Régularisation des travailleurs immigrés : comptes, mécomptes de Eric Besson, ministre français de l’immigration. Comptes, mécomptes et mécontentement !

Au  matin du 25 novembre, sur France Inter, Eric Besson évaluait à  » un millier  » le nombre des salariés sans papiers susceptibles d’être régularisés grâce à une circulaire publiée le jour même… Selon ce syndicat, 5 400 salariés en situation irrégulière auraient cessé le travail pour obtenir un titre de séjour depuis le début, il y a six semaines, d’une nouvelle vague de grèves, après celle de 2008. Ce dernier chiffre ne représente qu’une goutte d’eau par rapport à celui généralement retenu : de 200 000 à 400 000 sans papiers seraient employés dans l’économie française…


Dans le même temps, le ministre table sur  régularisations de sans papiers embauchés avant le 1er juillet 2008, au titre de la nouvelle circulaire adressée  aux préfets… Ainsi, une disposition du texte devrait viser directement  » les donneurs d’ordre  » (ces entreprises en haut de la chaîne) qui s’abritent souvent derrière les sous-traitants en feignant d’ignorer l’emploi de sans papiers…Eric Besson reviendra sur ce chiffre de 1000

 » Ce que dit le Conseil d’Etat, c’est qu’on ne peut pas limiter la possibilité de régulariser les gens « , a réagi le monde associatif, se réjouissant de cette  » large fenêtre qui s’ouvre « , alors que plus de 4000 travailleurs sans papiers grévistes pour demander leur régularisation.  » Cette décision ne changera pas grand chose, puisque dans les faits la liste des 30 métiers est dépassée depuis longtemps « , tempère la CGT, qui encadre bon nombre des mouvements de sans papiers demandant leur régularisation…

A cette occasion, le ministre de l’Immigration présentait  la nouvelle circulaire indiquant aux préfets les critères à prendre en compte pour l’admission exceptionnelle au séjour des salariés étrangers, au titre du travail.

Il a rappelé d’entrée de jeu la déclaration de  Nicolas Sarkozy : Il n’y aura pas de régularisation massive», a martelé Eric Besson . Formule qu’aucun gouvernement en Europe ne soutient, formule dont l’inefficacité a été largement démontrée. Il faut trouver autre chose.

Alors que plus de 5.000 sans-papiers sont en grève depuis un mois et demi dans la région parisienne, le ministre a rappelé que les régularisations se feraient «au cas par cas», rabrouant au passage Martine Aubry qui prônait ce week-end une régularisation «large» sur critères (et non pas «massive», mot qu’elle n’a pas utilisée): «C’est irresponsable, démagogique et indigne de la part de la première secrétaire d’un parti qui se dit de gouvernement.» Et d’insister: «Ce n’est pas au moment où l’emploi se détériore qu’il faut ouvrir nos portes à l’immigration clandestine.»

Dans le même temps, le ministre table sur «500 à 1000» régularisations de sans-papiers embauchés avant le 1er juillet 2008, au titre de la nouvelle circulaire adressée  aux préfets. Ce texte, accompagné d’un guide des bonnes pratiques, précise les critères à prendre en compte pour l’admission exceptionnelle au séjour des salariés étrangers, au titre du travail. «Cette nouvelle circulaire (la première avait été censurée par le conseil d’Etat, ) laisse une marge d’appréciation aux préfets pour se conformer à la doctrine du conseil d’Etat», commente le ministre.

Parmi les critères: l’ancienneté du séjour en France (une durée au moins égale à 5 ans), l’exercice d’un emploi déclaré dans un métier sous tension (soit dans le métier, soit dans la zone géographique), l’ancienneté dans l’entreprise, égale ou supérieure à un an et la nature de la promesse d’embauche, égale ou supérieure à un an. Enfin, les critères pour apprécier l’«intégration du demandeur», sont élargis, en prenant en compte «le paiement des impôts ou le niveau de langue française».

Le ministre est ensuite revenu sur le projet de loi en préparation, brossé à grands traits quelques jours auparavant, visant à «renforcer et systématiser» les sanctions à l’encontre des entreprises employant des étrangers en situation irrégulière. Accusé d’avoir préparé ce texte de loi à la hâte en vue des régionales, Eric Besson a rétorqué qu’il s’agissait de transposer des directives européennes (notamment la directive-sanction du 18 juin 2009).

Sur le fond, il a précisé (à défaut de clarifier) certains points. Ainsi, une disposition du texte devrait viser directement «les donneurs d’ordre» (ces entreprises en haut de la chaîne) qui s’abritent souvent derrière les sous-traitants en feignant d’ignorer l’emploi de sans-papiers. «Le projet de loi prévoira que tout maître d’ouvrage informé par écrit par un agent de contrôle, par un syndicat ou une association professionnelle ou une institution représentative du personnel, de l’intervention d’un sous-traitant en situation irrégulière, sera aussi tenu responsable.»

Quant à la fermeture administrative, Besson a indiqué que cette sanction «ne sera ni automatique, ni uniforme, mais proportionnée à l’ampleur des faits constatés», et ne concernerait que des établissements et non des entreprises. Autrement dit, il n’est pas question de fermer demain des grandes la RATP ou Bouygues…comme l’invitait à le faire l’extrême gauche française (Olivier Besancenot par exemple).

Les explications du Ministre ont des mérites et comprennent aussi des limites. Le premier mérite ; et il est grand, est de rappeler qu’il s’efforce d’appliquer via le processus de transposition, la LOI européenne. Il est temps que les hommes politiques, les administrations, le monde associatif, les collectivités territoriales prennent conscience de cette réalité. La LOI européenne est adoptée avec de larges majorités  où généralement l’opposition droite/gauche  ne joue pas ou peu. A cet égard il convient de rappeler que la directive européenne sur le retour que certaines associations (au cours de la dernière session du Parlement européen nous avons entendu un député européen français reprendre ce qualificatif de »directive de la honte »)continuent  à qualifier de directive de la honte, a été adoptée au Parlement européen avec des voix et des abstentions socialistes. Directive de la honte, sans doute pas, mais directive compliquée, certes. C’est une directive pour les juges qui risque  d’embouteiller encore davantage les tribunaux administratifs, puisque les possibilités de recours existent à chaque pas. Si à l’occasion de la transposition, le gouvernement  pouvait simplifier tout en respectant la directive, il ferait écoleet enverrait le bon message.

Les limites de ses commentaires résident à l’évidence dans combien régulariser, qui régulariser ? Sa première approche est et sera un échec . Combien : 500,5000,250000 ? Agiter de chiffres est dérisoire. La seconde partie de son intervention est plus intéressante et indique la voie à suivre : régulariser sur la base de critères précis. Ce n’est pas une régularisation de masse, mais au cas par cas sur base d’un dossier individuel, régularisation fondée essentiellement sur le travail. C’est l’esprit de l’opération « one shot » (une seule fois) actuellement en cours en Belgique. Elle a commencé le 15 septembre et prendra  fin le 15 décembre. Elle est basée sur des critères très voisins de ceux énumérés par Eric Besson, essentiellement l’ancrage local, durable et le travail. Que Eric Besson le dise clairement et s’y engage résolument. Une régularisation « à la belge » adaptée pour tenir compte des spécificités françaises indique une issue raisonnable, susceptible de durer.

Qu’on se le dise, clairement : il n’y a pas de salut en dehors de l’application loyal du pacte européen pour l’immigration et l’asile adopté il y a un an par les chefs  d’Etat et de gouvernement. A l’origine se trouvait, rappelons le, un texte français, assez fortement amendé au moins dans sa formulation par la Commission européenne et son vice-président, Jacques Barrot.

 

Texte du discours de Eric Besson http://www.immigration.gouv.fr/spip.php?page=actus&id_rubrique=254&id_article=1994

Texte du dossier de Presse http://www.immigration.gouv.fr/IMG/pdf/DP-LutterContreEmploiEtrSitIrreg.pdf

Cf autre article consacré aux propositions du ministre du travail, Xavier Darcos, concernant la lutte contre le travail au noir

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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