Le droit et l’interdiction de la Burqa : et si l’interdiction de la burqa résistait à l’épreuve du droit ?

La décision est maintenant devant nous. La manière dont le débat a été lancé et la manière dont il s’est poursuivi ont été détestables mais au bout du compte il se révèlera utile et nécessaire. A  la longue le texte du gouvernement est devenu plus raisonnable. Un consensus républicain n’est pas hors de portée, si non dans les votes (qui interviendront à l’automne, avec un débat à l’Assemblée nationale fin juin) du moins dans les comportements : par exemple le groupe socialiste a indiqué qu’il ne saisirait pas le Conseil constitutionnel ce qui ne vaut pas dire que d’autres ne le feront pas en usant des nouvelles possibilités offertes par la réforme de la Constitution. La saisine de la Cour européenne des droits de l’homme est plus probable. Mais tout cela demandera du temps et les esprits s’apaiseront.

Remarquons que le projet de loi ne parle pas de religion, ne cible personne. Ne parle ni de burqa, ni de niqab  ou de voile intégral. Il dit simplement qu’en France on ne dissimule pas son visage dans l’espace public, que vivre à visage découvert, c’est le premier geste de reconnaissance réciproque et de respect mutuel. Un processus pédagogique et de conciliation est prévu dans la loi. Les commentaires  du président de la République rapportés par la presse vont dans le même sens. « Chacun est dans son rôle », a justifié le chef de l’Etat à propos , « des diverses objections possibles sur les terrains constitutionnel et conventionnel (…) quand il s’agit de savoir dans quelle société, dans quelle République, dans quelle civilisation, avec quelles valeurs humaines nous voulons vivre, il appartient au gouvernement et au Parlement de prendre leurs responsabilités politiques et morales (…)Nous sommes une vieille nation rassemblée autour d’une certaine idée de la dignité de la personne en particulier de la dignité de la femme. Le voile intégral qui dissimule totalement le visage porte atteinte à ces valeurs, pour nous si fondamentales, si essentielles au contrat républicain (…) chacun dans cette affaire est placé devant un problème de conscience (…) La dignité ne se divise pas ( …) la citoyenneté doit se vivre à visage découvert. Dès lors il ne peut y avoir, en définitive, d’autre solution que l’interdiction dans tout l’espace public » a-t-il plaidé pour justifier son refus de cibler  l’interdiction sur les seuls services publics. Il refuse aussi de s’appuyer sur des exigences d’ordre public et de sécurité. Il s’est appuyé sur le principe de laïcité pour rassurer la communauté musulmane, car, dit-il, «  la laïcité, c’est le respect de toutes les croyances », mais c’est aussi une argumentation pour refuser une prescription vestimentaire qui n’est pas d’ordre religieux comme le reconnaissent les autorités religieuses musulmanes, la burqa restant interdite dans le pèlerinage à la Mecque, par exemple.

Le premier ministre n’a pas éludé les risque juridiques, rien n’étant décisif, mais ajoutait-il, ces risques se justifient : « le jeu en vaut la chandelle »…Mais ces risques semblent maintenant moins grands. La formule trouvée par le gouvernement offre un fondement juridique plus solide. Chaque mot a été pesé dans « l’exposé des motifs ».  Le respect de la laïcité – qui garantit la liberté d’expression religieuse – n’a pas été retenu. Celui de l’égalité entre l’homme et la femme est évoqué, mais de façon annexe. Au cœur de l’exposé des motifs se trouvent en revanche les notions d’ordre public et de dignité de la personne. « La défense de l’ordre public ne se limite pas à la préservation de la tranquillité, de la salubrité ou de la sécurité. Elle permet également de prohiber des comportements qui iraient directement à l’encontre des règles essentielles au contrat social républicain qui fonde notre société », précise le texte. Prévaut une conception non matérielle de l’ordre public. ». Cette conception  intègre le respect de certaines valeurs ». Le texte évoque en l’occurrence les « exigences fondamentales du vivre-ensemble », « l’idéal de fraternité » ou encore « l’exigence minimale de civilité ». A cette défense de l’ordre public, le texte articule en plus  le respect de la dignité de la personne. Quand bien même elle serait volontaire ou acceptée, cette forme de « réclusion » qu’est la dissimulation du visage « constitue à l’évidence une atteinte au respect de la dignité de la personne. La dignité, principe constitutionnel  français depuis 1994, est là pour protéger les citoyens contre d’éventuels abus des États et non l’inverse, cependant on peut faire remarquer que l’article 1 fondateur de la Charte européenne des droits  fondamentaux traite précisément de  la dignité de l’homme. La dignité concernée n’est pas seulement celle de la femme masquée, mais celle des « personnes qui partagent avec elle l’espace public et se voient traitées comme des personnes dont on doit se protéger par le refus de tout échange, même seulement visuel ». Encore quelques mois pour convaincre et la loi anti burqa devrait pouvoir résister aux examens pointilleux des cours souveraines, nationales ou européennes.

Plus qu’une loi d’interdiction, le combat le plus efficace contre le port de la burqa est une bonne politique d’intégration des minorités immigrées ou non et à cet égard on peut regretter que le pacte européen pour l’immigration et l’asile n’ait pas encore reçu un début de mise en œuvre : « du pacte à l’acte ! » avait demandé jacques Barrot. Deux ans après on n’est toujours pas passé à l’acte et les conclusions de la Conférence de Vichy sont jours assez largement une lettre morte.

Reconnaissons que cette affaire de la Burqa a produit un débat en profondeur  un débat de qualité sur la pacte républicain et qu’est-ce que le vouloir vivre ensemble. De ce point de vue on peut regretter qu’il n’y ait pas eu un débat européen même si la presse européenne dans son ensemble y a fait largement écho. Qu’est-ce que le vivre ensemble pour un européen ?  ou en d’autres termes quelle est l’identité européenne,

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

Laisser un commentaire