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La violence fondée sur le genre, une réalité pour les femmes migrantes et réfugiées. Il est temps de mettre fin à l’invisibilité du problème !

Ce mardi 5 juillet, la résolution du Parlement européen sur la lutte contre la traite des êtres humains dans les relations extérieures de l’Union a été votée. Dans son avis, la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres rappelle qu’il « s’agit d’un crime à caractère sexiste, dont les victimes sont avant tout les femmes et les jeunes filles ». L’Agence des droits fondamentaux et le Lobby européen des femmes dressent un constat tout aussi inquiétant sur le sort réservé aux femmes migrantes et réfugiées.

Les conclusions du Forum des Droits Fondamentaux ont été présentées lors de la réunion de la Commission LIBE du 11 juillet. C’est l’occasion de rappeler que la violence fondée sur le genre est une violation des droits fondamentaux de tout citoyen. Nous reviendrons sur cet évènement.Dans son rapport d’activité mensuel, l’agence pour les droits fondamentaux s’est intéressée à la violence dont les femmes migrantes et réfugiées sont victimes. Alors que celles-ci fuient la plupart du temps des violences subies dans leur pays d’origine, elles sont susceptibles d’être victimes d’abus et d’harcèlement tout le long du trajet jusqu’en Europe. Une fois arrivées dans un centre d’accueil, elles restent tout aussi vulnérables : ces infrastructures ne prennent effectivement pas compte des spécificités liées au genre et emploient du personnel qui n’est pas formé pour s’occuper des victimes.

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, défini un geste violent envers le sexe féminin comme « une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ». L’article suivant utilise de manière interchangeable les termes « violence à l’égard des femmes » et « violence fondée sur le genre » car les femmes sont les victimes principales de cette attitude qui – comme le rappelle l’European Institute for Gender Equality – est l’expression des inégalités de pouvoir entre les hommes et les femmes.

Le mariage forcé, la violence domestique, les transactions sexuelles, le viol, le harcèlement sexuel ou les agressions physiques sont autant d’exemples du type de violence que peuvent subir les femmes dans leur pays d’origine, durant leur trajet ou une fois arrivées en Europe.

Le rapport publié par l’Agence des droits fondamentaux et le rapport « From Conflict to Peace ? #Womensvoices. Recomendations on Preventing and Combating Violence Against Refugee Women and Girls on the Move » soulignent un manque d’information sur ce sujet qui contribue à l’invisibilité et la sous-estimation du phénomène. Il n’y a pas de collecte systématique ni de centralisation des informations concernant ces violences. Ce rapport publié par le Lobby européen des femmes – en collaboration avec la Commission des femmes sur les réfugiés et le European Network of Migrant Women – dénonce les politiques actuelles d’asile qui ne prennent pas en compte les différence liées au genre et ne permettent pas aux femmes et aux jeunes filles de dénoncer et d’échapper à la violence dont elles sont victimes.

 

Le rapport de l’Agence des droits fondamentaux identifie trois facteurs pour expliquer cette situation :

  • Le manque d’information sur la procédure à suivre pour dénoncer ces abus.
  • Le manque de procédures efficaces pour identifier ces abus.
  • La formation inadéquate des équipes en charge de reconnaître les violences fondées sur le genre.

L’Union européenne dispose pourtant de moyens pour endiguer ce phénomène : selon la Directive de Réception (2013/33/UE) les Etats membres doivent prendre en considération la situation spécifique des victimes de viol, de violence psychologique, physique ou sexuelle. L’article 18 en particulier requiert que les « Etats membres tiennent compte des aspects liés au genre » au sein des hébergements. Dans le même esprit, la Directive 2013/32/UE permet de faire un examen séparé de demande d’Asile pour une personne victime de violence fondée sur le genre même si la demande a été introduite en famille. Enfin, en février, le Parlement européen avait déjà adopté une résolution sur la situation des réfugiées et demandeuses d’asile demandant aux Etats Membres et à la Commission de prendre en compte les spécificités liées au genre dans les politiques d’asile et d’accueil des réfugiées et demandeuses d’asile.

Le rapport de l’Agence des droits fondamentaux pour le mois de juin évoque des cas de brutalité répétés à l’encontre des femmes. De nombreuses femmes ont fait part de leur sentiment d’insécurité même au sein de centres d’accueil. Une femme d’une ONG de Macédoine raconte : « The centre is a collective facility where women are often exposed to gender based violence. The facility is not light enough, not secure for women, there is limited access to hygiene facilities, access to medical help is very also limited. Other women have complained that they were sexually accosted by police personnel and social workers in the centre. However, these claims never went into procedure due to the fact that women were scared to report for fear of this interfering with their asylum application ». Il est regrettable qu’aucun Etat membre ne soit en mesure de procurer des données chiffrées sur les violences dont sont victimes les femmes sur leur territoire.

Des procédures commencent à se développer au sein de certains Etats membres pour mieux identifier et s’occuper des victimes de violences fondées sur le genre : elles sont malheureusement encore souvent inefficaces. De même, des mesures pour protéger les victimes se développent mais il n’existe pas encore de cadre global et cohérent pour apporter une réponse à ce problème. Des Etats Membres font état d’un accès difficile aux services d’aide juridique : en Allemagne, des avocats se sont plaints de ne pas pouvoir rentrer dans les centres d’accueil. De plus, comme il n’existe pas de service légal spécialisé pour les femmes réfugiées et migrantes, ces cas sont donc renvoyés à de associations de femmes qui travaillent avec des victimes de violences fondées sur le genre. On remarque aussi que les femmes ne dénoncent pas toujours les abus par peur d’impunité et de stigmatisation. Le fait qu’un interprète soit issu de la famille ou du même milieu culturel qu’une femme peut être un obstacle à la dénonciation de faits violents.

Du côté des autorités et associations en charge de ces personnes, les formations adéquates pour identifier et prendre en charge les victimes ne sont pas dispensées ou seulement de façon ponctuelle. Il n’existe pas d’information sur ce qu’est la violence fondée sur le genre, ni comment il faut la dénoncer et à qui s’adresser pour demander de l’aide. En Grèce, d’après le rapport de la Commission des femmes pour les réfugiés, les obstacles bureaucratiques empêchent des organisations humanitaires d’accéder aux sites pour fournir de l’assistance.

En Italie, les hotspots sont débordés par le nombre d’arrivées et il est très difficile de répartir les personnes en fonction de leur genre. La situation est particulièrement alarmante pour le sort de jeunes filles non accompagnées : la Suède et la Bulgarie sont les seuls pays a avoir des procédures spécifiques pour les jeunes mineures non accompagnées.

Le Lobby européen des femmes fait le même constat partout en Europe : « there’s a massive lack of female interpreters in the various settings, a lack of childcare and of gender segregated spaces in accomodation centres, a lack of reporting male violence (especially domestic violence) because of fear of not being believed or of non-individualised interview, case management, etc… ». Toutes ces conditions font pourtant partie du Consensus européen sur l’aide humanitaire (2008/C 25/01).

Le lobby européen des femmes dresse une série de recommandations – les 5Ps – pour l’Union européenne et ses Etats membres :

  • Partenariat : il doit y avoir une coopération entre les agences, les ONG et les autorités publiques ainsi qu’un financement adapté aux tâches que ces instances doivent effectuer.
  • Prévention : des campagnes de prévention et de sensibilisation doivent être mises en place pour mettre fin à la discrimination et la stigmatisation. Il faut garantir l’accès et informer les migrantes et réfugiées sur leurs droits.
  • Mise à disposition de service : les victimes de violence doivent pouvoir disposer gratuitement de services durables et adaptés aux besoins des femmes et ce, sans conditions.
  • Protection : il faut élaborer des codes de conduites pour les autorités chargées de s’occuper des victimes ; celles-ci ne doivent pas pouvoir être expulsables, il faut leur offrir une assistance juridique et psychologique.
  • Poursuites : il faut mettre fin à l’impunité des agresseurs, former les personnes du milieu judiciaire et policier. L’entièreté des pays membres de l’Union européenne doit ratifier et mettre en place les recommandations de la Convention d’Istanbul.

Le Forum des droits fondamentaux – dont EU Logos présentera les conclusions mardi – réaffirme la nécessité pour tous les Etats membres de ratifier et d’appliquer la Convention d’Istanbul : à ce jour, la moitié des pays membres ne l’a pas encore ratifié. De plus, ce rapport attire également notre attention sur le fait que les mesures de cette convention qui vise à prévenir et combattre la violence contre les femmes sont étayées par d’autres directives européennes telle que la Directive anti-trafic.

Les lignes directrices pour la protection internationale de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiées contiennent des recommandations sur les violences fondées sur le genre. Le Lobby européen des femmes encourage les pays membres de l’Union européenne à respecter et appliquer ces recommandations en tant que pays membres de l’ONU.

Les rapports de l’Agence des droits fondamentaux, du Lobby européen des femmes et de la Commission des femmes pour les réfugiés attirent l’attention sur les agressions subies par les femmes sur les routes migratoires alors que celles-ci fuient souvent leur pays d’origine pour ces mêmes raisons.

L’UE dispose d’outils juridiques en la matière mais doit veiller à les activer et surtout à améliorer les politiques d’asile et donner les moyens financiers et les ressources nécessaires aux associations qui sont en contact direct avec les victimes de violence. L’adoption d’une résolution pour lutter contre le trafic d’être humains est une bonne chose, il faut à présent que le Conseil suive la demande de la Commission et adopte la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. On ne peut pas considérer ces problèmes de façon distincte dès lors que la violence dans leur pays d’origine est la cause de départ de nombreuses femmes et leur réalité une fois sur la route.

Elisa Neufkens

En savoir plus :

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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