Criminalité transfrontière, entraide judiciaire : la Commission européenne rend son avis sur les propositions de certains Etats membres concernant le partage des preuves. Vers un progrès considérable dans la construction d’un espace européen de liberté, de sécurité et de justice.

Un enquêteur cherchant des éléments de preuve dans un autre pays de l’Union est confronté à un ensemble de règles hétéroclite vieux de 50 ans. Il doit compléter divers formulaires et suivre de multiples procédures pour obtenir ce qu’il cherche. Les autorités de l’autre côté de la frontière peuvent ignorer la demande, ou encore fixer leur propre délai.

La Commission européenne vient d’adopter  un avis concernant la proposition déposée par sept États membres de l’UE (Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, Estonie, Slovénie et Suède) relative à une décision d’instruction européenne ‑ un système qui facilite la recherche de preuves par les autorités judiciaires confrontées à des procédures (ou enquêtes) dans des affaires de criminalité transnationale. Cette proposition permettrait aux autorités de demander à leurs homologues d’enquêter sur une affaire, de partager et de réunir des preuves. Dans son avis la Commission reconnaît la plus‑value que constituerait le remplacement du système fragmenté actuel en matière de mesures d’enquête par un cadre juridique unique. Elle insiste également sur la nécessité de rédiger des règles claires et précises, conformes en tous points à la charte des droits fondamentaux de l’UE. Ces mesures comprendraient des normes minimales en matière de collecte de preuves de sorte qu’elles ne puissent être déclarées irrecevables par une juridiction, ainsi que des normes exigeantes en matière de protection des données pour les informations à caractère sensible.

«Afin de lutter efficacement contre la criminalité transfrontalière, les autorités nationales ont besoin, pour coopérer, de règles claires et non bureaucratiques. Un enquêteur tentant de mettre au jour un réseau criminel international ou de trouver un violeur ayant sévi dans plusieurs pays ne devrait pas perdre son temps à remplir de multiples formulaires. Parallèlement, nous devons veiller à mettre en place des garanties procédurales adaptées qui respectent les droits fondamentaux des personnes concernées par les enquêtes, en particulier les suspects qui, jusqu’à preuve du contraire, sont présumés innocents», a déclaré Viviane Reding, vice‑présidente de la Commission et commissaire chargée de la justice. «Inciter les autorités judiciaires à coopérer dans un esprit de confiance mutuelle est un exercice à la fois délicat et capital. La Commission a déjà soumis des propositions visant à améliorer les droits des suspects en Europe et à renforcer la confiance dans les différents systèmes judiciaires nationaux. Nous suivrons le débat sur la décision d’instruction européenne. Nous sommes disposés à apporter notre aide aux États membres pour que leurs propositions respectent notre charte des droits fondamentaux pendant les négociations et ultérieurement, lorsque cet instrument de l’UE entrera en vigueur».

Dans son avis la Commission a avalisé  l’analyse d’une proposition de partage des preuves – sans normes relatives à la recevabilité – déposée par sept États membres de l’UE (Autriche, Belgique, Bulgarie, Espagne, Estonie, Slovénie et Suède) le 21 mai 2010. Le Royaume-Uni a également fait part de son souhait de participer à la proposition de directive.

La Commission a pris note de l’avantage que pourrait comporter la proposition des États membres de l’UE visant à mettre en place un système unifié plus simple – pour autant qu’elle soit encadrée par des normes adéquates en matière de droits procéduraux et de droits fondamentaux. Les enquêteurs pourraient avoir à leur disposition un formulaire type pour demander directement à leurs collègues des preuves de toutes sortes, telles que des dépositions de témoins ou des demandes de perquisition. Les victimes, quant à elles, ne devraient plus relater plusieurs fois leur supplice ni se rendre dans une circonscription judiciaire grâce à la possibilité qu’elles auraient de donner leur témoignage par liaison vidéo. Les autorités pourraient seulement refuser de reconnaître ou d’exécuter les décisions dans un nombre limité de cas, pour des raisons de sécurité nationale notamment. La Commission a toutefois constaté que les autorités rechigneront à utiliser des preuves partagées telles que des données bancaires, des enregistrements téléphoniques ou des empreintes ADN sans être sûres au préalable de la manière dont elles ont été obtenues. Il convient dès lors d’encadrer de tels échanges par des normes minimales communes en matière de collecte de preuves au sein de l’UE afin que leur recevabilité soit garantie et que les droits fondamentaux et le droit à un procès équitable soient respectés. Tout échange de données devrait être conforme à la réglementation de l’UE en matière de protection des données.

Les 27 États membres de l’UE vont maintenant négocier ensemble une proposition définitive, qui devra ensuite être votée par le Parlement européen dans le cadre de la procédure législative ordinaire. La Commission décidera alors de soumettre des propositions distinctes ou non, en particulier en ce qui concerne l’obtention et la recevabilité des preuves. Toute proposition de réglementation de l’UE devra respecter la charte des droits fondamentaux de l’UE.

Va-t-on assister à un progrès comparable à celui qu’a constitué l’adoption du mandat d’arrêt européen ? Constatons aujourd’hui que le  mandat européen d’obtention de preuves, adopté en décembre 2008, permet à certains enquêteurs de se demander mutuellement de partager des preuves existantes, mais pas d’en collecter de nouvelles. Or, à ce jour, aucun mandat de ce type n’a été délivré ‑ contre 14 000 mandats d’arrêt européens en 2008 ‑ étant donné qu’il n’est en vigueur que dans un seul État membre (le Danemark). C’est cette lacune importante qu’il convient de combler comme le programme de Stockholm l’a prévu.

Les accords existants ne font que jeter les bases de l’entraide entre les autorités judiciaires, et non de la reconnaissance mutuelle de leurs décisions. En 1959, le Conseil de l’Europe a adopté la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale. Le Conseil des ministres de l’UE a cherché, dans le cadre de l’acte du 29 mai 2000 établissant la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne, à encourager la coopération spontanée entre les autorités judiciaires, policières et douanières.

L’avis de la Commission sur la proposition de directive relative à la décision d’instruction européenne http://ec.europa.eu/justice/news/intro/news_intro_en.htm

Proposition de directive elle‑même: http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/10/st09/st09288-ad01.fr10.pdf

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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