France, loi sur l’immigration, le Ministre Besson a présenté son projet, projet fortement contesté par l’opposition et aussi par des membres de la majorité. Un bilan : fin de la première étape, une étape difficile dans un climat de malaise. Vote le 12 octobre. Au Sénat en octobre/novembre….

Ce projet de loi, fort de près de 90 articles sur lesquels ont été déposés 570 amendements, reprend plusieurs des mesures annoncées le 30 juillet dernier à Grenoble par Nicolas Sarkozy, lorsqu’il avait lié immigration et délinquance. Il propose notamment d’élargir la liste des motifs de déchéance de la nationalité française aux naturalisés depuis moins de dix ans ayant causé la mort d’une personne dépositaire de l’autorité publique.  Au menu : déchéance de la nationalité, droit du sol versus droit du sang, expulsions y compris des communautaires, sans papiers, transcription des trois directives communautaires, accès à l’aide médicale …

Les députés français ont étendu  la liste des motifs de déchéance de la nationalité française aux condamnés naturalisés depuis moins de dix ans ayant causé la mort d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Après un long débat, l’Assemblée nationale a adopté cette proposition faite le 30 juillet dernier par Nicolas Sarkozy dans son discours de Grenoble sur la sécurité. L’article, adopté par 75 voix contre 57 et introduit par un amendement du gouvernement, est une des mesures phares du projet de loi « immigration, intégration et nationalité » présenté par le ministre de l’Immigration, Eric Besson.

L’Assemblée avait auparavant rejeté par 74 voix contre 58 une série d’amendements proposant de supprimer l’extension des motifs de déchéance de la nationalité qui avaient été déposés par l’opposition mais aussi par l’UMP Etienne Pinte et Jean Dionis du Séjour du groupe du Nouveau Centre (NC). Plusieurs élus de la majorité ont voté avec l’opposition de gauche contre la mesure adoptée . « C’est une mesure absurde, inefficace et dont l’application sera surtout symbolique. C’est une opération purement politique, purement électoraliste. Vous légitimez l’extrême droite », a déclaré Jean-Marc Ayrault, le président du groupe PS, avant de lancer un appel à « tous les républicains » de l’Assemblée pour qu’ils rejettent cette mesure. Le reste de l’opposition a abondé dans le même sens.

« Cette mesure n’est pas digne de notre République », a dit Patrick Braouezec, apparenté communiste, tandis que le député écologiste Noël Mamère estimait que l’on atteignait « les sommets de l’obscénité politique ». L’opposition a d’ores et déjà annoncé qu’elle saisirait le Conseil constitutionnel. « C’est inconstitutionnel et inapplicable », a dit Etienne Pinte, pourtant membre de la majorité présidentielle. Eric Besson s’est félicité du vote intervenu. « Nos mesures ont pour objet de rétablir l’autorité de l’Etat », a-t-il dit en dénonçant « l’outrance » de l’opposition. « Nous ne pouvons rester passifs », a-t-il ajouté après avoir rappelé les violents incidents de l’été dernier au cours desquels des membres des forces de l’ordre ont perdu la vie. « Nous devons réaffirmer l’autorité de l’Etat face à ceux qui portent atteinte à ses intérêts essentiels, c’est-à-dire d’abord à la vie de ses agents », a-t-il dit. « Ceux qui ont commis ces actes et qui sont des Français récemment naturalisés ne peuvent plus continuer à appartenir à notre communauté nationale ».

Il y a actuellement quatre cas où la déchéance de nationalité peut être prononcée: atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou acte de terrorisme, atteinte à l’administration publique par un fonctionnaire, soustraction aux obligations du service national, actes au profit d’un Etat étranger préjudiciables aux intérêts de la France. Toutefois, la déchéance ne peut intervenir si elle a pour résultat de rendre les intéressés apatrides.

Par contre , c’est l’échec en ce qui concerne le « droit du sol » : les députés en ont longuement discuté  à l’Assemblée nationale, lors de la seconde journée de débat sur l’immigration. Mais ils n’ont pas voté un amendement selon lequel un enfant né en France de parents étrangers ne deviendrait plus automatiquement français. Cette disposition, contraire à la tradition républicaine, était proposée par le très droitiste Lionnel Luca (UMP). Le gouvernement s’y est opposé. Mais les auteurs de l’amendement ont pu longuement le défendre. Aujourd’hui, un enfant né en France de parents étrangers est français de plein droit à 18 ans. Mais il peut le devenir à partir de 13 ans si ses parents en font la demande, et à 16 ans si lui-même en manifeste la volonté. Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, Eric Besson, a rappelé aux députés que, sur les 30 000 enfants nés chaque année en France de parents étrangers, 20 000 deviennent français à l’âge de 13 ans, 7 000 entre 16 et 18 ans, 3 000 après 18 ans. Lionnel Luca proposait qu’un étranger puisse, «à partir de l’âge de 16 ans et jusqu’à l’âge de 21 ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté». La fin de l’automaticité ? A droite, Christian Vanneste (UMP) a soutenu l’amendement, déclarant qu’il faudrait «un jour ou l’autre remettre en cause le caractère sacré du droit du sol et ériger en critère absolu la volonté». A gauche, Noël Mamère (Verts) a dénoncé la volonté de «substituer au droit du sol le droit du sang». «Remettre en cause ce droit, c’est miner le processus d’intégration», a fait remarquer Elisabeth Guigou (PS). Thierry Mariani, rapporteur du texte, et Eric Besson ont clos la discussion. Le premier en soulignant que «réformer le droit de la nationalité en une demi-heure» lui semblait «un peu précipité». Le second a «suggéré» aux députés de voter contre car, leur a-t-il annoncé, «vous aurez à vous prononcer d’ici quelques mois sur le sujet». Cet été, dans son discours de Grenoble, Nicolas Sarkozy avait souhaité que les mineurs délinquants multirécidivistes ne puissent plus accéder automatiquement à la nationalité française, ce qui entraînerait de facto une modification du droit du sol. A en croire le ministre de l’Immigration, un projet de loi en ce sens pourrait donc être prochainement présenté à l’Assemblée nationale.

Le texte comporte en outre plusieurs mesures relatives aux campements illicites et qui visent à faciliter l’expulsion des ressortissants communautaires comme les Roms. Il impose, afin de faciliter les procédures d’expulsion, un délai de cinq jours aux sans-papiers avant de pouvoir saisir le juge des libertés et de la détention et porte de 32 à 45 jours la durée de rétention des étrangers en phase d’expulsion.

Le ministre de l’Immigration a déclaré que ce projet de loi visait notamment à transcrire trois directives européennes qui font suite au Pacte européen sur l’immigration et l’asile conclu le 16 octobre 2008. « Ce projet de loi a un objectif central: poser les premières pierres d’une politique européenne de l’immigration », a-t-il dit avant de dénoncer « ceux qui caricaturent » certaines mesures du texte. « Ils se méprennent gravement sur nos objectifs et sur la France. Ces mesures sont la condition de l’intégration de l’immigration légale. L’humanisme, ce n’est pas d’accueillir tout le monde sans condition. L’humanisme, c’est de pouvoir accueillir dignement ceux à qui nous donnons droit de séjour », a-t-il dit. Mais de l’Europe et des trois directives, il en fut peu question. Espérons que cela sera au menu des débats de la semaine prochaine.

Un autre amendement retenu rend plus difficile l’accès à l’aide médicale pour les étrangers sans titre de séjour afin d’éviter un « coût déraisonnable du système de santé français ». Des associations estiment que le projet de loi sur l’immigration menace la régularisation pour raisons médicales de personnes ne pouvant être soignées dans leur pays d’origine

Peut-on « accepter de renvoyer des malades mourir » dans leur pays d’origine ? C’est la question que posent diverses associations alors que s’est ouverte, mardi 28 septembre à l’Assemblée nationale, la discussion sur le projet de loi sur l’immigration. Elles estiment qu’un amendement du député UMP et rapporteur du texte, Thierry Mariani, adopté le 15 septembre en commission des lois, remet en cause la possibilité pour les étrangers atteints d’une pathologie grave et ne pouvant être soignés dans leur pays, d’obtenir un titre de séjour temporaire en France.

C’est en 1998 que la loi Chevènement a autorisé la régularisation temporaire des étrangers gravement malades, permettant un accès aux soins pour diverses pathologies : VIH/sida, diabète, cancer, hépatites… La décision d’admission au séjour est prise par le préfet après un avis délivré par un médecin de l’Agence régionale de santé (ARS) ou, à Paris, du médecin-chef de la Préfecture de police. Le praticien doit apprécier si le malade peut « effectivement bénéficier » d’un traitement approprié dans son pays.L’amendement de Thierry Mariani vise à remplacer cette notion de « non-accès effectif » au traitement par celle « d’inexistence » du traitement dans le pays d’origine. « Cela signifie qu’on ne pourrait régulariser que les personnes venant d’un pays où le traitement n’existe pas du tout, s’inquiète Adeline Toullier, de l’association Aides. C’est beaucoup trop restrictif. Dans la notion d’accès effectif aux soins, plusieurs critères sont pris en compte : la quantité et la qualité des traitements disponibles, l’état sanitaire du pays, le nombre de médecins, la continuité des soins… »

De son côté, Thierry Mariani justifie son amendement par un « revirement jurisprudentiel » du Conseil d’État. Dans un arrêt d’avril dernier, cette instance a estimé que la condition d’accès « effectif » aux soins exige que l’administration vérifie que, si le traitement existe, il soit accessible à l’ensemble de la population. Ce qui peut ne pas être le cas « eu égard notamment à son coût » ou en raison de « circonstances exceptionnelles tirées de la situation personnelle (du malade) qui l’empêcheraient d’y accéder effectivement ». Dans l’exposé des motifs de son amendement, Thierry Mariani indique que cette interprétation « très généreuse » fait peser une « obligation déraisonnable au système de santé français, ouvrant un droit au séjour potentiel à tout étranger ressortissant d’un pays ne bénéficiant pas d’un système d’assurance social comparable au nôtre ».Pour les associations, la crainte d’un « effet appel d’air » de cette régularisation médicale ne s’est jamais vérifiée. « Les opposants affirment que cela incite les étrangers à venir en France pour se faire soigner. Or fin 2008, on recensait 28 000 étrangers malades régularisés, soit 0,8 % des 3,5 millions étrangers en France »,

Le travail au noir : parmi les autres amendements retenus par la commission mais contre l’avis du gouvernement, l’un prévoit que les employeurs de « bonne foi » ne pourront pas être poursuivis pénalement pour des recrutements illégaux « du seul fait du comportement des salariés concernés ». Ce projet de loi est loin de faire l’unanimité au sein de la majorité, certain y voyant une indulgence coupable. Eric Besson et le rapporteur du texte, Thierry Mariani (UMP), pourtant auteur d’amendements durcissant le texte, ont dû intervenir pour calmer l’ardeur de certains de leurs amis politiques.

  Réactions politiques: l’opposition a accusé la  majorité de ne jamais se lasser de manipuler la question de l’immigration et de présenter des projets de loi de plus en plus radicaux sur ce sujet. « A chaque fois, une marche est franchie dans l’altération des principes républicains », a-t-il dit.  « On est passé de l’immigration choisie aux tests ADN, à la dénonciation des mariages ‘gris’ au débat sur l’identité nationale, à l’amalgame entre immigration et insécurité, à la stigmatisation et à l’expulsion ciblée d’une minorité ethnique, enfin aujourd’hui à une nouvelle classification opérée entre Français de souche et Français d’adoption. À chaque fois, une marche est franchie dans l’altération des principes républicains », souligné l’opposition, oubliant de faire remarquer que qu’un bon nombre de ces mesures a  été, en cours de route, oublié, altéré, abandonné. « Le gouvernement a choisi délibérément un registre de xénophobie, un discours sécuritaire, un discours anti-immigrés pour les élections à venir », a pour sa part accusé Roland Muzeau, porte-parole des députés PC.

Le texte ne fait pas l’unanimité dans la majorité, non plus. Le président du groupe du Nouveau Centre (NC), François Sauvadet, s’est déclaré « défavorable » à l’extension de la déchéance de nationalité. « La nationalité on l’a ou on l’a pas », a-t-il dit. Plusieurs élus de l’UMP comme Etienne Pinte ou le « villepiniste » François Goulard ont annoncé qu’ils ne voteront pas le texte en l’état, le premier affirmant que l’objectif de ce projet de loi était « de draguer l’électorat du Front national ».

Le Front national, quant à lui,  propose des alternatives radicales :  Marine Le Pen, Vice-présidente du Front national, se dit « capable de mettre fin à l’immigration par une politique dissuasive, en coupant les pompes aspirantes, en supprimant le droit du sol, en arrêtant la naturalisation de 140 000 personnes par an » (RMC). De son côté, Bruno Gollnisch, vice-président du parti, critique un texte « dans lequel il n’y a pas grand-chose ». La déchéance de nationalité s’applique pour les crimes contre les policiers, mais « vous resterez un bon Français » si « vous avez tué ou violé une femme », ou « assassiné un vieillard » (Radio classique).

Réactions du monde associatif : de vives réactions au projet de loi sur l’immigration dans le monde associatif et beaucoup dénoncent l’instrumentalisation des immigrés.  Pour l’association France Terre d’Asile, il s’agit du « cinquième texte consacré à ces questions depuis 2003. Cette frénésie législative illustre la politique du fait divers » et fournit « un exemple supplémentaire de l’instrumentalisation des questions d’immigration par le gouvernement à travers un discours récurrent depuis 2002 ». Elle ajoute que ce projet de loi lui « semble caricatural : l’étranger est forcément fraudeur, l’immigré est soupçonné de délinquance ». Pour le Conseil représentatif des Associations noires (Cran), « si la peur de la prison ne dissuade pas un criminel de tuer un policier, comment la déchéance de la nationalité le pourrait-elle ? Non, c’est en direction des électeurs d’extrême droite, de ceux qui veulent croire à l’existence de sous-citoyens, de ceux pour qui l’inégalité doit être la norme dans notre pays, que ces mesures sont agitées ». Selon le Conseil national de l’Église réformée, « chacun comprend qu’il est nécessaire d’organiser une régulation concertée des flux migratoires ou de démanteler les filières mafieuses. Mais nous ne pouvons accepter qu’il existe en France un jeu électoraliste autour de la déchéance de nationalité, une forme de ‘délit de solidarité’, une volonté délibérée d’amoindrir le rôle des juges, une vision utilitariste des étrangers ».

L’association Forum Réfugiés dénonce « l’allongement de la durée maximale de rétention à 45 jours », « l’instauration d’un véritable bannissement administratif avec l’interdiction de retour », et la création « d’entraves additionnelles à l’exercice du droit d’asile et à l’admission provisoire au séjour des demandeurs ».

Pour le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), « ce projet de loi durcit considérablement le traitement fait aux étrangers en France, y compris les étrangers malades », auxquels ne serait autorisée « la délivrance d’un titre de séjour que si le traitement est totalement inexistant dans le pays et sans savoir si la personne peut y avoir accès ».

D’autres regrettent  qu’« une fois de plus la France se distingue par sa volonté de porter atteinte aux droits des migrants : conditions de rétention inacceptables, enfermement des enfants, réduction du contrôle du juge des libertés, c’est une véritable régression qui caractérise le nouveau projet de loi sur l’immigration ».

La majorité défend le texte avec réticence parfois, le malaise est palpable, les députés souvent absents, d’où des votes difficiles. Les partisans font parfois de la surenchère. Le secrétaire général de l’UMP, Xavier Bertrand, interroge : « Est-ce que le modèle (français) d’intégration est une réussite ? Pour moi la réponse est claire : c’est non, sur de nombreux aspects ! ». Selon lui, le texte d’Éric Besson « va nous permettre d’apporter des éléments supplémentaires en termes d’intégration » (RFI).  Une série d’amendements de la commission des Lois présentés par son rapporteur, Thierry Mariani (UMP), ont été retenus comme celui, contre l’avis du gouvernement, qui instaure le principe d’un « bannissement » obligatoire du territoire pour tout étranger n’ayant pas quitté le sol français alors que cela lui aura été demandé. Parmi les autres amendements, l’un prévoit que les mariages « gris », fondés sur une tromperie volontaire de l’étranger aux dépens de son conjoint français abusé dans sa bonne foi, seront passibles d’une peine de sept ans de prison, au lieu de cinq, et d’une amende de 30.000 euros, contre 15.000 actuellement.

Conclusions provisoires en attendant une fin des débats qui peut encore réserver ses surprises.Les coups les plus durs contre le texte ont été portés par quelques orateurs de la majorité et notamment par l’UMP Etienne Pinte qui, rappelant être né belge avant d’obtenir la nationalité française, a accusé le gouvernement de « draguer l’électorat du Front national ». « La démobilisation des députés de droite manifeste le doute et le malaise dans la majorité », estime Sandrine Mazetier, porte-parole du groupe socialiste dans ce dossier, soulignant au passage qu’à plusieurs reprises, la droite était minoritaire dans l’hémicycle. C’est l’examen de l’article étendant les motifs de déchéance de la nationalité française aux condamnés naturalisés depuis moins de dix ans ayant causé la mort d’une personne dépositaire de l’autorité publique qui a provoqué les débats les plus tendus. L’article a été adopté à une courte majorité de 75 voix pour et 57 contre, plusieurs élus de la majorité mêlant leurs voix à celles de la gauche, comme l’UMP Pierre Méhaignerie, le président de la commission des Affaires sociales. Il a fallu que le groupe UMP, quelques minutes avant le scrutin, batte le rappel de ses troupes pour éviter un mauvais sort à cette mesure que plusieurs élus de l’opposition et de la majorité jugent inconstitutionnelle et inapplicable.

« Rien de ce que nous votons ne pose problème, ni au regard des conventions internationales, ni à celui de la jurisprudence du Conseil constitutionnel », a affirmé le ministre Eric Besson, jugeant « absurde, grotesque et déplacée » l’accusation de vouloir séduire l’électorat du FN.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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