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La coopération policière européenne : une nécessité dans un contexte mouvementé

 » La criminalité ne connaît pas de frontières, même pas celles de communautés ou d’unions comme par exemple l’Union européenne1  »

L’Union européenne est soumise depuis plusieurs décennies et plus particulièrement au cours de ces dernières années à de nombreuses menaces. En particulier, en matière de terrorisme et de criminalité organisée.

Dès lors, la sécurité intérieure c’est-à-dire la sécurité du territoire européen est un enjeu majeur pour les États membres. En effet, depuis l’abolition des frontières et la création de l’Espace Schengen, les marchandises, les personnes, les services et les capitaux peuvent circuler plus facilement . Mais de ce fait, la criminalité transfrontalière se voit elle aussi facilitée. Il apparaît donc nécessaire de lutter contre cette dernière et ce, à l’échelle européenne.

C’est pourquoi, la coopération policière européenne a été mise en place. Cette dernière se retrouve aux articles 33 et 87 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne2.La coopération policière vise à lutter contre le terrorisme, la drogue et les autres formes de criminalité internationale. Cette forme de coopération s’est construite en plusieurs étapes depuis les années 70.

Elle se trouve au cœur de l’actualité en raison des différentes menaces et des nouvelles formes de criminalité qui marquent l’Union européenne. En effet, le terrorisme, les nouvelles technologies et autres sont des éléments constitutifs d’un risque d’insécurité croissant au sein de l’Union qui motivent un accroissement de la coopération

Europol constitue l’un des fondements de cette dernière bien qu’il existe d’autres acteurs, comme le CEPOL ( Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs , le COSI ( Comité permanent de sécurité intérieure ) ou encore le Centre de renseignements de l’Union ( INTCEN ).

Cependant, comme toute politique, elle présente ses limites et en raison des divers changements au sein de l’Union européenne sans cesse en évolution. Le Brexit illustre parfaitement ceci.

Il s’agira ici de se concentrer sur la mise en œuvre de la coopération policière au sein de l’Union européenne et de montrer son enjeu dans un contexte de menaces ( I) tout en abordant le rôle fondamental d’Europol qui en constitue le fondement ( II ). Ceci, avant de voir les autres organes contribuant à cette coopération policière et ce qu’ils apportent pour la sécurité intérieure( III ). Et enfin, il s’agira de déterminer les enjeux et les évolutions possibles de la coopération policière européenne ( IV ).

I) La coopération policière européenne : un élément nécessaire fruit de plusieurs étapes

Tout d’abord, il convient de préciser que la coopération policière européenne est une politique européenne de l’Union européenne très peu connue des citoyens européens. En effet, un citoyen comprendra la menace et les risques mais ne saura pas quel est exactement le contenu, les modalités et le but de cette coopération visant à lutter contre ces derniers. Pour ce faire, il faut la définir et en comprendre la composition et les enjeux.

Elle désigne la coordination des différentes polices des États membres par le biais de partages d’informations, de données, de renseignements et par le biais d’organes tel qu’Europol ou encore par le biais de systèmes tel que le Système d’information Schengen ( SIS ). Ceci se fait dans le but de préserver et d’assurer la sécurité intérieure et des citoyens de l’Union européenne.

Afin de comprendre ses enjeux, il est préférable de faire une brève évolution de cette coopération des autorités de police au sein de l’Union européenne. La coopération des autorités de police a commencé dès les années 19703.À cette époque, la coopération au niveau de l’Union européenne dans le domaine policier a suscité un intérêt dans les pays européens en raison de la naissance de nouvelles formes de criminalités.

Ainsi, la création de l’espace Schengen a tout accéléré4 car la suppression des contrôles aux frontières a entraîné une libre circulation des criminels. C’est alors que les ministres de la Justice des douze États membres de l’époque se sont réunis afin de coopérer et de trouver des solutions ensemble. C’est ainsi qu’est né le et TROVI et le CELAD des comités et organisations adhoc dans le domaine de la lutte contre la criminalité. Cependant, ces derniers n’étaient à l’époque que de nature intergouvernementale et donc l’Union n’avait qu’un rôle subsidiaire quant aux États membres.

Lors du Conseil européen de 1991, le chancelier allemand de l’époque, Helmut Kohl, a évoqué l’idée de la création d’un véritable Bureau d’investigation criminelle permanent. Ainsi, est né la première structure provisoire de coopération nommée Europol mais cette dernière ne sera opérationnelle qu’en 1995 avec la mise en place de la Convention Europol5.

En outre, la coopération policière européenne a pris un nouvel élan avec le Traité de Maastricht qui en 1992, créa dans le cadre du troisième pilier, la coopération judiciaire et policière européenne de manière formelle.

Schéma représentant l’ancienne structure de l’Union européenne en piliers6

Ensuite, avec le Traité de Lisbonne, cette structure en piliers a disparu mais ces dispositions sont toujours présentes dans le Traité ( ref.introduction ).

Cette coopération des polices à l’échelle européenne vise réellement à améliorer l’efficacité des autorités policières nationales notamment dans un domaine où la criminalité dépasse les frontières. Faciliter la poursuite des criminels dans une dimension supranationale permet d’ aboutir à un territoire européen plus sûr7.

Pour ce faire, Europol constitue un outil majeur pour la coopération policière européenne.

II) Europol : pierre angulaire de la coopération policière européenne

 » Europol est la clé de voûte de l’architecture européenne globale de sécurité intérieure8. »

Europol est une organisation basée à la Haye et crée en 1995 par la Convention Europol9. Son rôle est de renforcer la coopération entre les États membres dans le domaine de la police.

Attention, ses fonctions ne peuvent être répressives c’est-à-dire que cet organe ne pourra interpeller et poursuivre des individus. En effet, il s’agira de rendre plus facile les échanges d’informations, analyser ces données et surtout de coopérer les actions des autorités de polices des différents États membres. C’est réellement une unité de coordination et de facilitation pour les autorités de polices des États membres mais à l’échelle de l’Union européenne10.

Europol est cependant devenu depuis 200911 une véritable Agence de l’Union européenne. Son rôle se voit aujourd’hui renforcé à savoir: collecter, stocker, traiter, analyser les données ; faciliter les enquêtes à dimension européenne ; coordonner les enquêtes et les appuyer.Il a même était mis en place un système d’information Europol dans le but d’appuyer et de mener à bien ses missions12.

Le but d’Europol de ‘’ « construire une Europe plus sûre au bénéfice de tous les citoyens13«  ‘’ et il représente réellement le cœur de la coopération policière européenne, sans lui, cette forme de coopération ne pourrait aboutir.

Symbole d’Europol :Agence européenne de coopération policière européenne14

Concrètement, Europol est efficace au quotidien dans cette lutte contre la criminalité organisée. Ainsi, Europol présente chaque année un rapport d’activité sur ses actions, progrès et mises en œuvre. Selon le TESAT15 ( Rapport d’activité sur le terrorisme ) en 2018, 129 tentatives d’attaques terroristes ou tentatives d’attentats ont été déjouées par les autorités de police des différents États membres. De même, 1056 individus ont été arrêtés pour suspicion de participation à des activités terroristes. Europol permet donc de mieux coordonner les autorités de polices et mettre en place une action collective afin de mieux appréhender ces différentes menaces.

Bien qu’étant un fondement de cette forme de coopération à l’échelle européenne, Europol n’est pas le seul et d’autres organes et systèmes viennent compléter son action.

III) Un ensemble d’acteurs et de systèmes pour rendre plus efficace la lutte contre la criminalité transfrontalière.

Europol ne serait pas le seul organe16 à agir et à permettre d’avancer au sein de la coopération policière européenne.

Il y a tout d’abord le Collège européen de police dit le CEPOL, créé en 2000 et basé à Budapest. Ce dernier est une sorte de centre de formation afin d’instruire les fonctionnaires de police au niveau de l’Union européenne. L’Agence européenne, depuis 2005, dispense également des formations pour les fonctionnaires à un niveau européen et participe à la diffusion de normes et d’informations afin d’augmenter l’efficacité pour lutter contre la criminalité et le maintien de la sécurité et de l’ordre public.

De même, le COSI c’est à dire le Comité permanent de coopération opérationnelle de sécurité créée par le Traité de Lisbonne va poser le cadre général, évaluer les risques et combler les lacunes, tout ceci en termes opérationnels. Ce dernier vient remplacer la Task Force des chefs de police en place antérieurement. Le but est réellement d’échanger des informations, de coopérer dans le but de lutter contre le terrorisme et plus généralement la criminalité organisée.

Enfin, la coopération policière européenne compte parmi ses organes, INTCEN, c’est-à-dire le centre de l’Union européenne pour l’analyse d’informations. Les États membres vont alors se baser sur les informations et données échangées entre les services de police pour évaluer la menace et les risques qui pèsent sur la sécurité de l’Union européenne et de ses citoyens.

En outre, il convient de préciser que le SIS soit le Système d’information Schengen est également au cœur de la coopération policière européenne. En effet, cette base de données contient une multitude de données, d’informations, de noms, de procédures et permet aux autorités de police de se fournir d’outils pour mieux coopérer et avancer dans la lutte contre la criminalité transfrontalière.

La coopération dans le domaine de la police au niveau de l’Union européenne comporte donc plusieurs organes et outils. Ceux-ci sont nécessaires dans le but d’accroître une plus grande sécurité des citoyens au sein de l’Union européenne.

IV) Les évolutions et perspectives de la coopération policière

L’actualité démontre que ce domaine de coopération évolue constamment. En effet, dans un contexte de menaces et notamment de menace terroriste, il faut constamment s’adapter pour que cette coopération soit plus efficace. Cet outil nécessaire dans le contexte actuel, connaît constamment des évolutions et des perspectives.

Par ailleurs, comme dans tous les domaines, le Brexit pose lui aussi des interrogations. En effet, ce dernier va fortement influer sur la coopération des autorités de police au sein de l’Union européenne. Ce sujet est au cœur de la préparation du Brexit, ainsi dans le cadre de la réunion des chefs d’État pour la préparation d’un Brexit sans accord, la Commission européenne a fournit des orientations stratégiques17 pour mieux s’y préparer. C’est alors que parmi ces dernières, la coopération policière et judiciaire est présente. Pour la Commission européenne, la sécurité des citoyens reste la priorité et il faudra donc trouver des mécanismes et outils alternatifs pour mener à bien ceci.

Des suites du Brexit,le Royaume-Uni ne pourra plus bénéficier d’Europol et du SIS. Concrètement, le Royaume-Uni quand le Brexit prendre effet, sera « débranché » de tous les systèmes d’informations et perdra son accès aux bases de données policières européennes selon Michel Barnier18. Malgré tout, ce dernier va tempérer son propos et assure qu’il y aura des échanges mais ceux-ci se feront sur la base d’un accord de coopération et de négociations.

Le Brexit est donc une source d’incertitude. La coopération policière évoluera donc très prochainement. Cette dernière doit notamment être renforcée car la menace est toujours présente et la sécurité des citoyens européens est fondamentale dans une Union sans cesse plus étroite et ouverte.

Brexit et Coopération policière européenne : un tournant majeur19

Agathe Cabaret

1 SCHOMBURG. W, Juge à la Cour fédérale de Berlin, dans une étude publiée en juin 2000 par « Notre Europe »(Groupement d’études et de recherches présidé par Jacques Delors), sous le titre « Protéger le citoyen contre le crime international »

2 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, publié au JOUE le 26 octobre 2012, C.326/47

3 Site officiel de l’Actualité européenne Toute l’Europe, La coopération policière, 23 mars 2018

4 DEHOUSE.F et ZGAJEWSKI.T, La Convention Europol : un tournant pour la coopération policière européenne ?, in Courrier hebdomadaire du CRISP  1997 / 32-33, n°1577-1578, pages 1 à 45

5 Acte du Conseil du 26 juillet 1995 , portant établissement de la convention portant création d’un Office européen de police ( Convention Europol ), publié au JOCE le 27.11.1995, N°C 316/1

6 https://slideplayer.fr/slide/1321167/

7 Site officiel du Sénat, Section justice et affaires intérieures, Communication sur la coopération policière et la politique d’immigration, MASSON.P, Réunion du mardi 17 octobre 2000

8Site officiel du Parlement européen, Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice, Coopération policière, Mai 2019

9 Ibid.5

10Site officiel de la législation européenne Eurlex, Rubrique Coopération Policière européenne, Europol : Office européen de police ( jusqu’au 31.12.2009 )

11Décision 2009/371/JAI du Conseil, portant création de l’Office européen de police ou Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs Europol https://www.europol.europa.eu/fr/about-europol

12 Site officiel de la législation européenne Eurlex, Rubrique Coopération Policière européenne, Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs – Europol

13 Site officiel d’Europol, Rubrique A propos d’Europol

14 Page officiel d’Europol sur Twitter : https://twitter.com/europol?lang=fi

15 European Union Terrorism situation and Trend Report 2019, TESAT, Europol

16 Ibid.3

17 Réunion hebdomadaire du 10 avril 2019, Préparation à un Brexit sans accord, Bruxelles

18 Michel Barnier, Négociateur en chef du Brexit, 16 juin 2018 lors d’une visite à Vienne in Brexit : Le Royaume-Uni perdra l’accès aux données policières de l’UE, Le Figaro

19 http://15cpp.fr/brexit-et-cooperation-internationale/

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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