Rencontre interreligieuse pour la paix en octobre à Assise …

… « Dieu est à l’œuvre en tout homme » quelle que soit sa religion (Benoît XVI). Après les massacres de Bagdad et Alexandrie, le Vatican exprime son analyse. L’idée d’une action de l’UE prend peu à peu forme. Quatre ministres écrivent à la HR Catherine Ashton.

Benoît XVI a dénoncé,  au premier jour de l’année, les violences contre les communautés chrétiennes à travers le monde et annoncé la tenue en octobre à Assise d’une rencontre interreligieuse pour la paix dans le monde.  Face aux attentats sanglants, il met en garde contre la tentation de l’islamophobie, appelle les gouvernements à lutter contre l’intolérance religieuse, et les religions à prier ensemble pour la paix. L’union européenne ne peut être indifférente !

« Chacun doit respecter le pluralisme ». D’où cette « philosophie » en trois points, qui présidera probablement à la prochaine rencontre d’Assise : d’abord « les croyants doivent prendre conscience du contenu de leur foi » ; puis « ils doivent être conscients que la personne qui est à nos côtés, à laquelle nous devons nous confronter, est un croyant et mérite le respect, la compréhension, la liberté d’expression » ; enfin, « chacun doit respecter le pluralisme, devant être conscient que Dieu est à l’œuvre en tout homme. »

Place Saint-Pierre, le pape a précisé que cette réunion, vingt-cinq ans après celle organisée par son prédécesseur Jean Paul II dans la ville de saint François,  visait à « renouveler solennellement l’engagement des croyants de toute religion à vivre leur propre foi religieuse au service de la cause de la paix ». De nombreux dirigeants religieux venus du monde entier, protestants comme l’archevêque de Cantorbéry, bouddhistes comme le dalaï-lama, juifs et musulmans avaient participé à la rencontre d’Assise le 27 octobre 1986 et prié pour la paix. Le futur pape, alors cardinal Ratzinger, avait  exprimé ses réserves, méfiant à l’égard de tout « relativisme ».

A l’occasion de ce 1er janvier, proclamé par l’Eglise catholique Journée mondiale de la paix, le pape a dénoncé l’attentat à la voiture piégée qui a fait au moins 17 morts et des dizaines de blessés vendredi soir devant une église copte d’Alexandrie, dans le nord de l’Egypte. « L’humanité (…) ne peut se résigner aux forces négatives de l’égoïsme et de la violence, elle ne doit pas s’habituer aux conflits qui font des victimes et mettent en danger l’avenir des peuples », a déclaré le souverain pontife dans son homélie du Nouvel An, devant 10.000 fidèles rassemblés place Saint-Pierre.

« Face aux menaces et aux tensions du moment, face en particulier aux discriminations, aux abus et à l’intolérance religieuse, qui frappent aujourd’hui de manière particulière les chrétiens, je vous invite une nouvelle fois à ne pas céder au découragement et à la résignation », a ajouté Benoît XVI.

Le Haut-Commissariat de l’Onu pour les réfugiés a indiqué la semaine dernière qu’un millier de familles chrétiennes, soit environ 6.000 personnes, avaient gagné le Kurdistan irakien en provenance de Bagdad, Mossoul et d’autres régions.

Devant le drame du massacre d’Alexandrie, le pape  s’est déclaré « Profondément bouleversé », dénonçant une violence « voulue et calculée ». Puis lors de l’Angélus du 2 janvier, il a dénoncé ce « geste lâche » et « encouragé les communautés ecclésiales à persévérer dans la foi et dans le témoignage de non-violence qui vient de l’Évangile ». Là est le point crucial pour le pape.

Le journal la Croix du 3 janvier rappelle le cheminement du pape depuis la précédente rencontre d’Assise mais aussi et surtout depuis son fameux discours de Ratisbonne : un long cheminement où il a  multiplié les signes de dialogue envers l’islam. Ayant pris conscience, dit-il dans son dernier livre (1), des « événements effroyables » qui ont suivi son discours de Ratisbonne le 12 septembre 2006, il a reçu au Vatican, le 6 novembre 2007, le roi d’Arabie saoudite. « Nous avons eu une très bonne discussion, confie le pape. Il veut prendre position avec les chrétiens contre le détournement terroriste de l’islam. »

Lorsqu’il reçoit, le 2 mai 2008, une délégation de musulmans chiites iraniens, les deux parties affirment que « la foi et la raison sont par elles-mêmes sans violence et ne devraient jamais être utilisées en ce sens ».

Lorsque la perspective du synode pour le Moyen-Orient est endeuillée par l’assassinat de Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique d’Anatolie (Turquie), Benoît XVI récuse, y compris face à certaines voix de la Curie romaine, toute interprétation religieuse ou politique de ce drame.

Lorsqu’il appelle à nouveau à la paix et à la liberté religieuse, le matin de Noël depuis la basilique Saint-Pierre, le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, est à ses côtés, lui qui, deux jours plus tôt, a longuement détaillé dans L’Osservatore Romano la ligne pontificale.

Certes, le cardinal note que des lieux de culte sont visés alors que des croyants y sont rassemblés pour la prière, mais « nous sommes convaincus que ces actions extrémistes ne sont pas significatives du monde musulman ».

Certes, « les chrétiens sont encore considérés comme des citoyens de seconde zone », mais « nous appartenons tous à la même humanité. Nous devons nous parler, dialoguer, confronter nos principes, sans céder à aucun syncrétisme. »

« Chacun doit respecter le pluralisme »

C‘est ce même souci de modération et d’apaisement qui a conduit le Vatican à minimiser les déclarations  les critiques du grand imam d’Al-Azhar qui ne seraient qu’un malentendu. Il n’y a pas d’ingérence dans les affaires égyptiennes.

Le grand iman avait critiqué, dimanche 2 janvier, l’appel du pape Benoît XVI aux dirigeants du monde à protéger les chrétiens après l’attentat d’Alexandrie, estimant qu’il s’agissait d’une ‘ingérence inacceptable’ dans les affaires égyptiennes. ‘Le pape (…) a parlé naturellement de la solidarité avec la communauté copte frappée si durement, mais ensuite il a aussi manifesté de l’inquiétude et de l’intérêt pour les conséquences des violences sur toute la population, tant chrétienne que musulmane’, a déclaré le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, cité par l’agence italienne Ansa.

‘Par conséquent, on ne voit pas comment cette démarche du pape, désireux d’inspirer à tous la non-violence, peut être considérée comme une ingérence’, a-t-il affirmé. ‘Je crois qu’il y a des malentendus dans la communication, mais je ne crois pas qu’il faille insister sur ces déclarations de l’imam’, a-t-il ajouté. ‘Nous avons fait référence à une attaque contre une église chrétienne et donc nous nous sommes inquiétés pour les minorités chrétiennes subissant des violences mais cela ne veut pas dire que nous voulons justifier ou minimiser la violence contre les fidèles d’autres religions’, a-t-il expliqué. Le pape avait déclaré samedi à Rome que ‘face aux discriminations, aux abus et aux intolérances religieuses, qui frappent aujourd’hui en particulier les chrétiens (…) les paroles ne suffisent pas, il faut l’engagement concret et constant des responsables des nations’. Réagissant à ces propos, Ahmed al-Tayyeb, l’imam d’Al-Azhar, responsable de la grande institution de l’islam sunnite basée au Caire, avait dit : ‘Je ne suis pas d’accord avec le point de vue du pape, et je demande pourquoi le pape n’a pas appelé à la protection des musulmans quand ils se faisaient tuer en Irak ?’

Et l’Europe ? La ministre des affaires étrangères française en première ligne. Quelques jours après l’attentat meurtrier d’Alexandrie, l’idée d’une action de l’UE prend peu à peu forme. C’est le souhait de certains Etats membres (France, Italie), du Parlement européen (Mario Mauro du PPE et Gianni Pitella du S&D)et la Commission n’y est pas insensible.

La ministre française des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie a demandé à Catherine Ashton l’inscription du sujet à l’ordre du jour du prochain Conseil affaires étrangères le 31 janvier, une lettre cosignée par son collègue italien, Franco Frattini qui le premier a soulevé le problème. Pour elle,  « il est urgent d’agir » en faveur des chrétiens d’Orient  « L’antichristianisme est aussi intolérable que l’antisémitisme et l’anti-islamisme », estime la ministre française des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie, qui appelle dans « Le Figaro Magazine » de samedi à « aller au-delà de l’émotion et des actions ponctuelles pour définir une vraie stratégie et des réponses globales » en faveur des chrétiens d’Orient. Les chrétiens qui se sentent menacés en Irak et en Egypte « doivent pouvoir bénéficier du droit d’asile, évidemment, mais cette réponse, de notre part, ne peut être que ponctuelle », souligne-t-elle, notant que les responsables religieux et les gouvernements de la région « ne souhaitent pas le départ des chrétiens d’Orient ». Observant que plusieurs pays européens agissent aujourd’hui « de façon disparate », Michèle Alliot-Marie prône ainsi une « meilleure coordination » qui rendrait les actions « plus efficaces » et dévoile son plan en faveur des chrétiens d’Orient.

La ministre annonce son intention de lancer la semaine prochaine, à l’occasion du Forum pour l’Avenir qui se tiendra à Doha (Qatar), un « appel à la tolérance et au respect mutuel entre les trois religions monothéistes ». Ce forum regroupe les pays du G-8 et ceux du grand Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Michèle Alliot-Marie ajoute qu’elle va entamer une tournée « dans le Maghreb, au Moyen-Orient et dans le Golfe », où elle entend également « porter cette idée de tolérance et de respect » de la liberté religieuse. Jugeant important que l’Union européenne s’exprime « fortement et concrètement en la matière ». Si l’ONU a un « rôle à jouer », « je crois que l’Europe est un bon vecteur pour ce qui est des mesures concrètes », avance-t-elle. S’agissant, par exemple, de la zone kurde du nord de l’Irak, où « un grand nombre de chrétiens » sont « réfugiés », l’UE ne pourrait-elle pas aider les autorités locales à « faire face à cet afflux, de façon à ce que les réfugiés soient accueillis le mieux possible? », s’interroge la ministre. Michèle Alliot-Marie a indiqué de premières pistes : accueillir et offrir à ceux qui se sentent menacés le droit d’asile, mais aussi agir à 27 pour que ces personnes puissent rentrer chez eux, car pour la ministre française, une telle possibilité de retour constituerait le meilleur moyen de désavouer les auteurs de ces crimes.

Le président de la Commission , José Manuel Barroso, a profité de sa conférence de Presse de rentrée pour recommander à son tour non seulement une condamnation ferme mais aussi des actions précises afin d’éviter l’escalade de la violence contre les chrétiens dont Nea Say s’est fait l’écho à plusieurs reprises. Au cours de ses derniers jours le sujet a fait l’objet de plusieurs échanges de vue et discussion dans las services et au sein des commissaires à l’initiative notamment du commissaire  Antonio Tajani qui a souhaité que la discussion soit élargie à la protection des minorités religieuses dans le monde. La chose n’est pas facile car il ne s’agit plus de seulement condamner.

Une action de l’UE sur les minorités religieuses et en particulier chrétiennes serait inédite et constituerait un précédent important. Depuis plusieurs années la Commission a organisé des rencontres régulières avec les responsables des différentes religions et communautés de conviction (agnostiques, francs-maçons, différents courants de la libre pensée etc)  Récemment une telle rencontre a eu lieu sous l’égide de la Commission et de son président, Nea say en a rendu compte. Dans de tels moments une telle réunion s’impose et serait plus efficace que ces rencontres un peu rituelles sur un ton convenu que les médias et la presse passent  totalement sous silence, malgré son intérêt évident. C’est un besoin d’action concrète qui s’impose, les  déclarations du Conseil un peu anciennes (16 novembre 2009 http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/gena/111308.pdf ) ou plus récentes (Conseil affaires étrangères du 13 décembre dernier http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/FR/foraff/118506.pdf)  sont manifestement insuffisantes. C’est un peu « court » de demander au Service européen d’action extérieure (SEAE) de demander de faire un rapport annuel et de l’inclure dans le rapport annuel sur les droits de l’homme .

« L’union européenne ne peut être indifférente » tel est l’appel  lancé dans le journal La Croix par Mgr Filon, « numéro trois » du Saint Siège, chargé de mettre en œuvre les décisions du pape. Il fut nonce apostolique à Bagdad de 2001 à 2006 et le seul ambassadeur à être demeuré sur place pendant toute la durée de la guerre. http://www.la-croix.com/L-Union-europeenne-ne-peut-etre-indifferente/article/2451272/55352 . Les moyens dont disposent le Vatican sont limités : le  Saint-Siège ne dispose ni de moyens armés ni de pressions économiques pour s’opposer aux violences du fondamentalisme religieux. Ses moyens sont de nature spirituelle (l’appel à Dieu comme principe de paix), morale (la conscience appelée à concourir au bien et au respect des droits de l’homme, source de cohabitation pacifique entre les peuples et les expressions religieuses), culturelle (une authentique anthropologie exige le respect de soi et des autres, pour tout être humain, même s’il est différent) et sociale (le « vivre-ensemble » respectueux). Il réfute le lien parfois établi avec le récent Synode pour le Moyen-Orient : il  n’a pas élaboré de programmes de conquête, il a surtout permis au monde entier de comprendre combien le Moyen-Orient est riche de biens spirituels, historiques et humains, qui appartiennent à tous. À certains égards, ce synode a servi plus aux autres qu’aux Églises orientales. Il a mis en évidence combien la cohabitation sereine entre chrétiens et musulmans est importante pour tous.

Quant au  fondamentalisme, il  vient de loin. « Il naît d’une vision théologique erronée et d’une analyse socioanthropologique négative envers l’Occident, soulignant sa décadence morale, la pollution produite par cette décadence dans le monde entier, y compris chez les musulmans, dont les symptômes sont : l’éloignement de Dieu dans la vie, le manque de respect des principes religieux, et la privatisation du fait religieux. Il s’agit de leur part d’un jugement sans nuance sur la décadence de l’Occident, souvent confondu avec « le monde chrétien ».

Les attentats contre les chrétiens au Moyen-Orient, mais aussi entre les musulmans eux-mêmes, focalisent l’attention de la communauté internationale, non seulement sur la situation difficile des chrétiens, mais aussi sur l’ensemble des problèmes de la région. « L’Union européenne, voisine de cette zone, ne peut lui être indifférente. Les problèmes ne sont pas séparés : la cohabitation pacifique entre Israël et les Palestiniens, entre chrétiens et musulmans, entre chiites et sunnites, sans oublier les autres communautés minoritaires, nous concerne. Mais elle doit partir d’une autre vision anthropologique, qui établit pour tous le respect de la dignité humaine, permettant à l’ensemble du système de tourner. »

Cette argumentation a du porter ses fruits puisque quatre ministres des affaires étrangères de l’UE viennent d’écrire à Catherina Ashton ; La  Farnesina a annoncé le 7 décembre que le ministre des affaires étrangères italien, Franco Frattini, ses homologues français, Michèle Alliot-Marie, polonais Radoslaw Sikorski, et hongrois, Janos Martonyi,  ont envoyé à Catherine Ashton une lettre pour demander que la question de la persécution dont sont victimes les chrétiens dans le monde soit vmise à l’ordre du jour de la réunion du Conseil du 31 janvier. Ils veulent que les Etats membres de l’UE adoptent des mesures concrètes pour promouvoir le respect de la liberté de religion et de son expression. A l’occasion du Noël copte, le président Nicolas Sarkozy a dénoncé « un plan pervers dépuration religieuse » au Moyen Orient.

(1) Lumière du monde, Bayard, 21 €.

Adeline Silva Pereira

Après avoir effectué la deuxième année du master Sécurité Globale analyste politique trilingue à l'Université de Bordeaux, j'effectue un stage au sein d'EU Logos afin de pouvoir mettre en pratique mes compétences d'analyste concernant l'actualité européenne sur la défense, la sécurité et plus largement la coopération judiciaire et policière.

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