoir si la perspective d’adhésion devrait être donnée aux pays voisins;
  • La relation de la nouvelle PEV avec la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) et la Politique de Sécurité et de Défense Communes (PSDC);
  • La pertinence des instruments actuels (accords d’associations, accords de libre-échange complets et approfondi, conditionnalité) ;
  • L’engagement des voisins des voisins.

Sous sa forme actuelle, la Politique Européenne de Voisinage regroupe deux grandes aires : le voisinage à l’Est, qui répond au nom de Partenariat oriental, et le voisinage au Sud, qui reprend des pays partenaires du Processus de Barcelone. C’est par l’observation des résultats divers et variés dans ces pays, ainsi que la prise en compte des situations régionales de plus en plus tendues, voire instables, que l’ampleur et les limites de la réussite de la PEV, sous sa forme actuelle, apparaissent.
À l’Est, plusieurs foyers de tensions entravent les progrès dans le développement d’une coopération étendue et dans la prise de réformes profondes. Plusieurs conflits gelés, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh, entre la Moldavie et la Russie en Transnistrie et entre la Géorgie et la Russie en Ossétie du Sud, sont concernés. Cependant, la plus grande urgence vient de la situation en Ukraine, en termes d’ampleur du désastre. Les tensions qui existaient depuis un moment avec la Russie ont pris la forme de violences actées en 2014, après le choix européen de l’Ukraine, et le contexte civil dans le pays est, depuis, plus difficiles.
Outre ces freins régionaux, les diversités d’appréciation et d’implication nationale donnent au bilan de la PEV à l’est un aspect mitigé. Les réformes concernant les droits de l’Homme, la justice et l’État de droit, sont toujours en attente dans la grande majorité des pays, alors que cela reste une priorité pour l’Union européenne. La Biélorussie, malgré la reprise du dialogue avec l’Union européenne dans le cadre des accords de Minsk concernant le conflit russo-ukrainien, reste encore très peu impliquée dans le Partenariat. L’Azerbaïdjan, avec sa position de force énergétique, n’observe qu’une participation en demi-teinte, principalement axée sur les échanges gaziers plus que sur une réelle coopération qui embrasse tous les domaines du Partenariat oriental. Quant à l’Arménie, son choix de rejoindre l’Union économique eurasiatique lancée par la Russie a mis un frein au cadre de coopération avec l’Union européenne, et par la même occasion à la volonté du pays de se réformer.
Néanmoins, des pays se distinguent dans leur implication et leurs avancées. La Géorgie et la Moldavie font figures de bons élèves, malgré les conflits larvés qui amputent leurs territoires respectifs. Les efforts faits en matière de droits de l’Homme, d’État de droit, ainsi que les réformes économiques et financières doivent certes encore aller plus loin, mais l’impulsion initiale est là. Dans un souci d’encouragement et de soutien face aux difficultés que de tels efforts impliquent, l’Union européenne a mis en place un système d’aide financière additionnelle sur le principe du more for more, qui vise à donner plus à ceux qui font encore un pas vers elle. L’Ukraine figure également dans la catégorie des pays enclins à se rapprocher de l’Union, malgré sa situation politique, économique et même sociale des plus instables. Efforts vers la démocratisation, ouverture économique, réforme des droits de l’Homme, et surtout négociations pour la fin du conflit sont régulièrement salués par Bruxelles. Ce qui pèche le plus pour les pays les plus avancés dans le partenariat, c’est de savoir quel est le but réel de la mise en place de toutes ces réformes.

La Politique Européenne de Voisinage à l’est, parce qu’elle s’incarne sur le continent européen du point de vue géographique ou parce que les contextes y sont différents, connaît une dynamique distincte de celle de la Politique Européenne de Voisinage au sud.
Bien sûr, la vague de révolutions qui a secoué la zone méditerranéenne dès 2011 rend la situation très particulière et donne à l’action de l’Union européenne dans cette zone des accents différents de ceux observés à l’Est. La Syrie fait figure de parangon quant à la complexité des relations UE-Méditerranée. Non seulement l’instabilité politique ne permet pas d’établir des relations institutionnelles avec le gouvernement syrien, mais elle compromet également toute possibilité d’action concrète et assurée. En effet, la situation des droits de l’Homme y est dramatique, la société civile y est muselée, et la situation de la population syrienne représente un véritable drame humanitaire auquel l’UE ne s’attendait pas à être confrontée. La crise migratoire qui a suivi ne déchire pas uniquement les États-membres ; les États voisins de Syrie, comme le Liban, doivent faire face à l’afflux de réfugiés qui représentent parfois jusqu’à un quart de la population du pays d’accueil.
Outre la question humanitaire, c’est la volonté d’endiguer les possibilités de propagation de l’instabilité à d’autres endroits de la région qui préoccupe l’Union européenne et influence l’orientation de ses relations avec les pays de la zone. Ainsi, nombreux sont les plans de coopération et de dialogues sécuritaires, ainsi que les programmes de lutte contre le terrorisme : la Jordanie, le Liban, l’Algérie et la Tunisie sont notamment des partenaires privilégiés dans ce domaine. Des missions de sécurité ou de stabilisation sont également lancées dans les pays les plus durement exposés, dans le cadre de la PSDC. La Libye, grandement déstabilisée depuis 2011, avait reçu en 2013 la mission EUBAM, obligée de se relocaliser en Tunisie un an après, à cause de la reprise de violences soutenues. L’Autorité Palestinienne a bénéficié, elle, de la mission EUBAM Rafah, qui devait gérer la crise civile engendrée par le conflit israélo-palestinien, jusqu’à ce que le Hamas prenne la Bande de Gaza. Toute la fragilité de l’intervention européenne dans les pays partenaires de la PEV témoigne tout autant de la complexité des situations locales que du besoin d’adaptabilité de la coopération souvent entravée par des contextes instables.
Les avancées de la Politique européenne de voisinage en Méditerranée connaissent donc de véritables limites. Les discussions entre l’UE et les gouvernements syriens et libyens sont au point mort. L’aide se concentre donc sur la société civile, toujours dans une situation des plus précaires. Le cas des relations avec l’Égypte, qui a aussi connu de grands bouleversements, est tout autant mis à mal. Cependant, les dernières rencontres entre la HR/VP et ses homologues égyptiens laissent entrevoir une volonté réelle de renouer des liens avec Le Caire en tant qu’intermédiaire majeur dans le monde Arabe.
La PEV au sud est confrontée à ses limite en termes de coopération dans le domaine des droits de l’Homme, de l’État de droit et de la pacification de la région. En effet, la situation économique de tous les pays partenaires, excepté le Maroc, connaît des difficultés non négligeables, entre chômage, pauvreté, faiblesse de la dynamique commerciale et entraves conflictuelles au développement d’une économie forte. L’UE tente donc de maintenir des relations coûte que coûte, au détriment de la mise en place effective de réformes réelles et durables chez ses partenaires. Ainsi, la coopération avec l’Algérie se concentre-t-elle majoritairement sur l’aspect énergétique, celle avec Israël sur la coopération technique et commerciale, sans faire de pression réelle pour les droits de l’Homme et libertés fondamentales en Algérie, ou pour la résolution du conflit du Moyen-Orient avec Israël. Ce dernier met également un frein à la dynamique de la coopération entre l’Union européenne et l’Autorité palestinienne qui, malgré une réelle bonne volonté, est des plus limitées.
Pourtant, face à ces conditions défavorables, face à cette déstabilisation presque généralisée et face aux épreuves quotidiennes qu’affrontent ces pays, une véritable volonté de donner à cette politique une chance de faire ses preuves existe aussi au Sud. Quatre pays se distinguent notamment dans leurs avancées et leur implication et se voient encouragés par des fonds additionnels, comme dans le Partenariat oriental, dans la logique du more for more. La Tunisie, d’abord, possède un « partenariat privilégié » avec l’Union européenne, malgré la grande révolution que le pays a connu en 2011. Les efforts constants, l’adoption d’une nouvelle Constitution et la volonté de réformer le pays, avec l’aide de l’UE, ont permis à Tunis d’observer des avancées démocratiques notables et d’en faire l’un des partenaires phares de l’UE. Le Maroc, qui a échappé à toute déstabilisation grâce à la décision du roi Mohammed VI de mener des réformes démocratiques avant que le peuple ne s’insurge, dans la mouvance de la dynamique des « Printemps arabes » insufflée par la Tunisie, a permis au pays d’acquérir le titre de partenariat « avancé ». La Jordanie possède elle aussi le même statut que le Maroc, grâce à ses avancées en matière de réforme de l’État de droit et des droits de l’Homme, et mène aujourd’hui des négociations en vue de la mise en place d’un ALEAC avec l’UE. Enfin, le Liban représente lui aussi un véritable appui pour l’Union européenne dans la région, malgré le ralentissement, ces derniers mois, de la prise de réformes dans le pays.
Bien sûr, ces pays ne sont pas encore arrivés au bout du chemin des réformes et de l’approfondissement de la coopération avec l’UE. Cependant, leur dévouement et leur volonté de renforcer leurs relations avec l’Union européenne viennent confirmer l’idée que le concept de Politique européenne de voisinage reste un élément à part entière dans la création de coopérations fructueuses entre l’Union et les pays partenaires. Peut-être qu’une flexibilité plus grande, qu’une prise en compte plus bilatérale et complète des besoins de l’ensemble des acteurs, européens et méditerranéens, permettrait de recadrer son champ d’action et de redéfinir les priorités et objectifs réels de chacun.

En conclusion, la Politique Européenne de Voisinage reste aujourd’hui un instrument majeur dans les relations qu’établit l’UE avec ses voisins. Sa pertinence dans le contexte futur dépendra largement de la capacité des institutions européennes de la réformer afin de l’adapter aux défis et aux nécessités du voisinage même, ainsi qu’aux intérêts sécuritaires de l’Union.

TABLE DES MATIÈRES

  1. Introduction : de l’intérêt d’avoir de bonnes relations avec les voisins
  2. Genèse et évolution de la PEV
    2.1 Gestation
    2.2 Naissance
    2.3 Evolution
  3. L’échec du pouvoir structurel de l’UE dans son voisinage
  4. 2015 : Une refonte de la PEV ?
    4.1 Les points de vue des institutions européennes et nationales
    4.2 Le débat au sein de la communauté des experts
    4.3 La contribution du Groupe « Voisinages » de l’Université Saint-Louis
  5. Le voisinage de l’Est
    5.1 L’Arménie
    5.2 L’Azerbaïdjan
    5.3 La Biélorussie
    5.4 La Géorgie
    5.5. La Moldavie
    5.6 L’Ukraine
  6. Le voisinage du Sud
    6.1 L’Algérie
    6.2 L’Égypte
    6.3 Israël
    6.4 La Jordanie
    6.5 Le Liban
    6.6 La Libye
    6.7 Le Maroc
    6.8 La Palestine
    6.9 La Syrie
    6.10 La Tunisie
  7. Conclusion

    1) Introduction: de l’intérêt d’avoir de bonnes relations avec les voisins

Dans le domaine extérieur de l’espace de liberté, sécurité et justice, se retrouve une politique bien particulière de l’Union européenne : la Politique Européenne de Voisinage (PEV). Mise en place depuis 2003, elle vise à encourager et développer des relations plus étroites avec les pays voisins de l’Union européenne (UE). Ce partenariat s’inscrit dans un intérêt réciproque puisque l’Union, par cette politique, souhaite instaurer un voisinage prospère, stable et sécurisé, ce qui n’est pas sans conséquence sur sa sécurité intérieure. Actuellement, avec un voisinage contenant 16 partenaires, l’Union européenne tente de maintenir ses engagements et de renforcer cette politique, et ce plus particulièrement depuis les récents événements politiques qui ont eu lieu dans ces différents pays.

Ce dossier vise à fournir un aperçu de cette politique, de son historique, de sa mise en oeuvre dans les différents pays, ainsi que de la réforme en cours depuis le début de 2015. Suite à une introduction mettant en évidence la logique derrière la Politique Européenne de Voisinage, un bref historique parcourra sa genèse et son évolution. Puis, les défauts qui caractérisent à présent cette politique – et qui ont amené à la réforme en cours, qui sera également abordée – seront analysés. Enfin, un aperçu sera donné de l’évolution des relations de l’Union Européenne avec chaque pays du voisinage.

Le concept de « voisinage » fit son entrée assez récemment dans l’agenda européen. En effet, les relations avec les voisins – sauf partiellement la Russie –ne furent pas,pendant longtemps, parmi les priorités de l’Union.[1]
Cette situation changea radicalement lors de l’élargissement massif de l’UE survenu entre 2004 et 2007, qui mit l’Union face à toute une série de nouveaux voisins, et rendit claire la nécessité pour l’UE de garantir, aussi pour sa propre sauvegarde, la stabilité et la sécurité du voisinage. Les relations qu’elle établit pendant la dernière décennie avec ses voisins naissent plus particulièrement de la nécessité de poursuivre les mêmes objectifs que la politique d’élargissement (à savoir sécuriser et stabiliser l’espace aux frontières de l’Union) sans pourtant s’engager à donner une perspective d’adhésion aux pays concernés

La Politique Européenne de Voisinage joue un rôle central au sein de l’action extérieure de l’Union, d’autant plus que la Stratégie Européenne de Sécurité de 2003 – maintenant en cours de révision – mentionne les politiques de proximité parmi les priorités stratégiques de l’UE. [2]
Ce rôle est confirmé par le Traité de Lisbonne (2009), dont l’article 8 statue que :

L’Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondé sur les valeurs de l’Union et caractérisé par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération. [3]

Le voisinage représente aujourd’hui un concept clé pour le projet européen. Il est de plus en plus vu comme une mise à l’essaide l’Union, dans sa capacité à affirmer ce modèle de système international qui a depuis le début caractérisé sa vision – à savoir un système fondé sur le droit et sur la non utilisation de la force – et de son propre pouvoir normatif. En effet, l’une des caractéristiques de la Politique Européenne de Voisinage, c’est d’être une politique étrangère structurelle, c’est-à-dire une action caractérisée par une approche à long terme et utilisant un éventail d’outils plus ample que les seules relations diplomatiques entre les États, qui vise à changer les structures des pays tiers ou du système international lui-même de manière durable, voire permanente. [4]
En effet, l’approche de la PEV vise à aller plus loin que celui de la politique étrangère traditionnelle dans son soutien à la transformation structurelle des partenaires dans les domaines de la démocratie, de l’Etat de droit et de l’économie de marché. [5]

Mais qui sont les voisins de l’UE ? La Politique Européenne de Voisinage recouvre à présent seize pays, dont six de l’Europe Orientale et du Caucase du Sud (le « Voisinage Est » : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine), et dix de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient (le « Voisinage Sud » : Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Palestine, Syrie,Tunisie). La première caractéristique qui ressort de cet ensemble de pays est sans doute son hétérogénéité, ce qui a de profondes implications sut toute politique mise en place par l’UE vis-à-vis de la région, qui ne pourra pas suivre une logique « one size fits all » mais devra au contraire tenir compte des spécificités des pays concernés.
La particularité du voisinage de l’UE – notamment de la partie orientale, qui est tout à fait « européenne » – c’est d’occuper une sorte de « zone grise » entre l’intérieur et l’extérieur : elle n’est pas directement concernée par l’intégration européenne proprement dite, mais elle est néanmoins intimement liée, surtout en termes de sécurité, à la mission politique de l’UE de propager la paix et le bien-être sur l’ensemble du continent européen. [6]

2) Genèse et évolution de la PEV

Les racines profondes de la Politique Européenne de Voisinage doivent être recherchées dans les années qui précédèrent le grand élargissement « big bang » de l’Union survenu entre 2004 et 2007, et dans les réflexions des spécialistes et des leaders politiques autour des effets attendus et supposés de cet élargissement.
Tout d’abord, un élargissement d’une telle entité était susceptible d’avoir des conséquences profondes non seulement sur la gestion des relations extérieures de l’UE mais aussi sur ses dynamiques internes. En effet, l’adhésion d’un nombre si important de pays si hétérogènes et provenant d’expériences historiques si différentes par rapport aux pays de l’Europe occidentale aurait pu miner le fonctionnement même de l’Union et de ses procédures, ce qui donna lieu à tout un débat sur la « capacité d’absorption » de l’UE et sur la « fatigue de l’élargissement ». Il apparaissait ainsi de plus en plus clair que la capacité de l’UE à s’élargir indéfiniment tout en préservant ses objectifs – assurer la paix, la stabilité et la prospérité internes – allait bientôt atteindre ses limites.

Nous devons […] reconnaître qu’actuellement, nous ne pouvons convaincre nos citoyens de la nécessité d’étendre plus à l’est les frontières de l’UE. C’est une question de responsabilité : nous devons élaborer un cadre pour notre action future afin de traiter un problème directement lié au succès de l’élargissement. Qu’avons-nous à offrir à nos nouveaux voisins dans un avenir proche ? Quelles perspectives pouvons-nous leur offrir ? Où finit l’Europe ?

Romano Prodi, à l’époque Président de la Commission Européenne (2002) [7]

Par ailleurs, l’UE se serait trouvée entourée par des pays profondément différents des PECO des années 1990.Ces pays ne semblaient pas prêts pour l’adhésion, même sur le long terme, et auraient pu engendrer des menaces pour la sécurité même de l’UE, telles que migrations et trafics illégaux, terrorisme et conflits irrésolus. À côté de cette soudaine proximitéavec des zones instables, de forts liens historiques et culturels entre ces pays et les (futurs) nouveaux membres orientaux de l’UE empêchaient l’UE d’ignorer ses nouveaux voisins. Il émergeait ainsi la nécessité d’éviter la création de « nouvelles lignes de division en Europe » [8] après la chute du Rideau de Fer, à savoir entre l’Europe élargie et ses voisins.
Ne pouvant pas, pour les raisons expliquées ci-dessus, recourir à d’ultérieurs élargissements pour faire face à cette nouvelle réalité, il devint nécessaire pour l’UE de développer un nouvel outil pour projeter stabilité et sécurité dans le nouveau voisinage. À ceci s’ajouta la pression de certains membres de l’UE, et surtout de certains futurs membres tels que la Pologne, pour que l’Union se dotât d’une « politique orientale ». [9]
L’activisme polonais s’adressa surtout à l’Ukraine, un pays avec lequel la Pologne entretient d’importants liens historiques et culturels, et qui joue pour la Pologne un rôle géostratégique central dans une perspective d’endiguement d’éventuelles initiatives de la Fédération Russe dans son « étranger proche ». [10]
À la veille de l’élargissement, le futur voisinage de l’Union Européenne comprenait d’un côté les pays du Sud de la Méditerranée, avec lesquels il existait des relations assez développées et des cadres de coopération déjà formalisés (par exemple, le Processus de Barcelone), et de l’autre côté toute une série de pays de l’ex Union Soviétique vis-à-vis desquels l’attention de l’UE avait toujours été assez limitée. Néanmoins, il apparaît assez clair, en observant sa genèse, que la Politique Européenne de Voisinage fut conçue expressément pour les pays de l’Europe orientale (notamment Biélorussie, Moldavie, Russie et Ukraine), pour lesquels s’imposait la nécessité de développer un outil alternatif à l’élargissement –qui était cependant envisageable en vertu de l’article 49 TUE vu qu’il s’agissait de pays européens – afin d’assurer la stabilité aux frontières de l’UE, et dont les relations avec l’UE étaient relativement peu institutionnalisées. Cette idée subit pourtant une évolution au cours des mois qui virent la naissance de la Politique Européenne de Voisinage.

2.1 Gestation

Deux initiatives sont en particulier considérées comme ayant inauguré le débat sur la future politique de voisinage, à savoir deux lettres adressées à la Présidence tournante espagnole de l’Union Européenne par le Ministre des Affaires Etrangère du Royaume-Uni Jack Straw et par les Ministres suédois des Affaires Etrangères et du Commerce Anna Lindh et Leif Pagrotsky. La première, qui date du 18 janvier 2002, met en avant l’idée d’accorder à la Biélorussie, la Moldavie et l’Ukraine un statut spécial de « voisins », qui aurait impliqué la création de relations privilégiées avec l’UE qui leur offrirait des bénéfices en échange de réformes politiques et économiques.  [11]
Dans la deuxième lettre, qui date du 8 mars 2002, Lindh et Pagrotsky élargissaient la substance de la proposition britannique à la Russie et aux pays du Sud de la Méditerranée, en soulignant que les relations avec les différents voisins devaient être insérées dans un cadre politique unitaire. [12]
En parallèle, ce déplacement de l’attention vers un cadre plus large qui incluait également les voisins méridionaux fut facilité par les pressions des Etats Membres de l’Europe méridionale. [13]

Suite à ces initiatives provenant des États Membres, le Conseil Affaires Générales et Relations Extérieures (CAGRE) du 15 avril 2002 donna mandat au Haut Représentant pour la PESC Javier Solana et au Commissaire pour les relations extérieures Chris Patten d’élaborer un cadre conceptuel pour les relations avec les voisins de l’Est. [14]
Le mémorandum résultant, « Wider Europe », rédigé par Patten et Solana et présenté lors d’une réunion informelle des Ministres des Affaires Etrangères en septembre 2002, contenait la proposition suivante :

The imminent enlargement presents an opportunity to develop a more coherent and durable basis for relations with our immediate neighbours. The pace and scope of this process will have to be flexible – there can be no one-size-fits-all approach. The starting point should be that relations with all our neighboursshould be based on a shared set of political and economic values. Building on this, we should aim towards regional stability and co-operation, closer trade links and approximation and/or harmonisation of legislation and progressive extension of all relevant EU policies. Looking to the medium and longer term, we could foresee a gradually evolving framework for an economic and political space surrounding the Union, which would nevertheless stop short or full membership or creating shared institutions. Building on existing instruments and relations, this approach could ultimately bring neighbouring countries fully into the internal market and other relevant EU policies ». [15]

Le document indiquait également cinq secteurs sur lesquels la coopération avec les voisins aurait dû se concentrer : dialogue politique, coopération économique et commerciale, coopération en matière de justice et affaires intérieures (notamment en ce qui concerne gestion des frontières et immigration), assistance financière accrue et intégration dans certaines des politiques communautaires.

Ensuite, une contribution importante à la formulation de la future politique provint du Président de la Commission Européenne Romano Prodi, lors de deux discours tenus au cours de 2002. Dans ces interventions, Prodi affirmait la nécessité « d’établir des relations spéciales dans le cadre d’une politique plus large de voisinage, qui impliquera toutes les régions situées en bordure de l’Union, du Maghreb à la Russie ». [16]
Le lien avec la politique d’élargissement apparaît clair dans les propos de Prodi, qui affirme qu’« un concept concret et exploitable de proximité » [17] pourrait avoir des effets comparables à la perspective d’adhésion en termes de stimulus de réformes. Les objectifs de la nouvelle politique étaient ainsi résumés :

Je souhaiterais que l’Union et ses voisins européens les plus proches soient entourés d’un cercle de pays amis […] Nous devons être prêts à proposer davantage qu’un partenariat, mais moins qu’une adhésion, sans exclure toutefois catégoriquement cette dernière, […] [Il s’agit pour ces pays de]tout partager avec l’Union, excepté ses institutions. [18]

Enfin, le Conseil Européen de Copenhague du 12-13 décembre 2002 – qui annonça la conclusion des négociations d’adhésion avec les pays candidats à l’élargissement de 2004 – souligna que ce dernier offrait « une occasion importante de faire progresser les relations avec les pays voisins sur la base de valeurs politiques et économiques communes » et invita la Commission et le Haut Représentant à présenter des propositions en la matière. [19]

2.2 Naissance

La proposition de la Commission Européenne fut présentée le 11 mars 2003 dans la communication « Europe Élargie – Voisinage : un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l’Est et du Sud» [20], qui est considérée comme le document fondateur de la Politique Européenne de Voisinage.
Concernant la couverture géographique de cette politique, il est intéressant de noter que la communication fait référence à la Russie, à la Biélorussie, à la Moldavie, à l’Ukraine et aux dix pays de la Méditerranée qu’on retrouve aujourd’hui dans la PEV. L’objectif de l’approche envisagé par la communication, c’était de « créer un espace de prospérité et de bon voisinage – un cercle d’amis – caractérisé par des relations étroites et pacifiques fondées sur la coopération. À cet effet, il était précisé que cette approche s’adressait à ces pays limitrophes « qui n’ont actuellement aucune perspective d’adhésion », ce qui laissait déjà apercevoir la relation complexe entre politique de voisinage et élargissement qui aurait marqué toute l’histoire de cette politique. En conséquence, étaient exclus de la PEV les pays alors candidats (Bulgarie, Roumanie, Turquie) et les Balkans Occidentaux.
Les moyens indiqués par la communication, par lesquels poursuivre la création de cette espace de prospérité dans le voisinage, consistaient en l’offre faite par l’Union Européenne d’une intégration plus étroite – sous la forme d’une participation au marché intérieur de l’UE et aux quatre libertés – « en contrepartie de leurs progrès concrets dans le respect des valeurs communes et la mise en oeuvre effective des réformes politiques, économiques et institutionnelles, notamment dans l’alignement de leur législation sur l’acquis. ».
Enfin, la communication « Europe Elargie » fixait des principes clés de la future PEV.La différenciation et la progressivitécorrélaient ainsi le développement des relations entre l’UE et ses partenaires à l’engagement de ces derniers sur des valeurs communes et une capacité et une volonté de mettre en oeuvre les priorités concordées. Les outils principaux pour sa mise en oeuvre y étaient également présentés :les plans d’action nationaux, des « documents de politique regroupant les travaux en cours et à venir dans toute la gamme des relations que l’Union entretient avec voisins ».

Le Conseil Européen de Thessalonique du 19-20 juin 2003, en approuvant les conclusions du Conseil Affaires Générales et Relations Extérieures du 16 juin, adopta formellement la Politique Européenne de Voisinage. [21]

Le 5 novembre, le Parlement Européen présenta un rapport rédigé par la Commission Affaires Etrangères sur la communication « Europe Élargie ». [22]
Ce rapport saluait l’initiative de la Commission Européenne, tout en suggérant des modifications. D’abord, le Parlement recommandait d’élargir la portée géographique de la politique aux pays du Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) et à la Turquie. Deuxièmement, le Parlement affirmait la nécessité d’éviter tout risque de transmettre aux pays voisins une notion de voisinage excluant l’adhésion : aux termes de l’article 49 TUE, rappelait le Parlement, l’insertion d’un pays européen au sein de la politique de voisinage n’aurait pas pu préjuger de ses aspirations d’adhésion à l’UE.

Les objectifs et le contenu de la Politique Européenne de Voisinage furent précisés en 2004 avec la publication par la Commission Européenne d’un Document d’Orientation (12 mai). [23]

Il est intéressant de noter que, dans ce document, la Fédération Russe était toujours incluse parmi les destinataires de la PEV. Néanmoins, ce pays recouvrait dans le document une position assez ambiguë : si d’un côté elle était explicitement listée parmi les pays destinataires, parallèlement on soulignait la nécessité de développer des relations sur base bilatérale par le biais de la création d’« espaces communs ».
Ensuite, le document d’orientation mentionnait la possibilité de considérer dans les années suivantes la négociation de « nouveaux liens contractuels » sous la forme d’« accords européens de voisinage ». Dans certains cas, le document s’éloignait de la précédente communication, par exemple en supprimant toute référence à la participation des voisins aux quatre libertés. En même temps, on affaiblissait le poids de la conditionnalité et on mettait l’accent sur l’« engagement réciproque en faveur de valeurs communes ». Des experts ont observé que cette approche reflétait le débat au sein du COREPER, où la position britannique fortement orientée vers la conditionnalité et la progressivité était confronté à une position plus moins intransigeante défendue par des pays comme l’Allemagne et l’Italie. [24]
Enfin, le document d’orientation contenait la recommandation d’inclure dans la PEV les pays du Caucase du Sud. En effet, le délai entre les deux communications de la Commission avait été marqué par des bouleversements importants dans la région tels que la « révolution des roses » en Géorgie (automne 2003). Ce passage fut aidé également par la Stratégie de Sécurité Européenne, publiée en décembre 2003, qui affirma la nécessité pour l’UE de « porter un intérêt plus grand et plus actif aux problèmes du Caucase du Sud ». [25] Cette inclusion fut enfin formalisée par le Conseil le 14 juin 2004. [26]

Dans les conclusions de ce même Conseil, la position de la Russie apparaissait extrêmement ambiguë : toute référence à son inclusion dans la politique de voisinage disparaissait, et la décision de développer le partenariat stratégique UE-Russie tels qu’il avait été défini au sommet de Saint Pétersbourg en mai 2005 était réitérée. À partir de ce moment-là, la Russie n’apparaîtra plus parmi les « voisins » de l’UE :elle choisit elle-même, par le biais d’une série de discours de son Ministre des Affaires Étrangères, de ne pas figurer dans la PEV, considérée comme une initiative unilatérale de l’UE et comme une relation déséquilibrée.

Le 9 décembre 2004, la Commission Européenne présenta au Conseil la proposition pour les premiers plans d’actions, concernant l’Autorité Palestinienne, Israël, la Jordanie, la Moldavie, le Maroc, la Tunisie, l’Ukraine.

2.3 Evolution

En 2008, la Politique Européenne de Voisinage vit une importante évolution avec son articulation en deux initiatives géographiques distinctes : le Partenariat Oriental et l’Union pour la Méditerranée. Cette évolution naissait de l’exigence d’assurer une différenciation plus grande entre les pays faisant partie de la PEV. Cette différenciation était demandé notamment par les voisins de l’Est par rapport aux pays du Sud de la Méditerranée, dépourvus de toute perspective d’adhésion puisque non-européens. En outre, le manque d’une dimension régionale et multilatérale au sein de la PEV était souvent regretté dans les relations périodiques de la Commission. Cette limite était surtout ressentie dans le voisinage Est, où il n’existait aucun cadre de coopération multilatérale, tandis que, dans la Méditerranée, le Partenariat Euro-méditerranéen était en place depuis 1995. Dès lors, le but était de créer un cadre régional en complément du renforcement des relations bilatérales offert par la PEV.
La tension entre les deux dimensions géographiques de la PEV (Est et Sud) – et entre les différents intérêts géopolitiques des pays membres de l’UE – est bien illustrée par le lancement simultané (lors du Conseil Européende juin 2008) de ces deux initiatives parallèles, poussées l’une par la Pologne et la Suède (le Partenariat Oriental) et l’autre par la France (l’Union pour la Méditerranée).
Il ne faut pas oublier que le contexte dans lequel se développa le Partenariat Oriental fut marqué par la crise russo-géorgienne de l’été 2008 : en échange de la non-application de sanctions à l’égard de la Russie, les pays de l’Europe centrale et orientale obtinrent l’accélération du lancement de l’initiative. [27] Le lancement du Partenariat Oriental vit également un changement de l’attitude de la Russie vis-à-vis des initiatives européennes dans le voisinage partagé. Comme observa Erwan Lannon, cette réaction négative provient du fait que cette initiative était poussée par certains États membres, notamment ceux d’Europe centrale ayant des relations complexes avec le pays eurasiatique. [28]

Suite aux bouleversements connus sous le nom de Printemps arabe survenus en 2011, l’Union Européenne revit sa politique de voisinage en introduisant le concept de « more for more » : plus de bénéfices offerts par l’UE en échange de plus de démocratisation. [29] Sans remettre en cause les principes de la PEV, la nouvelle approche mettait d’avantage l’accent sur le partage de valeurs telles que le respect des droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit, et sur la conditionnalité du soutien offert par l’UE aux progrès des pays dans la consolidation de la démocratie.

3) L’échec du pouvoir structurel de l’UE dans son voisinage

Sous l’angle de la théorie de la Politique Etrangère Structurelle, l’impact de la Politique Européenne de Voisinage sur les structures de voisins de l’Union a été négligeable malgré la révision partielle effectuée en 2011, et la PEV apparaît en 2015 confrontée à un nombre important de défis. En bref, non seulement la PEV a mis en évidence un échec du pouvoir structurel de l’Union, mais cette dernière est de plus en plus confrontée à des pouvoirs structurels concurrents dans son voisinage. [30]

Le voisinage a changé profondément pendant les douze dernières années. Non seulement il y a eu des bouleversements dans de nombreux pays, mais d’une manière générale la tendance dominante semble celle d’une diversification croissante au sein du voisinage, ce qui a fait émerger des voisinages multiples exigeant des approches différentes, et qui remet en cause l’opportunité même d’une politique de voisinage en tant que telle. [31] Dans ce contexte fragmenté, certains des voisins, au lieu de se rapprocher de l’Union, s’en sont éloignés. [32]

Deuxièmement, les objectifs de la PEV, à savoir la création d’un « cercle de pays amis » et d’une zone de stabilité, sécurité et prospérité tout autour de l’Union, ne semblent pas du tout être atteints. Au contraire, ce que l’on voit aujourd’hui aux frontières de l’Europe, c’est plutôt un « arc d’instabilité » [33], et dans certains cas (par exemple en Ukraine), cette politique a même contribué à la montée des tensions régionales. [34] Également, l’attention portée à la promotion d’une « démocratie solide et durable » lors de la révision de la PEV en 2011 apparaît largement contredite par les évènements. Comme souligné par Stefan Lehne, « there is hardly any other external policy of the EU with a larger gap between its stated objectives and the actual outcome ». [35]

De plus, ce qui a marqué jusqu’à présent l’approche de l’UE vis-à-vis du voisinage, c’est une surévaluation du pouvoir de transformation de l’Union, qui découle principalement du succès de l’élargissement de l’Union au pays de l’Europe centrale et orientale qui a eu lieu en 2004-2007. [36] Cette erreur de jugement était enracinée dans la croyance que la recette de l’élargissement aurait bien marché aussi en l’absence de la perspective d’adhésion [37] et dans une perspective eurocentrée visant à « absorber nos voisins dans le giron européen et non à bâtir une coopération sur le respect des différences ». [38]

Enfin, un reproche qui est souvent fait à l’Union Européenne c’est de ne pas avoir suffisamment considéré, lors du lancement de la PEV, que ses voisins ont, eux aussi, des voisins. Parmi ces « voisins des voisins », la Russie occupe évidemment une place centrale notamment à travers la mise en place de projets concurrentiels comme l’Union Eurasiatique et son rôle dans la crise en Ukraine. [39]

Ces tendances ont été aggravées par une ambiguïté de fond qui a marqué jusqu’à présent la Politique Européenne de Voisinage, c’est-à-dire sa relation avec ce qui est souvent présenté comme la politique étrangère la plus efficace de l’UE : l’élargissement. En effet, si de nombreuses analogies peuvent être observées entre les deux politiques (notamment en ce qui concerne le principe de conditionnalité, mais aussi dans certains outils), la relation entre les deux politiques n’a jamais été clarifiée d’une façon nette par les institutions européennes, notamment à cause de l’absence d’un accord au sein même de l’UE. [40]
En effet, suite à l’élargissement de 2004-2007, une demande de plus en plus pressante de démarcation des frontières ultimes de l’Union Européenne provint à la fois des milieux fédéralistes (craignant une dilution du projet politique européen) et des milieux conservateurs (préoccupés de possibles « menaces » à l’identité culturelle et religieuse de l’Europe). [41] Malgré les différences, l’urgence de cette définition était partagée dans la conviction qu’une extension indéfinie de l’UE aurait pu en menacer la survie. En regardant l’histoire de la Politique Européenne de Voisinage, on pourrait observer que cette politique naquit précisément de l’incapacité de répondre à cette question des frontières européennes.

Le lien inséparable entre le grand élargissement et la naissance de la Politique Européenne de Voisinage en 2003 soulève une autre question, intimement liée à celle des frontières ultimes de l’Union Européenne, à savoir le dilemme élargissement/approfondissement, [42] qui marque toute l’histoire de la construction européenne. Le premier élément vise à consolider l’intégration entre les États membres par le biais de l’approfondissement des liens communautaires et du perfectionnement des mécanismes institutionnels ; pour le second, c’est l’extensionà de nouveaux membres des bénéfices de la coopération. Ces deux développements se produisirent toujours en parallèle, et montrèrent parfois leur nature conflictuelle. Ce dilemme émergea à nouveau lors de l’élargissement de 2004, qui mit en évidence les possibles répercussions sur le côté approfondissement. En effet, si le projet européen naquit suite à la Seconde Guerre mondiale pour assurer la paix et la stabilité sur le continent européen, l’extension de ces bénéfices à d’autres pays à travers un élargissement indéfini des frontières de l’Union comporte le risque de nuire à ces mêmes objectifs, en diluant l’intégration ou en rendant l’Union ingérable.
Comme résumé par le Président de la Commission Européenne de l’époque, Romano Prodi :

Chaque élargissement nous apporte de nouveaux voisins. Dans le passé, un grand nombre d’entre eux ont fini par devenir eux-mêmes des candidats à l’adhésion. Je ne nie pas que ce processus ait très bienfonctionné. Nous ne pouvons toutefois continuer éternellement à élargir l’espace de sécurité, de stabilité et de prospérité avec le seul instrument de l’élargissement. Nous ne pouvons pas diluer le projet politique européen et transformer l’Union européenne en une simple zone de libre-échange à l’échelle du continent. [43]

Le résultat de tous ces facteurs combinés, auxquels se sont ajoutés des causes exogènes importantes (les bouleversements qui ont eu lieu dans les deux voisinages pendant les dernières années pouvaient difficilement être prévus), c’est que la Politique de Voisinage n’a pas réussi à poursuivre les objectifs de l’UE, ni à satisfaire les attentes et les aspirations des voisins.

4) 2015 : Une refonte de la PEV ?

À la lumière des échecs de la Politique Européenne de Voisinage au cours de la dernière décennie, le Commissaire chargé de la politique de voisinage et des négociations d’élargissement, Johannes Hahn, et la Haute Représentante/Vice-Présidente de la Commission, FedericaMogherini, ont publié, le 4 mars 2015, un document de consultation sur l’avenir de la PEV, visant à ouvrir un débat public autour d’une « réforme fondamentale » de cette politique. La consultation est restée ouverte pendant quatre mois et a permis à tout citoyen, association, ONG, think tank, université et autorité publique de fournir un avis argumenté sur comment réformer cette politique. Ce processus culmina en novembre 2015, lorsque la Commission et la Haute Représentante, après avoir pris en compte les contributions reçues, présentèrent leur proposition de réforme de la PEV.

Dans les prochains paragraphes, nous analyserons de façon comparative les points de vue exprimés par des institutions européennes, par certaines contributions soumises par des instituts de recherche, ainsi que par la contribution de notre groupe de travail. Cette analyse portera sur certaines questions identifiée par l’auteur comme étant des questions clés dans la réforme de cette politique, à savoir : 1) le maintien ou non d’un cadre unitaire pour la politique de voisinage ; 2) l’étendue géographique de la nouvelle politique ; 3) sa relation avec la politique d’élargissement et la question de savoir si la perspective d’adhésion devrait être donnée aux pays voisins ; 4) la relation de la nouvelle PEV avec la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) et la Politique de Sécurité et de Défense Communes (PSDC) ; 5) la pertinence des instruments actuels (accords d’associations, accords de libre-échange complets et approfondi, conditionnalité) et 6) l’engagement des voisins des voisins.

4.1 Les points de vue des institutions européennes et nationales

Tout d’abord, en s’interrogeant sur l’opportunité de maintenir la PEV en tant que telle, le document de consultation publié en mars par la Commission et la Haute Représentante [44] liste la différentiation parmi les axes prioritaires de réforme de la politique. De son côté, un rapport de la Commission Affaires Etrangères (AFET) du Parlement Européen, [45] rédigé par Eduard Kukan (PPE, Slovaquie), insiste sur la nécessité de garder un cadre général car « l’objectif initial de créer un espace de prospérité et de bon voisinage fondé sur les valeurs et principes fondateurs de l’Union, au moyen d’une transformation structurelle en profondeur dans les pays voisins, garde toute sa pertinence ». Le thème de la portée géographique de la nouvelle politique n’a pas fait l’objet de déclarations des institutions, sauf sous forme d’interrogation sur comment celle-ci devrait être repensée. L’Assemblée Nationale française, [46] de son côté, recommande « que soit maintenue l’unicité de la stratégie de voisinage » pour les deux flancs Est et Sud, « mais que cette politique repose sur la différenciation » non seulement ente les deux zones géographiques mais aussi à l’intérieur de chacune. Dans la même veine, selon le Sénat italien, [47] le cadre unique devrait être maintenu.
Concernant la relation entre la politique de voisinage et l’élargissement, toutes les ambiguïtés sur la question sont maintenues. Le rapport du Parlement Européen, en reconnaissant que la PEV et la politique d’élargissement sont des politiques distinctes, rappelle néanmoins que les pays européens peuvent, aux termes de l’article 49 TUE, demander leur adhésion lorsqu’ils en remplissent les conditions. Toutefois, une étude réalisée par la Commission AFET [48] invite clairement à donner à certains pays du Partenariat Oriental une perspective d’adhésion. La déclaration du Sommet de Riga, [49] de son côté, ne fait que « reconnaître » les aspirations européennes des partenaires orientaux. Il est intéressant de noter, enfin, que le document de consultation ne mentionne pas la question.
Ce manque de clarté est fortement critiqué par l’Assemblé Nationale française, qui dénonce « l’ambiguïté rédhibitoire » dont souffre la PEV « en ne se distinguant pas clairement de la politique d’élargissement » et l’organisation actuelle de la Commission mêlant les deux politiques dans un même portefeuille. Pour cette raison, l’Assemblé recommande que « la distinction entre partenariat et élargissement soit clairement établie ».
En matière de rapport avec la PESC/PSDC, les visions institutionnelles sont unanimes. Le document de consultation affirme que « la PEV doit être étroitement intégrée dans une politique étrangère générale de l’UE ». De même, le rapport du Parlement Européen plaide pour qu’une « vision politique claire sous-tende les aspects techniques de la PEV » et pour une meilleure coordination entre les activités de la PEV et celles de la PESC/PSDC. Enfin, le Conseil [50] appelle à assurer la cohérence de la PEV avec les volets sécurité et politique étrangère de l’action de l’UE.
Au niveau des États membres, le Sénat italien prône une politique de voisinage clairement intégrée dans la PESC/PSDC et un rôle plus important pour la Haute Représentante et le Service Européen pour l’Action Extérieure dans la nouvelle politique. L’Assemblée Nationale française, elle, affirme que la gestion bureaucratique, sans vision politique, de la PEV a « une partie de responsabilité dans le déclenchement de la crise politique en Ukraine » et appelle à une intégration du volet sécuritaire et politique dans la nouvelle PEV, ainsi qu’un rôle accru pour la Haute Représentante.
Quant aux instruments, le document de consultation affirme que la PEV devrait se doter d’une « panoplie plus flexible d’instruments », et notamment : rationaliser les plans d’action, adapter le « more for more » au nouveau contexte, réfléchir à comment structurer les relations avec ces pays qui sont à présent de facto exclus de la PEV, et rendre les structures de la PEV « plus collaboratives » afin de promouvoir l’appropriation commune de cette politique. Le rapport du Parlement Européen, lui, souligne la nécessité d’imposer (sic) des conditions, car « l’UE ne peut pas transiger sur ses valeurs fondamentales ». Au cours des débats parlementaires qui ont eu lieu pendant les derniers mois, certains députés (en provenance notamment de la gauche radicale), ont, contrairement au rapport cité, critiqué l’approche euro-centréede cette politique, qui, basée sur les incitants, ne favorise pas une relation de partenariat. Les députés socialistes, de leur côté, ont appelé au maintien d’un principe de « more for more » lié aux valeurs de l’Union. [51] Au niveau national, le Sénat italien a adopté une approche très critique vers les instruments actuels. En effet, les sénateurs soulignent que « les Accords d’Association et les Accords de Libre Echange Complet et Approfondi ne peuvent pas être la seule manière de développer des relations de voisinage » et qu’il est nécessaire d’envisager de nouvelles formes de dialogue, qui soient moins contraignantes. En outre, ils insistent : les plans d’actions, les stratégies par pays et les rapports de suivi annuels sont devenus de plus en plus « encombrants », et le modèle du « more for more » devrait être assoupli.
Enfin, le document de consultation reconnaît que « bon nombre de défis que l’UE et ses voisins doivent relever ensemble ne peuvent pas l’être sans une prise en compte des voisins de ces voisins ». De même, le Parlement insiste sur la nécessité de tenir compte des voisins des voisins. En même temps, pourtant, une étude de la Commission AFET souligne que des initiatives politiques inclusives visant à engager la Russie dans des formes nouvelles de coopération avec les partenaires orientaux et l’UE « sont simplement impossibles » dans les circonstances actuelles. L’Assemblée Nationale française recommande que l’UE « approfondisse ses liens avec les voisins des voisins », et notamment la Russie, les pays du Golfe, d’Afrique Subsaharienne et d’Asie Centrale, et « qu’elle prenne également en considération les formes d’intégration régionale telles que l’Union Economique Eurasiatique ». Le Sénat italien, enfin, souligne que le dialogue doit inclure, concernant le voisinage Sud, les pays d’origine des migrants (notamment dans le Sahel ou le Corne de l’Afrique). Quant au voisinage Est, souligne le Sénat, il apparaît « crucial d’établir un dialogue plus étroite et systématique avec la Russie ». Selon la Chambre, en effet, ce n’a pas toujours été le cas, comme le témoigne l’exemple de l’Accord d’Association avec l’Ukraine, « conclu sans tenir en considération les préoccupations légitimes de la Fédération Russe ».

4.2 Le débat au sein de la communauté des experts [52]

Parmi les contributions des experts analysées, certaines comme celle de HrantKostanyan (Centre for European Policy Studies, CEPS) prônent le maintien d’un cadre unitaire pour la Politique Européenne de Voisinage – dans sa vision, scinder la politique de voisinage signifierait compromettre le consensus parmi les États membres. Michel Foucher et Gilles Lepesant (Fondation Robert Schuman), eux, affirment que « plus que le cadre global de la Politique Européenne de Voisinage […] c’est le niveau intermédiaire (Partenariat Oriental et Union pour la Méditerranée) qui s’apparente à un instrument bureaucratique superflu ». Cette vision n’est pas partagée par IskraKirova et Sabine Freizer (Open Society Foundations) et par GrzegorzGromadzki et Bastian Stendhardt (Friedrich Ebert Stiftung – BatoryFoundation) qui recommandent le maintien du Partenariat Oriental. Au contraire, Michael Leigh (German Marshall Fund) invite à laisser tomber l’étiquette PEV et à mettre en place des stratégies individuelles pour chaque pays ou région (« There isastrong case for dropping the ENP brandingaltogether »). Dans la même veine, Stefan Lehne (Carnegie Europe) plaide pour l’engagement des voisins selon une « géométrie variable » en fonction des domaines traités et pour la mise en place de politiques de voisinage multiples. En effet, explique-t-il, engager le voisinage dans son entièreté n’a pas de sens en raison de son hétérogénéité. De son côté, EnekoLandaburu (Notre Europe) considère que la différenciation s’impose « au risque de remettre en cause […] peut-être même le concept d’une politique de voisinage en tant que telle ». Pourtant, il conclut, « plutôt que s’engager dans un débat sémantique, conceptuel et théorique, il conviendrait mieux d’examiner à la fin de l’exercice de ‘refondation’ ce qu’il reste d’éléments communs à tous les pays concernés. Sur cette base nous pourrons évaluer si le maintien d’une seule politique, englobant les voisins du sud et de l’est, a encore un sens ».
D’autres institutions, comme l’Institut IEMed et l’European Council on Foreign Relations (ECFR) prônent deux politiques séparées pour l’Est et le Sud. Cette diversité se reflète aussi dans l’étendue géographique souhaitée pour cette politique. En effet, certains contributeurs soutiennent que celle-ci devrait inclure également des régions telles que l’Asie Central, le Moyen Orient, les pays du Golfe, le Sahel et la Corne de l’Afrique.
Une question épineuse dans le débat c’est l’opportunité de donner une perspective d’adhésion aux pays voisins. Ainsi, pour certains experts (comme EkaTkeshelashvili du GMF, Pasquale De Micco du think tank du Parlement Européen, ou G. Gromadzki et B. Stendhardt) l’Union devrait accorder une telle perspective à la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine une fois que les Accords d’Association en vigueur auront été mis en oeuvre. Tobias Schumacher (Egmont), lui, souligne l’importance de donner à ces pays un objectif ultime – qui n’est pas nécessairement celui de l’adhésion.
Concernant la relation de la nouvelle PEV avec la PESC et la PSDC, plusieurs auteurs (E. Landaburu, SenénFlorensa de l’Institut IEMed, Nick Witney et Susi Dennison de l’ECFR) plaident pour que le réexamen de la PEV soit fait en liaison avec celui de la Stratégie Européenne de Sécurité. En effet, selon ces experts, il est important que la PEV ait une approche plus politique et moins bureaucratique, et que la dichotomie actuelle entre les relations extérieures de l’UE et sa politique étrangère soit éliminée pour faire en sorte que la PEV soit une partie intégrante de la PESC.
Quant à la pertinence des instruments actuels, les contributions analysées présentent une variété de visions. Si d’un côté certains auteurs sont favorables au maintien d’une conditionnalité positive (E. Tkeshelashvili, S. Florensa) et négative (G. Gromadzki et B. Stendhardt, Suzana Carp et T. Schumacher de l’Institut Egmont), basée sur l’adhésion aux normes européennes (AlinaInayeh et Joerg Forbrig du GMF) et sur les critères de Copenhague, d’autres avertissent que la conditionnalité ne devrait pas avoir pour effet de bloquer de plus étroites relations (E. Landaburu). Pour M. Leigh, de son côté, le modèle entier de la politique d’élargissement, ainsi que les instruments des Accords de Libre Echange Complet et Approfondi, ne sont pas appropriés pour la PEV. En outre, souligne-t-il, les réformes en matière de droits de l’homme, État de droit et démocratie ne devraient pas être des conditions préalables pour travailler avec les voisins sur des sujets d’intérêt mutuel. M. Lehne, lui, affirme que l’UE devrait accepter qu’il existe des situations où les intérêts à la fois de l’UE et du pays partenaire requièrent un engagement plus fort quel que soit le niveau de réformes.
Enfin, la nécessité d’engager les voisins des voisins dans la nouvelle politique fait un large consensus parmi les experts, avec de rares exceptions. Concernant la Russie, une étude réalisée par P. De Micco pour le Parlement Européen souligne que, quelle que soit la forme de la nouvelle politique, des négociations commerciales entre l’UE et la Russie seront nécessaires et l’UE se doit de répondre aux préoccupations de la Russie. De même, d’autres auteurs mentionnent la nécessité d’ouvrir des discussions techniques avec l’Union Economique Eurasiatique (H. Kostanyan) et plus généralement d’impliquer Moscou dans un dialogue sur le voisinage commun (M. Leigh, S. Lehne, M. Foucher et G. Lepesant). Plus précisément, soulignent M. Foucher et G. Lepesant, il faut « convaincre les élites russes que la politique de voisinage ne participe en aucun cas d’une logique decontainment ». À cet égard, il est intéressant de noter qu’une étude de la Commission AFET parle de la politique de sanctions de l’UE vis-à-vis de la Russie comme d’un outil de containment de cette dernière. Pour E. Tkeshelashvili, l’implication d’un acteur ayant des intérêts géopolitiques concurrents aurait pour effet de lui donner un pouvoir de veto sur cette politique de l’UE.
En général, l’importance d’engager les autres voisins des voisins est amplement reconnue par les experts. A cet égard, S. Lehne mentionne la Turquie, la Russie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, mais aussi d’autres importants acteurs tels que les Etats-Unis et la Chine. M. Leigh, lui, parle de la Turquie, de l’Asie Centrale des pays du Golfe et des Etats-Unis.

4.3 La contribution du Groupe « Voisinages » de l’Université Saint-Louis

Pendant les derniers mois, EU-Logos Athéna a eu la possibilité de participer à un groupe de travail organisé par l’Institut d’Études Européennes de l’Université Saint-Louis, regroupant des experts de très haut profil tels que René Leray, Pierre Mirel, Olivier Kempf, Georges Estievenart et Jacques Keller-Noellet. La contribution remise par le groupe de travail a été énormément enrichie par les points de vue de ces experts, qui ont introduit dans le débat des idées parfois divergentes.
En général, deux options ont été identifiées pour le réexamen de la PEV : une réforme du cadre actuel ou une refonte plus radicale. Dans le premier cas, le cadre unitaire et le champ géographique seraient maintenus inchangés, et la réforme porterait plutôt sur les instruments de cette politique – par exemple, pendant les discussions, Pierre Mirel mettait en évidence que le modèle accords d’association/DFCTA n’est pas le modèle adéquat pour tous les voisins – et sur l’engagement des voisins des voisins.
Dans le deuxième cas, vers lequel la plupart des contributeurs semblent orientés, le champ du voisinage devrait être élargi à « tous les pays/acteurs politiques situés sur le pourtour de l’UE dont le comportement peut affecter, directement ou indirectement, ses intérêts essentiels et sa sécurité ». Par ailleurs, dans ce cas, la politique de voisinage devrait être reconduite dans le champ de la politique étrangère au sens large, pour « devenir une partie intégrante de la ‘grande stratégie’ de l’UE », tout en gardant sa spécificité. En effet, « qu’on le veuille ou non, les pays voisins restent d’abord et avant tout des pays étrangers à l’Union », et « il n’y a pas de différence de nature entre la politique de voisinage et la politique étrangère mais une différence d’intensité ».
Une telle conception de la politique de voisinage aurait d’importantes répercussions au plan pratique, à savoir la nécessité d’envisager un portage au niveau du Conseil Européen et une « refonte du dispositif actuel sous l’égide de la politique étrangère et de la politique de sécurité/défense, en parallèle avec la relance de cette dernière ». Ces deux conceptions différentes reflètent les diversités apparues pendant les débats du groupe de travail : si d’un côté, pour certains, il faudrait une véritable refonte (Georges Estievenart, René Leray) visant à clarifier les objectifs et à compléter cette politique, pour d’autres l’UE ne pourrait faire mieux que de la réformer (Pierre Mirel).
Enfin, la question d’une éventuelle perspective d’adhésion pour les voisins a fait l’objet de discussions animées au cours des réunions du groupe de travail, les points de vue des participants étant très différents. En effet, certains considéraient que l’élargissement ne serait pas la bonne solution ni pour l’UE ni pour l’Ukraine (Christine Dugoin-Clément et DmytroOstroushko), tandis que d’autres estimaient que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie devraient être intégrées dans une perspective d’élargissement (Georges Estievenart). En raison de ces divergences, la contribution finale se limite à plaider pour que les ambiguïtés qui affectent à présent la PEV soient éliminées.

5) Le voisinage de l’Est

Initié lors du Sommet de Prague de 2009 par l’initiative conjointe des ministres des Affaires étrangères suédois et polonais, le Partenariat oriental vise à « développer une politique plus cohérente et ciblée à l’Est ». [53]
Ce partenariat regroupe six pays de l’ex-URSS : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie (ou Bélarus), la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Selon le Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE), l’UE poursuit quatre objectifs à travers cette politique :

  • Une association politique : consolider l’État de droit, les institutions démocratiques et la société civile ;
  • Une intégration économique : préparer des accords de libre-échange approfondis et complets (ALEAC) ;
  • La mobilité : établir un régime sans visa ;
  • Le renforcement de la coopération énergétique et sectorielle.

Établis en fonction de l’affirmation de valeurs communes, ces objectifs doivent être défendus et renforcés dans tous les pays partenaires. Ils comprennent : le respect de la démocratie et de l’existence d’une législation juste ; le respect des droits de l’homme et des libertés ; l’engagement dans l’économie de marché. L’UE reste en étroites relations avec ces pays grâce à l’assemblée parlementaire EURONEST, réunie en totalité une fois par an et divisée en divers comités et groupes de travail bilatéraux qui se réunissent ponctuellement.
Sur la période 2014-2020, le financement par l’instrument européen de voisinage s’élèvera à 15,4 milliards d’euros, dont 741 à 906 millions à destination du voisinage Est. [54]

Partenariat oriental : les moments clés

Mai 2009 : Sommet de Prague, lancement du Partenariat oriental
Mai 2011 : mise en place de l’assemblée EURONEST
Septembre 2011 : Sommet de Varsovie
Novembre 2013 : Sommet de Vilnius, signature d’un accord d’association (AA) entre l’UE et la Moldavie et l’UE et la Géorgie
Juin 2014 : AA avec l’Ukraine
Septembre 2014 : ALEAC avec la Géorgie et la Moldavie
Mai 2015 : Sommet de Riga

5.1 L’Arménie [55]

L’Arménie, pays du Caucase indépendant de l’Union Soviétique depuis 1991, s’est ouverte sur l’Union européenne dès 1992. En 1996, elle signe un Accord de Partenariat et de Coopération (ACP) avec l’UE, recoupant dialogues politique, économique, culturel et d’investissement. Les relations s’intensifient dès 2006, avec l’établissement d’un plan d’action dans le cadre de la Politique Européenne de Voisinage, puis le Partenariat Oriental en 2009. En juillet 2013, elles prennent un tournant décisif, avec la finalisation des négociations relatives à l’Accord d’Association et l’Accord de Libre-Échange Approfondi et Complet (ALEAC). Néanmoins, suite à la décision de l’Arménie, en septembre 2013, de rejoindre l’Union Économique Eurasiatique (UEE) avec la Russie, la signature de l’accord a été annulée. L’Union Européenne a ainsi choisi de continuer sa coopération avec l’Arménie dans les domaines dits « compatibles » avec la participation de Yerevan à l’UEE et ses souhaits de coopération avec l’UE. Les avancées arméniennes dans le cadre du Partenariat oriental sont donc moindres, et les possibilités d’action et de coopération avec l’UE limitées.Cependant, le lancement de négociations, en décembre 2015, sur un approfondissement des relations bilatérales, exprime la volonté de donner un nouveau cadre bien défini aux relations UE-Arménie, et remplacera l’ACP de 1996.
À cela s’ajoutent les relations tendues de l’Arménie avec son voisin azéri, qui se résument principalement par l’existence d’un « conflit gelé » dans la région du Haut-Karabagh, portion du territoire de l’Azerbaïdjan qui a déclaré son indépendance sans toutefois être reconnue par la communauté internationale. L’Arménie y soutient les Arméniens du Haut-Karabagh, au détriment des intérêts de l’Azerbaïdjan.
La situation des relations arménienne avec l’UE et ses partenaires n’est donc pas des plus florissantes et connaît même un ralentissement ces dernières années, qui pose la question de l’acuité de sa position au sein du Partenariat oriental. Avec des relations très tendues avec l’un des autres partenaires et un clair désir de freiner son rapprochement avec l’UE, la position de Yerevan en termes de politique étrangère reste encore floue.

5.1.1 L’Arménie dans le Partenariat oriental

Puisque c’est la Russie qui a obtenu les faveurs du pays, il ne reste à l’UE qu’à bâtir sa coopération avec l’Arménie sur des domaines dits « d’intérêt mutuel », en concordance avec l’appartenance arménienne à l’UEE. Cependant, le pays continue de bénéficier de l’Instrument européen de voisinage (IEV), façon pour l’UE de continuer à encourager les progrès arméniens. Sur la période 2014-2017, ce sont entre 140 et 170 millions d’euros qui pourront être alloués à l’Arménie. [56]

L’avancée la plus notable, dans le cadre du partenariat, c’est la mise en place de l’accord de facilitation de visas et de réadmission, en janvier 2014, comme le souligne le rapport sur le Partenariat oriental de mars 2015. [57]
Elle doit se prolonger par des discussions sur la libéralisation des visas. Dans la même lignée, la signature d’un accord-cadre de participation aux programmes et agences européennes, en mars 2014, a permis d’assurer une coopération minimum entre l’UE et l’Arménie et le maintien de relations fortes entre les deux entités, malgré le choix russe de Yerevan. L’Arménie a pu prendre part au programme E-Twinning Plus qui vise au développement des écoles des pays partenaires dans des conditions optimales. Le travail sur un partenariat de mobilité se poursuit également, comme avec les autres pays du partenariat, concernant le renforcement de la capacité de gestion des migrations et les activités de réintégration.
Toujours dans le volet multilatéral du Partenariat oriental, l’Arménie s’est vue étendre l’accession au E5P (Eastern Europe EnergyEfficiency and Environment Partnership), qui lui permet de continuer à travailler sur sa politique énergétique et environnementale. L’aide européenne concernant la gestion des déchets s’inscrit également dans cette optique de développement énergétique durable. Cependant, l’Arménie doit, aux yeux de l’UE, mettre en place des plans d’action pour appliquer la Convention des Nations Unies relative à la pollution de l’air, ce qui n’est toujours pas le cas. L’efficacité énergétique arménienne n’est ainsi toujours pas satisfaisante et doit faire l’objet de mesures politiques radicales, notamment en termes de sécurité nucléaire.
Pour ce qui est du volet économique, même si quelques progrès macro-économiques ont été notés, particulièrement en matière de soutien à la compétitivité des PME, c’est surtout un ralentissement global de la croissance qui ressort. En effet, le ralentissement de l’économie russe mêlé à la baisse des échanges avec l’UE après l’entrée en vigueur de l’UEE n’ont pas contribué à stabiliser ni à renforcer l’économie arménienne. Pour autant, la demande arménienne d’un financement macro-économique a été refusée par l’UE car jugée comme inappropriée et ne rentrant pas dans le domaine d’action de l’Union.
Malgré le statut ambigu des relations entre l’Arménie et l’UE, dû à l’orientation russe de Yerevan, Bruxelles continue à demander au pays de faire des efforts dans des domaines cruciaux, efforts qui sont toujours attendus. Le développement régional et la coopération territoriale doivent être renforcés et, surtout, des réformes sur le plan politique et judiciaire doivent être prises. En effet, depuis le début du partenariat, peu d’avancées ont été notées sur la démocratie, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, malgré les rappels à l’ordre constants de l’UE. Le rôle du Parlement reste en effet bien trop limité, tout comme l’équilibre des pouvoirs, la protection des droits de l’homme et la liberté d’association. La tenue d’élections répondant aux standards internationaux n’a toujours pas eu lieu. Le référendum constitutionnel de décembre 2015, censé proposer un chapitre droits de l’Homme, contrôle des pouvoirs et droit des minorités, n’a pas été jugé transparent et laisse soupçonner des fraudes [58].
Le système judicaire est toujours corrompu et manque de fiabilité. La justice n’est ni indépendante, ni transparente. La Convention des Nations Unies contre la Torture n’est pas signée, et il n’existe aucune législation contre la discrimination, et ce malgré les mentions récurrentes par l’Union de toutes ces sources d’inquiétude.

 

5.1.2 Le Sommet de Riga : de nouvelles perspectives ?

En mai 2015, le Sommet du Partenariat oriental souligne la volonté continue de rechercher des domaines d’intérêts mutuels entre l’UE et l’Arménie, pour ne pas laisser s’éteindre le travail de coopération démarré dès la chute du bloc soviétique. C’est donc majoritairement la collaboration sur la facilitation de visas et de réadmission et la reconnaissance d’un travail positif sur l’efficacité énergétique et l’environnement qui sont saluées et rappelées. Néanmoins, pour que cette coopération ne s’arrête pas là, le Sommet de Riga est l’occasion pour l’UE de faire un pas de plus pour assurer la pérennité de ses liens avec l’Arménie. En effet, il y a été décidé que des négociations sur la possible association du pays au programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 devraient être lancées.
Malgré cela, la question du futur de la place de l’Arménie au sein du Partenariat oriental peut se poser. Même si le principe du more for more permet de distinguer les « bons» des «mauvais» élèves, les pressions extérieures et la question de l’impact réel des valeurs européennes sur le gouvernement arménien et l’amélioration de la situation politique, économique et civile dans le pays, posent toujours de réelles questions.

5.2 L’Azerbaïdjan [59]

L’Azerbaïdjan, pays du Caucase indépendant de l’Union Soviétique depuis 1991, a intensifié ses relations avec l’Union européenne en 1999, après la signature et l’entrée en vigueur de l’Accord de Partenariat et de Coopération. Les relations prennent une tournure plus officielle encore en 2004, après l’inclusion de l’Azerbaïdjan dans la Politique de Voisinage de l’UE, puis en 2009 avec le lancement du Partenariat oriental. Le plan d’action s’appuie principalement sur le renforcement des coopérations en matière d’État de droit, de démocratisation et de gouvernance économique.
Malgré les missions d’observation des élections, par le BIDDH et l’OSCE, les standards du droit international ne sont toujours pas atteints par l’Azerbaïdjan, et l’UE ne cesse de lancer des alertes au pays sur la situation des Droits de l’homme, sans réel succès encore. Outre la surveillance de la politique intérieure, l’UE a également nommé un Représentant Spécial pour le Caucase du Sud, dans le cadre du conflit gelé qui règne dans le Haut-Karabagh, entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il est, bien sûr, dans l’intérêt de l’Union que les relations tendues que Bakou entretient avec Yerevan ne viennent pas interférer dans le Partenariat oriental, et que celui-ci apporte, sinon la résolution du conflit, au moins une détente sensible. Au vu de ces problèmes intérieurs et extérieurs, la coopération entre l’UE et l’Azerbaïdjan se fait avant tout dans un cadre contractuel, encore réaffirmé dans la mise à jour de la Politique européenne de voisinage

5.2.1 L’Azerbaïdjan dans le Partenariat oriental

Depuis la fin 2014, le dialogue politique entre l’UE et l’Azerbaïdjan a ralenti, par volonté de Bakou, qui a commencé à repousser nombre de réunions sur le sujet. Par contre, le dialogue économique, notamment macro-économique, suit son cours, même si aucun accord de libre- échange ne peut être conclu entre les deux parties, tant que l’Azerbaïdjan n’a pas adhéré à l’OMC ni ne remplit les critères nécessaires à cette adhésion.
Le budget alloué sur la période 2014-2017, au titre de l’IEV, pour permettre à l’Azerbaïdjan de mettre en oeuvre réformes et nouveaux projets de développement, est de l’ordre de 77 à 94 millions d’euros, suivant les besoins et les progrès. [60]
Parmi les avancées azéries permises par le Partenariat oriental, les plus notables sont la signature d’un partenariat sur la facilitation de visas et la réadmission depuis septembre 2014, et la signature d’un accord-cadre de participation aux programmes de l’UE dans le domaine de la recherche et de l’éducation, en juin 2014, dont l’application est pour l’instant provisoire. L’Azerbaïdjan prend notamment part au projet E-Twinning Plus, qui permet de développer et améliorer l’enseignement scolaire et les conditions dans lesquelles il s’exerce, ainsi qu’à un programme régional de développement, qui permet de renforcer l’aspect multilatéral du partenariat.
Le rôle clé de l’Azerbaïdjan qui justifie sa position dans le Partenariat oriental se trouve ailleurs. C’est en effet le secteur de l’énergie qui est le moteur central, pour ne pas dire presque exclusif, de la coopération entre l’UE et Bakou. La priorité principale, c’est le projet de développer un gazoduc azéri qui ferait transiter vers l’UE jusqu’à 10 millions de mètres cubes gaziers par an, d’ici à 2020. [61]
Les discussions sont toujours en cours et concernent notamment le besoin d’une plus grande transparence côté azéri. [62] C’est donc une position en demi-teinte que l’Azerbaïdjan occupe dans le Partenariat oriental, avant tout orientée vers une stratégie énergétique plutôt que vers une coopération complète et intense dans tous les domaines.

5.2.2 Le Sommet de Riga : de nouvelles perspectives ?

Le quatrième sommet du Partenariat oriental a été l’occasion de faire le point sur la participation azérie. Le projet de lancement d’un programme de mobilité est toujours d’actualité, et la mission observatoire lancée en mai 2014 se poursuit. Les aides de l’UE et la coopération bilatérale ont permis à l’Azerbaïdjan de faire des progrès dans le développement macro- économique, notamment par la diversification de son économie. Des progrès en matière de transparence et de concurrence sont néanmoins toujours attendus de la part de Bakou, pour aller plus loin et peut-être enfin adhérer à l’OMC. C’est surtout le rôle majeur de l’Azerbaïdjan dans l’interconnexion énergétique, à travers le Partenariat oriental, qui est salué par l’UE et qui justifie majoritairement la coopération entamée.
Les tensions dans le Haut-Karabagh, entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, doivent s’atténuer, et même se résoudre au plus vite. La HR/VP Federica Mogherini salue le travail du Représentant spécial, mais les efforts de pacification doivent venir des deux parties en cause.
La situation globale du pays reste préoccupante et peu d’améliorations majeures dans le cadre du Partenariat ont pu être notées. La situation de la société civile, alors même que l’Azerbaïdjan a présidé le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, s’est encore dégradée. Les droits de l’homme, les libertés fondamentales et l’indépendance de la justice sont régulièrement bafoués. Le statut du dialogue bilatéral au sein du Partenariat s’est dégradé et raréfié et ne permet pas d’obtenir d’avancées significatives dans les domaines concernant les valeurs chères à l’UE.
Les recommandations faites à Bakou sont donc nombreuses, pour que les relations entre l’Azerbaïdjan et l’UE prennent toute leur ampleur, et que les objectifs du partenariat soient atteints, ou tout au moins réellement pris en compte. L’accent doit être mis sur le respect des droits et libertés fondamentaux, sur la mise en place d’un véritable État de droit, le respect de la démocratie et des droits de l’Homme. Les élections doivent respecter les standards du droit international de toute urgence. La société civile ne peut plus être muselée ni limitée dans ses actions. Les réformes judiciaires doivent se poursuivre, tout comme la lutte contre la corruption et la discrimination. Or, ce n’est pas en ignorant tout dialogue avec l’UE et en restreignant autant que possible les contacts et discussions autres que sur le domaine énergétique que ces progrès pourront se faire.
Le Partenariat oriental offre une possibilité d’amélioration tangible de la vie de la société azérie. Cependant, depuis 2009, il semble que les gouvernants laissent passer cette opportunité, au profit d’un intérêt économique et énergétique non négligeable, qui les place en position de force vis-à-vis d’une UE demandeuse de diversification énergétique. Reste à veiller à ce que cette sécurité énergétique ne se fasse pas aux dépens de la sécurité des populations azéries.

5.3 La Biélorussie

La Biélorussie est avant tout un partenaire stratégique de la Russie au vue de sa position géographique (à la frontière de la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et de l’Ukraine), mais aussi des relations politiques et économiques qui unissent les deux pays. La Biélorussie a en effet officiellement intégré l’Union économique eurasiatique (UEE) en 2014, initiative russe inspirée du modèle de l’Union européenne (UE). Bien sûr, il n’existe aucun texte officiel interdisant d’appartenir à la fois au Partenariat oriental et à l’UEE ; cependant, ce tournant vers Moscou entrave le dialogue que l’UE souhaite établir avec la Biélorussie, et intègre la Russie dans une sorte de triangle de négociations dont Bruxelles se serait bien passé.
Dirigée par la main de fer d’Alexandre Loukachenko, la Biélorussie voit souvent l’UE dénoncer des attaques régulières aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, par des arrestations arbitraires ou l’organisation d’élections truquées, comme lors des présidentielles de 2010 ou bien des législatives de 2012. Les présidentielles de 2015, malgré la surveillance de l’OSCE et du BIDDH, n’ont toujours pas répondu aux normes démocratiques internationales, selon les déclarations de la HR/VP Federica Mogherini. [63]
Face à cette situation politique instable et critiquée, la ratification de l’Accord de Partenariat et de Coopération est gelée depuis 1997, et c’est une politique de dialogue critique [64] qui s’est installée entre Bruxelles et Minsk. À cela vient s’ajouter une vague de mesures restrictives prises par l’UE, comprenant une interdiction de voyage et un gel des avoirs pour plusieurs personnalités et entreprises biélorusses. Peine de mort, chantage, musèlement de l’opposition et mise à mal de la société civile sont autant d’éléments contre lesquels l’UE s’insurge. Bruxelles souhaite voir ces problèmes réglés à travers un dialogue de modernisation du pays, remis au goût du jour et réaffirmé lors du Sommet de Riga en mai dernier. C’est notamment le rôle de médiateur du Président A. Loukachenko dans les accords de Minsk qui a permis la reprise d’un dialogue efficace entre l’UE et la Biélorussie, et a donné lieu à la levée de bon nombre des mesures restrictives prises au préalable.

5.3.1 La Biélorussie dans le Partenariat oriental

La participation de la Biélorussie au Partenariat Oriental, de 2009 jusqu’à aujourd’hui encore, est uniquement concentrée sur l’aspect multilatéral, ainsi que sur un dialogue concernant des domaines d’intérêts communs. L’un de ces domaines majeurs, c’est celui du dialogue sur les Droits de l’homme qui attend, depuis 2014, le passage au niveau supérieur : dépasser le cadre de la parole et s’incarner en termes de réformes. Pour ce faire, l’UE compte grandement sur la société civile (60 organisations sont actuellement parties à la plate-forme nationale de Biélorussie), qui reçoit la majorité du soutien financier de l’Union et constitue son interlocuteur majeur en Biélorussie.
Miser sur l’aspect multilatéral du Partenariat oriental est donc la manière la plus sûre et la plus concrète pour l’Union européenne de maintenir le contact avec la Biélorussie, la faire participer à sa politique de voisinage et rivaliser avec l’UEE. Malgré son interdiction de siéger à l’assemblée EURONEST, le pays a tout de même pu participer à des activités régionales comme la gestion intégrée des frontières selon les normes européennes ainsi que la participation à différentes réunions ministérielles dans le cadre du Partenariat oriental comme les sommets de Vilnius en novembre 2013 et Riga en mai 2015. Par la médiatisation de son action et son extension à des programmes tels que l’aide à l’éducation supérieure (Erasmus Mundus, Tempus), l’UE souhaite mettre en avant son activité auprès de la société civile et lui faire part de son soutien significatif.
Côté financement, l’Union européenne a établi une coopération via l’Instrument Européen de Voisinage (IEV) dans les secteurs d’intérêt commun : l’inclusion sociale, l’environnement et le développement économique local et régional. L’UE cherche, en premier lieu, à établir une coopération qui aura un impact visible et non négligeable sur la population, et qui mette en avant les autorités locales. Cette aide atteint entre 71 et 89 millions d’euros pour 2014-2017. [65] L’Union compte médiatiser ses actions, à travers la diplomatie européenne, pour rendre compte de son activité à la société civile, à l’opposition et aux acteurs agissant en faveur des droits de l’homme.
Par cette allocation, l’Union souhaite promouvoir la liberté de pensée, de conscience, de religion ; améliorer la protection des femmes, enfants et droits de l’Homme et, soutenir les organisations de la société civile (cette liste n’étant pas exhaustive). Avec le soutien de la Commission européenne, ce dialogue avec la société civile s’est concrétisé par des programmes comme « Clearing House » de l’ONG « Bureau pour le Belarus démocratique », réseau de diffusion des bonnes pratiques avec la société civile (coaching individuel pour les petits ONG, formations régionales).Le « Dialogue européen sur la modernisation » fait aussi figure d’exemple, depuis 2012, et prend la forme de discussions avec les organisations et la société civile sur les réformes pour moderniser la Biélorussie.

5.3.2 Le Sommet de Riga : de nouvelles perspectives

Le ministre des affaires étrangères letton, Edgars Rinkevics, au moment de la présidence tournante lettone du Conseil, avait annoncé que l’Union Européenne allait essayer « d’approfondir et élargir la coopération » avec la Biélorussie lors du sommet du Partenariat Oriental, « tout en sachant qu’il reste des problèmes, notamment la question des prisonniers politiques ». Dans le contexte de la révision de la Politique Européenne de Voisinage lancée en 2015, le Commissaire Hahn, a rencontré, le 9 mars 2015, la vice-ministre biélorusse des affaires étrangères Alena Kupchyna, qui lui a remis la contribution de Minsk. Preuve de l’envie de la Biélorussie de s’investir un peu plus dans ses relations avec Bruxelles.
De fait, lors du Sommet de Riga, en 2015, la reprise du dialogue entre l’UE et la Biélorussie a été soulignée, faisant état du besoin de reprendre le dialogue sur les Droits de l’homme. Un partenariat de mobilité a été mis en place, suite aux avancées dans les discussions de facilitation de visas et de réadmission. Le travail sur les réformes de l’enseignement supérieur a été souligné, mais reste encore insuffisant à ce jour pour atteindre les critères de Bologne. Quant à l’implication de la Biélorussie dans le domaine de la sécurité énergétique, elle a permis la signature d’un accord de coopération entre Minsk et Bruxelles.
Un pas en avant a été fait du côté biélorusse, reste à poursuivre les objectifs de Riga pour pouvoir affirmer une nette amélioration des relations biélorusso-européennes, et de la situation politique, économique et civile en Biélorussie.

5.4 La Géorgie [66]

La Géorgie, pays du Caucase indépendant de l’Union Soviétique depuis 1991, s’est ouverte sur l’Union européenne dès 1992. En 1999, elle signe un Accord de Partenariat et de Coopération (ACP) avec l’UE. Les relations s’intensifient dès 2003, et se sont poursuivies par un plan d’action PEV en 2006. Ce rapprochement avec l’UE n’a pas aidé à apaiser les tensions qui existent avec la Russie et certaines régions séparatistes géorgiennes. Sous la présidence de Mikheil Saakachvili (2004-2013), la Géorgie a clairement choisi de s’ouvrir à l’UE et résister à la pression russe. En 2008, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, deux régions du pays, ont été envahies par les forces russes ; pour soutenir la Géorgie après le conflit, toujours gelé à ce jour, l’Union y a déployé une mission de surveillance (EUMM). Malgré la volonté du président actuel, Guiorgui Margvelachvili, d’apaiser les tensions et de relancer les échanges avec Moscou, la situation avec les zones séparatistes reste tendue. La relation bilatérale entre l’UE et la Géorgie prend ainsi majoritairement la forme d’un dialogue politique intense.
Cependant, les relations extérieures ne sont pas la seule source d’échanges entre l’UE et la Géorgie. Le pays a notamment connu quelques problèmes de transparence des élections, qui ne s’avéraient pas suffisamment démocratiques ni être en conformité avec les standards internationaux. Les élections présidentielles et législatives de 2013 se sont passées sous la surveillance du BIDDH, et ont été jugées satisfaisantes par les observateurs. [67] Outre cela, la politisation des médias, trop au service du gouvernement, [68] et l’enjeu des droits de l’homme, notamment concernant l’égalité hommes-femmes et le respect des minorités restent des enjeux importants sur lesquels l’Union accompagne la Géorgie et souhaite voir des progrès. [69]
La ratification d’un Accord de Libre-Échange Approfondi et Complet (ALEAC) en juin 2014 puis d’un Accord d’Association (AA) en juillet 2014, a été soulignée par Herman Van Rompuy, alors président du Conseil européen, comme étant le signe que la Géorgie est maintenant un pays libre et démocratique, capable de faire ses propres choix sans subir de pressions extérieures. Ces deux accords viennent réaffirmer le dévouement aux valeurs européennes et le renforcement de la coopération notamment en matière politique, économique et environnementale avec Bruxelles. En somme, une claire expression de la volonté de ne pas céder au joug russe et de voir en l’UE une alternative désirable à travers le Partenariat oriental.

5.4.1 La Géorgie dans le Partenariat oriental

Les principaux objectifs de la coopération entre la Géorgie et l’UE sont le renforcement de l’intégration économique et l’approfondissement de la coopération politique ; le partenariat s’incarne à la fois sur le plan bilatéral et le plan multilatéral. Les actions menées évoluent au fil des programmes de l’Instrument Européen de Voisinage (IEV). Sur la période 2014-2017, la Géorgie devrait recevoir entre 335 et 410 millions d’euros au titre de l’IEV, [70] afin de l’aider dans l’avancement de ses réformes. Le rapport de 2015 sur le Partenariat oriental fait état des avancées et des défis qui restent à relever pour la Géorgie.
Le pays est l’un des modèles du Partenariat et, à ce titre, la Commission européenne a, en mai 2014, adopté un plan de soutien à la Géorgie d’un montant de 30 millions d’euros sur la base du more for more pour récompenser les progrès accomplis. Cette aide supplémentaire vise principalement la modernisation des institutions publiques liées à la mise en oeuvre de l’accord d’association, la compétitivité du pays et la protection des minorités et des groupes vulnérables.
En effet, l’économie géorgienne a retrouvé des couleurs, notamment grâce à l’aide reçue pour le développement et la compétitivité des PME. À cela s’ajoute une aide macro-financière de 46 millions d’euros, fin 2014, avant que le dialogue ne soit interrompu en 2015. Le travail sur l’efficacité énergétique témoigne également de cette amélioration : l’interconnexion électrique géorgienne avec la Turquie depuis 2014 et l’extension du plan E5P à la Géorgie permettent de continuer sur le chemin de l’efficacité énergétique et du développement durable. Quant aux négociations pour l’accession à la Communauté de l’Énergie, elles sont toujours en cours.
Le second domaine d’amélioration majeure concerne la politique. La coopération de la Géorgie à la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC), signée en novembre 2013, s’est concrétisée en 2014 : la Géorgie a participé à une première mission au Mali, dans le cadre de la mission EUTM, et a envoyé des troupes en Centre-Afrique, devenant le deuxième pourvoyeur de troupes sur place. Toujours en lien avec la politique extérieure de l’UE, la première étape du plan de libéralisation des visas s’est terminée en 2014 et la seconde a démarré fin 2014, pour se poursuivre en 2015. Cela a été l’occasion pour la Géorgie de continuer ses réformes sur la sécurité, l’asile, la protection des données et la lutte contre la discrimination.
Des points cruciaux restent néanmoins à améliorer, comme le souligne le rapport de 2015. Les droits de l’homme et la discrimination continuent notamment de faire l’objet de dialogues ainsi que la réforme du système judiciaire. Afin de poursuivre ses efforts, Tbilissi est invité, dans le rapport conjoint des institutions européennes sur la Géorgie, à garantir la séparation des pouvoirs et à établir un système de contrôle et d’équilibre entre ces derniers. La réforme constitutionnelle et le renforcement du rôle du Parlement sont néanmoins salués par l’Union, qui y voit là un signe d’évolution positive. L’Union conseille cependant vivement de réformer le système judiciaire pour assurer son indépendance et rapprocher les pratiques de la justice des standards du Conseil de l’Europe. La Géorgie doit assurer des poursuites pénales transparentes et impartiales, dénuées de toute motivation politique, s’assurer que les activités de poursuites soient effectuées selon les règles d’indépendance et de transparence et éviter les partis pris politiques.
La gestion de l’immigration et la gestion des frontières doivent encore être améliorées, et des efforts doivent être fait en matière de développement régional, notamment avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan. C’est non seulement une manière pour l’UE de contribuer à insuffler une dynamique de développement aux pays, mais également de s’assurer de la stabilité régionale et de la fidélité de partenaires comme l’Azerbaïdjan. Des programmes conjoints en faveur de la jeunesse doivent également être appuyés, notamment via le programme E-Twinning Plus, qui recoupe des initiatives conjointes de l’UE et des pays partenaires [71].
Enfin, mention est faite du besoin d’impliquer toujours plus la société civile, comme acteur majeur, dans le cadre multilatéral du partenariat. C’est en effet par son implication que les rapports peuvent évoluer et s’intensifier. Ses possibilités de dialogue avec le gouvernement, en Géorgie, n’ont pourtant eu de cesse de se réduire, même en 2015.

5.4.2 Le Sommet de Riga : de nouvelles perspectives ?

Le quatrième Sommet du Partenariat oriental de mai 2015 a mis en exergue les avancées notables de la Géorgie au sein du Partenariat. Cela a été l’occasion de mettre en avant les progrès réalisés et de laisser la porte ouverte à une relation toujours plus riche pour Tbilissi comme pour Bruxelles. La signature de l’ALEAC a permis d’intensifier les échanges sur de nombreux points, et le soutien financier de l’UE a donné à la Géorgie la possibilité d’observer des avancées notables dans les réformes économique et institutionnelle.
La Géorgie a su s’imposer comme acteur énergétique clé, grâce à son rôle dans les interconnections, et le Sommet a permis d’insister sur l’importance du travail sur l’efficacité énergétique et l’environnement. La progression des négociations pour l’accession géorgienne à la Communauté de l’énergie apparaît comme une opportunité réelle, et signe peut-être là son rôle d’acteur clé dans la politique énergétique au sein du partenariat.
Riga a, enfin, été l’occasion d’affirmer la mise en place d’un partenariat de mobilité, grâce aux avancées dans le plan de libéralisation des visas en Géorgie, et l’attente de la mise en place de l’accord-cadre de participation. Les progrès réalisés dans les négociations en matière de libéralisation de visas sont tels que, en 2016, les visas ne seront plus nécessaires pour les Géorgiens en possession d’un passeport biométrique [72]. Dans la même lignée, le Sommet a permis d’envisager l’association de la Géorgie au programme de recherche et d’innovation Horizon 2020, et de commencer à envisager des négociations.
Le Sommet du Partenariat oriental a ainsi rappelé l’implication de la Géorgie au sein du partenariat et a reconnu les avancées majeures observées. Ça a été l’occasion pour l’UE de réaffirmer son engagement auprès du pays et de lui proposer une coopération toujours plus étroite. Idéal pour s’assurer des relations positives avec ses voisins, quand un sentiment de lassitude commence à poindre chez des citoyens géorgiens qui ne voient pas toujours les raisons de tant de réformes et d’efforts, si ce n’est pas l’adhésion à l’UE.

5.5. La Moldavie [73]

La République de Moldavie (ci-après abrégée « Moldavie »), pays d’Europe orientale indépendant de l’Union soviétique depuis 1991, s’est notablement ouverte sur l’Union européenne avec la signature d’un Accord de Partenariat et de Coopération en 1997. La relation profite d’une dynamique positive et, dès l’année suivante, des négociations sur l’établissement d’une zone de libre-échange sont lancées. Le plan d’action dans le cadre de la Politique européenne de voisinage (PEV) se concrétise en 2005, et, en 2008, un accord de facilitation de délivrance des visas et un accord de réadmission avec l’Union Européenne, ainsi qu’un Partenariat pour la Mobilité, sont signés. De ce fait, les citoyens moldaves peuvent se rendre dans l’espace européen sans besoin de visas pour les possesseurs de passeports biométriques. Signataire du Traité de la Communauté de l’Énergie, la Moldavie est également membre de la Communauté de l’Énergie depuis 2010 et des discussions sont en cours, concernant un plan d’intégration énergétique complète.
Tous ces efforts de rapprochements avec l’Union européenne n’ont pas plu à Moscou, qui possède toujours un bastion de soutien dans le pays, et ne voit pas d’un bon oeil l’éloignement de Chisinau. L’Accord d’Association (AA) signé par la Moldavie avec Bruxelles, en 2014, a entraîné la prise de mesures restrictives par la Russie concernant les importations moldaves. Les élections locales de juin 2015 ont vu le camp pro-russe observer une percée fulgurante et presque menacer la victoire de la coalition pro-européenne. Cette relation compliquée avec la Russie trouve son apogée dans le conflit gelé en Transnistrie. Cette partie orientale de la Moldavie s’est autoproclamée indépendante et souhaitait être rattachée à la Fédération de Russie. Bien que cette dernière ait refusé de reconnaître le territoire, elle soutient économiquement et militairement la Transnistrie et ne contribue en rien à aider la Moldavie à résoudre ce conflit. Vient s’ajouter, depuis les événements en Crimée, la peur de voir ressurgir encore plus de tensions en Transnistrie et avec la Russie. Une occasion pour l’Union européenne d’affirmer son soutien à l’un des pays partenaires les plus impliqués dans la coopération.
En novembre 2015, l’UE a réaffirmé son aide à l’Ukraine et la Moldavie dans les opérations de coopération frontalière et de surveillance des frontières, à travers le programme EUBAM, [74] étendu pour 24 mois supplémentaires. Si cette coopération vise avant tout à développer la coopération transfrontalière entre la Moldavie et l’Ukraine, concernant les droits de douane et autres problèmes fiscaux, cela permet aussi à l’UE d’être présente dans deux pays qui connaissent des problèmes de frontières avec un pays tiers.

5.5.1 La Moldavie dans le Partenariat oriental

La Moldavie est, avec la Géorgie, l’un des pays les plus avancés dans le cadre du Partenariat oriental. À ce titre, le soutien financier de l’UE vient saluer l’implication et encourager la prise de nouvelles réformes et faciliter leur mise en place. Sur la période 2014-2017, le budget de l’IEV alloué à la Moldavie s’élève entre 335 et 410 millions d’euros, [75] comme pour la Géorgie, auxquels 30 millions d’euros supplémentaires viennent s’ajouter. Témoin du principe du more for more mis en place par l’UE, cette somme représente le soutien de l’UE sur les avancées des réformes économiques et institutionnelles déjà observées en Moldavie.
L’année 2014 a été clé pour la position moldave au sein du Partenariat oriental. L’Accord d’Association et l’Accord de Libre-Échange Approfondi et Complet (AA/ALEAC) ont été signés en 2014, avec une attention particulière portée à la situation des PME moldaves, qui doivent recevoir de l’aide pour développer notamment la compétitivité, ainsi qu’à l’agriculture, qui doit être capable de s’intégrer à l’économie européenne et soutenir la compétition des autres marchés. Cela passe par un travail de standardisation, démarré en 2014 et toujours en cours. La volonté européenne de dynamiser les échanges concernant les produits agricoles moldaves est un moyen de contrebalancer les sanctions russes qui pèsent sur l’économie de Chisinau. Quant aux PME, un accord de participation au programme de compétitivité pour les entreprises et les PME a vu le jour en 2014, et renforce l’implication de la Moldavie dans la modernisation de son économie vers une économie de marché. La première réunion du Comité de l’Association Parlementaire UE-Moldavie s’est tenue en septembre 2015 à Bruxelles et a fixé les objectifs de cet AA pour qu’il puisse servir au mieux la Moldavie. [76] La prochaine réunion est prévue au printemps 2016, en Moldavie.
Ce pas vers l’économie de marché s’incarne aussi par la signature d’accords bilatéraux concernant le marché du travail avec les États-membres de l’UE. Un partenariat avec l’Allemagne, traitant de la mobilité des professionnels de santé, illustre parfaitement cette volonté européenne de mettre en avant et soutenir sa coopération avec la Moldavie. De même, la mise en place d’une interconnexion gazière entre la Moldavie et la Roumanie, [77] entre 2015 et 2017, renforce l‘intégration moldave au sein du marché européen. L’E5P a d’ailleurs été étendu au pays en 2014, et de nouveaux projets de gazoducs pour le développement régional sont en cours de discussion.
Le renforcement de coopération s’incarne aussi sur d’autres plans. Sur le plan extérieur, Chisinau fait en effet partie de la mission EUTM au Mali, aux côtés de l’UE et de la Géorgie. Sur le plan multilatéral, la Moldavie a signé en 2014 un accord-cadre de participation aux programmes et agences de l’UE. Depuis juin 2014, elle est associée au projet recherche et innovation Horizon 2020. Les écoles moldaves prennent aussi part au projet E-Twinning Plus, qui aide la Moldavie à moderniser et développer son processus éducatif, qui a encore besoin de réformes, malgré les progrès déjà entamés.
Il reste effectivement encore du chemin à parcourir pour la Moldavie. Les années 2014 et 2015 ont marqué un ralentissement des progrès concernant la démocratie, le respect des droits et libertés fondamentaux. Le travail sur l’intégration des minorités, comme les Roms, doit se poursuivre. La transparence des médias et leur pluralisme préoccupent toujours l’Union européenne, malgré une liberté observée plus grande que dans le reste de la région. Les conditions d’expression et d’existence de la société civile ne reculent pas, mais cette dernière ne reste pas assez impliquée ni consultée. Une certaine stagnation est également ressentie dans les négociations avec les régions indépendantistes, et ce malgré le soutien de l’UE.
Concernant le domaine économique, la croissance moldave connaît un ralentissement depuis 2014. Le secteur financier est très peu stable, et le refus d’un nouvel accord avec le FMI de la part du gouvernement moldave, depuis la fin du précédent plan d’aide, ne permet pas de prendre le problème en main, ni de voir une amélioration concrète.
Quant aux réformes judiciaires et administratives, elles connaissent aussi une stagnation qui vient légèrement contraster avec la dynamique passée de Chisinau dans la mise en place de réformes. En effet, le système judiciaire reste encore très largement corrompu et le blanchiment d’argent n’est pas vraiment condamné. La décentralisation fiscale et celle de l’administration publique restent insuffisantes pour apporter un dynamisme global sur le territoire, les différents pouvoirs se concentrant à Chisinau. [78]

5.5.2 Le Sommet de Riga : de nouvelles perspectives ?

Le quatrième Sommet du Partenariat oriental de mai 2015 a de nouveau été l’occasion de saluer le dynamisme et l’implication, dès les premières heures, de la Moldavie au sein du Partenariat oriental. Le travail fourni par Chisinau a bien entendu été apprécié, notamment dans le domaine de l’efficacité énergétique et de l’environnement, et Riga a été l’occasion de rappeler les points essentiels sur lesquels se concentrer.
La baisse de la croissance et de l’activité économique ne favorise certes pas l’observation d’améliorations à un rythme soutenu. Cependant, c’est l’atmosphère générale qui renforce cette impression de ralentissement de l’implication moldave dans le partenariat. Les résultats électoraux, la contestation des leaders pro-européens qui se fait peu à peu sentir et le ravivement des positions pro-russes sont un signal à prendre en compte au-delà de la simple recherche d’atteinte d’objectifs.
Certes, la Moldavie est un partenaire exemplaire et déterminé, mais la population commence à se lasser des efforts continus demandés par l’UE. Malgré l’investissement de l’UE dans sa relation avec Chisinau, les objectifs finaux du Partenariat oriental restent trop flous pour la société civile et les citoyens en général. La réponse de Bruxelles face à cette lassitude a été d’ouvrir un dialogue d’information qui touche la plus grande partie des couches de la population moldave.

5.6 L’Ukraine [79]

Ancien pays de l’URSS, l’Ukraine a entamé, dès 1998, une coopération avec l’Union européenne à travers un Accord de Partenariat et de Coopération, qui s’est prolongé par la participation au Partenariat oriental dès 2009. Pays partenaire stratégique pour l’UE et la Russie, l’Ukraine observe une position difficile, et son rapprochement avec l’UE dans le cadre du Partenariat oriental n’a pas manqué d’irriter Moscou. La situation actuelle, depuis 2013, illustre la complexité de cette situation.
En novembre 2013, le président ukrainien de l’époque, Viktor Ianoukovitch, refuse de signer l’Accord d’Association avec Bruxelles, dans le but de se rapprocher de Moscou. Les Ukrainiens se révoltent alors : ce sont les événements d’Euromaïdan, qui signent le départ d’une escalade de la violence. Février 2014 voit la fuite de Ianoukovitch et le début des tensions en Crimée entre pro-Russes et anti-Russes, qui se solde en mars par un référendum au cours duquel 96,7% des suffrages criméens souhaitent le rattachement à la Russie, signé par Poutine, ce qui déclenche des sanctions de la part de l’UE. En parallèle, Kiev et Bruxelles signent enfin l’Accord d’Association (AA). Afin de ne pas trop bousculer la situation ukrainienne, l’application provisoire de l’Accord de Libre-Échange Approfondi et Complet a été retardée au 1er janvier 2016. La France et l’Allemagne jouent un véritable rôle de médiateurs au sein du fameux format Normandie (France, Allemagne, Ukraine et Russie), dans les discussions de résolution du conflit. Les deux accords successifs dits Minsk et Minsk 2, censés répertorier les conditions sine qua non pour l’apaisement, et même la fin, de ce conflit, ne sont toujours pas pleinement appliqués, et ce malgré tant de déplacements intérieurs auxquels l’Ukraine a aujourd’hui du mal à apporter l’aide humanitaire nécessaire.
L’Union européenne, à travers le Parlement, la Commission et la HR/VP Federica Mogherini, met en place des moyens renforcés pour venir en aide à l’Ukraine. Pour la période 2014-2020, ce sont au total 11 milliards d’euros que la Commission accorde à l’Ukraine, auxquels s’ajoutent 1,8 milliards additionnels d’aide macro-financière, [80] ainsi qu’une aide humanitaire décidée par le Commissaire Christos Stylianides. Suite à la signature de l’AA, le Parlement européen et la Rada interagissent dans le cadre d’une coopération interparlementaire supervisée par la commission parlementaire d’association UE-Ukraine. Quant à la HR/VP Federica Mogherini, elle se rend régulièrement à Minsk et reçoit les représentants ukrainiens afin de mener à bien les discussions concernant la situation à l’Est. Lors du second sommet de l’association UE-Ukraine, en décembre 2015, elle a d’ailleurs souligné que la situation des droits de l’Homme en Crimée est désastreuse, et que les accords de Minsk se doivent d’être au plus vite appliqués par chaque partie à l’Est. [81] La mission de surveillance de l’OSCE rapporte régulièrement des violations de l’accord de Minsk et la persistance de violences dans les zones de conflit. [82]

5.6.1 L’Ukraine dans le Partenariat oriental

La base de la relation entre l’UE et l’Ukraine, au sein du Partenariat oriental, concerne l’association politique et l’intégration économique. Cependant, depuis le début de la crise avec la Russie, c’est surtout le contexte qui dicte l’orientation des relations entre l’UE et l’Ukraine.
Il existe bel et bien des progrès non négligeables de la part de l’Ukraine, dans le cadre de la PEV. Le pays a en effet opéré des avancées en termes de démocratie, de droits de l’Homme et de libertés fondamentales, malgré le conflit intérieur. Les élections présidentielles et législatives de 2014 se sont très largement déroulées en accord avec les standards internationaux, grâce à l’amélioration de la législation électorale ; d’importantes réformes sont cependant toujours attendues. Le pays doit aller encore plus loin en termes de lutte contre la corruption et contre les mauvais traitements lors d’arrestations policières. L’Ukraine a adopté une législation pour lutter contre la discrimination, qui doit maintenant s’appliquer concrètement. La liberté des médias, d’expression et d’assemblée ont aussi connu une amélioration non négligeable et saluée par l’Union européenne. La société civile prend une place de plus en plus importante, même sur le plan du dialogue avec les gouvernements locaux. Quant au régime de libéralisation des visas, en discussion déjà avant le confit, la Commission européenne a annoncé, en décembre 2015, que l’Ukraine remplissait tous les critères nécessaires pour sa mise en place. La levée des visas pour les Ukrainiens en possession d’un passeport biométrique devrait ainsi être mise en place début 2016. [83]
La situation en Crimée, au contraire, reste pour le moins préoccupante et ne suit pas du tout la même logique. Les droits de l’Homme se détériorent, les libertés fondamentales ne sont pas garanties, les droits des femmes et des enfants sont sans cesse
menacés. Néanmoins, l’UE a réaffirmé son soutien à Kiev et la félicite pour sa recherche d’une solution politique durable au conflit, ainsi que pour ses efforts continus de réformes et son implication au sein du Partenariat oriental. À ce titre, grâce au principe du « more for more » mis en place par l’UE en 2014, l’Ukraine a reçu des fonds additionnels d’une hauteur de 40 millions d’euros, en guise d’encouragement dans la poursuite des efforts. Dans la dimension multilatérale du Partenariat oriental, l’Ukraine a notamment signé un accord-cadre de participation aux programmes et agences de l’Union, à un programme de coopération territoriale avec ses voisins, ainsi qu’au programme scolaire E-Twinning Plus et, depuis mars 2015, au programme européen de recherche et innovation Horizon 2020. Elle s’avère jouer un rôle moteur dans la promotion du rôle stratégique de la culture au sein du Partenariat et dans les relations qu’entretiennent les partenaires avec l’UE. À cela s’ajoute, sur le plan de la défense, la participation à l’opération Atalanta en Somalie, au côté de l’UE.
Cette grande implication ukrainienne dans les réformes, malgré la situation interne, a été saluée par la HR/VP lors du Deuxième Sommet de l’Association UE-Ukraine. Elle n’en a pas moins souligné les réformes à mettre en oeuvre prioritairement, à savoir : la Constitution, la lutte contre la corruption, le système judiciaire, l’administration publique, la législation électorale, la décentralisation, la sécurité des civils, l’énergie, l’entreprise et les finances publiques. Kiev doit également mener une enquête indépendante sur les actes de violence durant les manifestations civiles entre novembre 2013 et février 2014 et à Odessa en mai 2014, ainsi qu’enquêter de manière transparente et indépendante sur les crimes commis dans les zones de conflit.
Malgré tous ces éléments positifs, des zones d’ombres subsistent dans la participation ukrainienne au programme de politique européenne de voisinage. L’un des éléments les plus préoccupants, c’est la situation macro-économique de l’Ukraine, désastreuse, en grande partie à cause de la situation dans les régions indépendantistes, ce qui a miné l’économie de Kiev. L’aide du FMI, prévue depuis le début de l’année 2015 et qui doit s’élever à 17,5 milliards d’euros, n’a toujours pas été débloquée. En effet, l’Ukraine est en défaut de paiement face à la Russie. Or, cette configuration interdit, selon les principes du FMI, toute possibilité de recevoir de l’aide de l’organisation. Face à l’impasse et à la complexité de la situation, le FMI a décidé, en décembre 2015, de lever cette condition afin de pouvoir faciliter l’accès ukrainien à l’aide. Le vote, fin décembre 2015, d’un budget très serré pour 2016 par le Parlement ukrainien devrait achever de rendre le pays éligible à la réception de l’aide. L’UE, de son côté, continue de débloquer des plans d’assistance macro-financière pour soutenir l’Ukraine. Au total, ce sont 40 milliards d’euros qui sont prévus, pour, sinon remettre le pays à flots, au moins lui maintenir la tête hors de l’eau.
L’énergie est elle aussi au coeur du problème ukrainien. Si le rapport sur le Partenariat oriental, avant la refonte de la PEV, souligne un travail positif sur l’efficacité énergétique et l’environnement, des progrès du secteur énergétique ainsi qu’un plan d’intégration énergétique complète pour Ukraine, les tensions avec la Russie pèsent grandement sur ce secteur. Les conflits gaziers sont légions, notamment lors de la période de l’approvisionnement hivernal. En novembre 2015, encore, la Russie a cessé de livrer l’Ukraine en gaz alors qu’un accord avait été trouvé, après le conflit du printemps 2015 (Kiev doit payer d’avance), et les livraisons avaient repris en octobre. Cela n’est pas uniquement un problème pour l’Ukraine. Bien sûr, sa dépendance à la Russie en matière énergétique l’affaiblit. Mais à travers cela, c’est aussi l’UE qui se trouve touchée, car 60% de ses importations russes passent par l’Ukraine. La crise ukrainienne dépasse donc les frontières du pays.

5.6.2 Le Sommet de Riga : de nouvelles perspectives ?

La crise ukrainienne a bien entendu occupé une grande place dans les discussions qui se sont tenues lors du quatrième Sommet du Partenariat oriental. Bruxelles a évidemment salué les avancées ukrainiennes en termes de réformes, et ce malgré une situation intérieure des plus instables depuis deux ans.
Le président ukrainien élu en 2014, Petro Porochenko, possède toute la légitimité pour rétablir la confiance des Ukrainiens, établir un dialogue avec les citoyens de l’Est et préserver l’unité du pays. Il a d’ailleurs entamé un dialogue – difficile – de stabilisation avec la Russie. Les partenaires européens n’ont aucun doute quant à la difficulté de sa tâche, mais ne donnent pourtant pas suite aux demandes d’aide militaire concrète, faites devant le Parlement européen ou devant des représentants, à plusieurs reprises, par le Président Porochenko. L’autre élément, sinon flou, au moins tendancieux, concerne le futur réel de la relation entre l’UE et l’Ukraine, en terme de partenariat. En effet, l’Ukraine ne cache pas son intérêt pour rejoindre complètement l’Union européenne, comme les mouvements de Maïdan l’ont laissé entendre lors des événements de fin 2013 et début 2014. Petro Porochenko a lui-même annoncé une volonté d’intégration européenne pour son pays. Si l’UE a longtemps laissé planer le doute, 2015 a néanmoins été marqué par l’affirmation que, pour lors, l’objectif du Partenariat oriental pour l’Ukraine n’était pas l’intégration mais le rapprochement, l’intensification et l’égalisation des relations.
La décision de retarder l’ALEAC, confirmée lors du Sommet de Riga, visait à apaiser les tensions prédominantes avec la Russie, qui voyait là une menace pour son propre marché mais aussi pour son projet d’Union économique eurasiatique, dans laquelle l’Ukraine aurait eu un rôle pilier. Déjà, donc, avant l’annexion de la Crimée et l’insurrection de Maïdan, le problème du statut concurrentiel d’une possible ratification de l’ALEAC par rapport à l’Union Douanière russe se faisait sentir, et certains politologues, comme Florent Parmentier, avançait l’idée de dépolitiser l’enjeu du libre-échange, en envisageant une zone de libre-échange entre l’UE, l’Ukraine et l’Union Douanière. [84] Cela n’a pas été le choix de l’UE, qui a lancé une commission d’analyse pour s’assurer que la signature de l’ALEAC par l’Ukraine ne lèserait en aucun cas la Russie. Les conclusions, rendues en décembre 2015, font état d’aucun conflit et confirment ainsi la mise en place de l’accord entre l’Ukraine et l’UE au début de l’année 2016. [85]
L’Ukraine, malgré les difficultés qu’elle rencontre, montre force et détermination pour faire figure de bonne élève au sein du Partenariat oriental. La longueur du conflit à l’est et la persistance des tensions avec la Russie ne rendent cependant pas la chose facile. L’année 2016 commence sous le signe de la rigueur pour le peuple ukrainien, qui la subit depuis déjà au moins deux ans. Si les retombées promises, ou espérées, se font trop longues ou trop rares, la lassitude risque de s’installer, et la fibre européenne ukrainienne risque de s’atténuer, pour laisser place à l’incertitude, dans un pays déjà peu stable.

6) Le voisinage du Sud

Dès 1995, l’Union européenne s’est ouverte à ses voisins méditerranéens à travers le Processus de Barcelone. Depuis lors, ce sont les mêmes pays qui font partie du partenariat Sud de la Politique européenne de voisinage : l’Algérie, l’Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine, la Syrie et la Tunisie. En 2008, afin de redynamiser le Processus de Barcelone, l’UE, sous l’impulsion du président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, crée l’Union pour la Méditerranée (UpM). L’UpM donne ainsi un nouveau cadre de coopération régionale élargi pour tous les partenaires du Sud. [86] Le but de ce partenariat, c’est :

  • La promotion de l’intégration économique ;
  • La transition démocratique dans les pays du voisinage Sud de l’Union européenne, notamment les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Au fil des années, les programmes ont évolué pour s’ouvrir à des domaines comme l’économie, l’environnement, l’énergie, la santé, la migration et la culture.
Les différentes vagues de révolutions dans la région, plus ou moins menées à bien, en 2011, ont poussé l’UE à repenser certains aspects de sa PEV au Sud. La priorité est maintenant donnée, dans la plupart des pays, à la transition démocratique, à l’État de droit et aux réformes politiques. La démocratie et la justice sociale doivent être motivées par des réformes concernant les libertés publiques telles que la liberté d’expression et d’association, et ainsi favoriser la création d’ONG et l’établissement d’un dialogue interculturel. La société civile occupe également une place primordiale dans la coopération de ces pays avec l’UE, et doit participer à part entière à la gouvernance dans les pays du Sud.
Sur la période 2014-2020, l’Instrument européen de voisinage (IEV) s’élève entre 674 et 842 millions d’euros. La diversité des profils des partenaires, les situations intérieures instables et les circonstances extérieures complexes rendent l’application de la PEV difficile, mais l’UE n’en perd pas moins la volonté de maintenir ses relations au Sud, et de continuer à accompagner ses partenaires dans l’amélioration de la vie des citoyens méditerranéens.

6.1 L’Algérie

Pays du Maghreb, les relations entre l’Algérie et l’Europe ont commencé très tôt, dès les années 1960 et l’indépendance du pays. En 2002, les négociations pour un Accord d’Association (AA) commencent, et celui-ci entre finalement en vigueur en 2005. Son processus d’évaluation formel doit avoir lieu en janvier 2016, et une zone de libre-échange entre l’UE et l’Algérie devrait voir le jour en 2020. Depuis 2005, les relations entre Bruxelles et Alger se concentrent sur les réformes démocratiques, la modernisation de l’économie, le commerce et les questions de migration. Depuis 2013, cependant, aucun plan d’action au titre de la PEV n’a été approuvé par l’Algérie. Cela signifie qu’aucun programme de réformes politiques ou économiques à court et moyen termes n’a été défini.
Le président Abdelaziz Bouteflika a entamé son quatrième mandat consécutif en 2014, malgré les protestations de l’opposition et la tenue d’élections pas vraiment conformes aux standards internationaux, selon la mission d’observation électorale de l’UE. Les réformes constitutionnelles tardent ainsi à venir, tout comme les réformes politiques et électorales. La liberté d’association ne répond pas aux normes internationales et, depuis 2012, restreint la coopération internationale et prévoit le réenregistrement de toutes les associations. Cette décision rend difficile l’obtention d’agrément pour bon nombre d’ONG internationales. L’indépendance du système judiciaire et la liberté d’expression ne font pas non plus preuve d’améliorations tangibles – les arrestations multiples et arbitraires, en janvier 2015, d’acteurs de la société civile, viennent corréler ces éléments. L’UE n’abandonne pas pour autant les valeurs qu’elle défend à travers la PEV, et a d’ailleurs rappelé l’Algérie à l’ordre sur l’incarcération de militants des droits de l’homme et des travailleurs en Algérie,en avril 2015 [87].
Malgré des dialogues peu intenses, le pays doit recevoir de l’IEV, pour la période 2014-2017, 148 millions d’euros, pour faire des réformes concernant le marché du travail, la réforme de la justice et pour diversifier son économie. En effet, cette dernière repose essentiellement sur les hydrocarbures, malgré le travail sur l’amélioration des services lancé dans le cadre du programme SIGMA. Le gaz algérien représente la possibilité pour l’UE d’avoir un fournisseur fiable, qui lui permette de ne pas totalement dépendre de la Russie. C’est l’une des raisons pour lesquelles la coopération en matière énergétique est l’une des plus efficaces entre les deux partenaires : au début de l’année 2016, l’UE a affirmé soutenir la stratégie algérienne pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique88. Malgré la signature d’un accord commercial préférentiel avec la Tunisie en mars 2014, l’Algérie retombe dans les travers protectionnistes dans l’espoir de redynamiser sa croissance et son économie.
Enfin, face à la situation actuelle au Moyen-Orient, l’UE est en train de négocier avec l’Algérie un mémorandum sur la compréhension de l’antiterrorisme. Le député européen Charles Tannock a appelé à l’assouplissement des relations UE-Algérie, car cette dernière a un rôle à jouer dans la stabilisation de la région, sur le thème de la sécurité et de la migration [89]. Les relations en 2016 devraient donc plus s’axer sur une coopération concernant la sécurité, la lutte contre le trafic humain et la criminalité organisée transnationale, ainsi que, bien sûr, le domaine énergétique. Peut-être est-ce là l’occasion de trouver un nouveau dynamisme à cette coopération.

6.2 L’Égypte [90]

Pays du sud-est de la Méditerranée, l’Égypte faisait figure de première économie de la région jusqu’à ce qu’elle connaisse un bouleversement intérieur violent et profond, en 2011. Dans la lignée de ce qui a été nommé « Printemps Arabes », le peuple égyptien a exprimé son mécontentement vis-à-vis de ses dirigeants et s’est révolté, suivant l’exemple de la Tunisie. Depuis, les relations entre l’UE et Le Caire sont très compliquées, et bon nombre de projets, coopérations et partenariats sont pour lors en suspens. L’Égypte fait face à des attentats régulièrement, dans le nord du Sinaï mais aussi à l’intérieur du pays, qui viennent ajouter à l’instabilité et au climat peu favorable à la prise de réformes réelles.
Les relations diplomatiques entre Bruxelles et Le Caire ont démarré en 1966. Les aides financières de l’UE et l’importance des échanges commerciaux possibles ont été l’un des moteurs du développement de l’économie égyptienne. Aujourd’hui, la priorité est donnée à la transition démocratique, à l’État de droit et aux réformes politiques. En 2014, l’Égypte a adopté une nouvelle Constitution, jugée trop timide en termes d’avancées démocratiques et de changements tangibles, selon l’UE. Il faut tout de même souligner que le Président est désormais plus fermement contrôlé par le Parlement et a un nombre de mandats limité. Si les élections qui ont suivi, en mai 2014, et ont vu Abdel Fattah Al-Sisi élu, se sont globalement déroulées en accord avec la loi, la mission d’observation sur place a néanmoins pointé du doigt la couverture médiatique biaisée et partielle, le peu de place laissé à l’opposition et le contexte politique dans lequel les élections se sont déroulées. Quant aux législatives, fin 2015, elles ont totalisé un taux de participation très faible, résultant d’une méfiance omniprésente de la population envers ses politiques. L’aspect parlementaire du régime a encore un long chemin à parcourir. En somme, tout comme pour la rédaction de sa Constitution, les progrès démocratiques restent majoritairement de façade en Égypte.
Les libertés fondamentales sont également mises à rude épreuve et connaissent peu d’amélioration. Depuis 2011, le dialogue bilatéral UE-Égypte sur les droits de l’Homme est interrompu. La législation concernant les ONG et les organisations de la société civile (OSC) s’est durcie. En effet, celles recevant des financements étrangers sont particulièrement surveillées, surtout si leur activité est jugée par le gouvernement comme allant « contre l’intérêt national ou l’unité du pays ». La législation concernant la discrimination et les violences contre les minorités ont, certes, le mérite d’exister, mais elles sont loin d’être suffisantes, et même d’être réellement mises en oeuvre. L’indépendance de la justice égyptienne pose toujours problème, et les failles dans les procédures sont légion.
Pour ce qui est de l’économie, grâce au partenariat entre l’UE et l’OCDE qui se prolonge par le programme SIGMA, en faveur du voisinage sud, un travail sur l’amélioration des services en Égypte a vu le jour. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) vient en aide à l’Égypte sur le plan économique, et a signé un accord de facilitation commerciale avec les banques égyptiennes en 2014. L’UE, de son côté, a retardé la tenue de dialogues macro-économiques au vu du contexte actuel.
Sur le plan commercial à proprement parler, les discussions concernant l’établissement d’un Accord de Libre-Échange Approfondi et Complet entre l’UE et Le Caire ont été lancées en 2013 pour venir compléter l’Accord d’Association de 2004, sans avoir encore abouti. Les tendances protectionnistes observées ces derniers temps ne viennent pas favoriser le commerce avec l’UE, ni le commerce régional, et ce malgré la ratification de la Convention régionale sur les règles préférentielles pan-euro-méditerranéennes.
La visite de la HR/VP FedericaMogherini, début novembre 2015, dans l’espoir de redynamiser les relations entre l’UE et l’Égypte [91], pourrait donner une nouvelle impulsion au partenariat avec l’Égypte. Le renouveau de la coopération redonnerait au Caire un rôle clé dans la région, un rôle de gardien de la paix et de l’entente, comme le pays ne cesse de le faire entre Israël et la Palestine. La crise libyenne amène le problème des réfugiés en Égypte [92], et rend la reprise du dialogue avec l’Europe encore plus pressant, à l’heure où le monde Arabe s’enflamme et déplace les populations par millions, à l’heure où même le peuple égyptien perd la foi en son pays.

6.3 Israël [93]

État créé en 1948, au Proche-Orient, suite à la Seconde Guerre mondiale, Israël a depuis lors toujours connu des tensions, avec ses voisins comme à l’intérieur de ses frontières, contestées par la population palestinienne. Les premières relations poussées entre l’UE et Israël commencent en 1964, avec la signature d’un accord de commerce, puis s’intensifient par un Accord de coopération en 1975 et un AA en 1995.
La coopération repose principalement sur le volet technique et sur les liens économiques et commerciaux. Depuis 2009, la portée de cette coopération est soumise, selon la volonté de l’UE, à l’avancée du processus de paix au Proche-Orient. L’Union, en effet, appelle de ses voeux la solution à deux États, qui représente pour elle la meilleure réponse au conflit. Elle a d’ailleurs offert un partenariat spécial et privilégié à l’Autorité palestinienne et Israël, afin de se diriger vers la fin du conflit. Les violences ont cependant repris de plus belle ces dernières années, entravant la possibilité de réformes, malgré la tenue régulière de dialogues UE-Israël-Palestine. Certains s’interrogent même sur la possibilité de qualifier la situation actuelle de troisième Intifada [94], l’année 2014 ayant vu le plus grand nombre de morts Palestiniens dans la Bande de Gaza observé depuis 1967. Le Quatuor pour le Moyen-Orient, composé de l’UE, les États-Unis, la Russie et les Nations Unies s’est rendu en à Jérusalem et Ramallah, en décembre 2015, afin de faire part à ses homologues israéliens et palestiniens de leur condamnation des actes terroristes et de toute violence [95]. Il y a été décidé que de nouvelles mesures doivent être prises de toute urgence, sur le plan sécuritaire et du respect des droits de l’Homme et de la liberté d’expression [96]. Au-delà de la déstabilisation nationale, c’est la coopération entre Israël et tous les partenaires arabes qui est mise à mal, exception faite la ratification de la Convention régionale sur les règles préférentielles pan-euro-méditerranéennes.
Concernant l’un des volets majeurs de la coopération entre Israël et l’UE, le volet technique, il a pris un nouveau tournant en 2014, avec la participation d’Israël au programme Horizon 2020 de l’Union européenne. Le dernier protocole de coopération technique mis en place remonte à 2012. C’est le protocole ACAA (Agreements on Conformity Assessment and Acceptance of industrial products). Concernant majoritairement les produits pharmaceutiques, cet accord pose le problème de l’origine de ces produits : quelle certitude qu’ils ne proviennent pas de colonies israéliennes, condamnées par l’Union ? Cela souligne la complexité de la relation entre l’UE et Israël : le partenariat économique et technique rencontre souvent l’actualité politique délicate de Jérusalem, mais n’est jamais un outil pour contraindre à la recherche d’une solution de paix durable, en accord avec les valeurs de l’UE. L’autre volet de la coopération technique délicate avec Israël, c’est le domaine du nucléaire israélien qui pose toujours question quant à son statut réel. Néanmoins, en 2014, un mémorandum a été signé entre l’UE et la Commission de l’énergie atomique israélienne.
Israël rencontre des problèmes de gestion des flux d’immigration, non pas en provenance de Syrie, car les deux pays sont toujours officiellement en guerre, mais en provenance d’Afrique. Le premier ministre, Benjamin Netanyahu, a décidé d’ériger un mur entre la Jordanie et Israël, pour éviter toute arrivée de migrants africains, voire syriens, souvent amalgamés à des « activistes terroristes » [97]. Cela vient s’ajouter à l’édification d’une clôture électrique le long de la frontière avec l’Égypte, qui avait déjà commencé à diminuer drastiquement le nombre de migrants africains arrivant dans le pays. Malgré sa participation à un sommet bilatéral sur les droits de l’Homme, en 2014, avec l’UE, la situation des immigrés en Israël reste très précaire et préoccupante, tout comme celle des habitants de la Bande de Gaza.
L’urgence de la gestion de la crise du Moyen-Orient se fait de plus en plus présente, et ajoute des tensions dans des pays déjà en proie à des violences intérieures régulières.

6.4 La Jordanie [98]

Pays d’Asie orientale bordé par la mer Rouge et la mer Morte, la Jordanie est une voisine directe de la Syrie et d’Israël. Elle occupe donc une place stratégique du point de vue sécurité et stabilisation. Par conséquent, le partenariat qui unit le pays à l’UE repose essentiellement sur le domaine démocratique, le secteur sécuritaire et la coopération politique.
Il est impossible d’évoquer la Jordanie sans parler du conflit syrien qui déstabilise la région depuis 2011. Le SEAE a en effet mené, en 2014, une mission dans le pays, afin d’y porter une attention particulière concernant la possibilité d’un effet « tache d’huile » du conflit syrien et du phénomène des combattants internationaux. Des missions préparatoires à la mise en place d’un Instrument contribuant à la stabilité et à la paix [99] ont également été menées la même année, qui a donné lieu à la mise en place d’aides nouvelles de l’Union européenne pour la gestion des frontières et le domaine de la sécurité. L’aide à l’accueil des réfugiés et le soutien de programmes d’éducation et de formations professionnelles viennent compléter le travail fait en Syrie et en Irak. L’UE a alloué, depuis le début de la crise en Syrie, plus de 300 millions d’euros à la Jordanie, dont 145 d’aide humanitaire, en 2014, et le pays a mis en place un plan de réponse à la crise des réfugiés.
Malgré le contexte difficile, la Jordanie est l’un des partenaires du Sud les plus motivés. Elle est d’ailleurs la seule à avoir, avec le Maroc, le statut de partenariat « avancé » avec l’Union. Sur la période 2014/2017, la Jordanie devrait recevoir entre 312 et 382 millions d’euros de l’Instrument européen de voisinage. La signature d’un partenariat de mobilité, en 2014, maintient la dynamique de coopération avec l’UE, et les négociations sur la facilitation de visas et les accords de réadmission sont lancées. La deuxième phase de la mise en place du fonds du Conseil de l’Europe pour le renforcement des réformes dans le sud de la Méditerranée a aussi été lancée. Elle concerne principalement les droits de l’Homme, l’État de droit et la démocratie. Le rapport PEV sur la Jordanie de mars 2015 souligne d’ailleurs les avancées en termes d’impartialité et d’efficacité de la justice, tout comme la lutte affichée contre la corruption. Cependant, la liberté des médias et la liberté d’association restent encore trop limitées, comme le dialogue entre le gouvernement et la société civile. La torture et les droits de la femme font toujours l’objet d’un travail insuffisant, et l’Union appelle la Jordanie à abolir la peine de mort.
Côté financier et commercial, malgré le contexte difficile, la Jordanie résiste et continue sa coopération avec l’UE, notamment dans le cadre de l’Accord d’association signé en 2002. Les discussions pour la mise en place d’un ALEAC ont commencé en 2014, cependant les négociations, prévues pour 2015, ont été retardées. Le programme interrégional SIGMA accompagne la Jordanie sur la gestion de ses finances publiques et le dialogue macro-économique avec l’UE se poursuit. La BERD est également impliquée depuis 2014, et un accord de facilitation commerciale a été signé avec les banques jordaniennes.
Les situations délicates du Moyen et du Proche-Orient ne déstabilisent pas outre-mesure la Jordanie, qui parvient à maintenir le cap des réformes et une coopération productive et positive avec l’Union européenne, laissant augurer des améliorations non négligeables pour la vie des citoyens jordaniens. Reste à espérer que les conflits en Irak et en Syrie, notamment les actions de Daesh, ne viennent pas perturber cet équilibre et ruiner les espoirs construits.

6.5 Le Liban [100]

Pays du Proche-Orient, Le Liban se trouve entre Israël et la Syrie, autrement dit dans une zone de la région instable et soumise aux conflits.
La priorité européenne pour ce pays, c’est donc sa stabilité et son intégrité territoriale. La signature d’un accord d’association, en 2006, a scellé l’intensification des relations entre l’Union européenne et le Liban, encadrées par un plan d’action qui comprend les droits de l’homme, la sécurité, l’immigration, les problèmes économiques et commerciaux, les politiques sociales et l’éducation.
Les années 2014 et 2015 sont bien entendu marquées par le confit syrien. Le nombre de réfugiés qui ont passé la frontière du Liban dépasse le million de personnes, soit l’équivalent de près d’un quart de la population libanaise. La HR/VP et les Commissaires Hahn et Stylianides se sont rendus dans le pays pour discuter sécurité et gestion de la crise des migrants. Depuis 2012, l’Union européenne a versé 269,1 millions d’euros d’aide humanitaire à Beyrouth [101], et a décidé d’y ajouter 43 millions supplémentaires en novembre 2015102, en témoignage de son soutien continu au Liban. Ce dernier a mis en place un plan de réponse, sur la période 2016-2018, pour gérer la question des réfugiés. À la menace que représente le conflit syrien s’ajoute la reprise de vives tensions entre Israël et le Hezbollah, avec, en décembre 2015, des échanges de tirs de roquettes et d’obus.
L’une des craintes principales de l’UE, c’est la propagation de la déstabilisation au Liban. Des forces extrémistes syriennes ont attaqué les forces de sécurité libanaises, aux frontières est et nord. Le SEAE a mené, en 2014, une mission dans le pays, afin d’y porter une attention particulière concernant la possibilité d’un effet « tache d’huile » du conflit syrien et du phénomène des combattants internationaux. Des missions préparatoires à la mise en place d’un Instrument contribuant à la stabilité et à la paix ont également été menées la même année, qui a donné lieu à la volonté de mettre en place un soutien renforcé dans le domaine de la sécurité et de la gestion des frontières : un dialogue sur la migration, la mobilité et la sécurité avec le Liban a débuté en décembre 2014. Des sommets bilatéraux sur les droits de l’Homme se sont tenus, avec l’Union, en 2014 et 2015, afin de continuer à encourager la prise de réformes dans ce domaine. Des améliorations ont d’ailleurs été notées en matière de droits de la femme et des enfants.
Le Liban connaît des problèmes de gouvernement depuis mai 2014. L’incapacité du Parlement à élire un nouveau président rend son fonctionnement difficile. Son mandat a été prolongé jusqu’en 2017, au détriment du droit de vote des Libanais, en attendant que la situation s’apaise. La législature est donc limitée, et ne présente pas un contexte favorable à la prise de réformes pour une démocratie durable. La participation de la société civile reste, elle aussi, insuffisante.
Le chômage et la pauvreté viennent s’ajouter au problème du manque de réformes. Malgré tout, l’UE continue de soutenir la prise de réformes, notamment à travers l’IEV, qui devrait s’élever entre 130 et 159 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 15 millions d’euros au titre du more for more. Grâce à cela, quelques éléments méritent d’être remarqués dans les efforts libanais. Le programme interrégional SIGMA aide le Liban dans le domaine de l’administration parlementaire et dans le secteur des marchés publics. Une conférence a d’ailleurs eu lieu à ce sujet en juin 2015, à Beyrouth. L’Union européenne entretient également un dialogue macro-économique avec le pays. Pour le secteur commercial, le Liban a signé la Convention régionale sur les règles préférentielles pan-euro-méditerranéennes.
Malgré la situation conflictuelle dans son voisinage et les conséquences directes qu’il subit, le Liban reste solide dans la région, et un véritable appui pour l’Union européenne, même si la prise de réformes attendues connaît un ralentissement [103]. La priorité, c’est que le pays résiste à la crise et puisse continuer sur sa lancée, vers une amélioration durable de la qualité de vie de ses citoyens.

6.6 La Libye

Pays du Maghreb, la Libye connaît une dégradation de sa sécurité intérieure sans précédent. Les relations diplomatiques entre l’UE et Tripoli sont au point mort depuis la chute de Kadhafi, et encore plus depuis la reprise des violences, en 2014. L’Union européenne avait lancé, en 2013, une mission EUBAM en Libye, dans le cadre de la PSDC, afin d’aider les autorités à gérer les frontières et la sécurité. Cependant, la reprise des hostilités et l’aggravation de la situation ont obligé la mission à se relocaliser en Tunisie. Elle est, pour le moment, en cours de réexamen. La transition démocratique a connu un brusque arrêt, mettant un frein à la plupart des coopérations entre l’UE et les institutions gouvernementales libyennes ; c’est avec le peuple que la coopération est maintenant prioritaire, et l’UE ne manque pas de régulièrement dénoncer les violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire observées. Cependant, en décembre 2015, Federica Mogherini, la HR/VP, a salué la signature d’un accord politique et a assuré le soutien de l’UE au futur gouvernement d’union nationale [104]. Un package de 100 millions d’euros est déjà prêt pour venir renforcer l’aide apportée à la population.
Sur la période 2014-2015, cette dernière s’est prioritairement concentrée sur trois secteurs : la gouvernance démocratique, la jeunesse, et la santé, à travers un IEV de 40 millions d’euros. Le travail sur une nouvelle constitution a commencé en 2014 et s’est poursuivi en 2015, difficilement, mais l’arrivée d’un nouveau gouvernement laisse espérer des avancées plus rapides dans ce domaine. La division du pays en divers groupes menace non seulement la stabilité politique mais aussi économique du pays. À l’est, dans la Cyrénaïque, ce sont les champs de pétrole (parmi les plus rentables dans le pays) qui sont bloqués par les fédéralistes. Or, le manque de diversification dans le tissu économique rend ce coup difficile à encaisser pour la Libye. En 2014, le pétrole représentait 90% des revenus de l’État et 70% du PIB du pays ; sa production a été divisée par 10 depuis le début de la guerre [105]. Il est donc l’un des enjeux majeurs dans les tensions nationales, et les infrastructures sont souvent l’objet d’attaques. Le climat instable et le manque de diversification du tissu économique contribuent à miner la croissance libyenne depuis 2011.
L’UE continue les échanges culturels et commerciaux avec le pays, ainsi que les discussions dans le domaine de la sécurité et de la migration. Elle y voit l’un des moyens les plus concrets et efficaces de continuer à accompagner la Libye dans son processus de transition démocratique, aussi difficile soit-il. Le programme TVET (Technical Vocational Education and Training) financé par l’UE, entre 2013 et 2015, a été lancé dans l’espoir de relancer l’économie en améliorant l’offre de formation en adéquation avec les demandes du marché. Un programme de soutien aux institutions de l’administration publique a également été lancé par l’Union pour renforcer le tissu libyen, et la Libye reçoit, depuis mai 2014, une aide de la BERD.
Les libertés fondamentales, les droits de l’Homme, les libertés d’expression et d’association sont malmenés. Bien que des efforts soient faits pour donner à la société civile la place qui lui est due dans le dialogue avec le gouvernement, les droits de la femme, la torture et la liberté des médias restent une priorité de l’Instrument pour la démocratie et les droits de l’Homme, tout comme la réconciliation nationale.
La situation en Libye reste complexe et entrave toute possibilité de réformes majeures. Les conséquences du conflit, au plan humain comme aux plans politique et économique, représentent une menace pour la stabilité de la région et un risque d’effet tache d’huile. Cependant, le récent accord politique laisse espérer le début d’une amélioration concrète pour la situation nationale et pour le quotidien des Libyens.

6.7 Le Maroc [106]

Le Maroc, pays du Maghreb, connaît une situation plus privilégiée par rapport aux autres pays de la région, en ce qu’il n’a pas été le théâtre de révolution ou désordre intérieur, contrairement à ses voisins.
Si quelques manifestations ont eu lieu en 2011, les réformes constitutionnelles immédiatement mises en place par le roi Mohammed VI ont, notamment, permis de calmer les demandes de la population. En 2002, un accord d’association a été signé entre l’UE et le Maroc, et ce dernier possède, depuis 2008, des relations au « statut avancé » avec l’UE. Ce statut permet d’axer la coopération sur trois axes : le renforcement du dialogue, de la coopération politique et du domaine de la sécurité ; l’intégration progressive du Maroc au marché intérieur de l’UE ; l’élargissement des partenaires [107]. Outre cela, le Maroc a également signé un accord-cadre avec l’UE pour une participation à des missions dans le cadre de la PSDC, ainsi qu’un partenariat pour la mobilité. Les accords de facilitation de visas et de réadmissions sont en cours depuis 2015.
Le Maroc a donc maintenu le cap des réformes depuis 2011, malgré les crises politiques, économiques et humanitaires. Le domaine de la justice, notamment, a été une priorité, avec la fin des jugements militaires pour les civils. Des sommets bilatéraux Union européenne-Maroc ont eu lieu en 2014. Cependant, même si des efforts ont été fait, du chemin reste à parcourir. Certes, la législation prévoit de lutter contre la discrimination et les violences contre les minorités, mais elle reste insuffisante, notamment lorsqu’il s’agit d’être appliquée. Si la société civile est très active dans le dialogue public, le gouvernement doit plus en tenir compte ; l’égalité des sexes doit être travaillée, tout comme la liberté d’expression et celle d’association. Le Maroc est l’un des principaux bénéficiaires, avec la Tunisie, du fonds du Conseil de l’Europe pour le renforcement des réformes démocratiques au sud de la Méditerranée dont la deuxième phase, sur la période 2015-2017, concerne le renforcement des droits de l’Homme, l’État de droit et la démocratie. En échange, le pays a accepté de rejoindre 50 conventions du Conseil de l’Europe.
L’économie marocaine, comparée à celle des autres partenaires, se porte plutôt bien, même si le pays n’est toujours pas allé au bout du processus de ratification de la Convention régionale sur les règles préférentielles pan-euro-méditerranéennes. Le programme interrégional SIGMA vient en aide au Maroc sur trois volets : la gestion des finances publiques, l’amélioration des services et l’aide aux administrations parlementaires. La BERD aide également le pays, et un accord de facilitation commerciale a même été signé avec les banques marocaines. L’Union européenne aide les PME durables, tient des dialogues macro-économiques avec le Maroc et a entamé la quatrième phase de négociations pour la conclusion d’un ALEAC avec le Maroc. Le programme « Réussir le statut avancé », emmené par l’UE, a permis au pays de recevoir 180 millions d’euros pour développer un plan de convergence nationale pour atteindre la convergence législative et réglementaire nécessaire à l’accès au marché intérieur de l’UE. Au titre de l’IEV, le Maroc doit recevoir, sur la période 2014-2017, entre 728 et 898 millions d’euros [108], ainsi que 20 millions d’euros additionnels au titre du more for more.
Malgré la complexité du contexte régional et international, le progrès des réformes menées au Maroc est notable, même s’il reste encore au pays du chemin à parcourir. Les libertés et droits fondamentaux sont reconnus, mais leur mise en place reste encore fragile et nécessite d’être toujours défendue. Le Maroc reste ainsi impliqué dans la PEV et les réformes, et représente une stabilité pour la coopération méditerranéenne de l’UE.

6.8 La Palestine [109]

Région du Proche-Orient qui comprend la Cisjordanie, la Bande de Gaza et des territoires colonisés par Israël, l’Autorité palestinienne (AP) ou Palestine, n’est pas officiellement reconnue comme État au niveau international. L’UE, cependant, a voté une résolution reconnaissant l’État palestinien en 2014110. Cette absence de reconnaissance vient surtout du conflit territorial qui l’oppose à Israël, qui refuse toute solution à deux États pour mettre fin aux hostilités.
La reprise des tensions, notamment dans la Bande de Gaza, ces dernières années, a mis à mal le processus de paix au Moyen-Orient, et limite grandement la mise en place de réformes et l’établissement de partenariats concrets entre l’AP et l’UE. L’UE est l’un des principaux financeurs de l’UNRWA (fonds des Nations Unies dédié aux réfugiés palestiniens), et mène des actions humanitaires dans les domaines de l’éducation, la santé et la promotion de l’égalité hommes-femmes. Cependant, la situation des droits de l’Homme en Cisjordanie est dramatique, l’espace démocratique est sans cesse limité, avec des rapports sur des détentions arbitraires, des tortures et mauvais traitements, l’abus du recours à la peine de mort, la discrimination des femmes et la violation des libertés d’expression et d’association.
L’Union européenne a mis en place une mission, dans le cadre de sa Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC). EUPOL COOPS, basée en Cisjordanie, vise à aider l’AP à mettre en place un cadre institutionnel dans le domaine de la police et de la justice pénale, qui réponde aux standards internationaux et permette ainsi de résoudre une partie des problèmes précédemment soulevés. Une deuxième mission, EUBAM Rafah, basée dans la Bande de Gaza pour gérer la crise civile, est suspendue depuis 2007 et la prise de Gaza par le Hamas. Face à l’instabilité de la situation, les élections générales palestiniennes sont sans cesse reportées, ce qui ne permet pas la mise en place de réformes concrètes.
La situation financière et commerciale palestinienne est très fortement entravée par les colonies israéliennes, malgré la mise en place d’une coopération fiscale entre les deux parties. L’UE a néanmoins instauré des dialogues macro-économiques, afin d’aider la Palestine à stabiliser son économie [111].
Liées par un accord d’association intérimaire relatif aux échanges à la coopération depuis 1997, c’est principalement par le biais d’aides financières européennes que la coopération UE-AP se fait. Cette aide, en effet, vise à favoriser à la mise en place d’un État palestinien démocratique ainsi que le processus de paix entre Israël et l’AP. Tant que cela ne sera pas effectif, la mise en place de réformes, la possibilité d’échanges commerciaux et la coopération élargie ne pourront avoir lieu.
Les relations UE-AP, dans le cadre de la PEV, se heurtent donc violemment à la situation conflictuelle avec Israël, malgré la bonne volonté des deux parties à établir des liens solides et durables. La résolution du conflit est l’élément clé pour voir de réels progrès dans la vie des palestiniens.

6.9 La Syrie

Située au Proche-Orient, la Syrie est aujourd’hui l’un des pays partenaires de l’Union européenne dont la situation est des plus préoccupantes. Depuis 2011 et le début des manifestations anti-gouvernementales, elle n’a cessé de dégénérer. Ce fut d’abord une riposte de Bachar El-Assad contre son peuple avec des armes chimiques, puis une prolifération de combattants de l’État islamique qui occupent maintenant des parties du territoire au nord et au centre du pays. Cette agitation constante dans le pays, théâtre de violences et de morts au quotidien, a vu les relations bilatérales entre l’UE et le gouvernement syrien s’interrompre. Bruxelles a mis en oeuvre une série de mesures restrictives à l’égard du régime, prolongées jusqu’au 1er juin 2016. Ces sanctions visent plus de 200 personnes et 70 entités syriennes ou soutenant le régime, un embargo pétrolier et une restriction concernant certains investissements [112].
Outre le problème que rencontre l’UE concernant le format d’intervention sur le terrain, c’est la question des populations civiles et des réfugiés qui fait partie des préoccupations premières. L’Europe a pris pleinement conscience de l’urgence humanitaire que cette question représente à l’été 2015, face aux tragédies répétées dans la mer Méditerranée et la gestion des flux d’arrivée de migrants en Grèce et dans les pays de l’Europe de l’Est. En 2015, ce sont environ 1 million de migrants, majoritairement des Syriens, qui ont traversé la Méditerranée pour venir chercher asile dans l’Union européenne. Parmi eux, 3771 morts sont officiellement déplorés, mais le nombre de disparitions réelles reste inconnu. [113] Le taux d’immigration irrégulière transitant par la Méditerranée avait déjà augmenté de 155% en 2014, et a continué son augmentation drastique en 2015.
Pour tenter d’endiguer ce mouvement, l’UE coordonne avec les autorités italiennes, depuis novembre 2014, l’opération Triton, qui succède à Mare Nostrum. À la différence de cette dernière, Triton n’est pas une opération de sauvetage mais de surveillance des frontières. Elle ne s’occupe que des bateaux de migrants qui chavirent dans les eaux territoriales européennes, auxquels elle apporte de l’aide, même si le but premier est bien de surveiller les frontières et d’empêcher un afflux de migrants vers l’Europe.
Si elle se déchire sur la question d’accueil des réfugiés au sein de ses frontières, l’UE s’accorde cependant sur l’aide à apporter sur place. Un Fonds régional d’affectation spéciale de l’UE en réponse à la crise syrienne a été mis en place en 2014 et a atteint 610 millions d’euros (dont 40 millions proviennent de la participation de 15 États membres) [114]. En décembre 2015, 350 millions d’euros ont été débloqués pour aider les réfugiés syriens au Liban, en Turquie, en Jordanie et en Irak, sous la forme de quatre programmes. Plus de deux-tiers du financement vont à un programme d’éducation et à un programme de résilience et d’intégration locale ; le reste va à un programme de santé et à un programme d’accès à un confort de base pour les réfugiés. Ce sont en tout environ 4,2 millions de Syriens qui sont répartis en communautés de réfugiés dans les pays voisins, et auxquels il faut venir en aide. La DG ECHO a, elle, mobilisé 883 millions d’euros pour venir en aide à la population syrienne en Syrie et dans les pays alentours. L’Instrument européen pour la démocratie et les droits de l’Homme a débloqué 24 millions d’euros, l’Instrument contribuant à la paix et à la stabilité 148 millions d’euros, l’Instrument de pré-accession 94 millions d’euros et l’Instrument de coopération et développement 16 millions d’euros [115].
Ajouté à l’aspect financier, les discussions multilatérales pour tenter de trouver une solution durable au conflit se multiplient. Des dialogues stratégiques avec la Ligue arabe, sous forme d’échanges institutionnalisés, comme au cours de la réunion des ministres des affaires étrangères de juin 2014, permettent d’amener une réponse multilatérale de la part de tous les acteurs concernés par la crise. De même, l’UE et l’Organisation de la coopération islamique mènent des échanges opérationnels en adéquation avec le monde musulman pour gérer les crises humanitaires en Irak et en Syrie. Le groupe de soutien international à la Syrie (ISSG), qui regroupe nombre de pays et organisations, a réaffirmé le 14 novembre 2015 l’urgence de faire cesser les souffrances du peuple syrien, la destruction du pays, la déstabilisation de la région et le développement du terrorisme. Tous ont rappelé l’importance de mettre en place Genève II [116] et le soutien au cessez-le-feu par toutes les parties de l’ISSG, peu importe si elles soutiennent le gouvernement ou l’opposition. L’important, c’est que la transition politique se fasse par les Syriens, pour les Syriens, et que les résolutions 2170117 et 2178118 du Conseil de Sécurité soient appliquées. La lutte contre Daesh et autres groupes terroristes ne s’arrêtera pas pour autant.
À travers ces divers groupes, tous s’accordent sur le fait que la situation des droits de l’Homme est très préoccupante et que l’arrêt du conflit doit prendre place le plus rapidement possible.
Avec la fin du conflit syrien, c’est la possibilité pour toute la région de retrouver une dynamique de développement positive nouvelle, et pour ses citoyens de voir devant eux une amélioration durable de leurs conditions de vie.

6.10 La Tunisie [119]

La Tunisie, pays du Maghreb, a lancé, en 2011, le mouvement de révolution observé en Afrique du Nord et au Proche-Orient qualifié de « Printemps arabe ». Si la situation dans le pays a été très compliquée jusqu’en 2013, et que les relations entre Bruxelles et Tunis avaient rencontré un léger ralentissement, la transition démocratique a résolument avancé en 2015, et avec elle la coopération UE-Tunisie, à travers un « partenariat privilégié ».
L’année 2014 a été déterminante pour le pays. En janvier, une nouvelle Constitution a été adoptée. Elle reconnaît l’ensemble des droits de l’Homme, les libertés fondamentales et la lutte contre la discrimination, même si cette dernière reste encore trop présente. Le domaine de la justice a vu la juridiction des cours militaires réduite, pour plus de transparence. La transition politique s’est logiquement faite à la suite de cela, avec des élections législatives et présidentielles qui se sont déroulées à la fin de l’année 2014. Jugées transparentes et impartiales par la mission d’observation de l’UE, ces élections sont caractérisées par l’adoption d’une nouvelle loi électorale et le rôle majeur de la société civile dans la stabilisation politique et la transition démocratique du pays. La Tunisie est d’ailleurs l’un des principaux bénéficiaires du fonds du Conseil de l’Europe pour le renforcement des réformes démocratiques au sud de la Méditerranée. La deuxième phase pour 2015-2017, qui se concentre sur les droits de l’Homme, l’État de droit et la démocratie est actuellement en cours.
Cependant, la déstabilisation de la région et le départ de combattants internationaux ont exposé la Tunisie au terrorisme en 2014 et de manière encore plus dramatique en mars, juin et novembre 2015. De ce fait, l’Union européenne s’est grandement impliquée, depuis 2014, dans les réformes du secteur sécuritaire de la Tunisie. Elle travaille en coopération avec elle sur la gestion des frontières et un partenariat de mobilité a été signé. Les négociations pour la facilitation de visas et les accords de réadmission sont, quant à elles, en cours, tout comme les négociations pour l’établissement d’un ALEAC, qui ont démarré en octobre 2015.
Si la situation politique s’améliore sensiblement, ce n’est pas le cas de la situation économique. La croissance reste faible et le chômage élevé. Le programme SIGMA aide la Tunisie à améliorer son secteur des services, et la BERD a également lancé un programme d’aide au pays. L’UE mène un dialogue macro-économique avec Tunis, qui doit recevoir 300 millions d’euros d’aide macro-financière, répartie en trois tranches. Les deux premiers versements de 100 millions d’euros ont eu lieu en mai et novembre 2015. À cette somme viennent s’ajouter entre 202 et 246 millions d’euros du Cadre Unique d’Appui (un volet de l’IEV) ainsi que 50 millions d’euros au titre du principe du more for more [120].
Les difficultés économiques que rencontre la Tunisie poussent le pays à adopter des tendances commerciales protectionnistes qui ne sont pas favorables au dynamisme de la région; la Convention régionale sur les règles préférentielles pan-euro-méditerranéennes n’a toujours pas été ratifiée par Tunis. Cependant, la signature d’un accord commercial préférentiel entre la Tunisie et l’Algérie en mars 2014 mérite d’être souligné et de venir nuancer ces faits.
Malgré la situation intérieure complexe et tendue dans laquelle la Tunisie s’est trouvée, la volonté tunisienne de continuer à mettre en forme les réformes dans le cadre de la PEV n’a pas faibli, et les progrès réalisés sont loin d’être négligeables. Ils s’observent dans des domaines variés, de la transition démocratique à la participation, depuis décembre 2015, au programme cadre pour la recherche et le développement. Ces avancées sont néanmoins fragiles, et les tensions régionales ne doivent pas venir faire s’écrouler cette construction nouvelle d’un État tunisien.

7) Conclusion

À la lumière des limites et des défauts mis en évidence, et du « réexamen » (pas « refonte ») en cours depuis 2015, des questions touchant aux fondements de cette politique restent toujours sur la table :

  • Est-ce que les objectifs initiaux de la PEV gardent toujours leur pertinence pour les deux flancs du voisinage de l’UE ? Est-ce que ce sont plutôt des stratégies individuelles pour chaque pays qui devraient être mises en place ?
  • Est-il suffisant de « reconnaître » les aspirations européennes des partenaires orientaux ? Est-ce que l’ambiguïté dont souffre la PEV en ne se distinguant pas clairement de la politique d’élargissement est plutôt l’un des principales limites de cette politique ?
  • Est-ce que certains aspects apparemment « techniques » de la PEV devraient mieux s’inscrire dans une stratégie politique plus large ? Est-ce que la gestion bureaucratique de la PEV est partiellement responsable du déclenchement de certaines crises dans le voisinage ? Est-ce que les Etats Membres devraient être plus impliqués dans les choix liés à cette politique ?
  • L’approche actuelle, basée sur les incitants, favorise-t-elle une relation de partenariat entre l’UE et ses voisins ?
  • Quelle attitude faut-il adopter vis-à-vis des « voisins des voisins » (Russie, Turquie, Pays du Golfe, du Sahel et d’Asie Centrale) et des autres formes d’intégration régionale (Union Economique Eurasiatique) ?

À tout cela s’ajoute une question primordiale : est-il possible d’obtenir la stabilité par la diffusion de la prospérité ou bien est-ce que la stabilité et l’absence de conflits sont un préalable à tout développement économique est social ?

La Politique Européenne de Voisinage reste un instrument majeur dans les relations qu’établit l’UE avec ses voisins. La diversité des partenaires permet à l’Union d’élargir ses partenariats et d’apporter à sa dimension internationale une vraie force et légitimité. Cependant, la complexité grandissante du contexte international, sa mouvance constante, et des facteurs internes et externes qui évoluent en permanence ne rendent pas facile la mise en place de cette tâche ambitieuse. L’UE a déjà commencé à mettre en place un principe de différenciation, pour récompenser les partenaires les plus engagés. La solution viendra peut-être d’une adaptabilité plus grande de la PEV, qui permette à l’Union européenne d’asseoir une position ferme sur la scène internationale : décider et agir, plutôt que proposer et réagir.

Références

[1] K.E. Smith (2005), « The Outsiders: The European Neighbourhood Policy », in International Affairs, vol.81, n.4, p.758

[2] http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/031208ESSIIFR.pdf

[3] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012M/TXT&from=FR

[4] S. Keukeleire, T. Delreux (2014), The Foreign Policy of the European Union, Basingstoke, Palgrave Macmillan, p. 28

[5] S. Lehne (2014), « Time to reset the European Neighbourhood Policy », Carnegie Europe, p.4, http://carnegieeurope.eu/ publications/?fa=54420

[6] F. Tassinari (2005), « Security and integration in the EUneighbourhood. The case for regionalism », CEPS, p. 6

[7] http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-02-619_fr.htm

[8] C. Patten, J. Solana (2002), Joint letter « Wider Europe »

[9] Cf. discours de Bronisław Geremek à l’occasion de l’ouverture des négociations d’adhésion (1998, cité dans P. Buras, K. Pomorska, op.cit., p. 34), document de 2001 adressé à la Présidence tournante de l’UE (http://www.forost.ungarisches-institut.de/pdf/20010613-1.pdf), non-paper de 2003 (http://www.batory.org.pl/doc/nowi_se.pdf, p.85)

[10] M. Natorski (2007), « Explaining Spanish and Polish approaches to the European Neighbourhood Policy », in European Political Economy Review, n.7, p.81

[11] R. Alcaro, M. Comelli (2005), La Politica Europea di Vicinato, IAI, p. 8, http://www.iai.it/sites/default/files/quaderni_22.pdf

[12] Ibidem

[13] P. Kratochvil, E. Tulmets (2007), « Checking the Czech role in the European Neighbourhood », Institute of International Relations, Prague, p.2, http://library.fes.de/pdf-files/bueros/prag/06166.pdf

[14] http://europa.eu/rapid/press-release_PRES-02-91_fr.htm

[15] C. Patten, J. Solana (2002), Joint Letter « Wider Europe »

[16] http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-02-589_fr.htm

[17] http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-02-619_fr.htm

[18] Ibidem

[19] http://www.cvce.eu/obj/conclusions_du_conseil_europeen_de_copenhague_extrait_sur_l_elargissement_12_13_decembre_2002-fr-ff7ff228-fa3b-4f89-b552-808f7eb2c5b3.html

[20] http://eeas.europa.eu/enp/pdf/pdf/com03_104_fr.pdf

[21] http://www.consilium.europa.eu/ueDocs/cms_Data/docs/pressData/fr/ec/76281.pdf

[22] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A5-2003-0378+0+DOC+XML+V0//FR #title2

[23] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52004DC0373:FR:HTML

[24] R. Alcaro, M. Comelli, op.cit., p. 43

[25] http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/031208ESSIIFR.pdf

[26] http://europa.eu/rapid/press-release_PRES-04-195_fr.htm

[27] D. Cadier, F. Parmentier, « Où va le Partenariat Oriental? L’UE et ses voisins européens » in Revue de l’Union Européenne, n. 552, 2011, p. 598

[28] EU-Logos (2015), « Politique Européenne de Voisinage : quel bilan, quelles perspectives? Réforme ou bien refonte? », http://wp.me/py8lk-2J2

[29] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0303:FIN:fr:PDF

[30] S. Keukeleire, T. Delreux, (2015), loc.cit., pp. 46

[31] EU-Logos (2015), « Vers une révision de la Politique Européenne de Voisinage : la Commission lance une consultation publique », http://wp.me/py8lk-2Ku

[32] S. Lehne, op.cit., p. 5

[33] N. Tocci (2014), « The neighbourhood policy is dead. What’s next for European foreign policy along its arc of instability? », IAI, http://www.iai.it/sites/default/files/iaiwp1416.pdf

[34] M. Leigh (2014), « A new strategy for Europe’s neighborhood », Policy Brief, Vol. 1, No. 1, German Marshall Fund of the United States, p. 3

[35] S. Lehne, op.cit., p. 4

[36] EU-Logos (2015), « Vers une révision de la Politique Européenne de Voisinage : la Commission lance une consultation publique », http://wp.me/py8lk-2Ku

[37] T. Schumacher, (2015), « How to make the European Neighbourhood Policy fit for purpose », http://europesworld.org/2015/06/25/make-european-neighbourhood-policy-fit-purpose/

[38] E. Landaburu (2015), « La Politique De Voisinage: stop ou encore? », Notre Europe, p. 2, http://www.institutdelors.eu/media/politiquevoisinageue-landaburu-ijd-mai15.pdf?pdf=ok

[39] EU-Logos (2015), « Vers une révision de la Politique Européenne de Voisinage : la Commission lance une consultation publique », http://wp.me/py8lk-2Ku

[40] M. Foucher, G. Lepesant (2015), « Pour une nouvelle politique des voisinages », Question d’Europe, No. 137, Fondation Robert Schuman, http://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0357-pour-une-nouvelle-politique-des-voisinages

[41] M. Comelli, E. Greco, N. Tocci, « From Boundary to Borderland: Transforming the Meaning of Borders in Europe through the European Neighbourhood Policy », p. 6, http://www.eu-consent.net/library/brx061012/Comelli-Greco-Tocci_D40.pdf

[42] G. Bonvicini, M. Comelli, op.cit., p. 2; R. Balfour, A. Rotta, « Beyond Enlargement. The European Neighbourhood Policy and its Tools », in The International Spectator, vol. 40, n. 1, p. 7

[43] http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-02-619_fr.htm

[44] http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/consultation_french.pdf

[45] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A8-2015-0194+0+DOC+XML+V0//FR

[46] http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/index_en.htm

[47] http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/index_en.htm

[48] http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/536438/EXPO_STU(2015)536438_EN.pdf

[49] http://www.consilium.europa.eu/en/meetings/international-summit/2015/05/21-22/

[50] http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/04/20-council-conclusions-review-european-neighbourhood-policy/

[51] Pour plus d’informations sur le débat parlementaire concernant la révision de la PEV, voir EU-Logos, « La révision de la PEV à l’examen du Parlement Européen », http://wp.me/py8lk-2Mg.

[52] Toutes les analyses citées ci-dessous sont accessibles via ce lien : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/ consultation/index_en.htm

[53] Le Partenariat oriental de l’Union européenne, IRIS, http://www.iris-france.org/docs/kfm_docs/docs/actu-europe/2013-02-actu-euro-n58—partenariat-oriental-de-lue.pdf

[54] http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20150629/europ.html#toc4

[55] Le rapport complet sur la PEV en Arménie en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/armenia-enp-report-2015_en.pdf [consulté le 16/12/2015]

[56] SEAE, IEV pour l’Arménie, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/financing-theenp/armenia_2014_2017_ summary_of_the_programming_document_en.pdf

[57] SEAE, 25/03/2015, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/enp-regional-reporteastern_partnership_en.pdf

[58] http://eeas.europa.eu/delegations/armenia/press_corner/all_news/news/2015/2015_12_10_2_en.htm, consulté le 7/01/2016

[59] Le rapport complet sur la PEV en Azerbaïdjan en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/azerbaijan-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 16/12/2015

[60] SEAE, IEV pour l’Azerbaïdjan, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/financing-theenp/azerbaijan_2014_2017_summary_of_the_ programming_document_en.pdf

[61] http://www.tap-ag.com/the-pipeline/the-big-picture/southern-gascorridor

[62] http://www.naturalgaseurope.com/azerbaijan-enabler-ofsouthern-gas-corridor-says-socar-25874

[63] http://eeas.europa.eu/statements-eeas/2015/151012_04_fr.htm

[64] http://eeas.europa.eu/belarus/index_fr.htm

[65] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-977_fr.htm

[66] Le rapport complet sur la PEV en Géorgie : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/georgia-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 17/12/2015

[67] Parlement européen, Fiche technique, « Les pays du partenariat oriental », http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_6.5.5.html

[68] Cf. les projets du Conseil de l’Europe, http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/media/projects/project_PCF_Promoting_ mediafreedom_en.asp

[69] Communiqué de presse, Dialogue UE-Géorgie sur les droits de l’homme, juin 2014, http://eeas.europa.eu/statements /docs/2014/140620_02_fr.pdf

[70] SEAE, IEV pour la Géorgie, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/financing-theenp/georgia_2014_2017_summary_of_the_ programming_document_en.pdf

[71] SEAE, 25/03/2015, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/enp-regional-reporteastern_partnership_en.pdf, consulté le 15/12/2015]

[72] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6368_en.htm?locale=en, consulté le 3/01/2016

[73] Le rapport complet sur la PEV en Moldavie en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/repulic-of-moldova-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 15/12/2015

[74] http://eubam.org/newsroom/eu-moldova-and-ukraine-strengthenborder-cooperation/

[75] SEAE, 25/03/2015, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/financing-theenp/republic_of_moldova_summary_of_the_single_ support_framework_2014-2017_en.pdf

[76] http://www.infoeuropa.md/files/declar.pdf

[77] http://www.gov.md/en/content/moldova-romania-signmemorandum-iasi-ungheni-gas-pipeline-expanding

[78] http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/repulic-of-moldova-enp-report-2015_en.pdf

[79] Le rapport complet sur la PEV en Ukraine : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/ukraine-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 20/12/2015

[80] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ukraine/l-union-europeenne-etl-ukraine/

[81] SEAE, 7/12/2015, http://eeas.europa.eu/top_stories/2015/071215_eu-ukraine-associationcouncil_en.htm

[82] http://www.osce.org/ukraine-smm

[83] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6367_en.htm

[84] F.Parmentier (2013), L’UE à l’épreuve du Partenariat oriental. Perspectives sur le Sommet de Vilnius (novembre 2013), Notre Europe

[85] L’entrée en vigueur au 1er janvier 2016 a été officialisée par la Commission européenne le 31/12/2015: http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6398_en.htm, consulté le 4/01/2016

[86] Pour une vision complète de l’Union pour la Méditerranée : http://ufmsecretariat.org/fr/

[87] Proposition de résolution disponible ici : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+P8-RC-2015-0418+0+DOC+XML+V0//FR

[88] Algérie Presse Service, 5 janvier 2016,http://www.aps.dz/economie/34372-la-coop%C3%A9ration-%C3%A9nerg%C3%A9tique-avec-l%E2%80%99alg%C3%A9rie,-une-priorit%C3%A9-de-la-strat%C3%A9gie-%C3%A9nerg%C3%A9tique-de-l%E2%80%99ue-commissaire, consulté le 5/01/2016

[89] Algérie Presse Service, 5 janvier 2016,http://www.aps.dz/algerie/34360-un-eurod%C3%A9put%C3%A9-appelle-l%E2%80%99ue-%C3%A0-soutenir-l%E2%80%99alg%C3%A9rie-eu-%C3%A9gard-%C3%A0-son-r%C3%B4le-dans-la-stabilisation-de-la-r%C3%A9gion, consulté le 5/01/2015

[90] Le rapport complet sur la PEV en Égypte en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/egypt-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 3/01/2016

[91] Pour un rapport détaillé de la visite de la HR/VP : http://eeas.europa.eu/top_stories/2015/151103_en.htm, consulté le 3/01/2016

[92] SEAE, Égypte, rapport mars 2015 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/egypt-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 3/01/2016

[93] Le rapport complet sur la PEV en Israël : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/israel-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 5/01/2016

[94] Courrier International, Israël-Palestine. Vers une troisième Intifada ? 5 octobre 2015, http://www.courrierinternational.com/article/israel-palestine-vers-une-troisieme-intifada, consulté le 5/01/2016

[95] SEAE, http://eeas.europa.eu/statements-eeas/2015/151217_02_fr.htm , consulté le 5/01/2016

[96] SEAE, http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/israel-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 5/01/2016

[97] Le Point, Netanyahu refuse qu’Israël soit « submergé » par des migrants syriens et africains, 6 septembre 2015, http://www.lepoint.fr/monde/netanyahu-refuse-qu-israel-soit-submerge-par-des-migrants-syriens-et-africains-06-09-2015-1962399_24.php, consulté le 5/01/2016

[98] Le rapport complet sur la PEV en Jordanie : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/jordan-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 6/01/2015

[99] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-4222_fr.htm, consulté le 6/01/2015

[100] Le rapport complet sur la PEV au Liban en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/lebanon-enp-report-2015_en.pdf ,consulté le 6/01/2016

[101] http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/factsheets/lebanon_syrian_crisis_en.pdf, consulté le 6/01/2016

[102] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5963_fr.htm, consulté le 6/01/2016

[103] Le rapport complet sur le Liban est disponible ici : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/lebanon-enp-report-2015_en.pdf

[104] http://eeas.europa.eu/top_stories/2015/151218_libya_political_agreement_en.htm, consulté le 6/01/2016

[105] La Croix, En Libye, la guerre du pétrole se poursuit, 4/03/2015, http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/En-Libye-la-guerre-du-petrole-se-poursuit-2015-03-04-1287327, consulté le 6/01/2016

[106] Le rapport complet sur la PEV au Maroc en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/maroc-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 5/01/2016

[107] http://eeas.europa.eu/morocco/index_fr.htm, consulté le 5/01/2016

[108] http://eeas.europa.eu/enp/pdf/financing-the-enp/morocco_2014_2017_summary_of_the_programming_document_en. pdf, consulté le 6/01/2016

[109] Le rapport complet sur la PEV en Palestine : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/palestine-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 5/01/2016

[110] Texte de la résolution disponible ici : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20141212IPR01105/ R%C3%A9solution-du-Parlement-europ%C3%A9en-sur-la-reconnaissance-de-l%E2%80%99%C3%89tat-palestinien, consulté le 5/01/2015

[111] http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/palestine-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 5/01/2015

[112] http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/05/28-syria-sanctions/, consulté le 7/01/2016

[113] http://data.unhcr.org/mediterranean/regional.php, consulté le 3/01/2016

[114] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6212_fr.htm, consulté le 3/01/2016

[115] http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/countries/syria/index_en.htm, consulté le 4/01/2016

[116] Pour plus d’informations : http://www.un.org/News/dh/infocus/Syria/FinalCommuniqueActionGroupforSyria.pdf

[117] http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2170(2014)

[118] http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2178(2014)

[119] Le rapport complet sur la PEV en Tunisie en 2014 : http://eeas.europa.eu/enp/pdf/2015/tunisie-enp-report-2015_en.pdf, consulté le 6/01/2016

[120] http://eeas.europa.eu/enp/pdf/financing-the-enp/tunisia_2014_2015_summary_of_the_programming_document_en.pdf, consulté le 6/01/2015

*Mise à jour du dossier précédent réalisé en 2014 par Audrey Lenne

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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