Alors que le Sénat vient d’adopter la loi dans les mêmes termes que l’Assemblé nationale le journal la Croix rapporte toutes les difficultés d’ordre pratique que la mise en œuvre de la loi va rencontrer. Si le texte est voté dans la même version qu’à l’Assemblée, le texte sera définitivement adopté. Policiers et juristes s’interrogent déjà sur son application.
«Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. » C’est sur le fondement de l’article premier de la loi que les forces de l’ordre devront, à l’avenir, verbaliser les femmes portant le voile intégral, si le Sénat entérine définitivement le texte qui lui est soumis. Juristes et forces de l’ordre redoutent déjà que ce projet de loi ne se révèle très difficile à appliquer dans les différents lieux concernés que sont la rue, les cités, les magasins, les transports et les points d’entrée en France, comme les aéroports. Le journal la Croix multiplie les exemples et les points de vue, tous unanimes, qu’ils soient magistrat ou policiers http://www.la-croix.com/La-loi-sur-le-voile-integral-sera-difficile-a-mettre-en-oeuv/article/2439158/4076
.Le Parlement français a définitivement adopté mardi 14 septembre le projet de loi sur l’interdiction du port du voile intégral dans tout l’espace public. Le Sénat a adopté par 246 voix contre une le texte tel que l’Assemblée nationale l’avait voté le 13 juillet. Une fois de plus rappelons que ce texte, présenté par la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, prévoit l’interdiction du port du voile intégral dans tout l’espace public, avec, à la clé, une amende de 150 euros en cas d’infraction accompagnée ou non d’un stage de citoyenneté en cas de refus. Ces sanctions n’entreront en vigueur que six mois après la promulgation du texte, le temps de mener une « démarche de dialogue et de persuasion auprès des femmes portant volontairement le voile intégral », précise le texte. Le Conseil constitutionnel doit encore se pencher sur ce projet de loi pour vérifier sa conformité au texte fondamental français.
Dans le journal la Croix Bernard Gorce rappelle les enjeux qui ne sont pas iniquement juridique de cette consultation, mais aussi philosophiques et sociétaux dont la portée va bien au-delà du problème posé par le port de la Burqa. Loin d’une pure formalité.
Les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale ont annoncé mardi 14 septembre avoir soumis la loi à l’examen du Conseil constitutionnel, « afin que sa conformité à la Constitution ne puisse être affectée d’aucune incertitude ». En mai, le conseil d’État avait souligné les risques d’anticonstitutionnalité du projet de loi. La majorité est passée outre. L’opposition a pour sa part refusé de voter le texte, tout en s’engageant à ne pas saisir le Conseil constitutionnel afin de ne pas porter la responsabilité d’un éventuel échec de la réforme.
Cette procédure de saisine institutionnelle, dite « blanche » par les spécialistes, est rare mais pas inédite. En 1994, la première loi de bioéthique avait été ainsi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel. Si la majorité s’est engagée dans cette voie, c’est que la question est sensible mais aussi parce que, depuis la réforme de 2008, la « question prioritaire de constitutionnalité » permet à tout citoyen de remettre en cause une loi. La majorité a donc préféré prendre les devants…
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision d’ici un mois. L’interdiction de porter « une tenue destinée à dissimuler son visage » dans l’espace public n’est pas fondée sur le principe de laïcité (qui concernait l’interdiction du voile à l’école), mais sur celui du respect des exigences fondamentales du vivre-ensemble pour reprendre une formule souvent utilisé à commencer par la ministre de la Justice. La loi pose donc la question délicate de l’équilibre entre la défense de l’ordre public et celle des libertés individuelles. Tout en émettant de sérieuses réserves sur la constitutionnalité d’une interdiction générale de la burqa, le Conseil d’État avait admis que l’ordre public ne se limite pas à la préservation de la tranquillité, de la salubrité ou de la sécurité. Il comprend aussi « une dimension souvent qualifiée de “non-matérielle” qui englobe historiquement les “bonnes mœurs”, le “bon ordre” ou la dignité ». Le Conseil constitutionnel peut être tenté de suivre le Conseil d’Etat d’autant plus que l’exposé des motifs du texte de loi affirme en ce sens que la défense de l’ordre public permet « de prohiber des comportements qui iraient directement à l’encontre de règles essentielles au contrat social républicain, qui fonde notre société ». L’universitaire Bertrand Mathieu rappelle qu’en 1993, le Conseil constitutionnel a estimé que les conditions d’une « vie familiale normale » pouvaient justifier l’interdiction de la polygamie. « Comment s’opposer à l’inceste entre adultes ou à la vente d’organes si on estime que le respect de la liberté individuelle n’a pas de limite ? » interroge le juriste.
Le Conseil constitutionnel pourrait en cas de validation assortir sa décision de réserves sur les conditions d’application de la loi.
Texte du projet de loi http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2010/5/20/projet-loi-voile-integral.pdf
Dossier législatif de l’Assemblée nationale du projet de loi http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/dissimulation_visage_espace_public.asp