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#InitiativeCitoyenne : Kois Invest et l’investissement à impact social

Dans l’imaginaire collectif, le domaine de la finance ne peut induire un impact social positif. Il est souvent pensé que les intérêts économiques sont mis en priorité au détriment de toute autre sphère, surtout suite à la crise financière de 2008. Pourtant, depuis quelques années se développe l’impact investing, une stratégie d’investissement innovante.

De l’existence d’une compatibilité entre intérêts financiers et impacts sociétaux

Elle consiste, pour des entreprises aux modèles économiques viables, à faire des investissements qui conjuguent à la fois rendement financier et impact sociétal. Leur profit financier est le moyen de remplir une mission sociale ou environnementale : réinsertion professionnelle, santé, éducation, hébergement social, énergies propres, etc.

Kois Invest fait partie de ces entreprises novatrices et participe au développement de l’impact investing. Elle est aussi la preuve de sa rentabilité. Tout a commencé en 2009 lorsque François de Borchgrave et Charles-Antoine Janssen mettent leur expérience en investissement à profit pour fonder cette société belge. Il s’agissait de créer un outil pour promouvoir des modèles économiques solides et pérennes, mais aussi de manière plus générale, la société. Kois Invest est présente tant dans la gestion d’actifs que dans la structuration de mécanismes financiers innovants tels que les contrats à impact.

Avoir un impact sociétal par la gestion d’actifs

Concernant leur gestion d’actifs, ils investissent de deux manières : par le biais d’investissements ponctuels directs et par des fonds d’investissement.

Ainsi, Kois Invest réalise une douzaine d’investissements directs dans des sociétés actives dans le domaine de la santé, de l’emploi, de l’éducation mais aussi en matière d’énergies propres. Parmi celles-ci figure Auticon, une entreprise qui a débuté en Allemagne et qui s’étend progressivement dans toute l’Europe. Elle emploie des personnes autistes Asperger en tant que consultant informatique pour des grandes sociétés. Cela résout à la fois la problématique des personnes autistes qui n’arrivent pas à s’intégrer dans des entreprises classiques, bénéficiant ici d’un accompagnement leur permettant d’avoir un emploi, mais aussi celle des entreprises qui ont des besoins en technologies de l’information. Une autre entreprise dans laquelle Kois Invest investit est Re-Vive en Belgique, qui agit au niveau environnemental. Dans les villes du Nord de la Belgique se trouvent souvent des friches industrielles abandonnées et polluées du fait qu’historiquement en Flandre, les industries étaient au coeur des villes. Cette société rachète donc ces friches industrielles, propose à des associations locales d’occuper les lieux en attente des permis, et les transforme ensuite en quartier abordable et durable. A Gand, une ancienne usine a ainsi été reconvertie pour laisser place à une salle de sport, un bar pop-up, et un magasin d’habits de seconde-main. À terme, le site deviendra un quartier durable avec des espaces verts.

Ces exemples prouvent qu’ « une entreprise, de manière ponctuelle, peut créer un impact social ou environnemental tout en ayant un modèle économique qui est rentable ». Pierre-Louis Christiane, Associate à Kois Invest

A plus grande échelle, Kois Invest gère trois fonds d’investissement qu’elle réinvestit dans des sociétés. « Il s’agit de créer un fonds d’investissement pour avoir des échelles d’impact suffisantes ». D’une part, il y a le fonds d’immobilier belge Inclusio qui investit dans la rénovation et la construction de logements sociaux. Cela a par exemple abouti au nord-ouest de Bruxelles au premier immeuble loué à une association faisant de la réinsertion pour les sans-abri via du capital privé. Ce projet leur a d’ailleurs valu le Prix Convergence Europe 2014. D’autre part, le fonds de private equity Tara IV est investi en Inde dans des PME qui développent l’infrastructure sociale en matière de santé, éducation, agro-industrie, énergies renouvelables et technologies du développement. Il y a notamment une entreprise de soin maternel et prénatal qui développe des cliniques, ainsi qu’une autre entreprise qui crée de la robotique médicale abordable. Enfin, le fonds Cadmos investit dans des sociétés cotées sur la base des objectifs de développement durable.

Par ces manières classiques d’investir, c’est-à-dire en achetant des parts d’une société dans des entreprises qui ont un impact social et environnemental fort, Kois Invest soutient ces entreprises et participent ainsi à l’effort pour une finance qui cherche à être utile à la société. En plus de ces méthodes d’investissement à grande échelle, Kois Invest a également voulu aller au-delà de ces méthodes de restitution et développer des outils de finance innovante dès 2014.

Avoir un impact sociétal par des mécanismes de finance innovante

C’est ainsi que Kois Invest a expérimenté le premier contrat à impact social structuré en Belgique pour le compte d’Actiris. A Bruxelles, le public le plus au chômage et qui a le taux d’intégration le plus bas sur le marché est celui des jeunes immigrés. Avec l’aide de Kois Invest, l’agence bruxelloise de l’emploi a alors sélectionné l’association « Duo for a job » qui organise du coaching de jeunes immigrés chercheurs d’emplois par des seniors pré retraités ou retraités volontaires. Ces derniers les aident en partageant des expériences qu’ils ont acquises pendant toute leur carrière en plus de créer aussi un lien intergénérationnel et interculturel. Après un programme d’accompagnement personnalisé de six mois généralement, des estimations faites à l’étranger indiquent que 40 à 50% des jeunes trouvent un emploi dans l’année qui suit.

Mais comment peut-il y avoir un retour sur investissement avec un tel contrat à impact social ?

Pour se développer et remplir ses missions, toute entreprise sociale a besoin de financement en phase de lancement et de développement. C’est ici qu’intervient le mécanisme spécifique de Social Impact Bond, ou contrat à impact social. En l’occurrence, Kois Invest a structuré ce mécanisme de sorte à ce que des investisseurs sociaux pendant 3 ans ont préfinancé Duo for a job. L’association a ensuite pour mission de créer et de soutenir 310 duos pendant cette période. Parallèlement, le partenaire public Actiris rembourse les investisseurs qu’à l’issue du programme et en fonction des résultats obtenus. C’est l’Observateur bruxellois de l’Emploi, évaluateur indépendant dans le cadre de ce contrat à impact social, qui compare le taux d’insertion professionnelle des jeunes coachés avec le taux d’insertion professionnelle naturel observé par Actiris. Suite à quoi, Actiris rembourse les investisseurs en fonction du degré d’impact social généré. Ce remboursement est motivé par le fait que la réintégration à l’emploi permet de créer des économies budgétaires pour l’Etat et de récupérer des revenus fiscaux. Si le taux d’insertion obtenu est supérieur de 10% ou plus au taux d’insertion naturel, Actiris remboursera les investisseurs avec un rendement proportionnel au succès du programme. Inversement, si le taux d’insertion est inférieur ou égal au taux d’insertion naturel, les investisseurs ne récupèreront pas tout leur capital.

Les premiers résultats ont assuré que ce programme est une solution rentable ; le coût d’un remise à l’emploi à travers le mécanisme est inférieur au coût actuellement couvert par l’Etat. Ces résultats intermédiaires sont de bonne augure pour la suite du contrat à impact social qui est en passe de remplir ses objectifs en matière d’impact social mais aussi en matière de rendement pour les investisseurs.

« Cette expérience menée en Belgique démontre que la mobilisation de fonds privés à travers un contrat à impact social peut permettre de libérer le potentiel des acteurs du tiers secteur tout en apportant une valeur ajoutée pour le partenaire public. »

Depuis 2015 et sur le fondement de ce qui a été développé, Kois Invest réplique les modèles économiques pour mettre en place d’autres fonds d’investissement et d’autres impact bond, à la fois en Belgique et en Europe, mais aussi au niveau international. Ainsi, un projet se construit avec le Comité international de la Croix-Rouge autour d’un Humanitarian Impact Bond sur la réhabilitation physique des personnes en zone de conflit, principalement en Afrique. Le but est de financer des centres et de rembourser les investisseurs toujours en fonction de la performance de ces centres en terme de livraison, de prothèse, etc.. D’autres projets sont menés tels qu’un Impact Bond notamment pour la réinsertion à l’emploi des réfugiés en Jordanie et au Liban, et contre la tuberculose en Ethiopie.

Les difficultés que les Social Impact Bonds parviennent à dépasser

Il faut tout d’abord souligner que les Social Impact Bonds sont un mécanisme récent, encore peu connu et politiquement sensible.

Dans ces contrats à impact social liant trois parties, il s’agit d’aligner les intérêts des acteurs du secteur public, des acteurs privés et des porteurs de projet. Ce qui peut parfois être compliqué car il y a toujours une crainte d’ingérence du privé dans la politique publique. Cela peut néanmoins être résolu par la conscientisation qu’il ne s’agit pas d’un outil de privatisation ou  de déresponsabilisation de l’Etat, mais d’un outil à la disposition de l’Etat pour venir complémenter le financement de son action publique en matière sociale. De plus, l’accord mutuel des parties résulte de la signature du contrat et les mécanismes de gouvernance mis en place ont pour but de préserver les intérêts de chacun et de prévenir les abus. Kois Invest joue le rôle d’intermédiaire et anime les relations entre les différentes parties. Enfin, une attention spéciale est portée sur l’évaluation des résultats. Il faut pour cela choisir un indicateur d’impact facile à mesurer et où des données sont disponibles pour permettre de calibrer le contrat à impact social.

Il y a également une sensibilité éthique sur le fait de rémunérer des investisseurs sur base de problématiques sociales. Or, cet argument peut être déconstruit par le fait que la plupart des Etats occidentaux se financent aussi sur des marchés obligataires privés, où les investisseurs sont généralement moins consciencieux. Finalement, le financement provient du même endroit, sauf que dans le cas des Impact Bonds, l’acteur public externalise le risque d’opération sur les investisseurs, comparé à un financement par subsides où la dépense n’est pas conditionnée à des résultats. En effet, si l’association n’atteint pas ses objectifs, ce sont les investisseurs qui ne sont pas remboursés, bien qu’il existe certains mécanismes de garantie en fonction des incidents. L’Impact Bond promeut l’innovation car avec le transfert de créance, les Etats vont être beaucoup plus enclins à tester des interventions qui ne sont pour l’instant pas soutenues. C’est ce qui s’est produit pour Duo for a job, où deux personnes n’ayant pas bénéficié du financement d’Actiris car ils n’avaient pas de track-record avant leur intervention, ont par le biais du Social Impact Bond obtenu ce financement. Cela ne veut pas pour autant dire que les Social Impact Bonds ont l’ambition de remplacer tous les subsides. Beaucoup de secteurs sociaux nécessitent des financements non conditionnés aux résultats, comme l’aide aux personnes handicapées ou la culture.

Il faut ajouter à cela qu’à travers un investissement dans le mécanisme d’Impact Bond, les investisseurs ont l’opportunité potentielle d’avoir du capital qui est indépendant des risques des marchés boursiers. A titre d’exemple, les risques pour la réhabilitation physique dans les zones de conflit sont principalement des risques de sécurité, et de ce fait sont totalement décorrélés du marché financier, du taux dollar-euro, ou d’autres éléments auxquels les investisseurs portent généralement attention.

Les Social Impact Bonds ont donc beaucoup de potentiel mais le chemin est encore long à parcourir pour que ce mécanisme soit plus généralisé. Kois Invest dans son développement vers d’autres projets d’Impact Bond, souligne d’autres difficultés qu’il s’agit de dépasser. Par exemple, concernant la problématique des réfugiés, il serait aussi intéressant de pouvoir agir directement à l’échelle européenne.

Il reste que l’avancement en matière sociale et environnementale est notable du fait de cet investissement à impact, qui mérite d’être répandu dans l’opinion publique.

Marine Pernod

Informations supplémentaires et sources :

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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