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#LaRéplique : Élargissement de l’Union européenne, défi audacieux ou intégration ratée ?

L’élargissement désigne une adhésion de nouveaux Etats à l’Union européenne si ceux-ci remplissent certaines conditions qui seront détaillées au fil de cet article. Depuis sa création en 1957, l’Union européenne est passée de 6 à 28 États membres. La dernière adhésion remonte à 2013 avec l’entrée dans l’Union de la Croatie et d’autres pays européens sont candidats depuis plusieurs années. Mais ces nouvelles adhésions sont-elles bénéfiques pour l’Union européenne ? Quel est le bilan après plusieurs années d’élargissement ? Quels sont les nouveaux pays candidats ? Et plus délicat encore, comment rebondir après la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne en 2016 ?

2004 : l’année de l’extension vers l’est

 L’élargissement le plus spectaculaire a lieu en 2004. L’union européenne compte alors 15 pays membres et intègre 10 nouveaux États en son sein. Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Slovénie font désormais partie de l’Union européenne.

Il n’était pas aisé d’intégrer ces pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale dans un modèle économique de libre-échange. En effet, ces Etats faisaient tous partie de l’union soviétique et la chute du régime soviétique en 1989 n’a pas été que bénéfique pour ces pays. Ceux-ci ont dû repenser leur économie et faire face à une précarité grandissante dans les années 90. Ils ont dû reconfigurer leur politique et leur économie afin de pouvoir prétendre à une entrée dans l’Union. En 2004, certains d’entre eux (la Bulgarie et la Roumanie suivront en 2007 et Malte en 2013) y sont parvenus et sont officiellement devenus des pays membres avec tous les avantages liés à ce titre. Au vu de la « grandeur » de cet élargissement vers l’Est, il est pertinent de se demander si cette intégration a échoué ou si au contraire, elle a apporté des points bénéfiques pour ces les États aussi bien à l’Est que à l’Ouest de l’Europe.

Le bilan après 2004

Le bilan est contrasté par rapport à la situation après l’intégration de ces nouveaux États membres à l’Union européenne.

Au début de la crise financière en 2008, rien ne laissait présager que ces nouveaux États membres connaîtraient plus tard une augmentation spectaculaire de leur PIB. Tous les jeunes États connaissent, sauf la Pologne, une croissance économique inférieure à celle de l’Union européenne en général. Les États de l’Europe centrale sont même pointés du doigt quand la crise financière est évoquée à cause de leur économie déclinante. L’élargissement vers l’Est aurait donc pu être considéré tout d’abord comme un échec d’un point de vue économique mais la situation a nettement bien évolué après 2010. En effet, tous les pays ont connu une croissance économique très bénéfique qui a eu comme résultat l’augmentation significative du PIB. En 2011, seul un des nouveaux États membres était en dessous de la croissance moyenne de l’Union européenne.

Un détail également frappant et positif pour continuer l’élargissement de l’Union, est que les États membres intégrés en 2004 ont actuellement un PIB bien plus élevé que l’Ukraine par exemple. Il est donc clair que ces Etats ont évolué davantage que leurs voisins orientaux en termes économiques et cela contribue fortement à l’envie des autorités européennes de continuer à agrandir l’Union.

L’adhésion de ces pays donne également lieu à plus d’échanges commerciaux avec des partenaires comme l’Asie ; les États de l’Europe de l’est fonctionnant beaucoup via l’importation. L’intégration et la mise en œuvre des acquis communautaires (ensemble de lois communes à l’Union européenne) était un sujet délicat quant à l’adhésion des pays de l’est et du centre. Il apparaît finalement que seul la Pologne est classée dans les pays ayant commis le plus d’infractions par rapport à la défense des acquis communautaires. Le bilan semble donc positif mais comme précisé plus haut, reste mitigé. Actuellement, les pays de l’est font face à des politiques et des gouvernements de plus en plus conservateurs et nationalistes. Récemment, en Pologne, des séjours dans des camps spéciaux étaient proposés aux adolescents polonais afin de les former au combat.

Le nationalisme est de plus en plus revendiqué dans ce pays d’Europe qui compte la plus grande population à l’Est de l’Union européenne. La Hongrie n’est pas en reste avec sa politique très restrictive à l’égard des migrants. Le premier ministre Viktor Orban fait régulièrement sensation dans les médias pour sa politique anti-migratoire et sa critique des réfugiés. Des pays comme la Pologne ou la Hongrie estiment être contraints par la Commission européenne et donc par extension l’Union, d’adopter une politique migratoire commune et d’accepter un certain nombre de migrants, ce qu’ils ont tendance à décrier. (Voir #LaRéplique : L’initiative citoyenne européenne pour l’accueil des migrants, réelle utilité ou projet peu efficace ? )

Les pays d’Europe de l’ouest et de l’est sont donc confrontés à des idéologies différentes qu’il est difficile de rassembler en une seule commune à tous. Il est à craindre que le schisme politique et idéologique entre ces deux pôles se creuse de plus en plus avec les années.

Quels sont les nouveaux pays candidats ?

Les tensions grandissantes entre l’Est et l’Ouest et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’ont pas dissuadé l’Union européenne de s’agrandir, bien au contraire. Cinq Etats sont actuellement candidats. Il s’agit de l’Albanie, la Turquie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Serbie et le Monténégro. Comme expliqué dans le premier paragraphe, les pays candidats souhaitant devenir des Etats membres à part entière de l’Union, doivent respecter certains critères.

Un premier critère évident est l’appartenance géographique au continent européen. Les autres sont le respect des droits fondamentaux et des droits de l’Homme (valeur essentielle de l’Union européenne), une économie de marché qui fonctionne et la capacité pour chaque Etat d’incorporer les différentes législations de l’Union ce qui représente une quantité de 80.000 pages au total.

Ces conditions semblent faciles à atteindre mais il en est tout autre dans la réalité. Les pays candidats doivent négocier leur adhésion pendant des années sans réelle certitude de devenir un État membre. Le cas de la Turquie en est un exemple frappant. Le pays est officiellement candidat depuis 1999 et a posé sa demande d’adhésion en 1987. Depuis, les négociations n’en sont pas plus avancées et les troubles en Syrie conduisent nombre de chefs d’États européens à poser leur veto contre une éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union européenne.

Le statut de candidat ne confirme donc pas une entrée imminente au sein de l’Union.

Critique de l’élargissement européen

 De nombreux scientifiques et chercheurs se sont penchés sur la question de l’élargissement de l’Union européenne et du fonctionnement de l’Union en tant que telle. Certains ont émis de vives critiques et remis en question des aspects fondamentaux de l’Union européenne.

Pour ne citer qu’eux, l’essayiste Coralie Delaume et l’économiste David Cayla, ont sorti un livre en 2014 qui s’intitule « La fin de l’Union européenne ». Titre sans équivoque qui est affirmatif et non interrogatif. Ils estiment tout deux que le projet d’une Union fédératrice et qui rapproche les peuples a échoué. Ils précisent que pour que l’Union européenne fonctionne de manière globale et efficace, un nombre de règles bien précises doivent être suivies par les pays membres. Or, de nombreuses infractions sont commises quotidiennement comme par exemple au Luxembourg ou en Irlande qui transgressent les règles de la concurrence non-faussée en pratiquant le dumping social, mise en concurrence par les employeurs de travailleurs de pays développés et de pays où la main d’œuvre est moins chère. Le duo critique également l’Allemagne qui, selon eux, ne se prive pas pour mettre en avant son appartenance à l’Europe quand il s’agit de veiller à ses propres intérêts nationaux. L’intérêt national est justement au cœur du raisonnement de ce livre et les arguments avancés affirment que l’Union européenne a échoué concernant la volonté de rassembler les peuples et que certaines disparités et tensions refont surface malgré le fait que l’Union européenne existe encore actuellement.

Au vu des informations précédentes, il est certain que les deux auteurs avancent des arguments de taille qui se sont vérifiés au fil des années de l’intégration européenne. Le nationalisme n’a jamais été aussi présent en Europe depuis des décennies et beaucoup d’États mettent en avant leur souveraineté nationale. Cependant, il a également été démontré dans le deuxième paragraphe que l’Union européenne et son élargissement avait été bénéfique pour l’ascension économique des pays à part quelques exceptions (le cas de la Grèce fait toujours polémique).

L’Union européenne et ses agrandissements successifs ne manquent pas de faire parler d’eux et d’alimenter les critiques quant à son fonctionnement. Néanmoins, l’extension de l’Union européenne est toujours à l’ordre du jour et de nouveaux pays devraient rejoindre les 27 États membres actuels. Le Brexit n’a donc en rien entravé la politique d’agrandissement de l’Union européenne et les avantages sont mis en avant afin de convaincre les États membres de prendre part à cette politique.

Il reste cependant crucial de rassembler les pays de l’Est et de l’Ouest sous une même volonté commune au risque de voir le schisme est-ouest se creuser davantage.

Déborah Miller

Pour en savoir plus :

 Site de Europa. Espace actualité, l’élargissement de l’Union européenne : état des lieux.  https://europa.eu/newsroom/highlights/special-coverage/enlargement_fr

Site de Toute l’Europe. Les élargissements de l’Union européenne, de 6 à 28 états membres. https://www.touteleurope.eu/actualite/les-elargissements-de-l-union-europeenne-de-6-a-28-etats-membres.html

Site du Conseil européen et de l’Union européenne. Elargissement de l’UE. http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/enlargement/

Site de la documentation française. Les élargissements de 2004, 2007 et 2013 les nouveaux membres. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/elargissement-union-europeenne/nouveaux-membres.shtml

Site de la fondation Robert Schuman. 2004-2014 : bilan d’une décennie d’élargissements. https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0311-2004-2014-bilan-d-une-decennie-d-elargissements

Site de Strasbourg l’Européenne. Les pays candidats. http://www.strasbourg-europe.eu/les-pays-candidats,46094,fr.html

Site de Nouvelle Europe. Annamária Tóth, “L’élargissement de l’Union européenne : une fuite en avant ou une politique extérieure réussie ?”, http://www.nouvelle-europe.eu/node/1103

Le Figaro. Alexis Feertchak. « L’Union européenne tue l’Europe ». http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2017/01/28/31002-20170128ARTFIG00106-l-union-europeenne-tue-l-europe.php

Site de Le Monde. Jérémie Baruch. « La Turquie dans l’Union européenne, ça n’est pas pour bientôt », http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/07/01/la-turquie-dans-l-union-europeenne-ca-n-est-pas-pour-bientot_4962122_4355770.html

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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