ACTA ! Qui connait Acta ? Le traité «secret» qui inquiète le web, un « HADOPI » mondial ?

Trente-neuf pays discutent  discrètement d’un accord permettant de renforcer le droit d’auteur, une activité a-priori des plus honorable. Mais certaines  évoquent un filtrage implacable des contenus ou la fin de la confidentialité des adresses IP.L’ «Anti-Counterfeiting Trade Agreement», ou «accord commercial anti-contrefaçon», est en préparation depuis 2006. Son septième round de négociation a débuté . Ce projet, qui concerne 39 pays au total, dont les USA, le Canada et l’UE, recouvre de nombreux domaines, de la pharmacie à la musique. Avec un but : mieux protéger le droit d’auteur et les brevets.


Les fournisseurs d’accès seront-ils obligés de filtrer les contenus ? Le traité succéderait à un précédent, l’ADPIC, entré en vigueur en 1995. Il renforcerait ce dernier grâce à cette coalition de pays décidés à durcir le droit d’auteur. Ce regroupement d’Etats volontaires  serait la conséquence de blocages à répétition des négociations sur ces questions dans les instances existantes (Organisation mondiale du commerce, Organisation mondiale de la propriété industrielle). Des blocages qui auraient conduit certaines nations, incitées  par les lobbies de l’industrie des contenus, à se réunir hors de ces structures. Et parmi les priorités du traité se trouve la question du piratage sur Internet. Nous y voilà donc avec un goût prononcé du déjà vu.

C’est ce volet qui inquiète certains acteurs du Web. Selon La Quadrature du Net, (FR) http://www.laquadrature.net/fr/acta
(EN) http://www.laquadrature.net/en/acta
collectif qui milite pour la liberté sur Internet et fut à la pointe de la mobilisation anti-Hadopi, l’Acta vise tout simplement à «imposer un accord ‘volontaire’ entre les fournisseurs d’accès Internet et les titulaires de droits pour combattre de manière extra-judiciaire les atteintes au droit d’auteur par une riposte graduée et le filtrage ou une suppression automatisée des contenus.» En clair, plutôt que de demander aux Etats un arsenal législatif comme l’Hadopi pour lutter contre le piratage, cet accord obligerait les fournisseurs d’accès, sous peine d’être tenus pour responsables du piratage, à mettre en place des systèmes de filtrage des contenus pour empêcher leurs abonnés d’accéder.
Plusieurs points des négociation inquiètent : l’obligation pour les fournisseurs d’accès de révéler l’identité d’un abonné, à partir de son adresse IP, à tout organisme de défense des ayants-droits qui en ferait la demande, et ce, sans passer par la justice ; ou encore la possibilité pour des douaniers de fouiller le contenu des disques durs, lecteurs MP3 et autres supports de stockage pour y rechercher des fichiers piratés et de confisquer le support s’ils en trouvent. La Commission européenne a cependant démenti que ces documents correspondent au contenu du traité en gestation… tout en refusant de préciser ce qu’il contenait exactement. Des parlementaires européens comme américains ont demandé à la Commission et à la Maison-Blanche de respecter la transparence et de rendre publiques ces négociations.
Le journal « le point » http://www.lepoint.fr/actualites-technologie-internet/2010-01-22/face-a-face-acta-une-menace-pour-internet/1387/0/416474 qui a mené l’enquête de façon assez approfondie avant d’être repris par plusieurs autres journaux  a pu interviewer un négociateur européen du traité. Pour lui, les négociations n’ont jamais été secrètes, même si «les textes n’ont jamais été rendus publics». Toujours selon ce négociateur, les documents de travail devraient être publiés avant une éventuelle signature. Le négociateur reconnaît que l’un des objectifs de l’Acta est bien d’impliquer fournisseurs d’accès et hébergeurs  sur les contenus qui transitent par leurs serveurs. Rappelons qu’ils sont déjà impliqués par les instances européennes dans la lutte contre la pédopornographie (Cf.  Nea say ).
Dernièrement, l’association Reporters sans Frontières a exprimé son inquiétude sur ce traité, qui représente selon elle «un réel danger pour la liberté d’expression sur Internet». Pour RSF, «il est fort regrettable que des discussions pouvant avoir de fortes incidences sur une liberté fondamentale comme la liberté d’expression se tiennent à l’écart du débat démocratique». Google, le géant des moteurs de recherche a pris l’initiative de réunir les lobbies de l’industrie des contenus et les défenseurs des libertés autour d’une table, la semaine dernière à Washington. Un débat plutôt vif s’en est suivi, les représentants de l’industrie défendant la nécessité du secret, alors que les associations réclamaient plus de transparence.
Un autre round de négociation doit se tenir en avril. Si les 39 Etats finissent par s’entendre, il faudra encore que l’Europe adopte ce traité par un vote du Parlement. Nous savons ce que fut son attitude contre la loi Hadopi et il commence à être sensibilisé à cette nouvelle affaire ACTA. Il exige lui aussi plus de transparence, plusieurs de ses membres ayant plaidé en ce sens lors de l’audition de Karel De Gucht, futur commissaire au Commerce. De façon plus allusive lors de l’audition de Viviane Reding et Cecilia Malmström le dossier acta fut évoqué de façon furtive. Tous s’emploieront à garantir que l’ACTA respecte les droits des utilisateurs d’Internet, tels que sanctuarisés notamment dans les lois communautaires via le paquet télécoms. Outre le manque de transparence du processus de négociations  on redoute que l’Acta ne prévoit des mesures disproportionnées en matière de filtrage et de déconnection des internautes. Enfin dernière question : est-ce que ACTA apporte une valeur ajoutée quelconque par rapport aux directives européennes sur le commerce électronique et sur le respect des droits de la propriété intellectuelle ou la lutte contre la contrefaçon ? La lutte contre la contrefaçon est, rappelons-le, un des principaux cheval de bataille de l’UE. Le cadre juridique communautaire existant permet déjà de poursuivre une action légale contre les violations. La valeur ajoutée de ACTA ne peut se situer pour les européens qu’à la marge. Gardons son sang froid, mais dans la vigilance.
A suivre


Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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