Coup de tonnerre dans un ciel apparemment serein : la cour constitutionnelle allemande censure une loi sur la conservation de données téléphoniques et internet.

Pourquoi n’a-t-elle pas réagi lors de l’adoption de l’accord sur les données de passagers aériens (PNR) ou SWIFT (transactions bancaires) ? La nature du problème n’est pas fondamentalement différente. C’est aussi un signal en direction d’un pays comme la France qui inaugure une nouvelle procédure de saisine et où l’on peut imaginer que le Conseil constitutionnel sera saisi.(cf. autre article sur la saisine du Conseil constitutionnel sur la garde à vue). L’exemple risque de faire tache d’huile !


La cour constitutionnelle fédérale allemande a censuré, le mardi 2 mars, la loi autorisant la rétention des données téléphoniques ou internet pendant six mois dans le cadre d’enquêtes criminelles. La plus haute instance allemande a estimé qu’elle constituait une grave atteinte au droit à la protection de la vie privée. Le Parlement européen (co-législateur) a manqué de vigilance en accordant trop de poids aux intérêts industriels des opérateurs et moins aux droits fondamentaux. La commission des libertés publiques du Parlement européen (LIBE) a été  marginalisée lors des débats. Viviane Reding actuellement commissaire aux droits fondamentaux a été l’initiatrice de la directive comme commissaire aux nouvelles technologies. Sa position sera inconfortable et les négociateurs du futur accord Swift n’auront pas la liberté qu’ils espéraient, une liberté qui étaient déjà fort restreindre ( cf. autre article).

La cour constitutionnelle fédérale a jugé que la loi de 2008 violait le droit constitutionnel à la correspondance privée. Dans son arrêt, la cour de Karlsruhe a estimé aussi que la loi ne parvenait pas à garantir une juste proportion entre respect du droit à la vie privée et exigence de sécurité. Elle n’a toutefois pas considéré que le principe de la conservation des données soit illégal. Nous sommes ou cœur du débat qui a opposé partisans et adversaires de l’accord SWIFT. »Les directives contestées n’ont ni apporté un niveau suffisant de sécurité des données, ni n’ont suffisamment limité les utilisations possibles de ces données », a estimé la Cour. La loi permettait la conservation de toutes les données -excepté les contenus- relatives à des appels téléphoniques passés de fixe ou de portables et des échanges de mails pendant six mois, pour permettre leur utilisation éventuelle par la police dans le cadre d’enquêtes criminelles. Près de 35.000 Allemands avaient intenté une action en justice pour censurer cette loi transposant une directive européenne de 2006 adoptée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.

La loi avait également suscité une vive opposition de la part des organisations des droits civils. « D’importantes quantités de données concernant des citoyens allemands ne constituant aucune menace et n’étant pas suspects sont conservées », a dénoncé le commissaire allemand sur les questions de sécurité des données, Peter Schaar, un pilier du G29 qui regroupe tous les contrôleurs européens des données, sur la chaîne télévisée ARD. La cour constitutionnelle allemande n’a pas contesté la nécessité de la directive européenne mais précisé que le problème tenait davantage à son interprétation par le parlement allemand. La cour a ordonné des restrictions, demandant notamment que les données concernées ne puissent être accessibles que sur ordre d’un tribunal et seulement dans le cas d’un « danger concret et imminent ». Elle a également demandé que les informations soient stockées dans le secteur privé et ne soit pas concentrées en un seul endroit.

Les spécialistes affirment que la conservation des données téléphoniques ou internet est essentielle pour remonter la piste de crimes où l’usage d’internet est important, à l’instar de la traque contre les réseaux terroristes ou la pornographie infantile. Commentaires de juristes et arguments contraires des autorités de police vont se multiplier. Une véritable onde de choc va parcourir les milieux concernés dans l’Union européenne.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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