Le baromètre mondial de la corruption est publié. Mais que fait l’Europe ? Un parlement européen bien discret.

Alors que s’ouvre, lundi 9 novembre à Doha (Qatar), une conférence de l’ONU contre la corruption, les récentes affaires politico-financières mettent en lumière la nécessité d’une transparence accrue. Y compris en France qui reste mal classée, Transparency publie son baromètre annuel.

La corruption est difficile à cerner mais on peut, comme le fait Transparency International, en cerner les contours à partir du ressenti des décideurs. Et, à en croire le dernier rapport de l’ONG, qui vient d’être publié  la France, classée 23e – en recul de quatre places par rapport à 2007 – sur 180 pays suivant de critères de transparence, a encore des progrès à réaliser.
Il n’empêche. L’arsenal législatif s’est considérablement renforcé au niveau international, mais aussi en France. La justice, elle, a évolué vers une plus grande pénalisation. La signature par la France des conventions civile et pénale du Conseil de l’Europe, de la convention des Nations unies contre la corruption ou encore de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers y a concouru.

Certains juristes pensent toutefois qu’une plus grande indépendance est nécessaire.  La réponse ne peut qu’être mondiale  et européenne. Reste la question de la compétitivité internationale, qui se pose avec acuité pour les sociétés françaises. Si l’on en croit le député UMP du Tarn Bernard Carayon, « la France a imposé à ses entreprises le système le plus contraignant qui soit, tandis que d’autres pays, notamment les États-Unis, s’emploient à contourner les règles communes ». Difficile, dès lors, de remporter les marchés. « En cinq ans, le BTP chinois a multiplié par cinq son chiffre d’affaires en Afrique en usant de pots-de-vin », dénonce-t-il. Un début de solution ? « Éradiquer, comme l’a décidé le G20, les paradis fiscaux où nombre d’entreprises domicilient des comptes pour pouvoir ensuite verser en toute discrétion des commissions illégales » ! La réponse ne peut  donc qu’être mondiale et ne doit-on pas en appeler à la création d’une institution jouant sans complaisance le rôle de gendarme au niveau mondial au même titre que pour les transactions commerciales et financières où un début de gouvernance mondiale existe.

Pour cela il faut cesser de considérer la corruption comme une fatalité tout en étant conscient que la corruption est considérée comme un délit que depuis une date relativement récente : au cours du XIX ème siècle en Europe occidentale. Il y a une quinzaine d’années lorsque le Conseil de l’Europe a adopté sa Convention  contre la corruption et que les Etats membres ont été invités à la signer, il a été surprenant de constater que la plupart ne définissait pas la corruption comme un délit. Il faut également prendre conscience qu’il n’y a pas réellement de corrupteur s’il n’y a pas de corrompu. Au bout du compte la corruption a un coût qu’il faut intégrer dans ses calculs de « rentabilité » et l’on est loin d’être gagnant à tous les coups. Singapour un des mieux classé dans la non corruption rémunère ses fonctionnaires aussi bien que ses chefs d’entreprises. Il se peut qu’il y ait des circonstances exceptionnelles où la corruption est inévitable, une corruption est toujours une relation de rapport de forces, mais il faut prendre garde: elle n’est qu’exceptionnellement une sauvegarde y compris de l’emploi. Penser le contraire est une vision du court terme.
Présentation de Transparency International et de son rapport annuel et son baromètre par son délégué général pour la France
Il rappelle que son organisation sera vigilante sur les résultats de la conférence de l’ONU contre la corruption qui s’ouvre lundi 9 novembre à Doha (Qatar) : 141 pays se retrouveront au Qatar. En 2003, ils ont tous signé à Merida, au Mexique, la convention de l’ONU contre la corruption. À Doha, ils essaieront de s’entendre sur la manière de suivre ces engagements.
D’ores et déjà, certains pays refusent que les rapports d’évaluation de la corruption soient rendus publics. C’est le cas de l’Égypte, de l’Iran ou de la Chine. D’autres estiment que les informations sur cette corruption ne peuvent venir que des États eux-mêmes et non pas de la société civile. D’autres, enfin, sont réticents à des visites sur le terrain pour constater la réalité du problème.
« Il y a une corrélation très nette entre les niveaux de corruption et de pauvreté. Plus un pays est pauvre, plus il y a de risques que ses élites, ses fonctionnaires et ses entreprises soient corrompus », estime Julien Coll, délégué général de Transparence International France. Cette ONG est une des 80 sections nationales qui font partie du mouvement Transparency International, créé en 1993 par un diplomate allemand, Pieter Eigen, qui avait quitté son poste à la Banque mondiale pour fonder ce mouvement dont le secrétariat international est basé à Berlin.
Chaque section, indépendante dans sa recherche de financements, est évaluée tous les trois ans par le secrétariat international pour vérifier sa bonne gouvernance. Ce contrôle entend ainsi prévenir le risque d’une récupération politique de sections actives dans des pays exposés à la corruption.
Après la publication de son rapport centré cette année sur le rôle du secteur privé dans la corruption, Transparency International , va sortir bientôt son « indice de perception de la corruption ». Chaque année, cette enquête révèle la perception qu’a le monde des affaires de la corruption du pouvoir politique et des administrations. Cet indice agrège une quinzaine de sondages d’opinions réalisés auprès d’entreprises et effectués par une douzaine d’instituts dans le monde. « Nous complétons cette étude par un baromètre mondial de la corruption. Nous le réalisons en partenariat avec l’institut de sondage Gallup auprès des citoyens eux-mêmes. Dans chaque pays, nous leur demandons d’évaluer le pourcentage de leur budget personnel consacré à payer des bakchichs, ou de désigner l’institution qui leur semble la plus corrompue », explique Julien Coll.
Du côté des corrupteurs, l’organisation réalise un « indice de corruption » dans les 22 principaux pays exportateurs. Réalisée auprès de 3 000 cadres dirigeants, l’enquête montre que le versement de pots-de-vin à l’étranger demeure une pratique extrêmement répandue, en particulier dans les entreprises des puissances émergentes comme la Russie, l’Inde et la Chine.
« De nombreuses sociétés des pays industrialisés estiment que la lutte contre la corruption introduit une distorsion dans la concurrence », souligne Julien Coll. Ces entreprises – dont les pays ont accepté que l’OCDE suive leurs efforts de lutte contre la corruption – estiment qu’elles ne luttent pas à armes égales avec des entreprises chinoises, par exemple, qui peuvent emporter la décision des contrats moyennant des dessous-de-table.
Baromètre mondial de la corruption (FR) (EN)

http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2009/11/4/rapport-corruption-2009.pdf

Rapport 2009 sur la corruption (FR) (EN)

 

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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