Rebondissement dans la politique de suppression des visas : visite du secrétaire d’Etat belge à l’immigration dans les Balkans

Le secrétaire d’Etat à l’immigration belge « constate depuis quelques mois un afflux massif de demandes d’asile en provenance des Balkans ». La Belgique s’estime confrontée à un nouvel « afflux massif » de réfugiés en provenance des Balkans, un phénomène que le secrétaire d’Etat belge à l’immigration a tenté d’endiguer au cours de son voyage en Serbie et en Macédoine .

« On peut constater depuis quelques mois un afflux massif de demandes d’asile en provenance des Balkans. Sur la période juillet-septembre 2010, on recense 423 dossiers pour le Kosovo (736 personnes), 156 dossiers pour la Serbie (387 personnes), 129 dossiers pour la Macédoine (210 personnes), soit un total de 1 333 personnes », explique dans un communiqué le secrétaire d’Etat à l’immigration, Melchior Wathelet que rapportent la presse et les agences de presse belge.

Ce phénomène se poursuivant en octobre, « on pourrait s’approcher de 2 000 personnes sur les quatre mois », ajoute le communiqué. Au début de l’année, alors que 700 Macédoniens et Serbes, en général issus des minorités roms ou albanophones, avaient déjà introduit des demandes, le premier ministre Yves Leterme et Melchior Wathelet s’étaient rendus dans les Balkans pour expliquer que la Belgique est « un pays prospère, mais pas un Eldorado ». Après cette visite, il y a eu une « grosse chute » des demandeurs d’asile en provenance de ces pays mais la tendance s’est ensuite inversée.

Or, « si chaque dossier est examiné de manière individuelle, l’asile n’est jamais donné en Belgique pour des raisons économiques », selon M. Wathelet. Dans le journal flamand De Standaard, il dénonçait mercredi les « filières » qui font croire à ces gens qu’ils « recevront de l’argent en Belgique ». « On ne peut laisser les gens entreprendre un périple sur la base d’une mauvaise information, trajet périlleux qui à l’arrivée se traduit souvent par un refus. D’autant qu’ils ont généralement vendu leurs biens sur place pour payer le voyage au réseau », souligne encore le secrétaire d’Etat belge.Après la Serbie, M. Wathelet se rendra en Macédoine. Il envisage également une visite au Kosovo. Outre la Belgique, l’Allemagne, la Suède et la Norvège notamment sont confrontées à ce phénomène, selon M. Wathelet.

Ces faits interviennent au moment où l’Union européenne accentue sa politique de suppression de l’obligation de visas (cf. Nea say N° 94, 95) ce qui interpelle sérieusement les institutions européennes et au premier rang la Commission européenne. Inquiète, la Commission européenne  demande à la Serbie et à la Macédoine de dissuader leurs ressortissants de demander l’asile dans les pays de l’UE sous peine de se voir à nouveau imposer une obligation de visa et une nouvelle fois  de bien faire comprendre aux demandeurs de visa qu’une suppression de l’obligation de visa n’équivaut pas à un permis de séjour, de résidence, de travail, d’établissement « Cette tendance est extrêmement préoccupante et pourrait compromettre l’entier processus de libéralisation des visas pour les pays de la région », a averti Cécilia Malmström,  la commissaire en charge de la sécurité.

L’obligation de visas a été levée en décembre 2009 pour les ressortissants de la Serbie, de la Macédoine et du Monténégro souhaitant se rendre dans les 25 pays de l’espace Schengen après que l’UE ait reçu toute sorte de garanties, y compris sur le plan de l’information des populations. Des négociations sont en cours et étaient sur le point d’aboutir après la récente résolution législative du Parlement européen sur  la levée de l’obligation de visas pour les ressortissants albanais et bosniens se rendant dans l’espace Schengen. Au niveau des discussions au sein du Conseil, la France, en pleine affaire des Roms, a fait valoir des objections ou des craintes. Cette situation apporte de l’eau au moulin de la France. Elle intervient où l’UE durcit sa position vis-àvis des Etats-Unis qu’elle accuse de vouloir rétablir subrepticement et de façon déguisée les visas et au même moment où, lors de la rencontre tripartite, France, Allemagne, Russie, France et Allemagne ont affiché sue certaine unité de vue concernant la politique des visas  pour les Russes. Sans préjuger des négociations en cours au niveau européen (la politique des visas relève de la compétence de l’Union) les deux pays se sont prononcés pour leur suppression vis-à-vis de la Russieé : « Angela Merkel comme moi nous savons que la question des visas est importante pour nos amis russes » a souligné Nicolas Sarkozy. Il estime qu’il sera possible d’arriver « dans des délais les plus raisonnables possibles » à leur suppression, la France pouvant aller plus vite sur le plan bilatéral. « J’ai compris que la Russie ne souhaite pas qu’on repousse cela aux calendes grecques » elle a rappelé que l’Allemagne avait déjà introduit des allégements pour des visas de courte durée. Tout en reconnaissant que tout ne pouvait se faire immédiatement ; il a souhaité une réunion avec la Commission et espère des avancées pour le prochain sommet de décembre.

La fermeté des autorités européennes (présidence et Commission : les demandeurs d’asile serbes seront expulsés) va-t-il produire ses effets. Toujours est-il que le ministre de l’intérieur serbe, Ivica Dacic à appeler ses concitoyens serbes à ne pas se rendre dans les pays de l’Union européenne pour demander l’asile au risque d’être tous expulsés en Serbie, l’asile ne sera pas accordé. La Suède, la Belgique et l’Allemagne (plus particulièrement la Bavière d’où la présence de la Ministre d’Etat Emilia Müller au côté de Melchior Wathelet) mais aussi la Norvège. La plupart de ces demandeurs sont d’origine Rom. Le ministre Dacic a indiqué que Belgrade allait prendre des mesures et renforcer les contrôles aux frontières : » deux millions sept cent mille citoyens de Serbie ont déjà leur passeport biométrique qui leur permet de voyager dans l’espace de Schengen, il serait tragique de remettre la levée de l’obligation de visa en question », a-t-il argumenté. De son côté Melchior Wathelet a insisté sur le fait qu’une éventuelle annulation de la levée de l’obligation de visa pour les citoyens serbes n’est pas à l’ordre du jour, mais il a été très clairs dans ses propos : si les serbes tentaient d’obtenir l’asile dans l’UE, ils ne seront jamais reconnus en tant que réfugiés. A Skopje, le même discours a été tenu et avec la même mise en garde à l’égard des citoyens de l’ARYM.

Même discours du côté de la Commission : le porte-parole de Cecilia Malmström a rappelé le contenu de la lettre adressée aux autorités serbes et macédoniennes, dénoncé les « agences » de passeurs et donneurs de faux renseignements. Les pays de départ doivent remplir leurs obligations et prendre leurs responsabilités. Le même phénomène avait eu lieu en début d’année et n’est donc pas ignoré des autorités. En matière d’asile, les décisions, a-t-il rappelé, se prennent au cas par cas après vérification que les conditions sont bien remplies.

Maintenant c’est l’attente….des résultats, tangibles et durables.

Rappelons que la Belgique a fait de l’asile et de l’immigration une priorité de sa présidence comme elle l’annonçait sur son site http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/libe/dv/be_eu_asylum_migration_/be_eu_asylum_migration_fr.pdf. Le compte à rebours de la fin de sa présidence a déjà commencé. Ajoutons que la réunion ministérielle du 23-24 novembre prochain UE-Balkans occidentaux pour les questions de Justice et des Affaires intérieures sera décisive pour le problème des visas et les autres.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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